L’histoire per litteras

Littérature de presse et feuilletons : sources historiques pour l’Histoire de Bourbon [1819-1848] / La Réunion (1917)[1]

FABIENNE JEAN-BAPTISTE
Collège Maison Blanche au Guillaume

 

Résumé : L’article présente une source interdisciplinaire : la littérature de presse imprimée dans la colonie Bourbon/ La Réunion. La presse bourbonnaise naissante du XIXe siècle ainsi que les journaux réunionnais de 1917 publient plusieurs poèmes. Ces compositions imprimées dans les colonnes des périodiques ou dans la rubrique   « feuilleton » sont autant de sources renseignant sur les mentalités et les opinions des élites créoles qui vivent alors de grands bouleversements : la marche vers l’abolition de l’esclavage dans les années 1840 et l’expérience de la Grande Guerre en tant qu’arrière insulaire en 1917. Comment cette source -littérature de presse- contourne la censure et brise les idées reçues ? Comment cette source littéraire et cet angle de vue colonial renouvellent l’histoire des grandes dates 1848 et 1917 ?

mots clés : littérature de presse. Bourbon/La Réunion. Poésie. Feuilletons. Journaux. Presse. Colonies Abolition de l’esclavage de 1848. Première Guerre mondiale. Année 1917. Arrière et arrière colonial. Océan Indien.

 

Table des matières
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    Antoine Prost affirme :« […] l’histoire se renouvelle sans cesse. Peut-elle, du moins, aboutir à des vérités partielles et provisoires, relatives à des interrogations et à des sources précises ?[2] ». L’historien considère alors les inventaires après décès comme une source « d’une rare éloquence[3] ». Or, dans le cadre du colloque « Histoire Extra-muros : des frontières qui s’élargissent », nous présentons la « source littérature de presse » ou la « source feuilletons[4] ». Est-elle une source capable de « renouveler l’histoire », d’apporter d’autres « vérités » et même des « vérités plurielles » ? 

    Les journaux du XIXe siècle et jusqu’au XXe siècle forment une presse d’opinion plus qu’une presse d’informations. Certaines gazettes proposent dans leurs colonnes des poèmes, et ce, avant même l’arrivée de la rubrique feuilleton[5]. Emile de Girardin, rédacteur en chef du journal La Presse crée cette rubrique littéraire en 1836, une rubrique qui remporte d’emblée un grand succès. En effet, cette rubrique littéraire, qui accueille le roman-feuilleton, permet d’augmenter le nombre d’abonnés, élargissant le lectorat au public ouvrier[6]. Ce feuilleton est ainsi reproduit dans les presses provinciales, coloniales et anglaises. Le feuilleton est introduit dans les journaux de la colonie française Bourbon en 1842, année de l’arrivée sur l’île du feuilletoniste Edouard Vidal [né en 1816], lequel a collaboré aux rédactions bordelaises avant d’être journaliste pour La Presse d’Emile de Girardin[7]. La rubrique trouve sa place dans une presse d’opinion largement littéraire et sévèrement censurée. 

         Nous avons étudié ces sources littéraires de presse et ces sources feuilletons dans le cadre de notre thèse : Feuilletons et Histoire. Idées et opinions des élites de Bourbon et de Maurice dans la presse de 1817 à 1848[8]. Le premier poème que nous trouvons est un ensemble de poésies autour du gouverneur Milius paru dans la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon de novembre 1819[9]. Cette Feuille Hebdomadaire, soumise à la censure, est une feuille officielle. Si ces poésies sont des éloges au gouverneur, un commentaire critique démontre que ces odes ne reflètent pas la suspicion et le désamour des colons envers ce gouverneur Milius, pourtant actif et efficace. Les derniers poèmes que nous trouvons témoignent de l’abolition de l’esclavage à Bourbon : « l’Ordre dans la Liberté » signé X et publié en septembre 1848 dans la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon et « LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE. A mes compatriotes », composition d’Eugène Dayot parue en juin 1848 dans Le Courrier de Saint-Paul[10]. Dans quelle mesure les poèmes et feuilletons sont des tribunes de toutes les opinions et des opinions « minoritaires » ? Avec quelles subtilités et habiletés ces sources littéraires contournent la censure et permettent l’expression d’opinions non conventionnelles ? Plus largement, dans quelle mesure cette source littéraire de presse, assez « imprécise », permet de « renouveler l’histoire » des grandes périodes, de donner des vérités « plurielles » voire de « briser les idées reçues[11] » ? 

    Comme nous invite le colloque « Histoire Extra-muros », nous nous proposons d’écrire une « Histoire per litteras ». Nous réfléchissons sur la source « Littérature de presse », ses apports et ses limites de façon à esquisser une méthode pour les étudier. Nous appliquons cette méthode au commentaire des sources poétiques et littéraires des journaux de Bourbon de 1819 à 1848. Enfin, nous l’expérimentons aussi dans une étude inédite de l’année 1917 à La Réunion à travers les poèmes et les feuilletons. 

    La source littérature : Réflexions épistémologiques et méthodologiques 

    Petite épistémologie francophone 

    Le feuilleton est d’abord l’objet d’études des littéraires. Marie-Eve Thérenthy et Lise Quéflec expliquent la naissance du roman-feuilleton et la déconsidération qui entoure cette littérature destinée aux ouvriers[12]. Puis, dans les années 2000, le feuilleton est repris comme sujet dans des mémoires. Joëlle Prévot-Bombled, auteure d’une thèse de lettres Feuilletons, Romans-Feuilletons et pouvoirs dans la Monarchie de Juillet prend le feuilleton à sa naissance en étudiant deux journaux, Le Siècle et La Presse. Elle y présente les premiers feuilletonistes : des auteurs amateurs aux grands romanciers qui sont rémunérés à la page. Par « pouvoirs », elle entend évoquer les relations entre feuilletonistes ou les querelles entre rédacteurs et chefs des journaux[13]. Dans sa thèse, elle résume quelques feuilletons qui lui permettent d’évoquer ces rapports de force. Nous retenons aussi le master d’histoire de Julie Salaün, soutenu à l’Université Lyon 2 en 2011. Son travail consultable sur Internet s’intitule : « Les Romans-feuilletons dans la presse lyonnaise [1870-1914] ». Elle a l’originalité d’étudier le feuilleton lors de la IIIe République, laquelle instaure la liberté de la presse. Elle étudie les influences mutuelles entre les articles de presse, la politique et les feuilletons. Elle opte pour des organes de presse lyonnais aux tendances très différentes : Le Progrès, le Nouvelliste et le Salut Public. Elle épluche les numéros durant trois années : 1880, 1886 et 1910. Elle conserve alors neuf feuilletons dont elle a tous les numéros et dont elle étudie les personnages[14]. 

    Au Canada, une réflexion est faite sur la littérature de presse. L’ouvrage collectif autour du journal Le Canadien[15] est un travail qui émane des littéraires. L’histoire et le contexte sont étudiés à travers l’article de Louise Frappier : « Littérature, société et histoire dans Le Canadien. ». Louise Frappier fait ressortir les feuilletons ayant trait à l’économie et à l’Histoire ; elle note aussi la difficulté de mettre en place le roman-feuilleton dans le périodique Le Canadien. Ces différents travaux relèvent de l’histoire littéraire, un champ de la littérature qui aborde les questions des auteurs, des lectorats, des contextes des écrits. Notre épistémologie n’est pas exhaustive : nous n’abordons pas ici la presse anglaise qui doit être riche en feuilletons ou serials[16]. 

    Cette petite épistémologie francophone nous conduit à ce constat : les feuilletons sont les matériaux des littéraires et un sujet d’études assez neuf pour les historiens. Constatons également que les précédents travaux des littéraires ne reproduisent pas ou peu les feuilletons. Or, dans la publication de notre thèse, nous nous efforçons de reproduire cette littérature de presse qui constitue pour nous des sources pour l’histoire[17]. 

    Caractéristiques de la littérature de presse à Bourbon : limites et apports de cette source.

    Avant de les apprécier en tant que matériaux et documents pour l’histoire, il convient de relever les spécificités des feuilletons des colonies. À la différence des feuilletons parisiens où domine le roman-feuilleton, la rubrique feuilleton des gazettes coloniales accueille majoritairement de grands poèmes ou encore quelques dialogues, récits de voyages et critiques de pièces de théâtre. Par conséquent, le feuilleton tient aussi en un ou deux numéros. Seuls certains récits dont les récits de voyage s’étendent sur deux à trois numéros et peuvent apposer à la fin de la rubrique la mention consacrée « la suite au prochain numéro ». De plus, la généralisation du feuilleton n’interdit pas la publication d’autres poèmes dans les colonnes du journal ou la création de rubrique littéraire assez irrégulière. Les productions et rubriques littéraires se juxtaposent dans les périodiques coloniaux qui demeurent une presse d’opinions. La rareté du roman-feuilleton dans les colonies s’explique par la difficile mise en place du métier de feuilletoniste et par la délicate question de sa rémunération. À Bourbon, le premier véritable roman-feuilleton est l’œuvre « Bourbon Pittoresque » lancé dans Le Courrier de Saint-Paul du 25 février 1848 et de surcroît, interrompu par l’annonce de la révolution de février 1848 dans l’édition du 9 juin 1848[18]. Par la suite, suivant le modèle des romans-feuilletons de Balzac, ce roman-feuilleton, même inachevé, devient l’un des premiers romans de La Réunion. C’est pourquoi, afin de coller à cette singularité et de donner une idée exacte de ce document, nous nommons notre source : « littérature de presse » et plus précisément, « poèmes de presse », « feuilletons poétiques ». 

    Autre singularité de la « littérature de presse » créole : les feuilletons poétiques de Bourbon (et par extension ceux de Maurice) n’ont pas la déconsidération des romans-feuilletons parisiens même si ces œuvres restent exposées à la critique, une critique appréhendée par les auteurs. Ces derniers ont d’ailleurs plusieurs profils : certains sont des auteurs amateurs voire des auteurs d’un numéro alors que d’autres auteurs sont connus dans le milieu culturel local. En outre, la plupart des auteurs demeurent anonymes. Aussi, pour les feuilletons signés X, A…X, ou estampillés de signatures pseudonymes, il est très difficile de retrouver l’identité des auteurs. Remarquons que si ces initiales nous sont inconnues, elles ne le sont pas forcément à l’époque où les personnes et les élites évoluent en vase clos, en milieu insulaire. Enfin, seuls les écrivains qui veulent une notoriété locale et qui proposent plusieurs productions laissent leurs véritables identités : encore signent-ils d’abord leurs premiers écrits de leurs initiales avant d’inscrire en toutes lettres leurs noms. Dès lors que nous n’avons pas l’identité exacte de ces auteurs, nous ne pouvons pas faire de recherches sur eux, établir des notes biographiques, et déterminer avec certitude leur profession, leur métier, leur âge et leur place dans la société créole. Reconnaissons, par conséquent, que la source « littérature de presse » est assez « imprécise[19] ». 

    De par leur brièveté, leur anonymat, le mystère qui les entoure parfois (œuvre non datée, répétée), leur caractère littéraire, cette source littérature de presse peut être critiquée. Et cette source feuilleton est souvent critiquée. Pour leur donner une certaine contenance et légitimité, il faut les classer, les compter, établir des statistiques alors que, pour nous, c’est le contenu qui est le plus éloquent, qui prime. En effet, les historiens et notamment les historiens de la presse apportent beaucoup de statistiques, mesurent les articles ou encouragent à les mesurer[20]. 

    Se pose aussi la question de leur commentaire. Dans les manuels de méthodologie, les pédagogues et historiens reconnaissent certes la source littéraire, mais encouragent à ne pas faire de commentaire littéraire[21]. Or, si nous ne passons pas par un commentaire littéraire de ces œuvres littéraires en relevant certaines comparaisons, nous risquons, il nous semble, de passer à côté du message principal de cette source d’histoire. En outre, ces comparaisons et métaphores offrent aussi des moyens pour contourner la censure faisant de ces « feuilletons poétiques » ou « poésies de journaux » des sources subtiles pour exprimer des idées revendicatrices, très fines ou novatrices. Ces feuilletons poétiques apparaissent comme les tribunes d’opinions diverses y compris les opinions les plus inattendues et minoritaires. De plus, aujourd’hui où l’interdisciplinarité est un peu plus acceptée, une démarche et une approche double voire hybride semblent être plus appropriée[22]. 

