Portrait du colonisé canadien-français selon la revue Parti pris (1963-1968)

JEAN-PHILIPPE CARLOS
Université de Sherbrooke

Résumé : Au début des années 1960, les élites intellectuelles québécoises sont très sensibles aux revendications d’autodétermination et de liberté des luttes anticoloniales africaines et asiatiques. L’idée voulant que les Canadiens français constituent une nation colonisée est alors largement en circulation dans les réseaux indépendantistes associés à la gauche socialiste. La revue Parti pris a su rendre compte de cette situation, en fournissant des analyses qui ont révélé que l’identité collective canadienne-française était empreinte d’un sentiment de victimisation, caractéristique des peuples colonisés. C’est donc l’analyse de cette identité que nous proposons d’étudier dans cet article.

 

Table des matières
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    Introduction

    Au début de la décennie de 1960, les mouvements de lutte pour la décolonisation sont en pleine expansion. En Afrique et en Asie, les peuples s’affranchissent des anciennes puissances coloniales européennes, en perte de vigueur depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Appuyées par des intellectuels engagés dans les luttes anticoloniales, les nations anciennement soumises obtiennent tour à tour leur indépendance, dans un contexte sociopolitique mondial leur étant favorable. Au Québec, les théories associées à la décolonisation auront un impact significatif dans les mouvements liés à l’extrême gauche[1]. Dès la fin des années 1950, plusieurs intellectuels canadiens-français vont commencer à adapter le discours anticolonial au contexte sociopolitique québécois, afin de militer en faveur de l’indépendance nationale et de l’avènement d’un régime socialiste[2]. Bien que plusieurs regroupements locaux aient repris ce cadre d’analyse spécifique, il apparaît évident que la revue Parti pris fut celle qui l’adapta de la manière la plus cohérente et la plus synthétique[3]. 

    Fondé en 1963 par Paul Chamberland, Pierre Maheu, Jean-Marc Piotte, Pierre Vadeboncoeur et André Major, Parti pris aura un impact significatif sur la scène sociopolitique québécoise de l’époque. Se présentant comme « l’avant-garde intellectuelle de la révolution », les partipristes seront au centre du militantisme d’extrême gauche au Québec, jusqu’à la disparition de la revue, en 1968[4]. Néanmoins, peu de spécialistes se sont penchés sur la reprise du discours anticolonial par les partipristes, surtout dans une perspective identitaire. Malgré le fait que l’historiographie relative à Parti pris est somme toute très riche[5], assez peu d’auteurs se sont intéressés à la caractérisation identitaire de la personnalité canadienne-française, telle qu’elle fut représentée dans les pages de la revue durant ses premières années d’existence[6]. Pourtant, les partipristes ont repris et adapté à la réalité québécoise la majorité des grandes thèses anticoloniales, formulées par Albert Memmi, Jacques Berque et Frantz Fanon[7]. C’est de cette manière que ceux-ci en sont venus à la conclusion que la société canadienne-française du début des années 1960 présentait plusieurs traits distinctifs caractéristiques des peuples dominés[8].

    À partir de la revue Parti pris, nous avons cherché à comprendre les manières par lesquelles se manifeste le colonialisme au Québec, au début des années 1960. Nous avons également voulu saisir comment se répercute ce phénomène d’oppression sur l’identité collective de la nation canadienne-française, sur la manière dont celle-ci s’est définie en rapport avec le fait colonial. Enfin, nous avons cherché à savoir sur quoi se fonderait l’identité proprement québécoise, affranchie du joug colonial, telle qu’elle fut formulée par les partipristes.

    Or, à la lumière des analyses politiques de Parti pris, il apparaît clair que les Canadiens français font face à un colonialisme politique, économique et culturel, perpétré par le gouvernement canadien. Cet état de fait engendrerait une identité collective dénigrée chez les Canadiens français, qui seraient amenés à se percevoir de manière négative. Toutefois, cette identité coloniale engendrerait également un sentiment de révolte, voué à la destruction de cette identité coloniale. L’élite intellectuelle partipriste, qui prône l’accès à une société indépendante, socialiste et laïque, en vue de mettre fin à la situation coloniale au Québec, représenterait cette force revendicatrice qui sous-tend l’affirmation identitaire de la nation « québécoise » et non plus « canadienne-française[9] ».

    Pour les besoins de cette analyse, la source principale qui sera étudiée est la revue Parti pris[10]. En soi, l’importance de Parti pris dans le panorama intellectuel québécois est significative. Elle fut l’une des premières revues à faire la synthèse de l’indépendantisme québécois et du socialisme-décolonisateur, un courant de pensée généralement associé aux luttes anticoloniales de l’Afrique et de l’Asie. Durant son apogée, entre les années 1964 et 1966, la revue possède un tirage de plus de 3 500 exemplaires, ce qui est impressionnant pour une revue intellectuelle de gauche[11]. Néanmoins, il importe de noter certaines limites relatives à l’usage de cette source. Par exemple, l’utilisation d’un discours affilié à la gauche socialiste semble parfois déformer ou accentuer certaines réalités du peuple canadien-français. Il est important de demeurer prudent avec certains faits relatés dans des articles, qui font parfois figure de propagande socialiste. Il faut ainsi veiller à ne pas généraliser la propagation d’une idéologie gauchiste à l’ensemble de la population canadienne-française, qui n’a jamais adhéré massivement à cette doctrine précise.

