Louis-Joseph Papineau et le rejet de la Confédération canadienne. Regard sur un « Testament politique » et une pensée républicaine

OLIVIER GUIMOND,
Université de Sherbrooke

 

Résumé : Alors que le Canada s’apprête à fêter les 150 ans de la Confédération et qu’une critique républicaine de ce régime de monarchie constitutionnelle s’articule au Québec, cet article propose de jeter un regard sur un républicain notoire du XIXe siècle québécois : Louis-Joseph Papineau. Plus précisément, l’objectif est de brosser un portrait de la pensée de Papineau au soir de sa vie, telle qu’elle apparaît principalement dans son « Testament politique », un discours prononcé à l’Institut canadien de Montréal le 17 décembre 1867. Résolument opposé au nouveau régime confédéral, « le plus coupable de tous », Papineau le dénonce à l’aune d’une pensée fortement marquée par le républicanisme, une admiration pour les institutions politiques américaines, ainsi qu’une vision « colombienne » du destin national et politique des Bas-Canadiens.

 

Mots clés : Américanité, Amérique, Bas-Canada, Canada, Confédération, États-Unis, nationalité, Papineau, Québec, républicanisme

 

Table des matières
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    Ce nouveau plan gouvernemental révèle plus que les autres encore l’animosité violente de l’aristocratie contre les institutions électives.

    – Louis-Joseph Papineau, le 17 décembre 1867

    Le Canada fête le 150e anniversaire de sa fondation en 2017. Si un enthousiasme évident s’est emparé du défunt gouvernement conservateur de Stephen Harper et du Parti libéral de Philippe Couillard en vue de cet anniversaire[1], force est d’admettre qu’au Québec, ce sentiment en regard du régime politique canadien est plus compliqué. Bien entendu, les milieux souverainistes sont au-devant de la critique. Celle-ci prend parfois l’allure d’une remise en question des fondements du parlementarisme canadien. Sur ce point, bien que l’idée ne soit pas tellement nouvelle, ni particulièrement populaire, il faut constater qu’une critique républicaine des institutions politiques canadiennes et québécoises prend forme depuis une vingtaine d’années[2]. Dans les milieux universitaires québécois, l’intérêt pour le républicanisme, cette « troisième voie » entre le libéralisme et le conservatisme[3], connaît aussi un certain essor. Celui-ci s’inscrit dans la veine du « révisionnisme républicain » des historiens de l’école de Cambridge, John G. A. Pocock et Quentin Skinner, dont les ouvrages ont été récemment traduits en français[4]. Un des postulats de cette école est que le républicanisme a été une « doctrine concurrente du libéralisme, aussi bien dans le monde anglophone que dans le monde francophone[5] ». Selon Pocock et Skinner, en effet, la transition vers la modernité des sociétés occidentales ne peut se comprendre sans tenir compte de l’influence des idées républicaines, dont l’importance aurait été masquée par une conception essentiellement « libérale » de cette époque charnière de l’histoire (XVIIIe-XIXe siècles). En outre, la modernité est conçue généralement via l’embrassement du libéralisme politique et économique. Dans Le moment machiavélien, toutefois, John Pocock explique que les idées républicaines, une première fois formulées par Aristote et Cicéron, sont reprises et remises à l’ordre du jour en Occident au XVe siècle par Nicolas Machiavel puis, à partir de la République florentine, se diffuseront dans le monde atlantique, notamment en Grande-Bretagne, aux États-Unis et en France[6].

    Dans cette foulée historiographique qui vise à dépasser une lecture « libérale » de l’histoire, des chercheurs québécois se sont intéressés à l’histoire au Québec dans la perspective de son inspiration républicaine et de son insertion dans un contexte atlantique[7]. Louis-Georges Harvey, par exemple, dans Le Printemps de l’Amérique française, a démontré « l’émergence d’un vocabulaire politique bien républicain[8] » au Bas-Canada. Marc Chevrier, avec d’autres chercheurs, se sont quant à eux afférés à démontrer qu’une « riche tradition de pensée républicaine » existe au Québec en publiant récemment une Anthologie pédagogique des discours républicains au Québec[9]. 

    Ce renouveau « républicain » de l’historiographie s’inscrit également dans un contexte où l’histoire des idées et l’histoire politique gagnent en adeptes depuis le tournant du XXIe siècle[10]. Dans ce sillon, certains chercheurs se sont penchés sur des personnages politiques marquant de l’histoire québécoise. Pour l’histoire du XIXe siècle, on retrouve, parmi eux, des hommes qui ont critiqué ou appuyé le gouvernement colonial ainsi que les différents régimes constitutionnels canadiens qui se sont succédés jusqu’à la Confédération[11]. Un de ces personnages fait l’objet d’une attention particulière : Louis-Joseph Papineau. En effet, outre les nombreuses études qui lui ont été consacrées[12], une anthologie de ses interventions publiques ainsi que l’entièreté de sa correspondance privée ont été récemment éditées et publiées[13]. Au sein de cette production, Yvan Lamonde occupe une place importante[14]. À quelques reprises, directement ou indirectement, Lamonde aborde le cas de Papineau en lien avec la Confédération[15]. Dans son Histoire sociale des idées au Québec[16], il fait également état de l’influence du républicanisme chez les Patriotes (cela dit, cette dernière n’y apparaît pas structurante après les Rébellions, ni dans l’héritage intellectuel des Québécois)[17]. Enfin, soulignons que Lamonde a posé, dès les années 1980, la thèse de l’américanité dans la culture québécoise[18]; une américanité qui, comme nous le verrons plus loin, marqua grandement Papineau. 

    À la lumière de ce travail déjà accompli, ce que nous proposons ici est d’étudier les idées de Papineau quant à la Confédération en prenant comme point de départ ce que l’on considère comme étant son « Testament politique[19] ». Nous proposons ici un commentaire critique de ce document qui est, en fait, un discours prononcé le 17 décembre 1867 à l’Institut canadien de Montréal. Celui-ci est un véritable récapitulatif de la trajectoire intellectuelle et politique de Papineau, un républicain convaincu dès le début des années 1830. Par ailleurs, Marc Chevrier indique, à juste titre, que ce discours de Papineau « dévoile l’envergure de l’homme et l’horizon de sa pensée[20] ». En outre, notre démarche, par l’analyse du discours, s’inscrit dans celle de Harvey dans Le Printemps de l’Amérique française, alors qu’il participe, comme mentionné plus haut, à l’observation de « l’émergence d’un vocabulaire politique bien républicain[21] » au Bas-Canada. 

    Notre problématique peut se décliner ainsi : dans quel contexte Papineau prononce-t-il son Testament politique ? Quelles idées (rappelant le républicanisme de Papineau) sont mises de l’avant dans celui-ci ? Le texte sera divisé en deux sections : d’abord, un retour sur la carrière politique de Papineau sera fait afin de bien situer son adhésion au républicanisme ainsi que sa trajectoire politique qui l’amène à prononcer son discours à l’Institut canadien en 1867. Ensuite, nous diviserons le contenu du Testament politique en quatre thématiques : la liberté républicaine et le gouvernement républicain; l’humanisme civique et la vertu républicaine; l’américanité et l’admiration des États-Unis; la rencontre des « nationalités nouvelles ». En guise de conclusion, quelques éléments non abordés par Papineau dans son Testament politique (mais dans sa correspondance privée et remarqués par l’historiographie) compléteront notre propos.