    Enfin, cette source littérature de presse soulève des questions, ouvre des pistes et des champs nouveaux. Antoine Prost, qui évoquait la précision des sources, médite sur le travail d’historien. Il note que le chercheur en histoire « sait déjà en gros ce qu’il cherche. Il ne commande pas des cartons « pour voir », comme s’il allait à la pêche[23] ». Si cette démarche est vraie pour les sources classiques telles que les inventaires après décès, elle ne l’est pas pour l’étude des feuilletons et des poèmes émanant de la presse. Quand nous ouvrons pour la première fois les pages d’un journal, nous ne savons pas s’il contient des poèmes locaux intéressants. La littérature de presse surprend de toutes les manières : son abondance ou sa rareté, les thèmes abordés ou les thèmes tabous.  Les poèmes de presse sont une réaction aux évènements qui frappent les colons. De ce fait, la littérature de presse aborde une pluralité de sujets qui nous orientent vers plusieurs autres histoires et vers d’autres cartons d’archives. Nous ne savons pas où le feuilleton nous mène. Cet élément d’imprécision fait sa richesse et son charme. Les 42 textes répertoriés pour la presse de Bourbon touchent à plusieurs champs d’histoire : histoire politique, histoire de la zone océan Indien ou histoire inter-île, histoire des mentalités, histoire sociale si le poème met en avant un groupe social, histoire de l’émancipation. Avec ces feuilletons, nous avons pu écrire aussi une histoire de la presse ou encore un historique de la censure. Le lien de toutes ces histoires tissées par les feuilletons reste l’histoire culturelle ou encore la micro-histoire. La littérature de presse est donc un document déroutant, mais passionnant : elle contribue à renouveler les deux disciplines, Lettres et Histoire. 

    Pour les littéraires, ce document fait émerger des œuvres inédites ou les premières œuvres d’un auteur connu. Elle intéresse la linguistique si nous dénichons des textes en créole, en anglais ou en latin. Pour les historiens, ce document affine les perceptions et les mentalités. Certains poèmes révèlent de nouvelles facettes des élites, « brisant ainsi les idées » reçues. Ils témoignent de l’histoire telle qu’elle est ressentie ou vécue alimentant une nouvelle histoire du sensible. 

    C’est le vécu et le ressenti qui prime dans ce type de sources. Véritablement hybride, la « littérature de presse » se situe entre l’œuvre littéraire et le témoignage, le document à caractère privé. Mais cette source appartient aussi aux journaux. Son support imprimé et « médiatique » la façonne également : ces feuilletons poétiques soumis à la censure, en lien avec l’actualité, relayent une information, véhiculent des messages voire divulguent des opinions. C’est pourquoi une lecture très précise de tout le journal permet de retrouver les sources d’inspiration des poèmes. Ainsi, plusieurs éditoriaux de la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon en 1846 donnent des informations militaires sur une guerre des Français et des Créoles de Bourbon contre les Ovas de Madagascar[24]. La mobilisation et les faits d’armes inspirent trois poésies sur un évènement touchant les trois îles : cette histoire per litteras autour des poèmes malgaches de 1846 s’inscrit donc dans une histoire à échelle régionale. En outre, ces trois poésies remettent en lumière un évènement militaire et des faits d’armes peu rapportés dans les histoires de La Réunion. La Littérature de presse permet donc de redonner à un évènement toute l’importance qu’il avait à l’époque, de sortir de l’oubli des documents et des faits. Cette source « imprécise » permet néanmoins une histoire pointilleuse et renouvelée des vécus des élites. Quelles démarches pour étudier au mieux cette source déconcertante ?

    Méthodologie pour étudier la source littérature de presse. 

    Ce colloque, « Histoire Extra-muros », nous conduit à expliciter nos démarches méthodologiques, ce que nous ne faisons que très implicitement et très rarement[25]. Nous proposons sinon une méthode, cinq règles pour commenter le feuilleton : 

    1. Établir un contexte de la période avec la lecture des ouvrages spécialisés et la lecture de témoignages. 

    2. Lister les journaux de la période ou de l’année étudiée, en dégager la tendance des journaux sélectionnés.  

    3. Émettre une hypothèse et écrire son intuition de départ pour mesurer et apprécier le contenu historique du poème trouvé (dans la mesure où nous ne savons pas d’avance quels poèmes nous allons dénicher). Cette hypothèse, vérifiée ou non, permet de noter l’originalité de certains thèmes et œuvres ou, au contraire, de relever la présence convenue et attendue de certains écrits. 

     4. Préparer des tableaux pour des grilles de lecture. En fait, l’idée de ces tableaux, à partir desquels nous faisons ressortir des statistiques, peut naître aussi en fonction des besoins et face aux différents types de feuilletons trouvés lors du dépouillement. C’est pourquoi il serait bon de faire un double dépouillement. Il est vrai que le dépouillement est déjà long[26]. Par ailleurs, un poème anodin au premier coup d’œil peut s’avérer plus profond à la lecture de d’autres documents. Nous recommandons alors patience et souplesse.

    5. Lire et choisir les feuilletons tout en expliquant ses choix, comme l’invite Julie Salaun dans son mémoire de Master d’histoire sur les romans-feuilletons lyonnais.  

    Ensuite, nous donnons quelques conseils pour le commentaire historique de ces poèmes : 

    1. Faire autant que possible le choix d’œuvres complètes et locales. Cependant, l’étude d’un poème ou d’un roman-feuilleton incomplet est possible si des thèmes véritablement nouveaux sont dégagés et permettent des « trouvailles ». 
    2. Essayer de dresser le profil de l’auteur, quitte à glaner des informations biographiques livrées dans ses poèmes très personnels, les poètes amateurs faisant souvent des compositions louant leur village natal. Pour les auteurs nommés, on peut retrouver leurs « traces » avec les fiches de recensements si elles sont disponibles. 
    3. Commenter l’œuvre de manière littéraire et historique de façon à relever les véritables intentions et messages de l’auteur. Toute la subtilité de certaines œuvres poétiques de la presse bourbonnaise, presse censurée, n’est révélée qu’au commentaire des métaphores. C’est le cas de l’écrit « Néhala ou la Fuite » et d’autres littéraires des journaux à Bourbon [1817-1848].

    Sources littéraires de presse et sources feuilletons de Bourbon [1817-1848]

    Le colloque « Histoire extra muros » nous invite à avoir un regard rétrospectif sur notre travail de thèse. Néanmoins, nous y revenons en suivant le modèle méthodologique proposé ci-dessous : exposer le contexte, faire le choix d’œuvres complètes, établir les biographies des auteurs et faire un bilan des histoires qui émergent.  

    Contextes et presse de Bourbon dans la première moitié du XIXe siècle

    Depuis la rétrocession de 1815 à la France, Bourbon est la seule colonie française de l’océan Indien, ce qui lui confère une plus grande importance aux yeux de la métropole. Les habitants n’apprécient pas toujours leurs gouverneurs, mais restent loyaux envers leur monarque. Malgré cette fidélité, ils manifestent un attachement aux libertés et un penchant pour les idées républicaines. La colonie Bourbon intensifie la culture de la canne à sucre préférée à la culture de la canne à sucre depuis 1806. Surtout, la première moitié du XIXe siècle est marquée dans les îles des Mascareignes par les débats autour de l’esclavage et la marche vers les abolitions des Noirs. Depuis la fin de la traite décidée par les Anglais en 1807, les colons comprennent que le système esclavagiste est menacé sans pour autant accepter cette fin annoncée de leur monde[27].  Néanmoins, les élites bourbonnaises n’ont ni de marche de manœuvre ni d’influence sur les décisions parisiennes. Isolées, elles apprennent, avec trois mois de décalage au moins, et par Maurice, les grandes révolutions parisiennes et leurs conséquences dont la révolution de juillet 1830 ou les Trois Glorieuses ou encore la révolution de février 1848 qui apporte, avec elle, l’abolition de 1848. Les élites de Bourbon lisent avec d’autant plus d’intérêt la presse mauricienne vendue à Saint-Denis puisque celle-ci est libre et très dynamique. La leur est censurée et surveillée : le directeur de l’Intérieur réglemente cette censure et les périodiques sont envoyés au Ministre des colonies. Les blancs de la censure n’épargnent aucun article et même le dialogue littéraire : « Lecture d’un Prospectus[28] ».  De plus, la presse mauricienne, libérée de la censure à compter de 1832, se développe, gagne en pertinence, offre des points de vue variés. Pour preuve, la presse mauricienne devient trihebdomadaire à partir de 1840 quand une seule gazette n’est stable durant les années 1840 : la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon, qui est une feuille officielle. Le Courrier de Saint-Paul est une feuille de l’ouest, une feuille d’opposition. Les journaux de Bourbon sont, durant toute la période, des hebdomadaires. La plupart ont quatre feuilles et suivent cette organisation : la première feuille donne l’éditorial, les ordonnances royales; la deuxième feuille, les articles locaux; la troisième feuille, les « nouvelles d’Europe » et enfin la quatrième et dernière est consacrée aux « Avis et Annonces ». 

    Le contexte bourbonnais se comprend mieux dans un parallèle avec l’histoire de Maurice. Comme toutes les colonies britanniques, Maurice connaît une émancipation des esclaves progressive avec l’entrée dans l’apprentissage en 1835 et l’émancipation générale en 1839. Les élites de Bourbon voient avec Maurice l’exemple très proche de la fin de l’esclavagisme. Étant donné le fort contexte pré émancipatoire, nous avons émis cette hypothèse de départ –hypothèse d’avant tout dépouillement et avant toute découverte des feuilletons- : cette littérature de presse délivre-t-elle des poèmes et feuilletons sur les débats abolitionnistes ? Aurait-on des poèmes témoignant ou refusant l’abolition décrétée par Sarda Garriga le 20 décembre 1848 ? 

    Les sources littéraires de presse sont confrontées dans leur commentaire et pour leur éclairage à d’autres documents : le journal du planteur Jean-Baptiste Renoyal de Lescouble couvre une large période de 1811 à 1836[29]. Les rapports de gouverneur destinés au Ministre sont très riches : les administrateurs font souvent un tableau social et une étude des mentalités des colons. 

    Commentaires de quelques poèmes de presse de 1833 à 1848

    Sur les 42 sources littéraires retenues pour l’Histoire de Bourbon, nous pouvons retenir dans notre démonstration huit œuvres : 

    – « Le Papillon et la Chenille » de L.T Houat paru dans la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon du 27 février 1833.

    – « Cuite du sucre dans le vide » de la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon du 29 janvier 1834. 

    – « Néhala ou la fuite », signé Auguste dans la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon du 29 juin 1835. 

    – « Scène d’habitation », parue dans la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon du 20 mai 1835. 

    – « Lecture du Prospectus », parue dans cette même feuille en juillet 1837. 

    – « A Mon pays », par Ernest Cotterêt de 1843.

    – « L’Ordre dans la Liberté » parue en septembre 1848 dans La Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon. 

    – « Liberté-Egalité-Fraternité, A Mes compatriotes », paru dans Le Courrier de Saint-Paul, le 16 juin 1948.  

    Les colons de Bourbon sont perçus comme travaillant le sucre, appartenant à une élite sucrière attachée à l’esclavage et un peu grossière. Comment « la littérature de presse » réajuste cette perception, « brise les idées reçues » ? Dans notre analyse, nous pouvons aussi modérer les limites de la source littéraire (texte court, anonyme) et en souligner sa forte historicité. 

    Par exemple, « Cuite du sucre dans le vide », très courte pièce de vers de quatre hexamètres, anonyme, publiée dans la Feuille Hebdomadaire du 29 janvier 1834, s’impose surtout pour son contenu historique : 

    CUITE DU SUCRE DANS LE VIDE

    Votre énigme insipide

    Messieurs les discoureurs, 

    Fend la tête aux lecteurs ; 

    De grâce, quittez le vide.

    Cet anonyme se plaint des articles expliquant les différents procédés de cuisson à une époque où les ingénieurs, dont l’ingénieur Joseph Martial Wetzell, présentent de nouvelles machines aux sucriers de Bourbon[30]. Des expérimentations sont faites auprès des propriétaires qui viennent en nombre écouter les explications comme le rapporte de Lescouble. Ce poème confirme effectivement la monoculture du sucre depuis le tournant pris en 1806. Mais, dans le même temps, il révèle aussi une élite différente et moins industrielle : il peut s’agir des élites culturelles, des professeurs las de ces débats autour du sucre. La fable poétique « Le Papillon et la Chenille » de L. T Houat, dans la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon du 27 février 1833 révèle une élite métisse en plus des œuvres de jeunesse de Louis Timagène Houat. Mulâtre de l’élite bourbonnaise, Houat est inquiété dans une affaire de complot et visant la révolte des Noirs. Arrêté le 13 décembre 1835 pour avoir voulu fomenté un complot pour renverser la domination des planteurs et des Blancs et pour prendre le contrôle de la colonie avec des Libres de couleurs et des esclaves, Houat est honni. Jugé en 1836, il est banni de l’île. À Paris, il devient médecin et publie en 1844 un des premiers romans de La Réunion : Les Marrons. « Le Papillon et la Chenille » présente un papillon méprisant la chenille qui fait partie de son ascendance et de ses origines. Si « La Chenille » est un esclave, le « Papillon » pourrait représenter le libre de couleur qui a réussi financièrement dans une société bourbonnaise marquée par les préjugés. Derrière cette métaphore, Houat présente des Noirs, propriétaires d’esclaves et aussi méprisants que les Blancs. Lui-même fait partie des Noirs Libres ne reniant pas leurs origines serviles. À travers ces poèmes, la société bourbonnaise apparaît dans toute sa complexité. 