    Notre étude s’inscrit dans le cadre de l’histoire des identités et, plus largement, dans le cadre de l’histoire intellectuelle. Les concepts qui seront utilisés afin d’étudier le discours de Parti pris se fondent en grande partie sur les notions liées au colonialisme (colonisé[12], colonisateur[13], infantilisation[14], aliénation[15], assimilation[16]). La notion d’identité coloniale servira également à comprendre la structuration de l’identité collective de la nation canadienne-française, dans une perspective partipriste[17]. Des ouvrages de référence viendront se greffer à notre argumentaire afin de bien comprendre le discours émanant de la revue. Par exemple, les ouvrages Les damnés de la terre de Franz Fanon, Portrait du colonisé d’Albert Memmi et Dépossession du monde de Jacques Berque, qui ont profondément influencé l’écriture des rédacteurs de la revue, seront mis à profit dans notre analyse.

    Notre travail se divise en trois parties principales. Dans la première partie, nous traiterons du colonialisme au Québec, selon ses aspects politiques, économiques et culturels, et de ses effets sur la collectivité canadienne-française. Dans la deuxième section, nous traiterons de la psychologie collective des Canadiens français, en lien avec l’assimilation du discours dominant du colonisateur. Nous y aborderons notamment la question de la psychologie comportementale ainsi que la question du joual. Enfin, la troisième section portera spécifiquement sur l’identité revendiquée par les partipristes. Nous y traiterons de l’indépendantisme, du socialisme ainsi que du laïcisme, afin de comprendre le nouveau modèle de société québécoise prôné par les partipristes. Enfin, nous ferons un bref rappel de nos principaux arguments ainsi qu’une ouverture sur de possibles pistes de recherche, toujours dans le cadre de l’histoire des identités.

    Le colonialisme au Québec selon Parti pris

    Une nation doublement soumise

    Afin de légitimer leur argumentaire colonial, les partipristes ont prêté des intentions colonialistes au gouvernement canadien. En ce sens, ils ont cherché à démontrer que leur peuple était en proie à diverses formes de colonialismes, toutes solidement ancrées dans les traditions de la nation.

    En matière de politique, les partipristes ont convenu que les Canadiens français formaient une nation soumise au sein de la Confédération canadienne[18]. Le gouvernement provincial serait handicapé par un champ d’action restreint, à cause des limites imposées par le « vrai » gouvernement, situé à Ottawa, qui représenterait « un frein à l’émancipation du Québec au lieu d’en être le support[19] ». Grandement influencés par les théories néonationalistes de Maurice Séguin, les partipristes conviennent que la Conquête a durablement défavorisé les Canadiens français, puisqu’ils y ont perdu le contrôle de leur vie politique et économique[20]. 

    L’avènement du Régime anglais aurait instauré un système politique agressif qui, à diverses époques, a usé de violence pour mettre au pas la population du Québec[21]. La Confédération de 1867 aurait, quant à elle, centralisé le pouvoir à Ottawa, où la majorité canadienne-anglaise détiendrait la balance du pouvoir en raison de son poids démographique. Au Québec, cette perte progressive de pouvoir et d’autonomie aurait engendré une société aliénée, qui serait conditionnée à être gouvernée et privée d’un droit de parole. Le mythe d’un Canada fondé par deux nations distinctes est également fortement critiqué par les intellectuels de Parti pris. Selon eux, cette volonté de développer un projet de nation bilingue et biculturaliste dénoterait un désir d’assimilation par les autorités canadiennes-anglaises, qui « savent pertinemment que le Québec est en situation minoritaire au Canada, démographiquement parlant[22] ». Le pancanadianisme serait en fait une construction de la bourgeoisie canadienne, qui penserait à ses intérêts avant de penser à l’idéal confédératif[23]. De ce fait, les partipristes évaluent que cette domination politique est si forte que le statut de la nation canadienne-française « s’apparente désormais plus à une classe ethnique qu’à un peuple en soi[24] ». Sans prise sur le destin collectif de leur peuple, les élus à la tête de la province sont alors perçus comme des « rois nègres », qui font figure de « marionnettes » pour les « colonisateurs étrangers[25] ». Dominés par les Canadiens anglais, qui seraient eux-mêmes victimes de l’impérialisme économique américain, les Canadiens français seraient en proie à une menace d’assimilation politique réelle. Il apparaît donc clair que la Confédération, telle qu’elle est constituée depuis 1867, représente le principal pilier du colonialisme au Québec, puisqu’elle représente la mise en minorité politique de la nation canadienne-française.

    L’infériorité économique des Canadiens français

    D’un point de vue économique, les partipristes dénoncent le fait que les travailleurs canadiens-français subissent une double oppression, provenant à la fois du gouvernement fédéral et du secteur financier américain. Selon eux, l’infériorité économique du Québec s’explique par le fait que l’industrialisation de la province se fit principalement par les étrangers, « qui créèrent des industries primaires et rapportèrent dans leur pays nos matières premières[26] ». De ce fait, les partipristes soutiennent que les financiers américains contrôlent la majeure partie de l’économie du Québec en 1964, et ce, dans les secteurs dominants[27]. Cette « occupation » économique aurait engendré une bourgeoisie nationale québécoise qui ne pouvait se développer que dans la dépendance totale et dans les secteurs marginaux de l’économie, tels que le commerce de détail ou les petites industries locales[28]. De même, les partipristes avancent que le Canada anglais est lui-même victime du colonialisme économique américain, du fait que les « financiers yankees contrôlent les ¾ de l’économie du pays[29] ». C’est là un argument qui sera également mis de l’avant par d’autres groupes révolutionnaires de l’époque, qui chercheront à démontrer l’immense défi qui attend les militants soucieux de rendre le Québec économiquement indépendant[30].

