Repenser le champ conceptuel de la sociolinguistique maghrébine à la lumière des impératifs du terrain

Le cas du concept de citadinité

IBTISSEM CHACHOU
Université de Mostaganem

Résumé : Dans ce qui suit, mon intérêt portera sur un concept que je pense être en crise, il s’agit du concept de citadinité. Son usage est souvent occulté, sinon sous-analysé, dans les travaux en sociolinguistique maghrébine, car jugé obsolète… mais par rapport à quelle réalité? Par rapport à quels terrains régis par quels impératifs est-il ainsi considéré? Telle est l’idée autour de laquelle je propose d’articuler mes réflexions.

Mots-clés : Citadinité – Mostaganem – sociolinguistique maghrébine – concept en crise – finalité humaniste – groupes statutaires – répartition géographique – stratification sociale – espace urbain.

 

Table des matières
    Add a header to begin generating the table of contents

    « Mais qu’en est-il de la citadinité dès lors que certains s’accordent à ne pas attribuer le statut de citadin à tout urbain? »

    Rachid Sidi Boumedine, « La citadinité, une notion impossible? », Réflexions, la ville dans tous ses états, Alger, Casbah, 1998, p. 27.

    Préalable

    En sciences humaines et sociales, les chercheurs adoptent souvent des positions épistémologiques qui les conduisent à appréhender l’homme dans sa dimension anthropologique. Cette saisie ne s’effectue de façon efficiente et manifeste que par le truchement sine qua non du langage, de la langue – éléments clés de l’établissement des rapports humains, de leur évolution et de leur institutionnalisation en société. C’est le pourquoi et le comment de cette inscription, innervée de sa teneur et de sa portée symbolique, qu’il importe au chercheur en sciences de l’homme de sonder et de rendre compte. Toutes les sciences humaines et sociales se fixent, à un moment de la recherche, comme des disciplines de sens qui s’intéressent à l’homme, sujet pensant, parlant et traçant, qui s’inscrit dans le monde en s’y érigeant principalement en un être de langage produisant du discours[1]. Même si les pratiques linguistiques et discursives sont l’objet « construit » des sciences du langage, les autres disciplines se penchent également sur la production de ce discours. Il en est ainsi de la sociologie, de l’histoire ou encore de l’anthropologie. Ces disciplines autorisent une meilleure compréhension des faits de langue. Leur apport s’avère parfois déterminant dans la saisie des considérations extralinguistiques.     

    Cette interdisciplinarité s’appuie sur un fondement humaniste[2] dans la mesure où la compréhension des phénomènes observés est conditionnée par leur contextualisation.  Ce fondement est inhérent aux motivations qui président aux interrogations liées aux questionnements en sciences du langage, aux travaux de prospection et de prospective qui s’ensuivent. Certes, ce fondement humaniste est à géométrie variable, mais il n’est pas à confondre avec pathétisme. C’est à la science qu’incombe le rôle de le réguler sans pour autant s’y substituer. Face au rapprochement donc empathique préconisé par ces sciences dites « molles » s’impose, presque comme un corollaire, un recul scientifique et critique par rapport non seulement aux faits, mais parfois même par rapport à l’apriorisme propre au chercheur lui-même. Il s’agit dans cette réflexion d’intégrer le paradigme compréhensif et interprétatif prôné par les méthodes dites empirico-inductives, dont un des postulats est de tenir compte de l’hétérogénéité culturelle[3] dictée par les impératifs du terrain.

    Ce préalable m’amène à m’interroger sur la position épistémologique adoptée par le chercheur, ici le sociolinguiste maghrébin-algérien, par rapport à son mode d’investigation. Les questions épistémologiques sont les suivantes : Comment connaître? Qu’est-ce que connaître? Pourquoi connaître[4]? Il faut aussi savoir si le sociolinguiste maghrébin tient compte de la complexité du réel ou s’il l’occulte; si les outils conceptuels qu’il mobilise lui permettent d’appréhender ce réel, s’ils l’autorisent à vérifier, à titre d’exemple, la pertinence des cinq types de variations; si ces derniers recouvrent ou non des significations sociales spécifiques dans le cadre de la sociolinguistique maghrébine; et si ces concepts sont ou non suffisamment repensés à la lumière de l’hétérogénéité des données sociohistoriques et culturelles caractéristiques des sociétés du Maghreb.

    D’emblée, je note que dans ce domaine certains outils conceptuels sont comme figés et n’autorisent pas le chercheur à appréhender son objet d’étude avec rigueur, d’autant plus que la réalité du terrain est très souvent complexe et dynamique. La nécessité de développer des éléments critiques par rapport au champ conceptuel de la sociolinguistique maghrébine s’avère donc fondamentale, car, comme je l’ai mentionné plus haut, le croisement de ces concepts avec la réalité de plus en plus complexe des sociétés du Maghreb requiert des grilles d’interprétation plus spécifiques et mieux adaptées au contexte. Dourari Abderrezak note à ce propos que c’est « l’analyse et la conceptualisation des pratiques langagières effectives des Algériens qui constitueront les principes devant guider la reconstruction du champ de la pensée sociolinguistique algérienne et non pas les concepts issus de la description de situations particulières empruntées à d’autres sociétés[5]. » Pour ce faire, il importe de réviser, dans un premier temps, ce champ conceptuel et de le reconsidérer en tenant compte des particularités du terrain. Il ne s’agit pas de redéfinir une science ni son objet, mais de travailler dans le but d’affiner l’appareillage conceptuel à même de permettre de saisir d’une manière optimale et très pointilleuse cet objet.