    Un autre poème critique alors le système colonial : « Néhala ou la fuite », signé Auguste dans la Feuille Hebdomadaire de 1836. Auguste est une signature récurrente dans ce journal seulement pour l’année 1836. Est-ce un Créole ? Est-ce un Européen de passage ? En tous les cas, le poème s’inscrit dans un contexte particulier, celui de l’affaire « Houat et Consort ». En juin 1836, quand paraît la production versifiée « Néhala ou la fuite », les habitants de Bourbon sont dans l’attente du procès Houat. Il s’agit d’une production versifiée de 170 vers courts et libres, publiés en une fois. Les héros sont deux Amérindiens prénommés Néhala et Télasco du Canada : « les eaux du Niagara » et « de l’Ontario » sont cités aux vers 59. Néhala et Télasco fuient à bord d’une pirogue. Ils se remémorent l’arrivée du colonisateur dans les vers 110 à 117 : 

    Soudain un cri se fit entendre ; 

    Des étrangers viennent à nous…

    Le carbet fut réduit en cendres, 

    Le sachem périt sous leurs coups… 

    Dans leurs mains était le tonnerre : 

    Il éclata !… les Indiens

    Bientôt sous la hutte étrangère

    Maudirent des maîtres chrétiens.

    Néhala est alors enlevée à Telasco et devient la femme du colonisateur blanc. Les deux amants amérindiens se retrouvent et partent, mais cette fuite est malheureuse puisque Néhala, empoisonnée par l’ancienne femme blanche du colonisateur, meurt dans les bras de Télasco. Cette production poétique mène le lectorat créole jusque dans la nature et l’immensité canadiennes. Mais ce décor exotique permet une critique du monde colonial, une critique du Blanc qui opprime le Noir. En effet, l’Indienne Néhala se dédouble. L’analyse littéraire des champs lexicaux dévoile un personnage féminin Néhala qui a, tour à tour, le visage d’une Améridienne -avec les termes « carbet » (v. 112), « sachem » (v. 113), « la hutte » (v. 115)- et le profil d’une Indienne : leur nacelle est protégée par « Brama » dieu Indien au vers 66. Elle a une « case » (vers 86). Elle porte un « long voile » (vers 29). Ce vocabulaire appartient au monde colonial. En fait, cette longue production de vers a l’audace de contester le monde dual et colonial dans le contexte tendu de l’affaire Houat et Consort. Ce poème prouve que certains sont contre les préjugés et les clivages de la société bourbonnaise. 

    Dans le même esprit, un long poème souhaite l’abolition de l’esclavage. 

    La rubrique « feuilleton » de la Feuille Hebdomadaire du mercredi 31 décembre 1845 accueille une ode à Bourbon, « A mon pays » signé E.C. Dans 98 vers irréguliers découpés en trois sections, un souhait d’émancipation est suggéré : 

    Lorsque le siècle qui progresse

    Du monde entier hâte le pas

    Bourbon tu resterais en laisse ? 

    Non ! Tu secoueras ta vieillesse, 

    Régénérer, tu marcheras ! 

    « Décembre, ô mon pays, a vu finir l’année

    Qui laisse sur ton sol sa couronne fanée. 

    Salut au nouvel an qui commence pour toi !

    Puisse-t-il n’apporter qu’une facile loi !

    E.C est Ernest Cotterêt, originaire de Saint-André. Il veut s’imposer dans le paysage poétique. Il publie en 1847 un premier recueil Les Monuments, un recueil dont il fait mention dans les journaux de l’époque, mais dont nous n’avons pas de trace et Les Sensitives, recueil de 1877. La loi qui est revendiquée est l’abolition de l’esclavage. À Maurice comme à Bourbon, l’abolition des Noirs est présentée comme une réforme « en marche », qui doit se faire et qui annonce le progrès. Cet appel inopiné à l’abolition détonne, étonne aussi dans le fait qu’il ne soit pas censuré. Le caractère festif des fêtes de fin d’année expliquerait peut-être le relâchement du censeur. Et les 89 autres vers louangeurs de la nature bourbonnaise auraient aussi le but de camoufler cet appel audacieux, ce qui nous rappelle notre hypothèse de départ : pouvons-nous lire des productions débattant autour de l’abolition de l’esclavage ?

    Notre hypothèse n’est finalement pas vérifiée. Les productions sur la question abolitionniste sont plutôt modestes dans la période 1817-1848, ce qui fait dire que ce sujet est peut-être tabou ou relève d’un « blocage ». La fin de l’esclavage, d’un monde et d’une manière de vivre n’est pas concevable pour des élites à la tête de ce système. À part de poèmes inattendus transmettant un surprenant vœu d’émancipation en quelques vers, les poèmes et œuvres réaffirment l’esclavage. Deux écrits sont publiés en 1835 et 1837 dans le refus de la réforme progressive et émancipatrice qui se met en place à Maurice. Nous lisons : -« Scène d’Habitation » dans la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon du 20 mai 1835 ou le « Bonnet de la Liberté » de J.Le Franc paru dans L’Indicateur colonial du 15 juillet 1837. « Scène d’Habitation » est un dialogue entre Taumaste le propriétaire et Grand Gousier. Taumaste explique à Grand Gousier son « rêve de lui donner la liberté ». Mais Grand Gousier refuse cet affranchissement qui implique l’autonomie quotidienne et même marqué par ses croyances animistes, fuit au mot « liberté ». L’incapacité de l’esclave à vivre libre et autonome, sa dépendance au maître sont ainsi prouvées. De plus, la déshumanisation du Noir Grand Gousier est soulignée : le Noir confie qu’il n’a jamais rêvé et s’exclame, « Bien vrai que moa l’est bête. », « Bien vrai que je suis bête ». Le « Bonnet de la Liberté » écrit par un journaliste, alors critiqué, est dans le même esprit. J. Le Franc dit que le « Bonnet de la Liberté » est bien lourd à porter, ce qui signifie que la liberté implique une prise en charge et une indépendance financière. À la mi-juin 1848, les colons de Bourbon apprennent avec fracas l’annonce de la révolution de février et les mesures de libertés inhérentes : l’abolition des Noirs et l’abolition de la censure. Deux poèmes antagonistes saluent l’évènement : « L’Ordre dans la Liberté. Conseils aux Noirs », pièce de vers anonyme de X et le vibrant « Liberté-Egalité-Fraternité » d’Ernest Cotterêt. Après avoir présenté un esclavage humain sans « fers pesants », X conseille en leitmotiv de chaque strophe aux Noirs tranquillité et travail : 

    « Consacré vos droits de cité

    Par l’ordre dans la liberté. » 

    Seule la composition de Ernest Cotterêt applaudit l’émancipation de 1848, rassure tous les partis et présente une société réunionnaise travailleuse. Ernest Cotterêt voit ainsi son vœu poétique de 1843 dans « A mon pays » se concrétiser. Ce lettré créole est véritablement un abolitionniste convaincu. En octobre 1848, il propose des cours pour les ouvriers afin de mieux préparer cette vie libre. Blocage, refus, désir d’émancipation, la littérature de presse permet l’expression de toutes les opinions en dépit de la censure ; les figures de style, les images poétiques offrent des recours aux témoignages minoritaires. 

    Les apports du premier roman-feuilleton « Bourbon Pittoresque ». 

    Bien qu’inachevée, cette œuvre donne plusieurs enseignements. Elle témoigne de la fébrilité des élites en 1848 à l’annonce de la préparation pour l’émancipation des esclaves. Lancé le 25 février 1848, ce roman-feuilleton raconte la chasse aux marrons des années 1780, années d’un esclavage d’État et d’un système servile solide. Par conséquent, cette fiction historique tombe en déphasage avec le contexte émancipatoire de 1848. Aussi, le rédacteur en chef du Courrier de Saint-Paul préfère-t-il reporter la publication du roman-feuilleton qui, au final, est annulé. L’absence d’écrits littéraires caractéristique du dernier semestre de 1848 est aussi significative du vécu de cet évènement abolitionniste par l’élite : l’abolition est un choc. Imposée, elle est sans doute refusée par la majorité, ce qui laisse enraciner les germes d’un racisme fort. Nous comprenons ainsi que la fréquence de cette littérature de presse est porteuse de sens : son absence témoigne de refus ou de désapprobation. L’absence de poème à partir de juin 1848 est d’autant plus criante que la censure de la presse est enfin levée. Le feuilleton inachevé est pourtant une source –clé des mentalités et des ressentis de l’élite en 1848. 

    Pluralité des histoires, tabous de certains sujets, audaces de certains messages poétiques et points de vue divergents autour de l’abolition ressortent dans l’étude de la littérature de presse de cette première moitié du XIXe siècle. La Littérature de presse de l’année 1917 est-elle aussi féconde en commentaires historiques ? 

    Littérature de presse de 1917 à La Réunion

           Avant même d’ouvrir les pages de ces journaux, nous nous interrogeons : cette presse de 1917 renferme-t-elle des écrits locaux et feuilletons, sources nous révélant le vécu, les sentiments et les épreuves de l’arrière réunionnais ? Surtout, cette étude de la source feuilleton, à une toute autre période, confirmerait-elle les apports spécifiques de ce document littéraire : sa capacité à contourner la censure et par là-même à révéler sous d’autres aspects l’époque étudiée ?

    Choix de l’année 1917 : contextes et périodes

    L’étude de la presse réunionnaise de l’année 1917 relève à la fois d’un choix complètement arbitraire comme elle répond au besoin de s’inscrire dans le cycle mémoriel de la Grande Guerre. Le centenaire de la Première Guerre mondiale stimule et renouvelle l’historiographie de ce conflit. L’épistémologie de l’histoire de 1914-1918 montre une multiplication des éditions et des commentaires des lettres de Poilus à partir des années 1990[31].  Les historiens et chercheurs des années 2000 à 2010 veulent écrire « la diversité des expériences de guerre[32] ». Les recherches sur les civils et l’arrière se développent. Les travaux sur les colonies ou l’Empire colonial dans la Grande Guerre restent néanmoins assez rares[33]. En ce qui concerne l’étude de la Grande Guerre à La Réunion, les travaux de référence sont le mémoire de maîtrise de Michel Geoffroy et l’ouvrage de Prosper Eve sur la Guerre vue par les Poilus réunionnais[34]. Notre étude des feuilletons de 1917 s’inscrit dans le prolongement de ces études sur les arrières et les colonies en guerre. Nous nous interrogeons : peut-on lire des poèmes dans cette presse de guerre ? Notre hypothèse de départ est la suivante : Quels échos ont les Réunionnais des grandes batailles ? Des feuilletons ou des poèmes témoignent-ils de l’expérience de guerre des Réunionnais sur leur île en cette année charnière ?  

    Effectivement, cette année est traditionnellement perçue comme une année charnière avec l’entrée en guerre des États-Unis en avril ainsi que les révolutions russes de février et d’octobre. Poilus et Boches sont las de cette guerre en 1917, usés et traumatisés par les terribles batailles de Verdun et de la Somme (1916). Le front turc voit le génocide arménien de 1915-1916. Sur le front africain, les Allemands ont perdu dès 1915 les colonies de l’est. Les Réunionnais, loin de ces champs de bataille, parviennent-ils, avec le décalage, les dysfonctionnements des câblogrammes à suivre toutes les nouvelles de cette guerre ? 