    Cette fuite de capitaux et l’inexistence relative d’un secteur secondaire expliqueraient, en bonne partie, le taux de chômage élevé de la province[31]. Pour les travailleurs, la domination américaine et canadienne sur l’industrie canadienne-française entraînerait des salaires peu élevés, des emplois difficiles, un niveau de vie inférieur ainsi qu’un pouvoir d’achat affaibli. Face à cela, les rédacteurs conviennent que seule la conscientisation des travailleurs au sujet de la lutte des classes permettra au Québec d’aspirer à un projet d’indépendance nationale, qui mettrait fin au colonialisme anglo-saxon dans le secteur de l’économie.

    Le repli culturel des Canadiens français

    Comme nous l’avons mentionné, les intellectuels de Parti pris interprètent la Conquête comme étant l’évènement fondateur qui a interrompu « l’évolution normale » que vivait alors la société canadienne-française depuis le 16e siècle. Dépossédé de ses principales institutions politiques, le peuple canadien-français aurait effectué un repli culturel, où la famille, la religion et la tradition représentaient désormais les principales institutions sociales[32]. Rejetés hors des domaines de la politique et de l’économie, les Canadiens français auraient alors été encouragés par les élites à ne pas s’y intéresser outre mesure[33].

    Pour « compenser » ce manque de contrôle sur les principaux domaines de la vie publique, ils se seraient repliés dans le domaine culturel, afin de sauvegarder les institutions où il était possible de communiquer entre eux[34]. Aux dires des partipristes, ce comportement aurait permis aux Canadiens français de survivre durant la majeure partie du 19e siècle et au début du 20e siècle. Ce repli culturel aurait cependant permis à l’Église et au cléricalisme de devenir les principales institutions dirigeantes dans la province. Toujours selon les partipristes, la toute-puissance de l’Église catholique québécoise aurait amené la population à « s’abrutir » au cours des décennies et représenterait, en soi, l’un des principaux piliers du pouvoir colonial émanant du gouvernement fédéral. Par conséquent, les partipristes ne conçoivent pas l’avènement d’un Québec moderne sans l’effacement de la toute-puissance de l’Église et l’instauration de la laïcité[35]. 

    De plus, les partipristes vont aussi insister sur le danger d’assimilation culturel qui subsisterait au travers de plusieurs problématiques contemporaines, notamment au travers du phénomène d’urbanisation et d’industrialisation, qui frappe le Québec à partir de la fin du 19e siècle. Ce mouvement vers les villes relèguerait la langue française au domaine « folklorique », et lui ferait perdre progressivement de la valeur[36]. L’urbanisation provoquerait également une aliénation progressive chez les travailleurs qui, dans un milieu de travail de plus en plus compétitif, deviendraient inaptes à se trouver un travail décent, accentuant ainsi le sentiment d’aliénation lié à leur situation précaire. 

    Enfin, les partipristes conçoivent la culture de masse comme un « outil d’oppression », qui aurait facilité l’anglicisation des Canadiens français. L’usage de postes de télévision anglophones, l’écoute de musique américaine et britannique ainsi que « l’occupation » des cinémas par des films majoritairement américains démontreraient tout le danger relatif à la mise en péril de la culture canadienne-française[37]. Nous voyons donc les manières par lesquelles la culture est devenue, pour les Canadiens français, un espace sécurisant qui n’échappe cependant pas aux périls coloniaux liés à l’urbanisation. 

    L’intériorisation de l’identité coloniale chez les Canadiens français

    Un peuple mélancolique, nostalgique et dépressif 

    Sur le plan de la psychologie, les partipristes ont fait plusieurs analyses très poussées qui visent à soutenir leur conception du colonialisme, qui paraît ainsi être un puissant vecteur d’identité collective. Dans le cas du Québec, il apparaît que la nation canadienne-française assimile une partie importante de l’identité coloniale, notamment au travers des consciences collective et individuelle. Selon eux, plusieurs éléments caractéristiques de leur société laissent croire que le colonialisme a un impact négatif sur l’image des individus qui la composent. 

    Les intellectuels de Parti pris assigneront régulièrement un caractère mélancolique et affligé à la personnalité collective canadienne-française. Il semblerait que les Canadiens français soient, de par leur statut de « colonisés », plus susceptibles d’être en proie à la dépression. Ce comportement se retrouverait dans les attitudes, les croyances, les opinions ainsi que dans les aspirations et les valeurs de ces derniers[38]. Se basant sur des études réalisées par des psychiatres et des sociologues, les partipristes vont formuler plusieurs théories en lien avec cet aspect de la personnalité individuelle des Canadiens français[39]. En fait, plusieurs éléments expliquent cette tendance à la dépréciation et à la dévalorisation. D’abord, ils notent l’importance du facteur religieux dans l’éducation qui, de par sa nature, encourage l’autodépréciation, la résignation, l’obéissance ainsi que la soumission[40]. Ce conditionnement précoce favoriserait la mise en place d’attitudes conformes au modèle du colonisé, inapte à envisager son existence autrement que par ces valeurs. Ce sentiment dépressif serait également lié à un « sentiment profond d’infériorité », associé au statut de minorité ethnique qui définit les Canadiens français au sein de la Fédération canadienne[41]. L’impression d’être minoritaire marquerait durablement la mémoire collective de la nation canadienne-française, qui ne pourrait se percevoir autrement que comme une nation soumise à une autre, sans contrôle sur son destin. Ces éléments mèneraient les individus à modeler une culture essentiellement individualiste, préoccupée par sa survie, et qui serait avant tout soucieuse de rétrospection et de nostalgie, comme le traduit la devise nationale du Québec, « Je me souviens[42] ». 