    Retour sur le parcours politique de Papineau 

    Lorsque Papineau prononce sa conférence à l’Institut canadien de Montréal en décembre 1867, presque 60 ans se sont écoulés depuis ses débuts en politique. Certes, Papineau habite alors à temps plein dans son manoir de Montebello, et ce, depuis 1852, soit deux ans avant son retrait définitif de la vie politique. Mais la correspondance privée de Papineau permet de constater que l’ancien patriote n’a jamais cessé d’être attentif à ce qui se déroule sur le plan politique dans la colonie et dans le monde atlantique. Il n’a pas non plus cesser de réfléchir à l’avenir politique du Bas-Canada. Il faut souligner, à ce sujet, que les Rouges, ces hommes et députés opposés à la Confédération, parmi lesquels on retrouve son éloquent neveu Louis-Antoine Dessaulles[22], se réclament de l’héritage intellectuel et politique des Patriotes et de Papineau[23]. Ainsi, ce Testament politique d’un républicain annexionniste, farouchement opposé à la Confédération, comme nous le verrons, est aussi celui d’un vieux routier qui a connu de nombreuses luttes constitutionnelles, et dont les actions et les idées politiques ont évolué au fil de nombreux échecs. Yvan Lamonde le résume bien : 

    Au début de 1849, la mémoire et la conscience politiques de Papineau sont fortement lestées : quinze années de luttes constitutionnelles à titre de député et de leader (1817) du Parti canadien devenu le Parti patriote (1826), rejet des 92 Résolutions par la métropole, répression de la résistance de 1837, huit années d’exil aux États-Unis et en France, échec de l’opposition au projet de l’Union, échec de la demande de rétablissement de la représentation proportionnelle et, conséquemment, de la stratégie de révocation de l’Union, élection en 1847, marginalisation au début de 1849 face à un parti de réformistes au pouvoir[24].

    L’annexionnisme de Papineau, exprimé publiquement dès 1849[25] et réitéré dans son Testament politique, pourrait ainsi traduire, face aux nombreux revers subis, une logique du désespoir. Or, cette logique n’en est pas une « du désespoir, mais une logique qui n’a plus beaucoup de portes de sortie[26] ». Pourquoi ? Parce que Papineau s’intéresse, avant tout, à la composante démocratique du système politique, et que celle-ci est constamment flouée par Londres et son système de monarchie constitutionnelle[27]. Cette composante est, en fait, son intérêt principal depuis la décennie 1820, avant même qu’il devienne résolument républicain; à un moment où il sait que Londres ne s’intéresse pas aux demandes des représentants du peuple à la Chambre d’Assemblée[28] alors que sa « politique coloniale réitérée » est avant tout de limiter le pouvoir de cette assemblée élue[29]. À ce titre, ce sont les troubles politiques entourant le deuxième projet d’Union, en 1822-1823, qui s’avèrent déterminants dans la trajectoire intellectuelle de Papineau. Avec cet épisode, il devient clair pour lui que les Bas-Canadiens n’ont plus beaucoup de bien à espérer de la mère patrie. À la suite d’un voyage qu’il effectue en Angleterre afin de combattre l’Union projetée, il constate que le système démocratique anglais n’a pas su y prévenir d’ « insupportables abus » : les inégalités sociales y sont criantes et « résultent de la très inégale distribution des richesses accumulées dans un petit nombre de mains, écrit-il [30]». Dès lors, les États-Unis se compareront avantageusement à l’Angleterre chez Papineau parce que, croit-il, leur système politique sert mieux les intérêts du peuple. Sur ce point tournant, Lamonde écrit avec justesse que ce voyage de Papineau « révèle chez lui une déception proportionnelle à une découverte et à un aveu de son admiration pour les États-Unis et sa culture démocratique[31] ».

    Au début des années 1830, après vingt années de demandes de réformes qui n’aboutissent pas, cette sensibilité démocratique chez Papineau sera alors issue d’un franc rejet des institutions coloniales britanniques et d’une adhésion totale à un républicanisme étasunien. En d’autres termes, Papineau travaille dès lors à l’implantation d’un système politique qui permet l’exercice du pouvoir par la majorité (notamment dans la demande d’un Conseil législatif élu) et non plus une minorité comme c’est le cas avec les institutions coloniales « mixtes » et du monarchisme constitutionnel dont elles sont issues. Le discours du très populaire chef patriote prend alors une rhétorique républicaine dont les formulations les plus abouties se retrouvent dans les 92 Résolutions et dans les assemblées de comtés avant la Résistance de 1837. Comme évoqué plus haut, la décennie suivante, avec l’Acte d’Union de 1840 et l’échec de son rappel, en 1849, voit l’admiration de la république voisine chez Papineau se transformer publiquement en annexionnisme.

    Précisons que Harvey et Ducharme voient l’émergence du républicanisme dans le discours patriote comme le résultat sincère de l’influence de certaines idées des Lumières qui circulent dans le monde atlantique à cette époque[32]. Cette idée tend à être confirmée avec le cas de Papineau puisque ce dernier mettra de l’avant des idées républicaines jusqu’à l’époque de la Confédération. Comme nous le verrons, pour « le républicain et américanophile Papineau », la Confédération de 1867, régime toujours monarchique, constitue la « clé à double tour[33] » pour les aspirations politiques du peuple bas-canadien. Voyons maintenant plus précisément quelles idées d’inspiration républicaine peuvent être tirées de son discours du 17 décembre 1867, et comment celles-ci s’avèrent structurantes dans sa vision de l’avenir du Bas-Canada et de son rejet de la Confédération canadienne.

    Le Testament politique de Papineau (17 décembre 1867)

    Liberté républicaine et gouvernement républicain

    Dans son ouvrage Le concept de liberté au Canada à l’époque des révolutions atlantiques 1776-1838, Michel Ducharme explique que deux conceptions de la liberté s’affrontent au Bas-Canada aux XVIIIe et XIXe siècles, tout comme dans le reste du monde atlantique (Grande-Bretagne, France et États-Unis). Il distingue alors la conception « républicaine » de la liberté de celle dite « moderne ». La deuxième, héritée « des philosophes de la première génération des Lumières, des whigs anglais, de certains philosophes écossais et des fédéralistes américains [est] basée sur le respect de certains droits individuels, souvent réduits au triptyque « liberté, propriété, sécurité[34] » ». Cette liberté est donc axée sur l’individu et la poursuite de ses intérêts privés et non pas sur la collectivité et la chose publique. En outre, « [elle] n’exclut pas nécessairement l’activité politique, mais elle n’est pas une condition de l’excellence humaine[35] ». La forme institutionnelle la plus aboutie de cette liberté moderne est le régime parlementaire britannique : un gouvernement mixte, dont la souveraineté repose sur le Parlement au sein duquel trois pouvoirs (démocratique, aristocratique et monarchique) se contrebalancent les uns les autres. Implantée dans les Canadas, cette forme institutionnelle de la liberté moderne trouve ses défenseurs chez les constitutionnels, opposants des patriotes. 

    Papineau, les Patriotes et après eux les Rouges défendent plutôt la première forme de liberté, dite républicaine. Celle-ci est inspirée principalement d’auteurs « radicaux » et républicains du monde atlantique. Toujours selon Ducharme, elle trouve « sa pleine expression dans le triptyque « liberté, égalité, fraternité (communauté) » ». Elle peut être définie comme étant « fondée sur l’idée de la souveraineté populaire, de la participation politique et de la toute-puissance du pouvoir législatif ». Cette liberté est également « articulée autour d’une éthique de la vertu citoyenne et d’un idéal agriculturiste[36] ». En outre, la liberté républicaine est collective et la poursuite du bien commun y est fondamentalement liée. Ainsi, « le républicain privilégie la politique comme lieu et moyen d’excellence humaine[37] ». La République, enfin, est son incarnation institutionnelle. Celle qui retient particulièrement l’attention des républicains bas-canadiens est formée par les États-Unis d’Amérique (où le chef d’État est élu et où, pour plusieurs États, le Sénat est également élu). Après la répression de la Résistance de 1837 et de la Rébellion de 1838, hormis le « soubresaut » chez les Rouges durant les années 1850 et 1860, c’est le concept de liberté moderne qui l’emporte définitivement au Canada, s’institutionnalisant une ultime fois avec la Confédération en 1867[38]. 