    La Réunion de 1917 est assez moderne : quelques voitures parcourent les rues de Saint-Denis ; les riches habitants vont au cinéma regarder les films de guerre. D’ailleurs, le feuilleton de la presse est concurrencé par ces films dont le scénario est souvent tiré d’un feuilleton. La colonie est dirigée par le gouverneur Duprat, gouverneur dont les rapports reflètent le caractère un peu froid et économe. Comparativement à d’autres territoires français constituant l’arrière, La Réunion se rapprocherait un peu plus de la Bretagne que des terres africaines tout en gardant ses spécificités insulaires[35]. L’année 1917 est marquée, à Bourbon, par le retour de permissionnaires dès avril. Les habitants se plaignent de recevoir tardivement les nouvelles, qu’ils obtiennent par le câblogramme très souvent défectueux et les journaux reçus de Maurice. La presse réunionnaise de 1917 se compose de six journaux : La Dépêche de La Réunion, Le Nouveau Journal de l’Ile de La Réunion, La Patrie Créole, Le Peuple, Le Progrès et la Victoire sociale[36]. La Dépêche de La Réunion, la Victoire sociale et Le Progrès, n’étant pas communicables, nous avons pu consulter que ces trois journaux : Le Nouveau Journal de l’Ile de La Réunion sans écrit littéraire ainsi que Le Peuple et La Patrie Créole, périodiques publiant des poèmes et des feuilletons[37]. Remarquons que dans ces deux périodiques, les poésies sont des compositions créoles tandis que les feuilletons semblent être des productions tirées des journaux métropolitains à l’exception de « La Promesse sacrée ». Ce feuilleton du Réunionnais Jean-Pierre Dubaril a été publié par La Patrie Créole à partir de la mi-octobre. Le Peuple et La Patrie Créole sont donc les deux journaux sur lesquels s’appuie notre étude des feuilletons réunionnais de 1917. La presse réunionnaise se révèle donc assez productive car les journaux se maintiennent tandis que les périodiques de province disparaissent avec les pénuries et le manque de journalistes[38]. Les périodiques suivent à peu prés les mêmes organisations que les gazettes bourbonnaises du XIXe siècle : l’éditorial figure en première page, les nouvelles du front et d’Europe occupent les pages 2 et 3. La réclame s’étend sur la dernière page. En 1917, la presse est quotidienne. La lecture des ces deux périodiques dévoile les caractères de cette presse de 1917. Certes, elle véhicule des articles plus patriotiques que propagandistes. Mais, s’appuyant aussi sur la presse mauricienne, qui relève d’un régime anglais, elle donne avec des mois de retards des informations assez précises des conflits. Effectivement, en lisant Le Peuple, l’abonné créole peut être informé des révolutions russes[39]. Un article titré « Révolution russe » est même inséré dans la rubrique « feuilleton » du Peuple du jeudi 24 mai 1917[40]. Le lectorat réunionnais prend également connaissance de lettres de Poilus –certes contrôlées-, du génocide algérien[41]. Les journaux sont sous le régime de la censure et d’un contrôle de guerre mis en place le 3 août 1914 en France métropolitaine. Cependant, si la propagande et le bourrage de crâne marquent les gazettes de la métropole, ceux-ci semblent être moindres à La Réunion, peut-être « dilués » par la distance, l’éloignement et l’insularité[42]. Les journalistes, qui reçoivent ces journaux avec près de un à trois mois de décalage, font peut-être le tri dans ces « fausses nouvelles ». Par ailleurs, les journalistes réunionnais qui signent sous des pseudonymes (Argus pour le Peuple) se montrent très virulents notamment à l’encontre du gouverneur Duprat. Ce dernier ne réprime pas forcément les critiques à son encontre. Mais, suivant l’ordre du Ministre des Colonies, il réprime surtout avec autorité les journaux de propagande allemands en s’appuyant sur les décrets des 20 et 22 août 1914[43]. Confortant cette idée d’un contrôle de la presse dicté par l’état de guerre et non par l’autoritarisme du gouverneur, nous constatons que Le Peuple et La Patrie Créole ne présentent pas de « blancs » de la censure qui étaient plus coutumiers dans la presse des années 1840[44].  

    Le Peuple, organe de presse à tendance « socialiste », et La Patrie Créole, défendant les Réunionnais, peuvent être considérés sinon comme des feuilles d’opposition, mais comme des feuilles critiques[45]. Au cours de l’année 1917, Le Peuple publie quatre feuilletons et 18 poésies tandis que La Patrie Créole donne à lire quatre feuilletons et 32 poésies. Pour diriger des feuilles aussi littéraires, les rédacteurs en chef s’appuient sur des littérateurs récurrents et sur quelques auteurs occasionnels.  L. Noël de V compose 5 poèmes sur les 18 dénombrés dans Le Peuple. La Patrie Créole, plus littéraire que Le Peuple, a ses auteurs attitrés : Félicien Vincent, par ailleurs éditorialiste, gérant du journal et auteur de 9 compositions ; Xavier Maunier qui écrit 9 poèmes sur le thème de la guerre et Jean-Pierre Dubaril, auteur de six productions. Nous disposons d’un nombre suffisant de poèmes avec ces deux seuls journaux. Nous étudions cette source feuilleton de 1917 en la confrontant à d’autres documents : des témoignages de l’arrière retranscrits une dizaine d’années après le conflit (Quelques notes et souvenirs 1914-1918 de Charles Foucque et L’Ile de La Réunion et la Grande Guerre par Adrien Jacob de Cordemoy) soit des documents à caractère privé et les rapports du gouverneur Duprat ainsi que les dépêches ministérielles. Nous confrontons naturellement aussi ces feuilletons avec les articles de presse. Que traduit la source feuilleton en cette année 1917 ?  

    Panorama des poèmes de 1917

    Dans son ouvrage de 1992, La Première Guerre mondiale vue par les Poilus réunionnais, Prosper Eve relève la grande production poétique des journaux réunionnais durant la Grande Guerre. Pour preuves, il cite intégralement des poèmes du Progrès de 1914 et 1917 : « « Pro Patria », signé « Un patriote créole » (9 août 1914), « Mort pour la Patrie » original car signé d’une femme, Alice Roufli (1er janvier 1915), « Aux Vautours allemands » d’Emile Sicard, et enfin, une pièce de vers anonyme « A la mémoire du lieutenant Paul Emile Grondin. Mort au Champ d’Honneur, le 6 mai 1917 en Champagne[46]  ».  Le professeur Eve y lit surtout un patriotisme flamboyant[47].  Effectivement, le patriotisme est un thème commun à plusieurs poèmes. Néanmoins, la source littéraire issue du Peuple et de la Patrie Créole de 1917 met en lumière des sentiments, des questionnements plus complexes et plus nuancés ou tout simplement des éléments autres que le patriotisme. 

    De nos 50 poèmes, nous distinguons trois grands thèmes. La majorité des œuvres, dont le feuilleton « La Promesse sacrée », développent le thème de la guerre : les Poilus, les batailles, l’espoir de la victoire, les morts au combat et les orphelins de guerre ou encore les nouveaux appelés et les mobilisés. Quelques autres compositions se détachent de cette majorité et abordent les thèmes de la nature, de la vie et de l’amour. Enfin, deux compositions « La Vieille Lampe » et « Mon kilo’d riz » évoquent l’arrière et la pénurie[48]. 

    Dans la catégorie des poèmes excluant la guerre, nous retenons les écrits de L. Noel de V, uniquement publiés dans Le Peuple. À part sa composition « Une lettre » imprimée dans Le Peuple du vendredi 12 janvier 1917, L. Noel de V est la barbe de l’amour[49]. Cependant, dans un article qui lui est consacré, un certain F.R lui reproche ce thème exclusif et finalement en décalage dans ce contexte de guerre : 

    Noel de V. est un pseudonyme, derrière lui s’efface un jeune dont les premières joutes prédisent l’adresse pour plus tard. […] M. Noel de V. chante l’amour- l’amour frais, l’amour de la vingtaine. […] mais il ne saurait toutefois s’y confiner […] Qu’il observe, qu’il regarde, qu’il écoute. […] De même, il n’y a pas que l’amour dans la vie ; il est d’autres devoirs – aussi sacrés et beaucoup plus impérieux- auxquels il n’est personne qui doive se soustraire […].[50]

    Les poèmes de L. Noël de V traduisent la vie qui se poursuit malgré tout à La Réunion : les lettres du Ministère des colonies transmettent les résultats du baccalauréat aux bacheliers réunionnais, ou encore, les mutations de fonctionnaires, souvent considérés comme des « planqués »[51]. Le journal La Patrie Créole publie occasionnellement l’état-civil avec les naissances de petites filles[52]. Enfin, les dépêches réunionnaises évoquent aussi « les mariages par procurations » entre les soldats sur le front et les demoiselles restées sur l’île. « Ces mariages par procuration » suggèrent l’absence et l’isolement de l’arrière de l’île. En effet, ce conflit est bien lointain. De ce fait, nous pouvons différencier les arrières : les arrières « immédiats », les arrières qui accueillent les malades à l’image de l’arrière breton et l’arrière insulaire qui fournit un autre effort de guerre[53]. Mais l’existence à la Réunion est bien difficile depuis le départ des hommes. Les rapports de gouverneurs et les dépêches ministérielles abondent en demandes d’allocations de guerre, parfois formulées par le Poilu réunionnais lui-même[54].

    L. Noël de V compose majoritairement sur l’amour quand Félicien Vincent aborde à la fois les problèmes à l’arrière, la poésie et la guerre. Félicien Vincent [1888- mort en avril 1919 de l’épidémie de grippe] touche à tous les thèmes, une curiosité qui est probablement due à sa fonction de journaliste et d’éditorialiste de La Patrie Créole[55]. Il est d’une certaine notoriété dans l’île comme en témoigne sa participation à des fêtes poétiques, les poèmes qui lui sont dédiés. Il est un des rares auteurs connus. Les recensements consultés pour l’année 1917 moins riches en renseignements que ceux des années 1840 ne nous ont pas permis d’avoir des informations sur Xavier Maunier. Quant à Jean-Pierre Du Baril, ce nom doit être un pseudonyme. Nous constatons en effet une orthographe imprécise pour Dubaril qui est aussi l’homonyme d’un village du Sud de l’Île -du Baril- dont est originaire cet auteur. Nous ne disposons pour l’instant que des informations pour Félicien Vincent, la vingtaine passée et exempté de guerre en raison de sa fonction de rédacteur en chef[56].  L’auteur Félicien Vincent, exempté de guerre et tout l’arrière réunionnais accueillent en héros les Poilus. 

    Commentaire de certains poèmes sur les Poilus

    Une série de poèmes sur les Poilus se succèdent à compter du retour des permissionnaires en avril 1917. Plusieurs poètes amateurs saluent le retour des héros, puis leur départ. Tandis qu’un certain « Myosotis » s’exclame « Salut, gai retour » dans Le Peuple du samedi 2 avril 1917, Jean-Pierre Dubaril et Suzanne Teissier accompagnent le départ des Poilus dans leurs œuvres respectives : « A nos Poilus… » (11 juillet 1917 dans La Patrie Créole) et « L’Adieu » (La Patrie Créole lundi 10 et mardi 11 décembre 1917). En effet, après les tueries de Verdun et de la Somme, les permissions s’échelonnent[57]. Ces poèmes sont vibrants de patriotisme. « L’Adieu » de Suzanne Teissier est adressé à son amant soldat. Les derniers alexandrins montrent son compagnon la quitter « pour la France » : 

    Couple obscur… qui s’enlace en une heure historique. 

    Et qui se souviendra plus tard de cet amour […]

    Ce soir, en dévorant ta dernière caresse, 

    Je ne sanglote pas sur le sein qui me presse

    J’aurais honte d’avoir un geste trop aimant. 

    Risqué de t’amollir auprès de ma souffrance. 

    Tu ne m’appartiens plus, tu n’es que mon amant

    Et celle que tu dois rejoindre c’est la France[58]. 

    Ce poème aborde l’expérience de guerre des femmes, le thème des amours contrariés et des relations en temps de guerre, un thème neuf et à développer dans l’historiographie de la Première Guerre mondiale. Jean-Pierre Dubaril, dans « A nos Poilus », renseigne sur les habitudes des Permissionnaires réunionnais : les ballades de jour et de nuit où ils fredonnent « les refrains d’héroïques chansons », leur témoignage de leurs expériences sur le front. Jean-Pierre Dubaril relate : 

    Et nous n’entendons plus le beau rire sonore

    Dont ils entrecoupaient leurs récits émouvants, 

    Tandis que dans leurs yeux semblaient passer encore

    L’épouvantable horreur des carnages fumants.

    Ainsi, les Poilus créoles racontent le carnage, ce qui explique que l’élite soit aussi informée des grandes batailles, leur inspirant les poésies : « Verdun », « leurs noms ». La censure, le contrôle de l’administration ne peuvent empêcher ces « récits émouvants », sources d’inspiration des poèmes sur la guerre. Dubaril met en avant le rire des Permissionnaires tout en percevant le traumatisme des Poilus comme le prouve la gradation des sentiments : « beau rire sonore », « récits émouvants », « passer encore/ L’épouvantable horreur ».  Nourri de ces « récits émouvants », Paul Sers compose le 30 mai 1917, une poésie « Verdun », longue de 20 strophes de 4 alexandrins (soit 22 vers au total). 

    Sa poésie est déclamée lors d’une soirée patriotique pour les Poilus et paru dans les deux journaux La Patrie Créole et Le Peuple. Cette poésie raconte Verdun avec une certaine vérité. La première strophe relate l’attaque des « Teutons », soit les Allemands. Les strophes 2 et 9 insistent sur l’infériorité numérique des soldats français. Les strophes 12 et 13 mettent en avant le général Pétain et son offensive. Le grand nombre de strophes, la longueur du poème pourraient rendre aussi la durée de Verdun [bataille de 9 mois][59]. La présence des coloniaux est attestée à Verdun. Le Peuple, d’ailleurs, présente, dans son édition du vendredi 26 janvier 1917, Mr Grall, héros de Verdun. De même, La Dépêche de La Réunion du 18 et 19 février 1917, « l’adjudant Aimé Ninon », fils du directeur de la distillerie Isautier, qui a combattu à la Marne, en Champagne et à Verdun. Blessé à la Marne, il est décoré de la Croix de Guerre et des palmes[60]. Les grandes batailles sont ainsi connues de l’élite réunionnaise qui tire leurs informations en partie de cette presse contrôlée, mais surtout, plus directement, des acteurs de ces conflits : des Poilus réunionnais. Dans la même idée, Xavier Maunier trouverait dans le témoignage des permissionnaires, matière pour écrire « du Jour de la Marne » ou encore « Leurs noms ». Cette dernière poésie insiste sur les grandes villes où sont tombés les Français : la Marne, la Somme, Champagne et Verdun. « A ces noms tout français doit se lever » proclame Xavier Maunier. 