    En faisant l’économie d’un tel recadrage théorique et conceptuel, le chercheur maghrébin peut-t-il prétendre saisir avec pertinence la dimension sociale de son objet et le fonctionnement de ses variables en contexte? Le problème posé est celui de l’applicabilité, voire de l’applicationnisme, à la réalité maghrébine d’outils conceptuels conçus en fonction de la description d’autres réalités et de l’étude d’autres sociétés.

    Ce sont des difficultés relevant de ce questionnement qui se sont posées à moi lors de la préparation d’un travail sur Les parlers urbains de Mostaganem. Essai d’analyse sociolinguistique[6]. Ce que je propose d’exposer ici n’est que le bref récit d’une difficulté propre à toute recherche, récit qui fait suite à la confrontation du chercheur avec le terrain dans la quête de son objet. C’est un type de questionnement relevant d’un parcours de recherche dont il  me semble important de faire le récit et de cerner les contours afin de mieux expliciter les interrogations épistémologiques afférentes.

    Le problématique concept de citadinité…

    Dans ce travail, je me suis intéressée au réel sociolinguistique qui prévaut en contexte urbain mostaganémois, lequel contexte présente des réalités sociolangagières complexes dans un milieu en apparence homogène du point de vue des pratiques linguistiques qui y ont cours, les habitants pratiquant l’arabe algérien. Ce réel se caractérise par des variétés linguistiques et par des dualités épilinguistiques qui opposent deux ensembles socioculturellement distincts. L’un est formé par des familles originaires des environs de la ville, et l’autre par des familles revendiquant des origines turques et andalouses, qui se disent de la ville et dont les relations sont sous-tendues par des tensions sociales. Celles-ci résultent du double fait de leur entrecroisement sur un même territoire et de l’urbanisation accélérée de la ville, impliquant de facto des rapports de proximité ou de « promiscuité » qui ne sont pas sans générer des conflits symboliques qui participent de la construction et de la reproduction des discours dichotomiques. Ces discours se basent sur le fait controversé de la légitimité de l’occupation de la ville par les uns et les autres.

    Sur le plan linguistique, il s’agissait pour moi de tenter de confronter les données linguistiques recueillies par Jean Cantineau à celles qui sont en cours aujourd’hui dans le parler urbain de Mostaganem[7]. Sa thèse posait que le parler mostaganémois était destiné à une ruralisation imminente. Mon objectif a été de constater l’évolution des traits citadins recensés par lui et de vérifier s’ils étaient toujours présents dans le parler mostaganémois ou s’ils en étaient disparu, ainsi qu’il l’avait prédit en 1940 dans son article sur le parler des sédentaires de Mostaganem[8]. Pour ce faire, j’ai procédé à la collecte de données vérifiables et quantifiables. Elles sont d’ordre phonétique, morphologique, lexical et syllabique. Il s’agissait de démontrer la coexistence, toujours actuelle, de deux variations sociolectales et de leur distribution en relation avec deux groupes socioculturels en milieu urbain mostaganémois.

    C’est à ce moment que le recours à un concept considéré comme désuet en sociologie s’est imposé de lui-même dans cette tentative de rendre compte du réel langagier qui prévaut en milieu urbain. Ce concept a posé problème dans la mesure où la langue y opère comme un élément dynamique et fort emblématique qui participe du fonctionnement de cet ensemble socioculturel séculaire dit citadin. En outre, dans mon travail, il était question de rendre compte de cette idée en usant justement de ce terme, citadin. En effet, la citadinité héritée de la civilisation maghrébo-hispanique et renforcée par les alliances turco-andalouses est une réalité sociologique qui caractérise certaines des villes algériennes dites citadines comme Alger, Blida, Constantine, Mostaganem, Bejaïa, Tlemcen, etc. Or le terme consacré par les recherches en contexte maghrébin privilégie largement le recours au terme urbain.

    Ainsi opérée, la distinction entre urbain et citadin renvoie à deux réalités différentes. Quoique présociologique, le terme citadin désignait un fait qui n’est plus aussi marqué que par le passé. Les mutations sociologiques ayant œuvré à la reconfiguration de l’espace de la ville de Mostaganem, cette dernière a connu une extension dite urbaine qui a fini par engloutir le cœur de la cité, le centre, qui, bien qu’ayant perdu sa position géographique centrale, n’en est pas moins demeuré symboliquement référentiel en tant que repère fonctionnant comme marqueur des frontières intra-urbaines. Ces frontières se présentaient comme autant d’écueils aux éventuelles influences interlinguistiques et aux métissages culturels, des sortes d’isoglosses qui se sont maintenues, par la suite, à la faveur des clivages sociaux. Ceux-ci étaient issus d’une ségrégation imposée durant les colonisations turque et française par la force des armes.