    En axant leurs analyses sur les comportements individuels, les partipristes vont avancer que l’incidence de la dépression est plus élevée chez les Canadiens français qu’ailleurs dans le Canada, que ces tendances dépressives prennent souvent le dessus sur la personnalité normale des individus et qu’au final, ceux-ci en viennent à déprécier leur culture d’appartenance[43]. Ces éléments feraient en sorte que les Canadiens français seraient fondamentalement différents des Canadiens anglais, de par leurs prédispositions à la mélancolie et à la nostalgie. De ce fait, les représentations collectives négatives du groupe canadien-français institutionnaliseraient les fondements psychologiques associés au statut du « colonisé ». N’étant pas aptes à se valoriser de manière adéquate, en raison de leur infériorité politique, économique et culturelle, les Canadiens français présenteraient, selon les partipristes, un état psychologique caractéristique des peuples dominés. Cet argument sera, au fil des parutions, régulièrement remis de l’avant afin de renforcer son impact sur la personnification psychologique du colonisé canadien-français.

    L’usage du joual chez Parti pris

    Au Québec, le joual désigne avant tout le français parlé « populaire », issu principalement de la culture urbaine de Montréal. Ce langage se définit essentiellement par l’emploi d’archaïsmes, l’utilisation fréquente d’anglicismes, une relative simplicité des phrases ainsi que la crudité du vocabulaire employé. Ce phénomène langagier aura un impact important sur la scène culturelle québécoise des années 1960 et, en fait, les partipristes seront parmi les premiers à intégrer le joual à leur argumentaire politique ainsi qu’à leur composition littéraire[44]. Mais cet usage servira avant tout à alerter la population face à la situation linguistique du Québec, à provoquer une prise de conscience des Québécois à propos de leur aliénation linguistique[45]. Pour Parti pris, « le joual révèle chez les Québécois un symptôme d’une assimilation progressive et d’une dépossession de ses instruments d’expression[46] ». Selon les théorisations révolutionnaires des partipristes, le fait colonial au Québec « convertirait les Canadiens français en étrangers à leur langue maternelle, et donc à eux-mêmes[47] ». On va ainsi souligner le fait que l’usage du joual est, en soi, une preuve irréfutable de l’assimilation progressive subie par les Canadiens français, en raison de leur statut de colonisé. De ce fait, plusieurs intellectuels canadiens-français de l’époque vont chercher à sensibiliser la société face à leur appauvrissement langagier progressif[48].

    Par contre, les partipristes ne condamnent pas nécessairement l’usage du joual par la population et par eux-mêmes. En fait, ils voient en cela un « état linguistique provisoire, en attendant la réhabilitation de la langue française, qui surviendra avec l’indépendance du Québec[49] ». Selon l’écrivain André Brochu, l’usage d’un français « standard » à l’écrit et à l’oral équivaut à « employer une langue qui n’est pas encore nôtre[50] ». Le joual apparaît donc comme la démonstration d’une impuissance linguistique et individuelle. Il est à la fois un marqueur identitaire et un rappel de la situation de dépossession linguistique qu’engendre la situation coloniale[51]. Son usage, tant dans les analyses politiques que dans les textes littéraires, illustre de manière constante cette situation qui ne se terminera qu’au travers de la révolution nationale. 

    La revendication et l’affirmation d’une identité « québécoise »

    « Nous serons indépendants, ou bien nous aurons honte d’être au Québec[52] »

    En tant que représentants de l’élite intellectuelle, les partipristes vont chercher à s’émanciper, individuellement et collectivement, de cette identité coloniale qui est assignée à la nation canadienne-française[53]. De ce fait, l’idéal révolutionnaire qu’ils prônent se destine à éliminer le statut colonial rattaché à leur nation. En fait, cette révolution se base sur trois piliers fondamentaux, qui forment la structure d’une future société québécoise affranchie du joug colonial[54]. Afin de bien saisir sur quoi repose l’identité proprement québécoise revendiquée par Parti pris, le premier élément à prendre en compte est l’indépendantisme. 