    De cette série de poèmes sur les Poilus, le feuilleton « La Promesse sacrée » de Jean-Pierre Dubaril ressort[61]. La première partie présente le héros à La Réunion au moment de sa mobilisation : il promet à sa fiancée de lui rester fidèle. Dans la deuxième partie, intitulée « dans la mêlée », le héros est au cœur des tranchées. Blessé, il se retire dans l’arrière breton où il tombe amoureux de son infirmière. Cependant, Pierre Demaret renonce à son histoire d’amour et reste loyal à sa fiancée réunionnaise. Ce roman-feuilleton dévoile le patriotisme, la volonté des Réunionnais de voir leur sacrifice reconnu. Le texte met surtout en avant le « changement » qui s’opère chez les Poilus réunionnais. Si le personnage de la « Promesse Sacrée » compte revenir, d’autres soldats réunionnais continuent leur vie en métropole. Charles Foucque évoque aussi cette gravité qui marque les Poilus réunionnais. Cette Grande Guerre sur le sol national est une expérience bouleversante qui change les hommes des colonies au point que certains ne rentrent pas[62]. Enfin, « la Promesse Sacrée » est une œuvre faisant le lien entre l’arrière et le front. Certes, l’arrière est vite évoqué. Toutes les œuvres autour des Poilus expriment en fait l’admiration des gens de l’arrière pour eux. 

    De cette série de poèmes également se détache une œuvre au titre énigmatique : « Du plus-que-TORIAL » qui énumère les mauvaises conditions de vie des Poilus : la boue, la pénurie, la faim. « Duplus-que-TORIAL » présente en une seule phrase, le Poilu. Si l’omniprésence de la mort n’est pas exprimée, mais assez évidente, la déshumanisation du soldat est bien retranscrite dans cet avant-dernier alexandrin : « C’est informe, innomable et souvent plein de poux ». Cette œuvre non signée, parue dans Le Peuple, du jeudi 25 janvier 1917 est sans doute une œuvre d’un soldat. Le mélange de registre de langue est aussi apprécié : les termes soutenus « tas de glaise », « quête de crésyl » contrastent avec les expressions familières « bégueule » et « savourant son jus ». L’œuvre des « Remparts des morts », signée Georges Baudoin, officier mécanicien à bord du Caucase, montre des Poilus dans la mêlée, en pleine offensive conscients de mourir. Au moment des départs des permissionnaires, cet officier traduit l’abattement des soldats qui repartent pour les tranchées. Dans les faits, les permissionnaires et les Poilus ont le sentiment d’être à part et d’être incompris malgré les soutiens de l’arrière[63]. 

    Les poèmes sur les Poilus sont nombreux et nous ne pouvons pas, aux termes de cette étude, tous les étudier. Cependant, nous notons une prise de conscience de l’arrière réunionnais dans la guerre inhumaine et grandement meurtrière qui se joue loin de leur île : cette prise de conscience est lisible à l’évolution de ces poèmes de 1917. Aux accents poétiques et patriotiques, se succèdent des poèmes dénonçant au détour de certains vers ou de phrases les horreurs des tranchées et pour finir des œuvres qui mettent en avant la grande mortalité qui frappe cette génération sacrifiée. En ce sens, les poèmes sur les Poilus publiés dans la presse réunionnaise, dans un arrière insulaire, donnent en filigranes plusieurs informations sur le moral des soldats et sur les souffrances de l’arrière. En ce sens, ces poèmes issus de cette presse insulaire, de l’arrière réunionnais, ayant pour thème les Poilus, diffèrent des poèmes de Poilus édités dans les journaux des tranchées. « Ces canards des tranchées », publient également plusieurs poèmes dont le but est de remonter le moral des troupes ou encore « la destruction du cafard dans les boyaux du front[64] ». Les dangers ne sont pas niés, mais c’est surtout le patriotisme qui prévaut. 

    À côté de ces nombreux écrits autour de la guerre, trois poésies évoquent les dangers et les souffrances typiques de l’arrière réunionnais. 

    Commentaires de deux poèmes sur l’arrière réunionnais

    Deux poèmes attirent notre attention : « Aux marins disparus », publié dans Le Peuple du vendredi 21 septembre 1917 et « Mon Kilo d’riz » signé SONGOLO soit Félicien Vincent et paru dans La Patrie Créole du dimanche 16 décembre 1917. Ils rendent compte des problèmes spécifiques de l’arrière réunionnais.

    « Mon kilo d’riz » témoigne de la pénurie de riz -le riz étant à la base de l’alimentation réunionnaise- et de la mise en place du rationnement de cette denrée à partir du 10 décembre 1917[65]. Mon Kilo d’ riz » est composé en créole réunionnais, ce qui ajoute à son originalité et son intérêt[66]. Félicien Vincent utilise le point de vue d’un Noir, descendant d’esclaves, d’un cafre. Le lettré parle à travers son personnage, Songolo, brossé en quelques vers comme un noir analphabète, assez vieux, affaibli par la pénurie, vivant seul. Dans le poème, Songolo ne peut descendre prendre son kilo de riz, distribué depuis décembre 1917. Songolo, et à travers lui l’auteur Vincent, accuse le gouverneur Duprat d’une mauvaise gestion du ravitaillement en riz : 

    C’est M’sié Diprat qu’la fé l’ couillère

    C’est li qu’la çagrin’le prolo. 

    Mais nous qui travers’ l’autre manière

    Ni d’mand a vous in sèl kilo

    Qu’on pourrait traduire : 

    C’est Monsieur Duprat qui a fait le couillon

    C’est lui qui a contrarié le « prolo » ou « prolétaire », « l’ouvrier »

    Mais nous qui vivons d’une autre façon

    Nous vous demandons qu’un seul kilo de riz. 

    Le recours au personnage noir est intéressant car il permet de figurer un des nombreux visages de l’arrière réunionnais. Par extension, le personnage Songolo suggère aussi les humbles témoins (soldats ou civils) du conflit 1914-1918. En effet, les documents écrits de la Grande Guerre– en grande partie les lettres- offrent surtout le point de vue des lettrés de l’élite[67]. Néanmoins, le poème « Mon kilod’riz » transmet principalement le point de vue du journaliste Félicien Vincent. « Mon kilo d’riz » s’inscrit dans le prolongement d’une série d’articles et d’éditoriaux de la virulente Patrie Créole autour du riz. Les Réunionnais manquent de riz à partir de juillet 1917 et malgré le réapprovisionnement d’octobre, la pénurie de riz est forte en novembre. Aussi, l’éditorialiste de La Patrie créole du 18 juillet 1917 considère-t-il ce manque comme étant « la Grosse faute » du gouverneur Duprat[68]. Un journaliste anonyme prend à parti le gouverneur dans son article du vendredi 20 juillet 1917 :

    Notre approvisionnement [en riz] ne serait plus assuré que pour trois mois. Le gouverneur peut-il nous dire ce qu’il a fait, ou ce qu’il compte faire, pour nous éviter la famine ? Nous entendons bien parler tardivement, des cultures vivrières (idées de M. Cor) ; mais encore une fois, tout cela ne vient pas du jour au lendemain[69].

    Alors ?

    Le journaliste Cyrano, dans son article « La Carte de riz dans La Patrie créole du 1er décembre 1917, trouve la mesure gouvernementale tardive et note : « C’est la première fois dans notre histoire qu’un pareil fait se sera produit[70]. » Est-ce vraiment M’sié Diprat qu’la fé l’ couillère, comme dit Songolo et à travers lui, Félicien Vincent ? 

    D’ailleurs, les critiques non censurées dans les journaux sont si vives qu’elles poussent le gouverneur à justifier sa gestion des denrées. Dans sa dépêche ministérielle, le gouverneur Duprat se défend. Il insiste sur le fait qu’il a encouragé à la culture vivrière. Il regrette aussi le goût et l’attachement des Réunionnais pour le riz : ceux-ci doivent manger autre chose. Cependant, son appel à l’agriculture vivrière, quoiqu’entendu est grandement discuté. Certes, un cultivateur réagit positivement dans La Patrie Créole du 4 octobre, propose des solutions et la culture de pomme de terre. Cependant, un autre cultivateur, auteur d’un article du 21 juillet, remet en cause l’ordre gouvernemental. Le manque d’outils agraires et d’engrais, le manque de main d’œuvres et de travailleurs journaliers empêchent les planteurs leur mission de nourrir la population. La question des cultures vivrières est soulevée depuis 1846. Séduits par la culture spéculative de la canne, les Bourbonnais plantent peu de cultures vivrières malgré les encouragements des gouverneurs de l’époque. 

    Dans le cas de la pénurie sévère de juillet à novembre 1917, le manque d’anticipation de Mr Duprat, largement décrié par les journalistes de La Patrie Créole, est manifeste dans les échanges entre le gouverneur de Madagascar, le gouverneur Duprat et le Ministre des Colonies. Le gouverneur de Madagascar fait part, dès 1916, du peu du succès du riz malgache dans les échanges commerciaux avec La Réunion : le gouverneur Duprat ne l’achète pas et lui préfère le riz indochinois[71]. Le Ministre des colonies désapprouve cette attitude et prévient Mr Duprat du risque de pénurie. En effet, quand le gouverneur Duprat lance en juillet 1917 un appel urgent pour l’achat du riz malgache, ce dernier est rationné en raison de la faiblesse des stocks. 

    La source poétique « Mon kilo d’riz » met en exergue une difficile gestion des denrées en temps de guerre, et en terre coloniale et insulaire. Félicien Vincent mentionne aussi « vout’ bout’ carton » ou « vout’carton rose » soit la carte de riz qui régule le rationnement. Il renseigne sur l’encadrement policier de la distribution du « kilod’riz », preuve des tensions qu’engendre la pénurie de riz. Ces tensions font resurgir les haines raciales. Le poème insiste sur les différents clans et couleurs de la société réunionnaise en énumérant : « band’noirs », « nous caf », « blanc misère » ou petit-blanc. Le Noir Songolo accuse un groupe : 

    Et pi ça l’a pas zisteauguiste

    Noir y conné pas marqu’papier

    Si d’riz n’a pi, nana d’fimiste

    Mais nous caf’ ni fé pas c’ métier. 

    Traduction : Et puis, c’est pas juste Auguste

    Noir, lui ne connaît pas la marque du papier (écrire/lire)

    S’il n’y a plus de riz, il y a des fumistes, 

    Mais nous cafre, ce n’est pas notre métier.

    Les « fumistes » seraient alors les commerçants chinois, souvent accusés de garder en stock des kilos ou de les vendre chèrement de manière à tirer profit de la pénurie. Hormis le riz, les Réunionnais, en cette année 1917, sont également dépourvus de farine, de ciment, de maïs. Des dépêches ministérielles de Paris ordonnent aux gouverneurs de colonies d’aller vers l’autosuffisance[72]. Dans ces dépêches, transparaît le rôle des colonies : celles-ci doivent nourrir les soldats, pourvoir en rhum, en vanille, en denrées et ne pas attendre d’aide. 

    Les poèmes témoignent d’un quotidien rendu délétère par les pénuries et les tensions sociales. Cette réalité est tue dans les souvenirs et les témoignages écrits à postériori notamment dans ceux d’Adrien Jacob de Cordemoy, L’Ile de La Réunion et la Grande Guerre. Dans ces notes et souvenirs, Charles Foucque consacre une première partie sur l’arrière en insistant notamment sur l’annonce de la guerre. Cependant, il n’évoque ni les souffrances ni les manques de l’arrière insulaire, peut-être considérés comme minimes au regard des souffrances des Poilus. Par contre, Foucque évoque « les corsaires allemands », responsables des torpillages. Ces menaces maritimes sont le thème principal de la composition « A nos marins disparus ». 

    Ce poème témoigne du torpillage du Yarra qui a lieu en juin 1917 et rapidement relayé dans les journaux. L’auteur anonyme honore les disparus : 

    D’un indigne sonnet, l’illustre mémoire

    De nos héros perdus, de nos vaillants marins !

    A la plage sublime, auréolés de gloire

    Leurs noms –quoiqu’inconnus m’inspirent des refrains. 

    Qui sont les disparus du Yarra ? La Patrie Créole du dimanche 24 juin 1917 communique une liste. D’après la gazette, le torpillage du Yarra entraîne la mort de quatre civils « MM Adam de Villiers Edouard, Amelin Joseph, Marie Sautron Fabien Camille » et de deux soldats : Hermann Paul et Damour Pierre ». En effet, les soldats réunionnais gagnent l’Europe en bateau : ils ont une escale de plusieurs jours à Diego Suarez où d’autres soldats malgaches sont embarqués, puis les soldats coloniaux touchent le sol de France au port de Marseille. Les dangers sont grands dans la Mer Méditerranée. D’ailleurs, Charles Foucque précise : « C’est à Malte et à l’île des chevaliers que partent les torpilleurs et les sous-marins[73] ». Le poète suggère un océan menaçant avec l’expression « perfide flots » et la personnalisation « l’Océan expire sur la grève ». En effet, les Réunionnais considèrent non seulement la Mer Méditerranée mais surtout l’océan Indien comme étant très dangereux. Beaucoup craignent une attaque et une invasion. Charles Foucques fonde cette rumeur sur la présence de commerçants allemands à Madagascar. Il s’exclame : « ils doivent partir ! »

    De leur côté, les autorités anticipent une attaque. Le commandant de gendarmerie de La Réunion, le capitaine Deroche, envisage un débarquement dans les zones de Saint-Denis, le Port et Saint-Paul. Le capitaine Deroche estime que les Allemands débarqueraient sans « observer les conventions internationales et bombarde un point de l’île puis tente un débarquement ». Le capitaine peut alors s’appuyer, en 1914, sur 150 hommes dont 60 gendarmes et 10 douaniers. Il estime cet effectif suffisant dans le cas d’une attaque alors qu’il s’agit d’un régiment bien faible[74].