    Ces précisions d’entrée de jeu nous permettent de mettre en lumière le fait que, dans le Testament politique de Papineau, plusieurs passages laissent voir qu’effectivement, ce dernier défend une forme collective de liberté : une liberté républicaine. Au début de son discours, Papineau salue le dévouement des membres de l’Institut canadien pour son implication patriotique : « J’aime donc l’Institut Canadien, l’une de nos gloires nationales; l’Institut qui a servi la patrie avec tant de persévérance, avec un si entier dévouement, avec tant de généreuse ardeur, par de vraiment grands et utiles succès[39] ». Ce dévouement, souligne-t-il, est celui qui vise à « conserver les bribes de libertés politiques conquises durant un passé glorieux, dans des luttes parlementaires longues, ardues et souvent périlleuses ». Le conférencier enchaîne avec une charge contre ceux à qui ces bribes de liberté ont été « arrachées » : le « gouvernement aristocratique de l’Angleterre, toujours hostile aux droits populaires; et, d’autre part […] une oligarchie, faible en nombre, nulle en mérite, venue de la veille d’outre-mer et que la métropole, par une arbitraire partialité, avait constituée puissance locale dominatrice[40] ». Voilà bien une critique de la forme de gouvernement honnit par Papineau, le gouvernement aristocratique, et non pas démocratique, qui ne permet pas au peuple l’exercice de sa liberté collective : puisqu’il est imposé et arbitraire, ce gouvernement nie la souveraineté et l’exercice du pouvoir par le peuple, conditions sine qua non à la liberté républicaine. Une autre franche expression de foi envers la liberté républicaine ainsi que ses formes institutionnelles se retrouve dans ce passage où l’admiration de Papineau se porte envers les deux déclarations de principes aux fondements des deux plus grandes Républiques à voir le jour au XVIIIe siècle, celles d’Amérique et de France :

    Au nombre des vérités les plus importantes et les plus utiles, celles qui se rapportent à la meilleure organisation politique de la société sont au premier rang. Elles sont de celles qu’il est honteux de n’avoir pas soigneusement étudiées, qu’il est lâche de n’oser pas énoncer, quand on croit que celles que l’on possède sont vraies et dès lors utiles. Les bonnes doctrines politiques des temps modernes, je les trouve condensées, expliquées et livrées à l’amour des peuples et pour leur régénération, dans quelques lignes de la Déclaration d’Indépendance de 1776, et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789[41].

    Papineau complète son portrait du gouvernement légitime un peu plus loin. Difficile, alors, de ne pas sentir l’influence des luttes qu’il a menées au cours de sa carrière politique pour des changements constitutionnels allant dans le sens de la défense des droits politiques des citoyens et de l’exercice démocratique du pouvoir :

    Les vraies doctrines sociologistes des temps modernes se résument en peu de mots : Reconnaître que, dans l’ordre temporel et politique, il n’y a d’autorité légitime que celle qui a le consentement de la majorité de la nation; de constitutions sages et bienfaisantes que celles sur l’adoption desquelles les intéressés ont été consultés, et auxquelles les majorités ont donné leur libre acquiescement; que tout ce qui est institution humaine est destiné à des changements successifs; que la perfectibilité continue de l’homme en société lui donne le droit et lui impose le devoir de réclamer les améliorations qui conviennent aux circonstances nouvelles, aux nouveaux besoins de la communauté dans laquelle il vit et se meurt[42].

    Ainsi, l’idée nous semble assez claire : le bon gouvernement, selon Papineau, est celui du, par et pour le peuple. C’est un gouvernement républicain, la forme institutionnelle de la liberté républicaine.Enfin, une idée phare avancée dans son Testament politique, et en lien avec cette question de l’exercice de la liberté collective par les citoyens, démontre que Papineau ne pouvait pas accepter la Confédération : sans compter le fait que cette dernière consacre le principe du gouvernement mixte anglais et la nomination du Sénat (ce conseil législatif « ennemi organisé en permanence du corps représentatif » depuis 1791[43]), le peuple n’a également jamais été directement consulté pour l’adoption de la nouvelle constitution. Jamais le peuple libre n’a pu se réunir en convention (« l’autorité la plus importante d’un pays », distincte de son parlement et des autres corps législatifs) pour se donner « à lui-même une constitution révisée et améliorée[43] ». Pour l’adoption de la Confédération, tout a été décidé par ces « usurpateurs[44] » qui forment l’élite de la société vendue à la Couronne britannique, que Papineau ne se gêne pas d’appeler en privé des « parvenus » et des « régisseurs de cette débilité » qu’est le nouveau Dominion du Canada[46]. Papineau se tourne vers les États-Unis, le système « de bien loin le plus parfait que l’ingénuité et la raison humaine aient encore imaginé », où la structure de la convention existe[47]. Sur la base des principes politiques républicains axés sur la légitimité du pouvoir populaire, Papineau en vient à la conclusion que

    le Canada, depuis qu’il est devenu anglais, n’a pas encore eu de constitution. Il a eu une infinie variété de formes d’administration, toutes mauvaises. Chacune et toutes ne méritent et n’obtiendront de l’impartiale histoire que le mépris pour leurs défectuosités, et que la flétrissure pour les noms de leurs auteurs, qui organisaient l’oppression des majorités par les minorités[48].

    Dans la logique de Papineau, tout comme celle de la liberté républicaine, tous les « actes » de la colonie furent « forcément imposé[s], sans que les populations eussent été consultées[49] ». Et le régime confédéral de 1867 est « le plus coupable de tous[50] », d’autant plus que s’il y avait eu consultation de la population, celui-ci aurait certainement été « rejeté dans trois au moins des provinces qui sont aujourd’hui confédérées![51] ». Ainsi, « là où personne n’était coupable, tous sont punis, puisqu’ils subissent une loi sur laquelle ils n’ont pas été consultés[52] ». Aucune liberté politique équivaut à une absence de liberté collective et, donc, à une absence de liberté dans le sens républicain du terme.

    Humanisme civique et vertu républicaine

    La liberté républicaine que nous venons d’évoquer se fonde sur un certain nombre de notions, de principes ou d’idées qui tiennent de l’humanisme civique. Dans quelques travaux récents, inspirés de Pocock et Skinner, qui « retraçaient les filiations entre humanisme civique et républicanisme[53] », il a été démontré que le discours des Patriotes était largement influencé par l’humanisme civique tel que présenté par des philosophes de l’Antiquité[54]. Même si la définition de l’humanisme civique et de ses racines continue de diviser les chercheurs aujourd’hui[55], nous pouvons affirmer que celui-ci se rapporte à l’éloge de la participation civique, soit de la participation active des citoyens à la vie civique[56].  L’ordre civique républicain, selon cette idée, « favorise la vertu des citoyens en stimulant leur désir de briller au service de la patrie et du bien public[57] ». Le « révisionnisme républicain » de l’école de Cambridge démontra également la filiation entre cet humanisme civique et les origines du républicanisme de la génération révolutionnaire américaine, remontant jusqu’aux fondements de la Déclaration d’indépendance de Thomas Jefferson, un homme qu’admirait beaucoup Papineau[58]. En effet, l’humanisme civique, « centré sur le discours moralisateur de la vertu et de la corruption » faisait partie des « matériaux bruts d’un discours politique, devenu ouvertement républicain au moment de la Révolution »; discours qui conserva une rhétorique dialectique axée sur la vertu et la corruption, la liberté et la tyrannie après la Révolution[59].

     Plus précisément, la vertu républicaine que valorise l’humanisme civique se cristallise dans la « maîtrise de soi combinée à une vie indépendante soutenue par des mœurs énergiques[60] ». 

    Nous avons déjà mentionné que quelques éléments relatifs à la participation des citoyens à la vie publique ressortent du Testament politique de Papineau, notamment le principe d’électivité généralisée du gouvernement et l’idée de convention. Mais, tel que nous venons de l’évoquer, l’humanisme civique suppose une vigilance constante de la part du peuple quant à la conservation de sa liberté. Dans son Testament politique, Papineau écrit justement que « la liberté politique du Bas-Canada [dépend] de la sagesse et de l’engagement de ses citoyens[61] ». Cela suppose qu’il faut « préserver la vertu politique » du peuple via l’éducation. Par ailleurs, Papineau, en 1831, lors d’un discours, expliquait déjà que « chaque citoyen grand ou petit, riche ou pauvre » se doit de procurer à sa famille une bonne éducation civique[62]. Sur cette question, il écrit également dans son Testament politique qu’il faut étendre la foi en « l’empire de la raison », qu’il faut donc enseigner « aux masses »

    que la raison est le plus riche et le plus précieux des dons divins et qu’il a été départi à tous à peu près également, que la culture de l’esprit peut en centupler la fécondité et la vigueur; que pour défricher la terre il faut la force physique éclairée par l’expérience, mais que pour faire de bonnes constitutions et de bonnes lois, et pour les appliquer sagement, il faut avant tout une haute raison, éclairée non-seulement par des études sérieuses, mais surtout par le dévouement réel au pays, et par l’absence de toute convoitise personnelle, d’ambition ou d’intérêt[63].