    Concernant le mouvement indépendantiste québécois des années 1960, les partipristes reconnaissent l’existence d’un mécontentement partagé par une certaine frange de la population, révoltée contre la situation sociopolitique du Québec[55]. Selon les penseurs associés à la revue, l’autonomie politique complète représente l’une des conditions indispensables à la libération de la nation canadienne-française. Les partipristes croient fermement au fait que l’indépendance économique et culturelle ne peut advenir sans l’accession à la souveraineté de leur peuple. Selon Jean-Marc Piotte, « si nous ne nous séparons pas, nous continuerons de nous transmettre de génération en génération, les tares psychologiques de tout peuple colonisé[56] ». En affichant leur révolte face au carcan fédéral, les intellectuels de Parti pris tentent d’affirmer la spécificité de la nation québécoise qui, comme toutes les nations du monde, « devrait pouvoir se pencher sur son droit à l’autodétermination[57] ». En se structurant autour de l’idéal indépendantiste, les partipristes en viennent donc à revendiquer une identité collective beaucoup plus forte et affirmée que celle qu’ils décrivent dans leurs analyses politiques. Selon toute apparence, ils cherchent à s’émanciper eux-mêmes de cette identité coloniale, tout comme ils cherchent à affirmer le bien-fondé d’une identité non plus canadienne-française, mais bien québécoise. En s’appuyant sur les griefs qu’ils font à l’endroit du gouvernement fédéral, les partipristes appellent les Québécois à s’unir dans la lutte pour l’indépendance et à mettre fin à leurs luttes fratricides. En ce sens, l’indépendance politique prônée par Parti pris est aussi caractérisée par le désir de libérer les travailleurs du Québec. Dans une perspective révolutionnaire, il apparaît que l’indépendantisme seul ne peut permettre à la collectivité québécoise d’être complètement libérée du joug colonial. Pour ce faire, il doit être couplé à la mise en place d’un système socialiste, sans quoi le processus se solderait par un échec inévitable.

    Un Québec socialiste

    À la lecture des articles de Parti pris, il apparaît évident que l’affirmation d’une identité québécoise forte passe inévitablement par une restructuration de la société qui devra, selon toute vraisemblance, donner le pouvoir aux travailleurs québécois. En soi, les partipristes sont fortement rattachés à la tradition marxiste-léniniste, qui représente pour eux le modèle socialiste par excellence afin de mettre sur pied une société dépourvue de classes[58]. Ce système politique permettrait de remettre entre les mains du peuple les richesses nationales, qui auraient été auparavant exploitées par une classe privilégiée et par d’autres pays[59]. Pour eux, l’affirmation d’une identité québécoise forte passe par l’appropriation collective et publique des moyens de production, ce qui mènerait à l’égalité des hommes et à la suppression de la bourgeoisie. L’avènement d’un système socialiste permettrait de mettre fin à la « dictature économique des Canadiens anglais et des Américains », en plus de créer une société et une démocratie supérieure[60]. Pour les partipristes, le socialisme permettra aux Québécois de se « surpasser » en tant que nation, en plus de permettre un certain rattrapage par rapport au retard accumulé par « les années d’oppression », dans tous les secteurs d’activités économiques, politiques et culturels[61]. Néanmoins, les rédacteurs font preuve de pragmatisme, en mettant en garde quiconque serait tenté de céder à un socialisme mythique et utopique. Notamment, ils critiquent durement les modèles soviétiques et chinois, qu’ils jugent « corrompus et usés, et sans utilité pour le Québec[62]». La modélisation d’une société québécoise socialiste apparaît ainsi être la contrepartie dialectique à l’identité coloniale canadienne-française, soumise au carcan confédéral.

    Le laïcisme et la fin du pouvoir clérical

    Un autre élément qui traduit le besoin d’émancipation collective esquissé par les intellectuels de Parti pris se loge dans le désir de laïciser le Québec, tant sur le plan de l’État que sur celui de la société. Pour les partipristes, la société québécoise moderne et libérée se devra d’être complètement déliée de la domination du clergé, pilier fondamental du colonialisme au Québec depuis la période de la Conquête[63]. Ainsi, les partipristes conçoivent qu’un Québec laïque sera capable d’assurer tous les pouvoirs d’organisation sociale que le clergé monopolisait auparavant[64]. Les partipristes ne cherchent pas à institutionnaliser l’anticléricalisme, mais plutôt à permettre à l’État d’assumer ses fonctions normales. La laïcisation permettrait de retirer la religion des sphères publique et politique, pour assurer la plénitude de la société québécoise et de son évolution. En fin de compte, le projet de laïcisation prôné par Parti pris permettrait de créer un espace collectif où tous les citoyens seraient égaux, sans égard par rapport à leur croyance religieuse. Couplé à une vision socialiste, le laïcisme débouche en fait sur le respect de l’autre et représente l’un des fondements de la décolonisation québécoise[65]. La société québécoise moderne serait ainsi en mesure de se développer selon un modèle d’égalité, où le spectre de cléricalisme oppressif serait disparu. Athées, les partipristes n’encouragent pas nécessairement le rejet complet de la religion, mais plutôt l’abandon des sphères oppressives qui constituent l’Église catholique québécoise. Selon ce modèle de laïcisation, les Québécois seraient ainsi en mesure d’affirmer une identité forte et déliée de toute doctrine dictatoriale ou autoritaire[66].

    Conclusion

    En conclusion, notre étude aura permis d’illustrer la reprise du discours sur la décolonisation par les intellectuels de Parti pris et de tisser certains liens avec les notions propres à l’histoire des identités. Dans la première partie, nous avons illustré les principaux motifs par rapport auxquels les partipristes jugeaient que le Québec était soumis à une politique colonialiste au début des années 1960. Dans la deuxième partie, nous avons abordé la façon dont cette domination affectait l’image collective de la nation canadienne-française, notamment en matière de psychologie individuelle et collective. Enfin, la troisième partie nous aura permis d’approcher le projet de société québécoise moderne, tel qu’il fut formulé par les partipristes. Ainsi, il apparaît évident que les analyses politiques de Parti pris visaient à démontrer que les Canadiens français subissaient un colonialisme, perpétré par le gouvernement canadien, qui engendrerait à la fois une identité collective dénigrée chez eux, mais aussi un sentiment de révolte, voué à la destruction de cette identité coloniale. De cette manière, les partipristes étaient en mesure de légitimer leur projet de société qui ferait du Québec un État libre, socialiste et laïque. 