    L’auteur choisit, pour sa composition, un titre approprié : « Aux marins disparus. Tant que l’Océan ne rend pas les corps, les familles gardent l’espoir de retrouver leur “ disparu ” ». Ainsi, une dépêche ministérielle « Des marins disparus retrouvés », daté du 17 juin 1917, annonce que les matelots « Robinet Maxime Edgar et Robinot Raoul Georges » ont été retrouvés près d’un an après le naufrage du Danton, torpillé en 1916[75]. Cependant, le torpillage des navires n’arrête pas le conflit. Les soldats rescapés du Yarra doivent repartir sur le front. 

    En exprimant sa tristesse et son impuissance face aux « marins disparus », ce lettré anonyme nous invite à approfondir la recherche sur une possibilité d’une guerre maritime dans l’océan Indien. Des dépêches ministérielles et secrètes accréditent les angoisses des colons. Une dépêche télégraphique du 24 février 1917 renseigne sur la présence de corsaires allemands au large de l’Afrique du Sud et de l’Inde. Des mines allemandes ont été posées sur le fond près du littoral sud-africain et sont draguées par des navires britanniques. Des conseils de navigations sont alors donnés[76]. Un autre télégramme du 9 mars 1917 annonce la « destruction » d’un corsaire allemand et signale un corsaire au large de Ceydan Aden[77]. Le poème « A nos Disparus » évoque les morts naufragés, mais, plus largement, fait émerger l’idée d’une guerre dans l’océan Indien, thème peu étudié dans l’historiographie de la Grande Guerre. En outre, alors que toutes les attentions des habitants de La Réunion, du lectorat des journaux se concentrent sur le Yarra, d’autres torpillages et accidents sont connus du gouverneur seul. Il les garde secret. Une dépêche télégraphique datée du 11 août 1917 renseigne sur le torpillage du Calédonien où périssent 3 militaires réunionnais dont Cady Luce et Payet Louis[78]. Dans une dépêche du 15 septembre 1917, c’est le vapeur Natal qui sombre[79]. Remarquons qu’il est plus difficile de tenir secret le naufrage de navires marchands où sont perdus des hommes, mais aussi des denrées, vivres, vêtements ainsi que des rapports et des lettres ministériels. Par contre, les autorités peuvent cacher le torpillage de navires militaires. Cependant, le poème, l’émotion et les peurs qu’ils suscitent mettent sur la piste d’une histoire maritime.  

    Nous proposons donc une Histoire per litteras de La Réunion, c’est-à-dire une histoire par la littérature de presse. Ainsi, cette source littérature de presse reflète plusieurs opinions et les avis les plus audacieux, en triomphant de la censure –censure gouvernementale ou censure de guerre-. Cette source permet alors d’écrire des micro histoire passionnantes, esquisse une histoire des mentalités et donne un tableau plus précis et nuancée de grands évènements : l’abolition ou la Grande Guerre. 

    La source « littérature de presse » est ainsi présentée, scrutée, appréciée et décortiquée dans ses limites et pour ses apports à deux périodes différentes de l’histoire de l’île : 1819-1848, décennies de la marche d’émancipation, et 1917, année charnière de la Grande Guerre.  L’étude comparée de cette source à des moments forts de l’histoire de la colonie confirme sa grande historicité. Suivant quelques règles méthodologiques, nous pouvons appréhender par cette source singulière et mixte le vécu et la compréhension par les élites de grands évènements. 

    Cette littérature de presse atteste de « vérités » inattendues pour des années cruciales : en 1848, sont attestés quelques sentiments abolitionnistes ; en 1917, percent au-delà des chants patriotiques, le traumatisme des soldats et les souffrances matérielles de l’arrière.  Intéressante pour leur grande production comme pour leur arrêt subit, la source littéraire est souvent le point de départ d’une recherche inédite. Le sonnet « Aux marins disparus » nous plonge dans une réflexion sur la guerre sous-marine dans l’océan Indien encore rare dans l’historiographie de La Grande Guerre. 

    L’analyse de ce document à deux contextes différents aboutit à des bilans sur la source même de la littérature de presse. Nous constatons le maintien de l’anonymat et quelques personnalités locales, la rareté, mais aussi la pertinence du roman-feuilleton contre la domination des poèmes. Surtout, nous nous rendons compte du grand nombre de textes. Ces nombreux poèmes dans une presse en décalage traduiraient le besoin de ces élites créoles de produire, de versifier, d’écrire sur des évènements dont les causes et le déroulement leur échappe, de laisser des « traces » de leur histoire. 

    Annexe 1

    Censure ou blanc dans le dialogue « Lecture du Prospectus », la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon, signé « Un de vos abonnés », dans la rubrique « Correspondance », juillet 1837, N. 967, p. 2-3. 

    Trois personnages – le narrateur (« Moi »), l’enfant et le « Colon » animent cette conversation. On distingue clairement les blancs de la censure.

    Annexe 2 

    Tableau des poèmes et des feuilletons de La Patrie Créole de 1917. 

    Nature de l’œuvre/rubriqueTitreAuteurDates de parutionThèmes
    1 roman-feuilleton dansla rubrique feuilleton1poème1 poème
    1 poème dans la rubrique«Petite Gazette rimée »1 poème1 poème1 poème dans la rubrique« Petite Gazette rimée »
    1 roman-feuilleton dans la rubrique feuilleton
    1poème 



    1 poème dans la rubrique« Petite Gazette rimée »



    1 poème 






    1 poème dans la rubrique« Petite Gazette rimée »

    1 poème 


    1 poème dans la rubrique« Petite Gazette rimée »

    1 poème



    1 poème


    1 poème




    1 poème



    1 poème 


    1 poème




    1 poème



    1 poème




    1 poème


    1 poème 

    1 poème

    1 roman-feuilleton dansLa rubrique feuilleton










    1 poème



    1 poème




    1 roman-feuilleton dans laRubrique roman-feuilleton

    1 poème
    1 poème



    1 poème


    1 poème


    1 poème dans la rubrique« Petite Gazette créole »

    1 poème


    TOTAL : 32 poèmes4 feuilletons





    « Les mystères de New-York »
    « La Vieille Lampe »« Adieu » A Renée PauletDaté du 26 janvier 1917« Au pigeon voyageur »
    « Si j’osais »« Esquisse Saint-Gillienne »« L’Etoile »

    « Le Masque aux dents blan-ches »
    « Inscription pour une stèle »



    « Le filleul »




    « O cloches » daré Saint-BenoîtAvril 1917





    « Leurs noms »


    « Le Rêve du Kaiser »


    « Les Fleurs de Mai »


    « A Nos Poilus »



    « Conseils à une jeune fille »Daté « Saint-Denis. 12 juillet

    « Mutilé ». A mon estimé Confrère M.V Fourcade, Directeur du Peuple daté de Saint-Denis 27 juillet 1917

    « Credo ». A ma mère. Daté de Saint-Denis le 17 Août 1917. 

    « Profil » daté du 24 août 1917


    « Le Rempart des Morts ».Au lieutenant Picard, héros de « Debout les Morts ». Daté du 8 septembre à bord du« Caucase » à Port-Louis
    « A mes petites amies de laCité des Fleurs », daté du 14Septembre 1917

    « Réminiscences » A FélicienVincent daté Cités des FleursLe 21 septembre 1917


    « Mon village natal », datéBaril 20 septembre 1917

    « A Myra », daté Saint-Denis,le 5 septembre 1917
    « Voix du Soir », daté Baril,Septembre 1917
    « La Promesse sacrée »











    « Verdun », daté Saint-Denis, le 30 mai 1917


    « Jour des morts », daté Saint-Denis 27 octobre 1917« A notre chère pupille Jean-not ». 

    « Le Banjo »


    « Le jour de la Marne »
    « Air de chasse », daté le 2 sep-tembre 1917


    « Consolations », daté Saint-Denis 1er décembre 1917

    « L’Adieu »


    « Mon kilo d’riz »


    « Noel des Orphelins », Saint-Denis, 24 décembre 1917


    Xavier MaunierMiette d’Amour
    Xavier Maunier
    R.S. J.DXavier Maunier









    Xavier Maunier




    J.P Dubarill






    Xavier Maunier


    J-Pierre Dubarill


    Xavier Maunier


    J-P Dubaril



    Félicien Vincent


    Félicien Vincent




    Félicien Vincent



    JPD


    Georges Bau-doin officier mécanicien à bord du « Cau-case »
    F. Vincent



    Myra




    J. Pierre du Baril


    F. Vincent

    J. Pierre du Baril

    J.P du Baril











    Paul Sers



    F. Vincent




    Valentin Man-Delstamm

    Xavier Maunier
    Xavier Maunier



    F. Vincent


    Suzanne Teissier


    F. Vincent


    Félicien Vincent
    Du 31 décembre au mercredi 28 mars.
    Dimanche 14 janvier 1917  Dimanche 28 janvier 1917
    Jeudi 22 février 1917
    Dimanche 25 février 1917Dimanche 4 mars 1917Mercredi 7 mars 1917 

    Du 29 mars 1917 au lundi 5 et mardi6 octobre 1917. 
    Mercredi 18 avril 1917



    Dimanche 29 avril 1917




    Dimanche 13 mai 1917






    Dimanche 20 mai 1917


    Mercredi 6 juin 1917


    Dimanche 17 juin 1917


    Mercredi 11 juillet 1917



    Samedi 14 et dimanche 15 juillet1917

    Dimanche 29 juillet 1917




    Dimanche 19 août 1917



    Lundi 3 et mardi 4 septembre 1917


    Dimanche 9 septembre 1917




    Dimanche 16 septembre 1917



    Dimanche 23 septembre 1917




    Dimanche 30 septembre 1917


    Dimanche 7 octobre 1917

    Dimanche 14 septembre 1917

    Du mercredi 17 octobre 1917 au Mercredi 31 octobre 1917










    Lundi 22 et mardi 23 octobre 1917



    Samedi 27 octobre 1917




    Mercredi 4 novembre 1917


    Dimanche 18 novembre 1917
    Dimanche 25 novembre 1917



    Dimanche 2 décembre 1917


    Lundi10 et mardi 11 décembre 1917


    Dimanche 16 décembre 1917


    Lundi 24 et mardi 25 décembre 1917
    D’inspiration non locale.
    Pénurie et nouvelles mobilisations.Adieu à une amie qui part dans leCaucase. Un pigeon content d’être mobilisé.
    Poème d’amour. Poème d’amour.Étoile qui annonce la victoire mi-Litaire.
    D’inspiration non locale.

    Devoir de mémoire. Volonté d’élever une stèle pour les mortsde France. Idée d’une « GuerreNouvelle ».
    Évocation de la pratique de« marraine » des poilus qui reçoitune lettre d’un poilu gauche et qui fait des fautes d’orthographe.

    Poème sur la vie et allusion à la guerre. Évocation des cloches qui son-nent les baptêmes et le glas  .



    Noms des villes où les Français sont tombés. Devoir de mémoire.

    Rêve de conquête et impérialismedu Kaiser, responsable de cetteguerre. 
    Évocation du mois de mai et dece mois de mai de guerre. 

    Départ des permissionnaires.Évocation de leur traumatisme.Loisirs : promenade dans la ville.

    Poème où l’auteur déconseilleà une jeune fille de composerdes poèmes d’amour !
    Indignation face à une statue muti-lée dont les journaux n’en fontpas écho. 


    Foi dans les poilus et dans la victoire prochaine. Évocation de leur sacrifice. 

    Poème d’amour. 


    Hommage aux Permissionnairesqui retournent sur le front. Sentiment de se sacrifier, d’allerà la mort. 

    Remerciement du poète à son pu-blic féminin. 


    Réponse au précédent poème. Thème poétique. 



    Évocation de la nature et village.


    Réponse à Myra. Thème poétique.

    Nature. 

    Le parcours d’un poilu réunion-nais depuis le Baril, son villagenatal, et Saint-Denis jusqu’aux champs de bataille et tranchées. Les blessures de combat et les soins portés par une infirmière. Rencontres amoureuses. Le changement qui s’opère chezle soldat. Son patriotisme et ses besoins de reconnaissance. 

    Le récit de la bataille de Verdunavec l’évocation du général Pé-tain. 

    Évocation des morts à l’approchedu 1er novembre dont les morts de guerre. 