    Cette éducation, précise-t-il, passe obligatoirement par l’étude des écrits d’Aristote, le génie « le plus judicieux qui ait surgi sur la terre pour l’humanité dans la voie du progrès[64] », mais aussi par l’étude de l’Esprit des lois de Montesquieu, cet « habile commentateur » d’Aristote[65]. Ce livre, nous dit Papineau, en est un qui « [nous] rendra meilleurs citoyens, et plus éclairés que si nous négligions de l’étudier ». Selon lui, « Nul autre n’est aussi propre à faire réfléchir, à fortifier le jugement, à vivifier la flamme du patriotisme […] [66]». Un dernier auteur patriote incontournable mentionné par Papineau, « le meilleur de nos historiens », François-Xavier Garneau : « C’est encore un des livres dont je recommande la lecture assidue et réfléchie à quiconque aime le Canada et veut aider à l’amélioration de son sort[67] ». 

    La question de la formation du citoyen et du développement de vertus civiques est donc centrale chez Papineau; vertus qui comprennent l’amour de la patrie et, justement, la défense désintéressée du bien commun. Les passages les plus éloquents sur cet aspect de la pensée de Papineau apparaissent clairement lorsqu’il aborde l’époque de l’Acte d’Union. On comprend bien, à travers ceux-ci, que Papineau exècre les « parvenus », rappelant les termes employés par Stéphane Kelly dans La petite loterie[68]. Au contraire de quelques élites canadiennes-françaises, Papineau resta fidèle à ses idéaux républicains défendus durant la décennie 1830. À l’inverse, les hommes politiques susmentionnés délaissèrent leurs positions dites « radicales » au temps des Patriotes pour se tourner vers la collaboration avec la Couronne britannique et profiter de sa « petite loterie » coloniale[69]. Papineau, sur ce point, dit que

    les hommes qui ont accepté la loi du plus fort et son usurpation, qui l’ont flattée, qui l’ont servie, ont crié bien haut : « l’Union nous a sauvés!!» Ils se sont étourdis sur la honte d’être déserteurs de principes qu’ils avaient proclamés être les seuls vrais, les seuls salutaires et applicables à leurs pays. Un changement d’opinion, quand il est désintéressé, peut être sincère et louable. Mais quand il est rémunéré au lendemain d’une défection, il est suspect toujours, trahison souvent[70].

    Après avoir fustigé les « parvenus » durant sa conférence à l’Institut canadien, Papineau souligne le mérite de ceux (probablement nombreux dans l’auditoire) qui ont su rester fidèles à leurs idéaux républicains et démocratiques. C’est dans cette optique que l’on doit comprendre cette fleur qu’il lance à ceux qui se sont opposés aux réformistes et ont été marginalisés comme lui depuis les années 1840 : « Quand votre opinion vous exposait à la persécution, vous excluait des chances de parvenir, il n’y avait pas à douter qu’elle ne fût sincère et très-honorable. Vous étiez grands[71] ». Et c’est ultimement dans une optique de continuité idéologique et de cohérence intellectuelle chez Papineau, tel un « rigide républicain » dirait Fernand Ouellet[72], que l’on doit comprendre la critique empreinte d’humanisme civique qu’il formule du dernier des Actes d’Union. La Confédération ne constitue, pour Papineau, que l’aboutissement de l’histoire constitutionnelle du Canada marquée par « le patronage et l’or », ainsi que la corruption qui a fait plus de mal à la société que « la législation ne pourra jamais [lui] faire autant de bien[73] ».

    Américanité et admiration des États-Unis 

    Le Testament politique de Papineau traite également de la question de la spécificité des sociétés américaines lorsque comparées aux vieilles sociétés d’Europe. C’est-à-dire que Papineau compare la nature fondamentalement égalitaire de l’Amérique à celle très hiérarchisée d’Europe. Cette notion est importante, puisqu’elle sert de justification à la conviction de Papineau que seul peut être implanté en Amérique un gouvernement fondé sur l’électivité généralisée. Bien entendu, l’égalité n’est pas complète ni parfaite, mais l’inégalité qui persiste n’est pas fondée sur la naissance ou les privilèges, mais bien sur les talents et les mérites. Les hommes équitablement et justement désignés « par la supériorité reconnue du génie et du savoir, et non par le seul accident de la naissance[74] », puis forcément élus par le peuple, devraient être les seuls à avoir le droit de décider de questions aussi importantes que le sort politique du « pays ». Papineau résume ainsi cette idée alors qu’il fait l’histoire de la Révolution américaine :

    Le second congrès sonne le tocsin à Philadelphie par la Déclaration inspirée de l’Indépendance. Il a noyé en foule des aristocraties de naissance et de privilège, pour les remplacer par des aristocraties divines, celles du génie, du savoir, des vertus publiques, celles qui font leurs preuves de vraie noblesse dans les concours ouverts à la libre compétition entre toutes les classes de citoyes (sic) d’un même pays; dans l’équitable système électif, où le plus pauvre en fortune peut devenir le plus haut placé dans la hiérarchie sociale, s’il est le plus riche en mérite, et sous l’heureux fonctionnement duquel on peut s’assurer des successions de Présidents, qui seront tous des hommes de transcendante supériorité et tels que l’hérédité n’en peut donner. Les monarques médiocres, les souverains perdus par les flatteurs, sont nécessairement la généralité des rois; le monarque vertueux est la rare exception[75].

    Revenant sur l’histoire politique de la colonie bas-canadienne, Papineau rappelle que le système politique colonial et aristocratique axé sur une chambre d’Assemblée élue et des Conseils nommés organise « artistement » l’animosité entre ces deux corps depuis l’Acte constitutionnel de 1791. Dans les conseils, tout ce qui s’était « fougueusement opposé » à l’implantation d’un système représentatif auparavant « y fut recueilli, dit-il, à deux ou trois exceptions près ». Cette animosité « ne s’est pas ralentie un instant tant [que ces deux corps] ont été en présence ». Évoquant ce qu’écrit justement Durham dans son fameux rapport de 1839, Papineau explique que ce dernier « fait justice de l’arrogance et de l’illibéralité des conseils et des pactes de familles [au Bas-Canada] ». Quelques mois seulement après l’entrée en vigueur de la Confédération, en 1867, il est clair pour Papineau que « ce nouveau plan gouvernemental révèle plus que les autres encore l’animosité violente de l’aristocratie contre les institutions électives[76] ».

     La lutte politique aux accents républicains que mène Papineau depuis le début des années 1830 vise justement à remettre le pouvoir au sein de la majorité du peuple (un peuple égalitaire puisqu’américain) afin d’effacer les dissensions artificiellement induites par une dynamique politique visant à avantager une aristocratie coloniale tout aussi artificielle. Nous l’avons évoqué plus haut, mais l’américanité de Papineau s’observe aussi par l’admiration qu’il porte envers les structures politiques des États-Unis depuis au moins le début des années 1830. En fait, le virage étasunien de Papineau et des Patriotes est évident dans les 92 Résolutions, alors que sont souvent portées en éloges les institutions politiques américaines[77]. Pour Papineau, ce sont ces institutions qui permettent justement l’expression de la souveraineté populaire par son électivité généralisée (du moins dans plusieurs États), notamment à travers la convention constitutionnelle, un principe que redoutent les élites coloniales justement « parce qu’il est trop américain[78] ». Dans cette même veine, à propos du fait que le projet des fondateurs de la Confédération est soumis à Londres et non pas aux « intéressés », c’est-à-dire au peuple, Papineau écrit non sans une certaine dérision : 

    aller directement en Angleterre, c’est dire [aux membres du Parlement anglais] : Nous reconnaissons votre pleine puissance […] C’est aussi [leur] dire : Vous êtes aussi inconséquents que nous, puisque vous êtes toujours prêts à saisir l’occasion de faire naître des causes de plaintes et de justes mécontentements dans vos colonies. Pourquoi vous immiscez-vous à y régler des difficultés dont vous ne pouvez pas être les meilleurs juges ? pourquoi légiférer pour des pays dont vous ne pouvez apprécier les désirs, les besoins, les ressources, aussi bien que le feraient ceux qui y sont nés, aussi bien que le feraient ceux qui sont allés s’y établir depuis de longues années[79]?