    Références

    [1] Sean Mills, Contester l’empire: pensée postcoloniale et militantisme politique à Montréal, 1963-1972, Montréal, Hurtubise, 2011, p. 14-16.

    [2] Raymond Barbeau, fondateur de l’Alliance laurentienne, réinterprétera les théories de la décolonisation selon le contexte canadien-français, et ce, dès 1957. Raoul Roy, fondateur de La Revue socialiste et de l’Alliance socialiste pour l’indépendance du Québec, utilisera également certaines de ces théories dans ses formulations théoriques, à partir de 1959. 

    [3]  Sean Mills, op. cit., p. 52.

    [4] Andrée Fortin, Passage de la modernité. Les intellectuels québécois et leurs revues (1778-2004), Sainte-Foy, Presses de l’Université Laval, 2006, p. 170-172.

    [5] Lise Gauvin, « Parti pris » littéraire, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1975, 217 p.; Robert Major, Parti pris. Idéologies et littérature, Saint-Laurent, Hurtubise, 1979, 489 p.; Stéphanie Angers et Gérard Fabre, Échanges intellectuels entre la France et le Québec, 1930-2000 : les réseaux de la revue Esprit avec La Relève, Cité libre, Parti pris et Possibles. À noter qu’un collectif portant sur Parti pris devrait être publié au courant de l’année 2016, en lien avec le colloque portant sur la revue qui s’est tenu les 3 et 4 octobre 2013 au centre de Montréal de BAnQ.

    [6] Jean-Philippe Warren s’est notamment intéressé à la question de la sexualité en lien avec le thème du colonialisme dans la revue Parti pris. À voir dans : Jean-Philippe Warren, « Un parti pris sexuel. Sexualité et masculinité dans la revue Parti pris », Globe : revue internationale d’études québécoises, vol. 12, no 2, 2009, p. 129-157.

    [7] Stéphanie Angers et Gérard Fabre, Échanges intellectuels entre la France et le Québec, 1930-2000 : les réseaux de la revue Esprit avec La Relève, Cité libre, Parti pris et Possibles, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004, p. 149-150.

    [8] En ce sens, les démonstrations politiques de Parti pris apparaissent donc comme un projet de prise de conscience, dont la mission est la désaliénation du peuple québécois par l’analyse et l’explication des forces sous-tendant son existence en tant que groupe minoritaire.

    [9] Pour les partipristes, le terme « Canadien français » est un « synonyme » du terme « colonisé ». Selon eux, ce terme renvoie à la fois au passé colonial du temps du Régime français ainsi qu’à la situation de minorité relative à la position du Québec au sein de la Confédération. Conséquemment, ils estiment que la nation québécoise se devra d’utiliser le terme « Québécois », afin de mettre fin à la persistance de cette appellation caractéristique qui renvoie sans cesse au passé colonial de la nation. 

    [10] Sur les 53 numéros de la revue, 35 contiennent des articles portant sur la thématique de la décolonisation. Devant l’ampleur de ce corpus préliminaire, nous avons axé notre recherche sur les thématiques précises que nous souhaitions aborder dans notre recherche. Nous avons étudié les articles qui traitaient du colonialisme politique, économique et culturel, de la psychologie du « colonisé » ainsi que de la théorisation de la révolution partipriste. C’est de cette manière que nous avons constitué un corpus d’une vingtaine d’articles. Enfin, la majorité des articles que nous avons utilisés ont été rédigés entre 1963 et 1966, période durant laquelle la grille d’analyse partipriste se fonde en grande partie sur les théories associées à la décolonisation. Par la suite, il apparaît que le discours partipriste se fonde davantage sur une grille d’analyse marxiste-léniniste, qui délaisse en partie l’orientation anticoloniale qui était privilégiée auparavant. 

    [11] Stéphanie Angers et Gérard Fabre, op. cit., p. 126.

    [12] Voir Albert Memmi, Portrait du colonisé ; précédé du Portrait du colonisateur et d’une préface de Jean-Paul Sartre; suivis de Les Canadiens français sont-ils des colonisés? (Édition revue et corrigée), Montréal, L’Étincelle, 1972, 146 p. Le « colonisé » peut être défini comme un individu dépourvu de droit, soumis et humilié, en état permanent de carence et amené à se conformer au miroir qu’on lui tend.

    [13] Ibid. Peut se définir comme étant un individu « privilégié » par rapport aux indigènes, « usurpateur » par rapport au fait que ses privilèges ne sont pas légitimes.

    [14] Frantz Fanon et Albert Memmi ont tous deux développé des théories en lien avec le colonialisme et l’infantilisation systématique des peuples colonisés. Selon eux, ce phénomène peut engendrer un sentiment d’impuissance chez les peuples colonisés, qui se déresponsabilisent progressivement et qui en viennent à se percevoir comme des êtres inférieurs, de par leur incapacité à prendre leur destin national en main. 