    D’inspiration non locale. 

    Évocation de la bataille de LaMarne. 
    Évocation de nouveaux mobili-sés et de l’aviation françaiseà travers la métaphore del’oiseau. 
    Femme qui pleure face aux départs des permissionnaires.

    Pleurs d’une femme au départde son amant soldat.  

    Poème en réaction au rationne-ment de riz. 

    Noel endeuillé par la guerre. Les orphelins, victimes indirectesde la guerre. 

    Annexe 3

    Tableau des poèmes et feuilletons de la Patrie Créole de 1917. 

    Annexe 4

    ADR 1 PER 45/ 33, « La Promesse sacrée », « Feuilleton », signé J-P Dubaril, mercredi 17 octobre 1917, p. 2 . 

    En ces temps de guerre, le feuilleton occupe la place p. 2 et p. 3. 

    Annexe 5 

    ADR 1 PER 81/17, «  Aux marins disparus », Le Peuple, 2e semestre, vendredi 21 septembre 1917, 10e année, p. 2. 

    Références

    [1]  L’île de La Réunion change plusieurs fois de noms au cours de son histoire. À la prise de possession en 1663, sous Louis XIV, l’île est appelée Bourbon, du nom de la dynastie régnante. Elle demeure ainsi nommée de 1663 à 1789 et de 1815 à 1848. L’île est appelée une première fois La Réunion de 1789 à 1799 durant la période révolutionnaire et à partir de 1848, quand le dernier roi de France Louis-Philippe est déchu. Dès lors, dans notre article, on a affaire, selon les périodes, soit aux habitants de Bourbon ou Bourbonnais, soit aux Réunionnais.

    [2] Antoine Prost, « Les pratiques et les méthodes », L’Histoire aujourd’hui, Sciences humaines Éditions, 1999, p. 389. 

    [3] Ibid., p. 387.

    [4] « L’histoire Extra-muros : des frontières qui s’élargissent. Regards croisés sur les approches émergeantes et l’interdisciplinarité dans la pratique historique », IX colloque interdisciplinaire des étudiants en histoire de l’UdeS, organisé par Catherine Dubé, Dhyana Robert, Virginie Cogné, les 25-26 février, à la Faculté des lettres de l’Université de Sherbrooke.

    [5] Le feuilleton est expliqué dans les ouvrages ci-dessous : Lise Dumay, La querelle du roman-feuilleton. Littérature, presse et politique. Un débat précurseur (1836-1848), Grenoble, Ellug, Université Stendhal, 1999, 263 p. ; Joëlle Prévot-Blombed, « Feuilletons, romans-feuilletons et pouvoir sous les monarchies de Juillet » La Presse et Le Siècle [1836-1848), thèse de Lettres, Université de Paris IV, 2 tomes, tome 1, 403 p., tome 2 de 403 à 424 p. ; Alain Vaillant, Marie-Eve Thérenthy (d.ir), 1836 : l’an I de l’ère médiatique. Étude littéraire et historique du journal La Presse d’Emile de Girardin, Paris, Nouveau Monde Editions, 2001, 293 p.

    [6] La rubrique « feuilleton » est la rubrique horizontale du journal, qui apparaît généralement à la page 1, contrastant avec les colonnes du journal. En raison de la place qu’il occupe dans le journal et de cette forme horizontale, le feuilleton est aussi appelé « rez-de-chaussée » du journal. Le mot « feuilleton » désigne à la fois la rubrique littéraire et l’écrit en lui-même. Sa forme particulière fait d’emblée de cette rubrique, une rubrique plus légère, distrayante par rapport aux articles parus dans les colonnes.

    [7] Fabienne Jean-Baptiste, « Feuilletons et Histoire ». Annexes historiques, Université de La Réunion, p. 38

    [8] Fabienne Jean-Baptiste, « Poèmes et Feuilletons. Idées des élites de Bourbon et de Maurice dans la presse de 1817-1848 », thèse d’histoire contemporaine, Université de La Réunion, avril 2010, volume 1, 230 p, volume 2, 236-465 p, volume 3, 470- 700 p. ; Volumes de la thèse suivis de 3 annexes : « Feuilletons et Histoire. Annexes historiques, Université de La Réunion, avril 2010, 83 p. ; « Annexes des poèmes et des feuilletons. Bourbon. Textes littéraires », Université de La Réunion, avril 2010, 146 p. ; « Annexes des poèmes et des feuilletons. Maurice. Textes littéraires », Université de La Réunion, avril 2010, 111 p et fac-similés. Cette thèse a été publiée chez L’Harmattan. ; Fabienne Jean-Baptiste, Feuilletons des colonies. Des poèmes et des feuilletons pour découvrir l’Histoire des Iles-Sœurs Bourbon et Maurice et pour suivre les abolitions de l’esclavage en marche, volume II Bourbon, Paris, L’Harmattan, 2014, 174 p. Dans cet article, pour une compréhension plus facile d’une histoire ultra-marine lointaine, nous ne parlerons pas des poèmes et feuilletons de la presse mauricienne abordée aussi dans notre thèse. Cf Fabienne Jean-Baptiste, Feuilletons des colonies. Des poèmes et des feuilletons pour découvrir l’Histoire des Iles-Sœurs Bourbon et Maurice et pour suivre les abolitions de l’esclavage en marche, volume I Maurice, Paris, L’Harmattan, 2014, 244 p.

    [9] « Annexe des poèmes et des feuilletons. Bourbon. » Cf aussi, Fabienne Jean-Baptiste, Feuilleton des colonies, p. 27-35.

    [10] « Annexe des poèmes et des feuilletons. Bourbon. ». Cf aussi Fabienne Jean-Baptiste, Feuilletons des colonies, p 126-129 et p. 171-174.

    [11] Cette problématique renvoie à la citation du début de l’historien Antoine Prost.

    [12] Lise Quéflec, Le roman-feuilleton français au XIXe siècle, Paris, PUF, Que sais-je ?, 1989, 122 p. ; Marie-Eve, Thérenthy, Mosaïques. Être écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Honoré Champion, 2003, 606 p. C’est une littérature dévalorisée par les critiques du XIXe siècle car son écriture est rapide et monnayée à la page.

    [13] Joëlle Prévot-Bombled, « Feuilletons, romans-feuilletons et pouvoirs sous la monarchie de juillet».

    [14] Julie Salaün, « Les romans-feuilletons dans la presse lyonnaise [1870-1914] », mémoire de maîtrise, soutenu en juin 2011, 145 p.

    [15] Micheline Cambron (dir.), Le Journal Le Canadien. Littérature espace public et utopie. 1836-1845, Fides, Canada (Québec). Cf en particulier l’article de Louise Frappier : « Littérature, société et histoire » dans Le Canadien, cf p. 281-325.

    [16]

     Fabienne Jean-Baptiste, Feuilletons des Colonies, volume 1 Maurice, p. 15-20 ; 229-235. 

    Le dépouillement des deux journaux permet une comparaison des périodiques de Maurice soit d’une colonie anglaise d’avec les périodiques de Bourbon qui est une colonie française. Quand les maisons de rédaction de Saint-Denis et de Saint-Paul à Bourbon tirent des hebdomadaires, Maurice propose dès 1840 des trihebdomadaires. Claude Béranger, Jacques Godechet, Pierre Guiral et Fernand Terrou (dir.), Histoire générale de la presse française de 1871 à 1940, tome 3, Paris PUF, Vendôme (France), p. 407. Le retard de la presse française est creusé avec la Première Guerre mondiale qui provoque un profond chamboulement dans les journaux.

    [17]  Fabienne Jean-Baptiste, Feuilletons des colonies, volume 1. Maurice et volume 2. Bourbon. Dans cet ouvrage que les éditions L’Harmattan classe parmi les livres littéraires, nous reproduisons des poèmes et feuilletons dont le commentaire historique, placé en bas de page éclaire le poème ou feuilleton.

    [18] Fabienne Jean-Baptiste, « Feuilletons et Histoire. Idées et opinions des élites de Bourbon et de Maurice dans la presse de 1817 à 1848, p. 90-91.

    [19] Antoine Prost, « Les pratiques et les méthodes », p. 389. Rappelons-nous de la remarque de l’historien Prost : les sources doivent être « précises ».

    [20] Ralph Schor, Mathieu Perez, « Lire la presse ancienne à travers le logiciel d’analyse morphologique PhPress », in Semen, Le Discours de presse au dix-neuvième siècle : pratiques socio-discursives émergentes, 2008, mis en ligne 4 mars 2009, 15p. Ph Press est un logiciel d’analyse morphologique des journaux permettant de travailler sur des archives déjà numérisées ou des journaux au préalable photographiés par un appareil numérique. Les auteurs assurent : « La surface des articles, calculée automatiquement par l’ordinateur, est une information très précieuse. Exprimée en surface relative à la page ou en millimètres carrés, elle fournit une indication très claire et chiffrée de l’importance accordée par la rédaction à un sujet. », p. 9.

    [21] Pierre Saly, François Hincker, Marie-Claude L’Huillier, Jean-Paul Scot, Michel Zimmermann, Le Commentaire en Histoire, p. 11. « Tant par leur contenu explicite que par leur apport historique implicite, ils [les textes littéraires] peuvent constituer des sources significatives à condition d’en conduire l’étude d’abord dans une perspective d’historien et non dans celle de leur signification émotionnelle, esthétique ou conceptuelle ».

    [22] Antoine Prost, « Les pratiques et les méthodes », p. 390.

    [23] Antoine Prost, « Les pratiques et les méthodes », p. 387.

    [24] Fabienne Jean-Baptiste, Feuilletons des colonies, volume II Bourbon, p. 160-169.

    [25] Antoine Prost, « Les pratiques et les méthodes », p. 390. L’historien encourage à énoncer ses méthodes.

    [26] L’équipe travaillant sur le « Journal du Canadien » prend 6 ans pour dépouiller 8 années du journal Le Canadien.

    [27] Ils se livrent à la traite interlope et développent des arguments esclavagistes : l’incapacité des esclaves à travailler et à vivre par eux-mêmes, les dangers de l’émancipation générale et le désir de se venger ou encore la fin des colonies avec la fin de l’esclavage.

    [28] Cf annexe 1.

    [29] Jean-Baptiste Renoyal de Lescouble, Journal d’un colon de l’Ile Bourbon [1811-1825], Trois volumes, Paris, L’Harmattan, 1990. 1379 p.

    [30] Jean-François Géraud, « Joseph Martial Wetzell [1793-1857] : une révolution sucrière oubliée à La Réunion », Les Mascareignes et la France, Revue Historique des Mascareignes, AHIOI, juin 1998, 99-153 p, p. 126-144.

    [31] Notons quelques références pour l’édition de lettres de poilus : Marcel Beroujon, Lettres à ses parents d’un Poilu de Thizy (décembre 1914-septembre 1919). Entre déluge d’obus et orgie de choux à la crème. Textes recueillis, classés et commentés par Gilles Lafuente, Paris, L’Harmattan, 2014, 296 p. ; Jean-Pierrre Guéno, Les Poilus. Lettres et témoignages des Français dans la Grande Guerre [1914-1918] ; Paris, Les Arènes, mise en images Jérôme Pecnard, octobre 2013, 105 p.

    [32] André Loez, Nicolas Offenstadt, La Grande Guerre, carnet du centenaire, Albin Michel, 2013, p. 184.

    [33] Soulignons les travaux de Marc Michel, spécialiste de la Grande Guerre en Afrique. Marc Michel, Les Africains et la Grande Guerre, Paris, Karthala, 2014, 255 p. ; Marc Michel, Les Africains et la Grande Guerre. L’appel à l’Afrique (1914-1918), Karthala, 2014, 255 p.

    [34] Geoffroy Michel, « Les Poilus de Bourbon : les Réunionnais pendant la guerre 1914-1918 », mémoire de maîtrise, 1991, 317 p. ; Prosper Eve, La Première Guerre mondiale vue par les Poilus réunionnais, Editions CNH, 1992, 208 p.

    [35] Didier Guyvarch’ et Yann Lagadec, Les Bretons et la Grande Guerre. Images et Histoires, p. 33. ; Marc Michel, Les Africains et La Grande Guerre. L’appel à l’Afrique [1914-1918], p. 133. La lecture de ces ouvrages nous amène à comparer ces trois territoires dans la Grande Guerre d’autant plus que les Réunionnais ont des origines bretonnes et beaucoup, en raison de l’esclavage, ont des ascendants africains. La Bretagne et La Réunion sont des provinces de l’arrière, proches de la mer et qui craignent une attaque marine quoique le sol breton est plus proche géographiquement des combats. Par contre, l’Afrique qui n’a pas totalement le même statut colonial de La Réunion, vieille colonie appartenant à la France depuis le XVIIe siècle. Enfin, les terres françaises d’Afrique commencent à être dotées d’infrastructures et n’ont pas une économie florissante.

    [36]

    ADR. 1 PER 53/12, Dépèche de La Réunion, 1er semestre de 1917. 

    ADR 1 PER 53/13, Dépêche de La Réunion, 2e semestre de 1917.  