    Si les membres du Parlement métropolitain ne peuvent pas être de bons juges des besoins des coloniaux puisqu’ils ne peuvent comprendre les spécificités propres aux sociétés d’Amérique, il faut se tourner vers les États-Unis qui peuvent inspirer, encore une fois, une solution toute républicaine : 

    Les américains semblent avoir employé le moyen le plus propre à prévenir les plaintes et les soulèvements des peuples contre les gouvernants, en laissant aux majorités décider, par la voie du scrutin, du choix des institutions qui leur conviennent le mieux. La très-grande majorité des publicistes et des hommes d’État de toute l’Europe et du Royaume-Uni en particulier admettent que ce moyen convient parfaitement bien aux États-Unis. En quoi donc l’état social des colonies est-il si différent de celui de leurs proches voisins, pour présumer que la même organisation politique ne leur conviendrait point[80]?

    En 1867, c’est donc un Papineau impitoyable envers Londres et le nouveau régime politique canadien qui conclut que 

    ce n’est pas l’acceptation précipitée de l’acte de confédération bâclé à Québec qui peut prouver la sagesse des hommes d’État de l’Angleterre […] Le sinistre projet appartient à des hommes mal famés et personnellement intéressés, l’accomplissement du mal au parlement britannique, surpris, trompé, et inattentif à ce qu’il fait[81]. 

    Bien qu’il n’élabore pas spécifiquement sur cette question dans son Testament politique, c’est aussi un Papineau convaincu depuis 30 ans de la pertinence de l’annexion aux États-Unis qui rejette la Confédération canadienne pour se tourner vers la République voisine :  « Voilà le système américain, de bien loin le plus parfait que l’ingénuité et la raison humaines aient encore imaginé, pour promouvoir le plus rapidement possible la grandeur et la prospérité des états qui auront le bonheur de le recevoir[82] ». 

    La rencontre des « nationalités nouvelles »

    Une question peut se poser alors que Papineau fait l’éloge des États-Unis et suggère que sont heureux tous les États qui s’y annexeront : que faire de la nationalité bas-canadienne ? C’est effectivement une autre idée fondamentale dans la pensée du Papineau de 1867 qu’est celle de nationalité[83]. Étroitement liée à son sentiment d’appartenance au continent américain, elle relève d’une vision providentielle de la destinée des nationalités du continent américain, comme nous le verrons à la fin de cette section. En effet, celles-ci partagent des caractéristiques et des préoccupations communes (égalité, liberté, anticolonialisme et protection des droits humains) qui les amèneront, selon lui, à se séparer de tout lien avec l’Europe, puis à se fédérer sous une seule, grande et heureuse République.

    L’extrait suivant illustre bien, d’abord, l’idée chez Papineau de ce lien anticolonial qui unit les nationalités d’Amérique :

    En récapitulant quelques phases de l’histoire de notre pays pour vous indiquer la politique systématique suivie par le gouvernement aristocratique de l’Angleterre, dans ses anciennes comme dans ses nouvelles colonies, j’ai voulu vous montrer que ce système a toujours été imposé d’après les préjugés naturels de la caste qui nous gouverne dans son intérêt, intérêt qui est en conflit perpétuel et irrémédiable avec ceux des masses; qu’il a été nuisible aux établissements nouveaux en Amérique; que l’intérêt de ceux-ci est de demander leur émancipation le plus tôt possible, et d’acquérir tous les avantages et tous les privilèges de nationalités nouvelles, tout-à-fait indépendantes de l’Europe[84].

    Papineau nous entretient d’une rupture qui doit se faire entre les hommes de l’ancien et du « Nouveau-Monde[85] » : l’Europe est trop différente de l’Amérique, et il est nuisible que la première, forte de ses préjugés, impose ses façons de faire à la deuxième. Cette émancipation du Nouveau-Monde, de plus, doit se faire via l’œuvre de fédération de la République américaine déjà entreprise (forte d’autant plus de sa protectrice Doctrine Monroe depuis 1823[86]). À plus forte raison, on comprend de cette idée de « rupture-fédération » que l’indépendance, pour Papineau, n’est pas pleine et entière : c’est avant tout une indépendance face à l’Europe, en contexte américain, fédéré et républicain[87]. 

    À terme, cette grande rencontre des « nationalités nouvelles » toutes émancipées de l’Europe créera une seule grande nationalité, « une nouvelle nationalité mixte et américaine », que Papineau a auparavant appelée « nationalité colombienne[88] ». Dans cette optique, un premier appel à la rencontre des classes intellectuelles est lancé ainsi par Papineau à l’Institut canadien de Montréal :

    C’est à mes concitoyens de toutes les origines que j’en appelle aujourd’hui comme je l’ai toujours fait; que je dis que nous devons être non-seulement soucieux de conserver les droits qui sont acquis, mais que, par la libre discussion, nous devons nous efforcer sans cesse d’en acquérir de nouveaux. Le meilleur moyen d’obtenir cet heureux résultat est d’appeler les jeunes et vigoureux esprits d’élite, de toutes les diverses nationalités, à se voir, à se réunir fréquemment dans cette enceinte, dans cette bibliothèque, dans les autres enceintes, dans les autres bibliothèques de même nature. Ils s’y verront comme amis, comme égaux, comme compatriotes. Ils partageront une admiration commune […] pour la légion des hommes éminemment grands, serviables à l’humanité entière, que les deux nationalités anglaise et française ont produits en si grand nombre[89].

    Envisageant peut-être certaines critiques inspirées de ce que disait Durham au sujet de la lutte ethnique dans les Canadas, cet appel à la réunion des hommes est immédiatement suivi d’un retour opportun sur l’histoire des luttes politiques au Canada, alors que Papineau explique qu’il n’est pas vrai que ces « dissensions politiques […] fussent une lutte de races ». Il explique que « les majorités [des Haut et Bas-Canada] étaient des amis désintéressés des droits, des libertés et des privilèges dû à tous le (sic) sujets anglais ». Il insiste par la suite sur les nombreux appuis que les Patriotes des deux colonies ont eus parmi « les hommes les plus éclairés de l’Angleterre et de l’Amérique » en ce qui a trait aux « nobles et justes » efforts qu’ils ont faits pour délivrer les colonies « de l’outrage et de l’oppression ». Avec ces exemples, Papineau veut démontrer que les préoccupations des peuples canadiens sont avant tout politiques et démocratiques. Ainsi, elles sont conciliables, et dépassent la question des « races », bien au-delà des dissensions nationales que les « préjugés » et les « intérêts de l’aristocratie » tentaient machiavéliquement d’exciter[90]. Le vieux routier de la politique profite par ailleurs de son passage à l’Institut canadien pour complimenter ses membres : 

    sur la haute intelligence et la libéralité éclairée avec lesquelles [ils ont] proclamé et appliqué le principe de la solidarité, et du concours dans [leur] enceinte – comme dans toute l’organisation politique et sociale de notre patrie – de toutes les races, de toutes les croyances religieuses, de toutes les opinions librement exprimées et librement discutées[91].

    La nationalité de Papineau est donc celle de la rencontre des « races » et des hommes portés par des idéaux républicains. En d’autres termes, les Canadiens, croit Papineau, s’inscrivent dans une mouvance démocratique continentale et inexorable, propre aux sociétés américaines égalitaires appelées à se séparer de l’Europe. Cette dynamique est celle de l’agrégation sous une seule et même entité politique (républicaine) et nationale (colombienne). Cette inexorabilité du destin des sociétés d’Amérique relève, en dernière précision, de l’œuvre de la Providence. Selon Papineau, aveugles sont ceux qui croient qu’une nationalité canadienne nouvelle, « forte et harmonieuse », est appelée à se créer au nord du fleuve Saint-Laurent et des Grands Lacs, et ce, distinctement du reste du continent. Selon lui, il y a ce « fait majeur et providentiel » que

    cette nationalité est déjà toute formée, grande et grandissante sans cesse; qu’elle a une force d’expansion irrésistible; qu’elle sera de plus en plus dans l’avenir composée d’immigrants venant de tous les pays du monde composée […] de toutes les races d’hommes, qui, avec leurs mille croyances religieuses, grand pêle-mêle d’erreurs et de vérités, sont toutes poussées par la Providence à ce commun rendez-vous pour fondre en unité et fraternité toute la famille humaine[92].