    [15] Frantz Fanon, Les damnés de la terre. Préface de Jean-Paul Sartre, Paris, Maspero, 1961, p. 28-33. Selon une analyse psychanalytique développée par l’auteur, l’aliénation du colonisé se traduit par un désir de ressembler à son colonisateur. À la suite de la liquidation de ses systèmes de référence et de l’écroulement de ses schémas culturels, le colonisé en vient à reconnaître le colonisateur comme un être idéal, à qui il doit s’identifier. Ce processus conduit à l’intériorisation des valeurs censées fonder la suprématie du colonisateur et conduit, à terme, à l’effacement des valeurs traditionnellement rattachées à l’individu colonisé.

    [16] L’assimilation peut se traduire par l’action d’intégrer quelqu’un, une minorité à un groupe social, lui faire prendre les caractères de celui-ci.

    [17] Albert Memmi, op. cit., L’identité coloniale se construit en liaison avec les actions perpétrées par le colonisateur à l’endroit des colonisés. Le colonisateur assigne une identité proprement « coloniale » au colonisé, qui peut alors soit assimiler une partie de cette identité, soit s’en distancer en se révoltant contre sa situation, afin de revendiquer une identité beaucoup plus affirmée.

    [18] Jean-Marc Piotte, « Sens et limites du néonationalisme », Parti pris, vol. 4, no 1, septembre-octobre 1966, p. 27.

    [19] Parti pris, « Présentation », Parti pris, no 1, octobre 1963, p. 3.

    [20] Jean-Marc Piotte, « Du duplessisme au F.L.Q. », Parti pris, no 1, octobre 1963, p. 18.

    [21] Pierre Maheu, « La protection de l’État », Parti pris, vol. 3, nos 3-4, novembre 1965, p. 6-7. La violence aurait notamment été utilisée par les autorités coloniales pour mettre au pas la population canadienne-française lors de l’insurrection des patriotes de 1837-1838. 

    [22] Paul Chamberland, « Aliénation culturelle et révolution nationale », Parti pris, vol. 1, no 2, novembre 1963, p. 10-22. 

    [23] Pierre Lefebvre, « Les 32 positions du fédéralisme coopératif », Parti pris, nos 9-11, été 1964, p. 172.

    [24] Jean-Marc Piotte, « Sens et limites du néonationalisme », Parti pris, vol. 4, no 1, septembre-octobre 1966, p. 27-28.

    [25] Parti pris, « Présentation », Parti pris, no 1, octobre 1963, p. 3. 

    [26] Jean-Marc Piotte, « Sens et limites du néonationalisme », Parti pris, vol. 4, no 1, septembre-octobre 1966, p. 25.

    [27] Ibid

    [28] Pierre Maheu, « Que faire? », Parti pris, nos 9-11, été 1964, p. 156.

    [29] Paul Chamberland, « Les contradictions de la Révolution tranquille », Parti pris, no 5, février 1964, p. 21. 

    [30] Mathieu Lapointe, « Nationalisme et socialisme dans la pensée de Raoul Roy, 1914-1965 », Mémoire de maîtrise (histoire), Université de Montréal, 2002, p. 144-145. Les rédacteurs de La Revue socialiste et de Révolution québécoise dénonceront ardemment le fait que l’industrialisation et la modernisation économique du Canada et du Québec soient en grande partie redevables des investissements provenant des financiers américains. 

    [31] Statistiques pour le mois de mai 1963. Statistiques de la province de Québec, vol. 11, no 3, p. 16 dans Jean-Marc Piotte, « Du duplessisme au F.L.Q. », Parti pris, no 1, octobre 1963, p. 25. En 1963, 37,6 % des chômeurs du Canada vivent au Québec.

    [32] Pierre Lefebvre, « Psychisme et valeurs nationales », Parti pris, nos 9-11, été 1964, p. 15-16. Nous pouvons ici voir l’influence d’Albert Memmi, qui a avancé l’idée que l’homme colonisé « se rabat sur des positions de repli, c’est-à-dire sur les valeurs traditionnelles […] Ainsi s’explique l’étonnante survivance de la famille colonisée : elle s’offre en véritable valeur refuge ». op. cit., p. 97.

    [33] Albert Memmi, op. cit., p. 94. Memmi décrit comment la perte d’autonomie politique engendre un manque d’intérêt de la part du colonisé pour les affaires de la cité. « Le fait est que le colonisé ne gouverne pas. Que strictement éloigné du pouvoir, il finit en effet par en perdre l’habitude et le goût. Comment s’intéresserait-il à ce dont il est si résolument exclu? » 

    [34] Les partipristes insistent beaucoup sur l’importance du domicile familial, de l’église et de la taverne par rapport au repli « stratégique » pratiqué par les Canadiens français au lendemain de la Conquête. Selon eux, ces institutions représenteraient les seuls pôles culturels importants où les Canadiens français ont pu avoir un certain pouvoir, bien qu’il soit en soi plus ou moins illusoire. 

    [35] Voir Pierre Maheu, « Les fidèles, les mécréants et les autres », Parti pris, vol. 2, no 8, avril 1965, p. 20-44.

    [36] Albert Memmi, op. cit., p. 102. L’obligation d’être bilingue entraînerait, pour les colonisés, le refoulement progressif de la langue maternelle, ce qui, à terme, deviendrait un réflexe naturel afin d’être en mesure de communiquer avec les « dirigeants ».