    ADR 1 PER 52/15, Nouveau Journal de L’Ile de La Réunion, 1er semestre de 1917.

    ADR 1 PER 52/16, Nouveau Journal de l’Ile de La Réunion, 2e semestre de 1917

    ADR 1 PER 45/32, La Patrie Créole, 1er semestre 1917. 

    ADR 1 PER 45/33, La Patrie Créole, 2e semestre 1917. 

    ADR. 1 PER 81/17, Le Peuple, 1er semestre 1917. 

    ADR. 1 PER 81/18, Le Peuple, 2e semestre 1917. 

    ADR. 1 PER. 82/6, Le Progrès, 1er semestre 1917. 

    ADR. 1 PER 82/7, Le Progrès, 1er semestre 1917. 

    ADR. A PER 59/1, La Victoire sociale. Août 1916-1917.

    [37] ADR1PER53/12, La Dépêche. Ce périodique est consultable dans le premier trimestre. Il s’avère être un journal assez peu littéraire.

    [38] Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et Fernand Terrou (dir), Histoire générale de la presse française, tome III de 1871 à 1940, Paris, Presses Universitaires de France 108, 1972, p. 408. « En province, l’été 1914 vit mourir des centaines de feuilles de canton ou d’arrondissement et bien des quotidiens à faible tirage).

    [39] ADR. 1 PER 81/17, « Au pays du Tsar », éditorial signé Zest, mercredi 28 mars 1917, N° 2743, p. 1. « Nouvelles de Russie », par le câble de Maurice, Le Peuple, lundi 9 et 10 avril 1917, p. 1. Le Peuple qui a pour sous-titre « organe quotidien de revendications et de réformes sociales de l’île de La Réunion », de tendance socialiste, il suit les nouvelles de cette révolution avec intérêt.

    [40]  ADR 1 PER 81/17, « La proclamation du gouvernement russe », Le Peuple, samedi 9 et dimanche 10 juin, Le Peuple, n°2805, p. 1.

    [41] ADR 1 PER 1 PER 45/32, La Patrie Créole, 1er semestre 1917. « Le Massacre des Arméniens », vendredi 2 mars 1917, p. 2.

    [42] Claude Bellanger, Jacques Godechot, Pierre Guiral et Fernand Terrou (sous dir), Histoire générale de la presse française, tome III, p. 412- 427. De plus, le bourrage de crâne, les « bobards » sont surtout possibles en 1914, p. 425-426.

    [43] ADR 1M 1600, Correspondance reçue du Ministre des Colonies (janvier-juin 1917). Dans un courrier, le Ministre des Colonies ordonne l’interdiction d’un nouveau journal de propagande allemande, le Schweizeriche-Export Zeitung, et rappelle les décrets du 20 et 22 août 1914 qui instaure la censure des périodiques dont des périodiques étrangers.

    [44] Cf Annexe 1. Censure ou blanc dans le dialogue « Lecture du Prospectus », la Feuille Hebdomadaire de l’Ile Bourbon, signé « Un de vos abonnés », dans la rubrique « Correspondance », juillet 1837, N. 967, p. 2-3.

    [45] ADR 1PER 81/17, Le Peuple, 1er semestre 1917.  « Organe quotidien de revendications et de réformes sociales de l’île de La Réunion ». ADR 1 PER45/33, La Patrie Créole, 2e semestre de l’année 1917, « Organe des Intérêts généraux de l’île de La Réunion ».

    [46] Prosper Eve, La Première Guerre mondiale, p. 10-14.

    [47]  Ibid., p. 10. Le professeur Eve analyse : « Dans toute la production poétique que la guerre a suscitée et qui est reproduite dans les journaux de la colonie, les origines lointaines ou immédiates de la guerre, ses conséquences dramatiques ne sont guère évoquées. Seuls l’idéal patriotique pro-français, la haine du « boche », la reconnaissance envers les soldats tombés au front transparaissent. »

    [48] Cf Annexe 2. Tableau des poèmes et feuilletons de La Patrie Créole.

    [49] « Une lettre » est un poème assez énigmatique. Il évoque la tranchée ou « le trou », le manque des êtres chers et la peur de la mort.

    [50] ADR 1 PER 81/17, Le Peuple, « Poète naissant . M. L. Noel de V », mercredi 16 janvier 1917, N° 2684, p. 2.

    [51] ADR. 1 M 1600, Correspondance reçue du Ministre, Document transmettant les diplômes des lauréats au baccalauréat de mars 1917. M. Feline et M. Dejean de La Bâtie. Or, à Bourbon, les populations se sentent abandonnées et souffrent aussi du manque de professeurs et de fonctionnaires, même si à Bourbon comme en Bretagne, les fonctionnaires sont souvent considérés comme des « planqués ». ; Didier Guyvarc’h et Yann Lagadec, Les Bretons et la Grande Guerre, p. 32-33. La Bretagne est une « province de l’arrière ». C’est aussi un hôpital accueillant les blessés. Il existe donc plusieurs arrières ayant des fonctions différentes. L’arrière réunionnais doit surtout donner du sucre et des vivres. Cf dépêches ministérielles.

    [52] ADR. 1PER45/33, La Patrie Créole, 2e semestre 1917. « Etat civil de Saint-Denis », jeudi 6 septembre 1917, N°4960, p. 4. « Du 4 septembre 1917. NAISSANCES. Suzanne Marie Ivette Emma Barat, Léonce Roger Mérancienne, Marie Justine Posé. DECES. Dame Josep Bacto, 57 ans rue de l’Est ; Adolphe Rangaya, 35 ans Hôpital Colonial ; Mort née des époux Rapahël Bélon, Maternité. » Ces articles « Etat civils » ne sont pas systématiques mais ponctuels. Ils l’étaient aussi dans la presse des années 1840 qui faisaient également connaître les affranchissements.

    [53] Pierre Miquel, Les Poilus, p. 59. Les familles ont l’habitude de faire bouillir les vêtements. L’auteur parle d’un « arrière immédiat ».

    [54] ADR 1 M. 1795, Correspondances reçue des administrations des établissements publics, des organes privés, des élus, des particuliers, des fournisseurs et des associations métropolitaines, Lettre d’un soldat qui prévient de l’extrême dénuement de sa famille.

    [55] Karine Técher et Mario Serviable, Histoire de la Presse à La Réunion, Sainte-Clotilde, La Réunion, ARS, Créole, p, 57.

    [56] Ibid., p, 57. Il serait exempté en raison de sa fonction de journaliste. Y-a-t-il une autre raison? Ou est-il protégé ?

    [57] ADR 1 PER53/12, Dépêche de La Réunion, dimanche 29 et lundi 30 avril 1917, 7e année n° 1770. « Permissionnaires ». Cet article renseigne sur le calendrier des permissions. « 1. Les permissionnaires arrivés le 1er avril 1917 par l’El Kantara, titulaires d’une permission de 25 jours, devront partir par le premier courrier suivant le 26 avril 1917. 2. Les permissionnaires arrivés le 4 avril 1917, par l’Océanien titulaires d’une permission de 25 jours devront partir par le premier courrier suivant le 29 avril 1917. 3. Les permissionnaires arrivés le 14 avril 1917 par le Yarra titulaires d’une permission de 25 jours, devront partir par le premier courrier suivant le 29 avril 1917 ». ADR 1 M 1600, Correspondance reçue du Ministre. Un télégramme de Lyautay daté du 6 février 1917 précise les conditions des permissions des soldats réunionnais lesquels doivent justifier « d’au moins 18 mois de présence sous les drapeaux tant en Europe qu’en Algérie, Tunisie et Maroc ».

    [58] ADR 1 PER 45/33, La Patrie Créole, lundi 10 et mardi 11 décembre 1917, 17e année, N° 5 040, p. 2.

    [59]  Pierre Miquel, Les Poilus, p. 249. Il mentionne le 16e régiment de coloniaux attendant, durant deux mois dans une tranchée, l’ordre d’une offensive devant les sacrifier. Mais les généraux renoncent à cette offensive.

    [60] ADR. 1 PER 81/17, Le Peuple, « Mr Grall » ; ADR 1 PER 53/12, La Dépêche de La Réunion, dimanche 18 et lundi 19 février 1917, N° 1700, 7e année, p. 1.

    [61] Annexe 3. ADR 1 PER 45/ 33, « La Promesse sacrée », « Feuilleton », signé J-P Dubaril, mercredi 17 octobre 1917, p. 2. La « Promesse sacrée », roman-feuilleton paru dans La Patrie Créole du 17 octobre 1917 au 31 octobre 1917 suit le parcours d’un jeune créole, Pierre Demaret, originaire du Baril, village dans le sud de l’île, qui va se battre sur le front du nord. Avant de partir, il promet à sa fiancée, Lydia Meurault, de revenir et de l’épouser : il lui en fait la « promesse sacrée » alors que celle-ci ne craint de le voir « changé » par la guerre. En effet, Pierre Demaret découvre l’horreur des tranchées : blessé en sauvant son commandant de Rozières, il est accueilli en Bretagne et soigné par la fille du commandant, Mireille, infirmière à la Croix Rouge. Ils tombent amoureux mais le Créole Demaret reste fidèle à sa « promesse sacrée » et renonce à cette passion née « du patriotisme ».

    [62] Charles Foucque, Quelques notes et souvenirs 1914-1918, p. 160.

    [63]  Pierre Micquel, Les Poilus, p. 250.

    [64] Didier Guyvarc’h et Yann Lagadec, Les Bretons et la Grande Guerre, p. 72.

    [65] ADR 1PER45/33, La Patrie Créole, lundi 10 décembre 1917, N° 5039, p. 2. « C’est à partir d’aujourd’hui 10 décembre que la Carte de riz doit fonctionner. Depuis samedi soir, on a commencé la distribution des tickets aux habitants de la Capitale. »

    [66]  Les œuvres créoles sont rares dans la presse de Bourbon comme dans les périodiques de La Réunion.  Le créole est la langue de partage entre noirs de traite et blancs, élaboré sur la base du français. Sa mise à l’écrit est difficile, mais est encouragé par des littérateurs dès 1840. À Bourbon, c’est Louis Héry qui publie, avec succès, les Fables créoles. 

    [67] Prosper Eve, La Première Guerre mondiale vue par les Poilus réunionnais, p. 10. Le professeur étudie la compréhension des Réunionnais de 1914. Il en déduit que le « quart de la population » seulement soit l’élite (« les gros et moyens propriétaires usiniers, gros et moyens commerçants, fonctionnaires ».  Les témoins et soldats de la Grande Guerre sont aussi « des petits colons, des petits propriétaires, des artisans, des petits commerçants, des ouvriers d’usine et du chemin de fer, des dockers » peu instruits et modestes.

    [68] ADR 45/33, La Patrie créole, « La Grosse faute », « Bulletin » (éditorial), mercredi 18 juillet 1917, p. 1.

    [69] ADR 1 PER 45/33, La Patrie créole, « Le Riz », vendredi 20 juillet 1917, N° 4919, p. 1.

    [70] ADR 45/33, « La carte de riz » signé Cyrano dans la rubrique « Causerie familière », La Patrie créole, samedi 1er décembre 1917, N° 5032, p. 2-3.

    [71] ADR. R. 139, Ravitaillement. Transcription de câblogrammes du ministre des colonies et du gouverneur de Madagascar reçues par le gouverneur, Registre 1915-1917, Lettre du 15 mars 1917.

    [72] R. 139, Ravitaillement. Transcription de câblogrammes du ministre des colonies et du gouverneur de Madagascar reçues par le gouverneur. Registre, 1915-1917.

    [73] Charles Foucque, Quelques notes et souvenirs 1914-1918, p. 167.

    [74] R. 136. 1916-1918, Lettre du capitaine DEROCHE, commandant le détachement de La Réunion, au gouverneur sur les dispositions à prendre en cas d’arrivée d’un bâtiment allemand (13 août 1914).

    [75]  ADR. 1M 1600, Correspondance reçue du Ministre des Colonies, Lettre du 17 juin 1917, « Des marins disparus retrouvés. »

    [76] ADR 1 M 1 600, Dépêches télégraphiques, 24 février 1917 : « Accidents paraissent devoir être attribués à mines comme dans parages CAP TOWN ont été constatés aux abords COLOMBO-STOP. Autorités Britanniques font draguer chenal accès au port COLOMBO. STOP. Imprudent naviguer en dedans des sondes de 100 mètres avant avoir reçu instructions de patrouilleur. –STOP-. Convient admettre que eaux CAPE TWON et COLOMBO ont été contaminées par cordaire allemand paraissant se trouver actuellement dans OCEAN INDIEN ».

    [77] ADR 1 M 1600, Dépêches télégraphique, 9 mars 1917, « Corsaire secondaire détruit depuis a mouillé mines devant ADAN-STCP-Corsaire principal vu 27 février mi-chemin CEYLAN ADEN continue opérer OCEAN INDIEN. »

    [78] ADR 1 M 1601, Dépêches ministérielles des colonies, Dépêches du 11 août 1917.

    [79] ADR 1M 1601, Dépêches ministérielles des colonies, 15 septembre 1917.