    Ce grand fait, pour Papineau, 

    est trop évident sur toute l’étendue de l’Amérique et dans toute son histoire, depuis sa découverte par Colomb; il est trop inévitable, pour qu’on y reconnaisse point l’une de ces grandes indications providentielles que l’homme ne peut se cacher, et lesquelles néanmoins il n’a pas plus de contrôle que sur les lois immuables qui gouvernent l’univers physique. On doit y voir l’enseignement divin de la tolérance universelle et de la fraternité du genre humain[93].

    Dans ce contexte, on comprend bien pourquoi le vieux républicain rejette la Confédération canadienne : elle ne va tout simplement pas dans le sens de l’histoire. Dès 1834, en fait, le très anticolonial Papineau prévoit que « bientôt, toute l’Amérique devrait être républicaine » : « Il ne s’agit que de savoir que nous vivons en Amérique, et de savoir comment on a vécu[94] ».

    En guise de conclusion 

    En 1867, lorsque Papineau prononce son discours à l’Institut canadien de Montréal, il rejette la Confédération canadienne. En regard de sa trajectoire politique ainsi que de ses convictions républicaines et de sa conception de la nationalité, ce rejet n’apparaît pas surprenant. Pour Papineau, le nouveau régime politique implanté par l’Acte de l’Amérique du Nord britannique ne s’inscrit en fait qu’en continuité avec les autres constitutions octroyées par Londres : elle consacre les principes de la monarchie constitutionnelle et la continuité de la soumission du peuple canadien à quelques élites. La Confédération a bouclé la boucle de la domination coloniale : il est le régime « le plus coupable de tous ».

    Pour Papineau, le seul gouvernement légitime est celui du, par et pour le peuple. Il est celui dont les institutions sont entièrement électives, et dont les dirigeants sont avant tout des citoyens talentueux et méritoires, imprégnés des principes de l’humanisme civique.  Ainsi, pas de surprise que le vieux patriote rejette une nouvelle constitution qui n’a pas été élaborée par le peuple ou, à tout le moins, qui ne lui a pas été soumise.  En fait, et surtout, il est cohérent que Papineau rejette un régime politique qui a été élaboré par une élite de traîtres coloniaux achetés par la Couronne britannique. Aussi, il est conséquent que Papineau rejette cette nouvelle constitution puisqu’elle permet à un ordre politique européen de persister en Amérique. Cela ne va tout simplement pas dans le sens de l’histoire : le destin politique du Canada ne peut pas être européen, ni colonial, ni monarchique; il doit être américain et républicain. Fidèle à la maxime de Thomas Paine « nulle nation ne saurait obéir à une autre parce que nulle nation ne sait en commander à une autre », Papineau perçoit le destin du Canada comme étant, dans un premier temps, une marche vers l’indépendance vis-à-vis de l’Angleterre, et plus largement de l’Europe. Dans un deuxième temps, cette indépendance devient toute relative lorsqu’il évoque l’inexorable fédération des nationalités nouvelles sous la Grande République américaine. À terme, une « nationalité colombienne » sera formée sur tout le continent d’Amérique. Il n’en parle pas directement dans son Testament politique, mais quel avenir dans ce contexte pour la langue française ? Il est conscient des dangers, mais son projet nationalitaire est avant tout politique, et non pas culturel. L’important, pour lui, est que le peuple soit collectivement et politiquement libre, tout comme l’État qui émane de lui. Une fois que les leviers politiques sont entre les mains de la majorité, le plus important de la bataille est gagné. Pour le reste : « Advienne que pourra. Y compris pour la langue, si « l’esprit français » pouvait durer[95]».

    Une autre précision qui n’apparaît pas dans son Testament politique : Papineau voit le scénario de l’annexion aux États-Unis des States of Quebec[96] comme une indépendance tout à fait acceptable ou comme une souveraineté suffisante. Plus précisément, selon lui, les colonies canadiennes seront appelées à « être divisées en cinq ou six États, chacun d’eux grand en étendue […] et avec un juste degré d’influence dans les deux chambres de ce Congrès entendu, étudié, aimé et respecté par la civilisation toute entière[97] ». Ce projet lui tient particulièrement à cœur, et il le désire pour le bien de ses compatriotes : « Peut-il exister un seul homme avec quelque ampleur d’esprit, quelque générosité de cœur, quelque patriotisme éclairé, qui ne sente qu’une telle combinaison politique donne à son pays natal ou à son pays d’adoption grandeur et prospérité plus prochaine et plus certaine que ne le permet le vasselage colonial[98]? » Une dernière fois, en 1871, Papineau évoque dans sa correspondance le projet d’annexion, alors qu’il avance en se réjouissant qu’il devient plus populaire chaque jour[99]. Voilà, selon les mots de Lamonde, une « évaluation de ce qui était faisable pour un républicain convaincu, pour un anticolonialiste irréductible [100]». 

    Malgré l’ébranlement causé par la Guerre civile américaine, pour Papineau, les États-Unis demeurent le meilleur système politique du monde. Après 1867, dans ses écrits privés, il en fait un éloge sacralisé de ses pères fondateurs : « Jefferson, le prince du cénacle, Washington le plus pure des patriotes, et les trente-huit autres signataires de la déclaration d’indépendance, sont les saints apôtres, prédestinés à régénérer le monde ». Ces hommes ont fondé « la plus grande, la plus impérissable des puissances. Elle durera, celle-ci, jusqu’à la consommation des siècles. Ni l’enfer, ni l’Anglais, ni l’Anglifié, pires que leurs insolents dominateurs, ne prévaudront contre elle[101] ». Ainsi, la Confédération canadienne, immanquablement, se compare défavorablement à une telle entité politique où règnent un « plus grand contentement », une « plus grande prospérité », et où les citoyens sont « plus éclairées, plus indépendants, plus industrieux, plus conscients de leurs droits politiques[102] ». Pour Papineau, enfin, il demeure certain que la marche de la république en Amérique est inéluctable; c’est le destin, le vœu de la Providence, son « moteur » de l’histoire. Et rien ne permet alors de supposer que le Québec du milieu du XIXe siècle ne sera pas entraîné par cette inexorable vague démocratique[103]. 

    Revenons au Québec d’aujourd’hui : bien que plusieurs auteurs conçoivent l’avenir politique de la province dans une perspective républicaine, la « République du Québec » n’est jamais américaine : quand elle n’est pas totalement indépendante, sa souveraineté est partagée avec Ottawa, ou bien elle demeure simplement canadienne. Dans tous les cas, le « soleil » de Washington que décrivait Papineau a perdu de son lustre, et de sa force d’attraction. Rejeter la Confédération pour ensuite proposer l’indépendance du Québec « sous pavillon américain[104] » pourrait paraître, en effet, quelque peu farfelu aujourd’hui. 

    Cette trop courte recherche[105] visait à cerner un pan de la pensée politique de Papineau en la découpant en quelques notions propres au républicanisme. Elle voulait également exposer la pensée d’un opposant au régime constitutionnel canadien de 1867 alors que l’on s’apprête à fêter les 150 ans de ce même régime. Nous nous permettons d’ajouter que la vision du destin politique du Bas-Canada chez Papineau pourrait servir à alimenter les réflexions des républicains québécois d’aujourd’hui, mais aussi des milieux souverainistes qui ont tendance à instrumentaliser la pensée de l’homme politique, objet d’une mémoire « plus ou moins juste[106] ». Bien que Papineau ait effectivement critiqué le régime politique canadien de 1867 et réfléchit à « l’indépendance » du Québec, les milieux souverainistes québécois devraient garder en tête son américanophilie et son républicanisme lorsqu’ils ont recours à ce dernier pour se légitimer.  

    Références

    [1] La consultation de quelques articles de journaux en ligne concernant la politique canadienne et québécoise suffit à le constater. 

    [2] Parmis les plus récents : Marc Chevrier, La République québécoise. Hommages à une idée suspecte, Montréal, Boréal, 2012, 454 p.; Danic Parenteau, Précis républicain à l’usage des Québecois, Montréal, Fides, 147 p.; Danic Parenteau, L’indépendance par la République. De la souveraineté du peuple à celle de l’État, Montréal, Fides, 2015, 200 p.

    [3] Marc Chevrier et al., De la république en Amérique française : anthologie pédagogique des discours républicains au Québec, 1703-1967, Québec, Septentrion, 2013, p. 9.