    [37] Jean-Marc Piotte, « Du duplessisme au F.L.Q. », Parti pris, no 1, octobre 1963, p. 23. Selon Albert Memmi, « l’ambiguïté linguistique est le symbole, et l’une des causes majeures, de son ambigüité culturelle », op. cit., p. 103.

    [38] André Benoist, « Valeurs culturelles et dépression mentale », Parti pris, vol. 1, nos 9-11, été 1964, p. 35. Voir aussi Albert Memmi, op. cit., p. 112. Memmi démontre comment le colonisé tente de s’identifier à son colonisateur, qui représente le modèle idéal. Cependant, dans l’inaccessibilité de monter dans l’échelle sociale, à cause de son statut de colonisé, celui-ci en vient à se voir sous un jour défavorable et à se dévaluer constamment. 

    [39] Ibid. p. 36. Notamment, les sociologues Marquita Riel-Fredette et Serge Rousseau ainsi que la psychologue Michèle Roussin. Selon leurs travaux, il est avancé que parmi les différentes maladies mentales, la dépression semble atteindre de façon préférentielle les Canadiens français (de Montréal). Il est à noter que ce genre d’étude psychanalytique était très en vogue durant la décennie de 1960. 

    [40] André Benoist, op. cit., p. 31.

    [41] Ibid

    [42] Ibid.

    [43] Ibid., p. 31-32.

    [44] Voir à ce sujet : Gérald Godin, « Le joual et nous », Parti pris, vol. 2, no 5, janvier 1965, p. 18-20 et « Le joual politique », Parti pris, vol. 2, no 7, mars 1965, p. 57-59.

    [45] Pierre-Luc Bégin, « Parti pris : un phénomène majeur méconnu », Québec français, no 153, 2009, p. 48-49. 

    [46] André J. Bélanger, Ruptures et constantes : quatre idéologies du Québec en éclatement : La Relève, la JEC, Cité Libre, Parti pris, Montréal, Hurtubise, 1977, p. 153.

    [47] Stéphanie Angers et Gérard Fabre, op. cit., p. 124.

    [48] Notamment André Laurendeau et Jean-Paul Desbiens, alias le Frère Untel, qui critiqueront durablement l’appauvrissement progressif de la langue française « parlée », surtout chez la jeune génération.

    [49] André J. Bélanger, op. cit., p. 158-159.

    [50] Ibid., p. 157.

    [51] Jacques Berque, op. cit., p. 141. Selon Berque, l’appauvrissement de la langue maternelle est, pour le colonisé, l’un des signes précurseurs de sa complète assimilation par le colonisateur. 

    [52] Georges Schoeters, « Lettre de Georges Schoeters », Parti pris, no 2, novembre 1963, p. 6.

    [53] En ce sens, les partipristes symbolisent la révolte contre l’assignation d’une identité coloniale. Selon nous, la théorisation du modèle de la future société québécoise affranchie découle essentiellement de cette révolte, principalement formulée par l’élite intellectuelle que représentent les partipristes. La manière par laquelle ceux-ci se définissent (l’avant-garde intellectuelle de la révolution) illustre clairement ce sentiment de révolte. 

    [54] Raphaël Chapdelaine, « Le concept de révolution dans le discours indépendantiste des années 1960 au Québec »mémoire de maîtrise (science politique), Université du Québec à Montréal, 2007, p. 10.

    [55] Paul Chamberland, « Aliénation culturelle et révolution nationale », Parti pris, vol. 1, no 2, novembre 1963, p. 14. Selon Parti pris, les politiques du gouvernement de Jean Lesage, les actions du F.L.Q. ainsi que le militantisme du RIN sont des preuves tangibles qui illustrent « la prise de conscience » du peuple québécois par rapport à sa situation à l’intérieur de la Confédération canadienne. 

    [56] Jean-Marc Piotte, « Du duplessisme au F.L.Q. », Parti pris, no 1, octobre 1963, p. 29.

    [57] Mario Dumais, « Les classes sociales au Québec », Parti pris, vol. 2, nos 1-2, août-septembre 1965, p. 48.

    [58] Jean-Marc Piotte, « Le socialisme », Parti pris, no 6, mars 1964, p. 2-3.

    [59] Pierre Maheu, « Leur Democracy », Parti pris, no 6, mars 1964, p. 5.

    [60] Paul Chamberland, « De la damnation à la liberté », Parti pris, nos 9-11, été 1964, p. 83.

    [61] Ibid

    [62] Gabriel Gagnon, « Pour un socialisme décolonisateur », Parti pris, vol. 4, no 1, septembre-octobre 1966, p. 83-84. 

    [63] Luc Racine, « Le clergé et les classes sociales : pour une stratégie de la gauche », Parti pris, vol. 4, nos 3-4, novembre-décembre 1966, p. 15-16.

    [64] Nicole Laurin, « Genèse de la sociologie marxiste au Québec », Sociologie et sociétés, vol. 37, no 2, 2005, p. 186.

    [65] Pierre Lefebvre, « Croyance et révolution », Parti pris, vol. 2, no 8, avril 1965, p. 11-12.

    [66] Il est néanmoins surprenant de constater comment ce discours contraste avec la réalité effective qui prend place dans la société québécoise, où la laïcité prend une place exponentielle depuis le début de la décennie de 1960.