    [4] John G. A. Pocock, Le moment machiavélien. La pensée politique florentine et la tradition républicaine atlantique, Paris, Presses universitaires de France, 1997 (1975), 576 p.; Quentin Skinner, Les fondements de la pensée politique moderne, Paris, Albin Michel, 2009 (1978), 928 p.

    [5] Marc Chevrier et al., De la république en Amérique française, p. 29.

    [6] Sur les « origines du républicanisme moderne », voir ibid, p. 25-37.

    [7] Par exemple : Gérard Bouchard et Yvan Lamonde (dir.), Québécois et Américains. La culture québécoise aux XIXe et XXe siècles, Montréal, Fides, 1995, 418 p.; Louis-Georges Harvey, Le Printemps de l’Amérique française. Américanité, anticolonialisme et républicanisme dans le discours politique québécois, 1805-1837, Montréal, Boréal, 2005, 296 p.; Marc Chevrier (dir.), « L’idée de république au Québec », dossier thématique du Bulletin d’histoire politique, Montréal, VLB, vol. 17, no 3, 2009, p. 7-137.

    [8] Louis-George Harvey, Le Printemps de l’Amérique française, p. 17.

    [9] Marc Chevrier et al., De la république en Amérique française.

    [10] En témoignent les activités du Bulletin d’histoire politique, de Mens : revue d’histoire intellectuelle et culturelle ainsi que de la revue Argument.

    [11] Entre autres : Yvan Lamonde, Louis-Antoine Dessaulles, 1818-1895. Un seigneur libéral et anticlérical, Montréal, Fides, 2014 (1994), 425 p.; Stéphane Kelly, La petite loterie : comment la Couronne a obtenu la collaboration du Canada français après 1837, Montréal, Boréal, 1997, 283 p.; Éric Bédard, Les Réformistes. Une génération canadienne-française au milieu du XIXe siècle, Montréal, Boréal, 2012 (2009), 415 p.

    [12] Les dernières : Yvan Lamonde, Fais ce que dois, advienne que pourra. Papineau et l’idée de nationalité, Montréal, Lux Éditeur, 2015, 244 p.; Georges Aubin et Raymond Ostiguy, Louis-Joseph Papineau. Les Débuts, 1808-1815, Éditions Histoire Québec, 2015, 251 p.; Julie Guyot, Les insoumis de l’Empire. Le refus de la domination coloniale au Bas-Canada et en Irlande. Québec, Septentrion, 2016, 232 p.

    [13] Louis-Joseph Papineau, Un demi-siècle de combats : interventions publiques, choix de textes et présentation par Yvan Lamonde et Claude Larin, Montréal, Fides, 1998, 662 p.; Georges Aubin et Renée Blanchet, avec le concours de François Blanchet, Marla Arbach et Yvan Lamonde, signent les différents tomes de cette correspondance, parus entre 2000 et 2011. Pour le plus récent, voir Louis-Joseph Papineau, Lettres à sa famille : 1803-1871, texte établi et annoté par Georges Aubin et René Blanchet, introduction par Yvan Lamonde, Québec, Éditions du Septentrion, 2011, 870 p.

    [14] Ses travaux ont porté jusqu’à maintenant sur plusieurs aspects de la pensée de Papineau : le gouvernement responsable, l’idée de nationalité, le britannisme, l’américanité et l’idée de « Manifest Destiny ».

    [15] Voir Louis-Georges Harvey et Yvan Lamonde, « Origines et formes diverses du « destin manifeste » dans les Amériques : les Papineau et la United States Magazine and Democratic Review de Washington et de New York », Les Cahiers des dix, no 67, 2013, p. 25-73; Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, Montréal, Boréal, 2012, p. 155-175; Yvan Lamonde, Signé Papineau : la correspondance d’un exilé, Montréal, PUM, 2009, p. 11, 52-53, 57-61, 66-67 et 112-11; Yvan Lamonde, Fais ce que dois, p. 162-178.

    [16] Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées au Québec. Tome 1 (1760-1896), Montréal, Fides, 2000, 572 p.

    [17] C’est égalemet le postulat de Michel Ducharme dans Le concept de liberté au Canada à l’époque des révolutions atlantiques, 1776-1838, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2010, 350 p.

    [18] Yvan Lamonde, « American cultural influence in Quebec : A one-way mirror », dans A. O. Hero et M. Daneau (dir.), Problems and Opportunities in U.S.-Quebec Relations, Boulder et Londres, Westview Press, 1984, p. 106-126; voir également Yvan Lamonde, « L’ambivalence historique du Québec à l’égard de sa continentalité : circonstances, raisons et signification », dans Gérard Bouchard et Yvan Lamonde (dir.), Québécois et Américains, p. 61-81.

    [19] Louis-Joseph Papineau, « Un testament politique (Conférence à l’Institut canadien de Montréal, 17 décembre 1867) », dans Un demi-siècle de combat., p. 574-611; ci-après « Testament politique »; voir également Marc Chevrier, « Aristote, Papineau, le Léviathan canadien et la politeia bas-canadienne », dans Charles-Philippe Courtois et Julie Guyot, (dir.), La culture des patriotes, Québec, Éditions du Septentrion, 2012,  p. 199-208.

    [20] Marc Chevrier, « Le provincialisme, ou l’indolence politique », Liberté, vol. 40, no 6, 1998, p. 7.

    [21] Louis-George Harvey, Le Printemps de l’Amérique française, p. 17.

    [22] Yvan Lamonde, Louis-Antoine Dessaulles.

    [23] Marc Chevrier, La République québécoise, p. 184-186; Louis-George Harvey, Le Printemps de l’Amérique française, p. 246-247; Yvan Lamonde, Histoire sociale, troisième partie, p. 283-432; Jean-Paul Bernard, Les Rouges : libéralisme, nationalisme et anticléricalisme au milieu du XIXe siècle, Montréal, PUQ, 1971, 394p.

    [24] Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, p. 155.

    [25] Louis-Joseph Papineau, « L’annexion du Canada aux États-Unis (Lettre au Comité annexionniste de Québec, 25 octobre 1849) », Un demi-siècle de combats, p. 563-568; Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, p. 157.

    [26] Yvan Lamonde à l’émission de radio « Aujourd’hui l’histoire », Ici Radio-Canada.ca, 14 décembre 2015, vers 13 min. 15 sec., [en ligne], http://ici.radio-canada.ca/emissions/aujourd_hui_l_histoire/2015-2016/chronique.asp?idChronique=392563 (page consultée le 17 mars 2016).

    [27] Yvan Lamonde, Fais ce que dois, p. 51-54.

    [28] Ibid., p. 38.

    [29] Ibid., p. 52; Louis-George Harvey, Le Printemps de l’Amérique française, p. 91-131.

    [30] Louis-Joseph Papineau à Julie Bruneau-Papineau, 5 avril 1823, dans Lettres à Julie, texte établi et annoté par George Aubin et Renée Blanchet, introduction par Yvan Lamonde, Québec, Septentrion, 2000, p. 75.

    [31] Yvan Lamonde, Fais ce que dois, p. 43.

    [32] Louis-George Harvey, Le Printemps de l’Amérique française; Michel Ducharme, Le concept de liberté; Gilles Laporte voit plutôt dans le développement d’une rhétorique républicaine une stratégie pour consolider le leadership de Papineau et « confondre les modérés » en période « d’accalmies », voir Gilles Laporte, « La rhétorique républicaine sous le rasoir d’Occam », Argument, vol. 8, no 2, 2006, [en ligne], http://www.revueargument.ca/upload/ARTICLE/357.pdf (page consultée le 23 juin 2016).

    [33] Yvan Lamonde, Fais ce que dois, p. 194.

    [34] Michel Ducharme, Le concept de liberté, p. 5-6; il s’agit, entre autres, de ces auteurs : Thomas Hobbes, John Locke, Montesquieu, Adam Smith, Edmund Burke, Alexander Hamilton et John Adams.

    [35] Marc Chevrier et al., De la république en Amérique française, p. 11.

    [36] Michel Ducharme, Le concept de liberté, p. 5. Voir, entre autres, ces auteurs : Thomas Paine, Thomas Jefferson, Jean-Jacques Rousseau.

    [37] Marc Chevrier et al., De la république en Amérique française, p. 11.

    [38] Michel Ducharme, Le concept de liberté, p. 235-237.

    [39] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 575.

    [40] Ibid.

    [41] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 576.

    [42] Ibid., p. 580.

    [43] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 596.

    [44] Ibid., p. 581.

    [45] Ibid., p. 601.

    [46] Louis-Joseph Papineau à Joseph-Napoléon Cadieux, 25 avril 1870, dans Lettres à divers correspondants. Tome 2 : octobre 1845 – août 1871, texte établi et annoté par Georges Aubin et Renée Blanchet avec la collaboration de Marla Arbach, Montréal, Éditions Varia, 2006, p. 306.

    [47] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 581, voir aussi p. 601.

    [48] Ibid., p. 582.

    [49] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 600.

    [50] Ibid.; dans l’optique de Papineau, ce nouveau régime est aussi le pire parce qu’en plus d’avoir été élaboré par l’élite seulement, celle-ci est constituée de « parvenus ». De plus, la Confédération signe le retour d’une chambre haute nommée (Sénat). L’électivité du Conseil législatif (Sénat) n’avait été accordée en 1856 que « pour le temps d’une fleur », pour reprendre l’expression de Lamonde, et dans un contexte où le rep by pop avait été réinstauré, en 1852, après que le Haut-Canada soit devenu démographiquement majoritaire (voir, entre autres, Yvan Lamonde, Fais ce que dois, p. 193-194).

    [51] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 601.

    [52] Ibid., p. 605.

    [53] Yves Sintomer, « De Leonardo Bruni à Francesco Guicciardini : actualité de l’humanisme civique? », dans le numéro thématique « Actualité de l’humanisme civique » de Raisons politiques, vol. 4, no 36, 2009, p. 6.

    [54] Aristote et Cicéron, entre autres. Voir quelques contributions dans Charles-Philippe Courtois et Julie Guyot (dir.), La culture des patriotes.

    [55] En fait foi le numéro thématique mentionné plus haut sur l’« Actualité de l’humanisme civique » de la revue Raisons politiques, vol. 4, no 36, 168 p.

    [56] Yves Sintomer, « De Leonardo Bruni à Francesco Guicciardini », p. 10.

    [57] Ibid., p. 12.

    [58] Sur la référence à Jefferson chez Papineau, commencer par Yvan Lamonde, Fais ce que dois, chapitre 7,  p. 199-214; Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, chapitre 6, p. 155-175.

    [59] Avec le néoclassicisme et le constitutionnalisme britannique, voir Louis-George Harvey, Le Printemps de l’Amérique française, p. 35-37.

    [60] Marc Chevrier et al., De la république en Amérique française, p. 12.

    [61] Louis-Georges Harvey, « Rome et la république dans la culture politique des Patriotes », dans Charles-Philippe Courtois et Julie Guyot (dir.), La culture des patriotes, p. 156.

    [62] Louis-Joseph Papineau, « Santé à l’éducation! », dans Un demi-siècle de combats, p. 192; voir Marc Chevrier, « Aristote, Papineau », dans Charles-Philippe Courtois et Julie Guyot (dir.), La culture des patriotes, p. 205-206.

    [63] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 609.

    [64] Ibid., p. 576; sur Papineau et Aristote, voir Chevrier, « Aristote, Papineau », dans Charles-Philippe Courtois et Julie Guyot (dir.), La culture des patriotes, p. 189-208.

    [65] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 577.

    [66] Ibid., p. 579.

    [67] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 588 et 589.

    [68] Stéphane Kelly, La petite loterie; bien que le lexique employé par Kelly n’a rien à avoir avec Papineau. Il est plutôt inspiré des thèses de la philosophe Hannah Arendt sur les notions de « paria » et de « parvenu ».

    [69] Ou, selon Éric Bédard, ils se tournèrent vers le réformisme pragmatique au nom de la survivance culturelle (Éric Bédard, Les Réformistes); ou, selon Michel Ducharme, ils adoptèrent simplement une conception « moderne » de la liberté après avoir délaissé une conception « républicaine » (Michel Ducharme, Le concept de liberté).

    [70] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 600.

    [71] Ibid. 

    [72] Fernand Ouellet, « Papineau et la rivalité Québec-Montréal (1820-1840) », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 13, no 3, 1959, p. 317.

    [73] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 600.

    [74] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 603.

    [75] Ibid., p. 590.

    [76] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 606.

    [77] Sur les 92 Résolutions, voir Louis-Joseph Papineau, Un demi-siècle de combats, p. 251-288; Louis-George Harvey, Le Printemps de l’Amérique française, p. 171; Gilles Laporte, « Les Patriotes et les 92 Résolutions, 1834 », dans Robert Comeau, Charles-Philippe Courtois et Denis Monière (dir.), Histoire intellectuelle de l’indépendantisme québécois. Tome 1 : 1834-1968, Montréal, VLB Éditeur, 2010, p. 26-39.

    [78] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 601.

    [79] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 602.

    [80] Ibid.

    [81] Ibid., p. 603.

    [82] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 581.

    [83] Qui a été étudiée par Yvan Lamonde dans Fais ce que dois.

    [84] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 602.

    [85] Ibid., p. 611.

    [86] Yvan Lamonde, Fais ce que dois, p. 184-185.

    [87] Sur cette question, voir, entre autres, George Harvey et Yvan Lamonde, « Origines et formes diverses du « destin manifeste » dans les Amériques »; Yvan Lamonde, Fais ce que dois, chapitre 5, p. 137-178.

    [88] Louis-Joseph Papineau à Amédée Papineau, 31 décembre 1854, dans Lettres à ses enfants, Tome 1 : 1825-1854, texte établi par Georges Aubin et Renée Blanchet, introduction par Yvan Lamonde, Montréal, Les Éditions Varia, collection « Documents et Biographies », 2004, p. 639; voir également Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, p. 163; Yvan Lamonde, p. 163.

    [89] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 607.

    [90] Ibid., p. 607-608.

    [91] Louis-Joseph Papineau, « Testament politique », p. 610.

    [92] Ibid., p. 610.

    [93] Ibid., p. 610-611.

    [94] Papineau dans un discours à l’Assemblée du Bas-Canada le 18 février 1834, cité dans Yvan Lamonde, Fais ce que dois, p. 65; voir aussi Louis-George Harvey, Le Printemps de l’Amérique française, p. 172.

    [95] Yvan Lamonde, Fais ce que dois, p. 197.

    [96] Ibid., p. 163; Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne, p. 163.

    [97] Louis-Joseph Papineau à Joseph-Napoléon Cadieux, 25 avril 1870, dans Lettres à divers correspondants. Tome 2, p. 307.

    [98] Ibid.

    [99] Louis-Joseph Papineau à Amédée Papineau, 24 mars 1871, Lettres à ses enfants. Tome 2 : 1855-1871, texte établi et annoté par Georges Aubin et Renée Blanchet, Montréal, Les Éditions Varia, 2004, p. 703.

    [100] Yvan Lamonde, p. 189.

    [101] Louis-Joseph Papineau à Louis-H. Fréchette, 26 décembre 1868, dans Lettres à divers correspondants. Tome 2, p. 294; Yvan Lamonde, p. 205.

    [102] Louis-Joseph Papineau à Joseph-Napoléon Cadieux, 25 avril 1870, dans Lettres à divers correspondants. Tome 2, p. 305.

    [103] Sur cette question, voir Georges Harvey et Yvan Lamonde, « Origines et formes diverses du « destin manifeste » dans les Amériques ».

    [104] Yvan Lamonde, « À propos d’une approche discursive du courant républicain étasunien au Bas-Canada », Argument, vol. 8, no 2, 2006, dossier « Autour d’un livre : Le Printemps de l’Amérique française. Américanité, anticolonialisme, et républicanisme dans le discours politique québécois, 1805-1837, de Louis-Georges Harvey », [en ligne], http://www.revueargument.ca/article/2006-03-01/356-a-propos-dune-approche-discursive-du-courant-republicain-etasunien-au-bas-canada.html (page consultée le 17 mars 2016).

    [105] Qui aurait nécessité un regard exhaustif sur les interventions publiques de Papineau ainsi que sur sa correspondance privée que nous n’abordons qu’indirectement.

    [106] Yvan Lamonde, Signé Papineau, p. 9; Yvan Lamonde et Jonathan Livernois, Papineau. Erreur sur la personne.