    Pour ne s’en tenir qu’au paramètre qui m’occupe ici, à savoir le critère de citadinité, j’évoque son corollaire, qui consiste en la légitimité de l’occupation de l’espace. Celle-ci est revendiquée par tous les Mostaganémois, qui, paradoxalement, se la contestent réciproquement. Serait-ce là un jeu kundérien de polyphonie discursive lié à une diversité de représentations et qui viendrait faire voler en éclats… la vérité… historique? La réponse serait plutôt à situer du côté des critères de sélection dont se prévalent les uns et les autres afin de se dire les « premiers », les « vrais » ou encore les « légitimes » habitants de la ville. C’est un détour par le contexte historique qui me reconduira à mes interrogations conceptuelles de départ.

    Mostaganem… à la recherche de la citadinité éclatée[9]

    La ville existait déjà à l’époque phénicienne[10]. Elle constituait une zone d’échanges commerciaux comme l’atteste, dans le port de Quiza, à huit kilomètres de la ville, la découverte de pièces de monnaie frappées à l’effigie du roi berbère Jugurtha et de vestiges prouvant la pratique des cultes des deux divinités phéniciennes Achtarte et Baâl. Des stèles bilingues libyco-puniques furent aussi retrouvées dans la commune de Aïn Tedlès, distante d’une vingtaine de kilomètres de la ville. À l’époque romaine, elle s’appelait Murustaga. Cette dernière fut située par les chroniqueurs à l’emplacement actuel de notre ville. Des monuments archéologiques comme le castel Castrum Caoua, le port Magnus ou encore le port Quiza, récupérés pour être exploités par les Romains, en témoignent.

    C’est en raison de sa proximité géographique avec des foyers historiquement instables et tumultueux au début du XVe siècle, à savoir l’Espagne et les îles de la mer méditerranéenne, et en raison de sa qualité de ville portuaire stratégiquement située, que Mostaganem s’est vue, entre autres villes algériennes, amenée à abriter des immigrants de provenances diverses. Je les subdivise en deux catégories : celle des Turcs et celle des Andalous, populations qui sont venues se greffer à la population des anciens sédentaires de la ville.

    À Mostaganem sont donc dites hdar, ou « citadines », les familles d’origine turque[11] et kouloughlie[12] qui, avant et durant l’occupation française en 1833, formaient un groupe statutaire qui jouissait de privilèges politico-militaires et socio-économiques considérables. Ces familles possédaient, à la veille de la colonisation française, 80%[13] des biens immobiliers se trouvant à l’intérieur et dans les environs de la ville. Étant scindée en rives est et ouest, et traversée par l’oued Aïn Sefra, aujourd’hui tari, la partie ouest, où se trouve ce qu’on appellera plus tard le Quartier européen, « un quartier réservé au commandement beylical ou caïdal et à l’aristocratie[14] », abritait les Turcs qui s’y étaient établis. Les Kouloughlis, quoique bénéficiant de privilèges importants, n’étaient toutefois pas placés au même rang que les Turcs de souche, car issus de mariages mixtes entre des Turcs et des Algériennes. D’où cette hiérarchisation sociale dont les traces émaillent encore de nos jours un discours qui circule et qui s’articule autour de la question de la légitimité, en relation avec l’idée postulée de la pureté de la race. Quant aux Andalous, ils occupaient un autre quartier, El Matmar, qui doit son nom au nombre important de silos qu’il abritait. Ils s’y adonnaient principalement à des activités commerciales. Logés à la même enseigne que les Kouloughlis, les immigrés andalous[15], affluant en grand nombre à la suite de l’inquisition chrétienne en Espagne à partir du XIIIe siècle de notre ère, jouissaient des mêmes privilèges que ces derniers. D’après l’historien Mahfoud Kaddache, ils  « achetèrent des maisons, des biens dans les campagnes, s’adonnèrent au commerce et à l’industrie[16]. » Il ajoute plus loin que « presque tous les habitants de Mostaganem sont artisans, soit tisserands, soit tourneurs[17]. » L’apport notable des Maures s’est traduit également par le développement des cultures maraîchères, la mise en place de nouvelles cultures, l’instauration de nouvelles traditions culinaires et par l’introduction d’un nouveau genre musical dit andalou. Le prestige conféré à ce groupe provient du niveau d’instruction de ses membres (« Certains parlaient plusieurs langues, avaient voyagé dans de nombreux pays et connaissaient dit-on leur géographie[18] ») plutôt que du luxe hérité de l’Andalousie déchue et de l’aisance qui marquait leur quotidien. Quant au quartier berbère de Tijditt, « ville jumelle plutôt que simple quartier de Mostaganem [et] ancien fief des rois de Tlemcen[19][20] », il a abrité des populations d’origines diverses[21]. Ses principaux habitants sont issus de deux grandes tribus, celle des Medjaher et celle des Beni Zeroual[22]. La première appartiendrait à la tribu des Banû Hillal[23], même si l’état de la toponymie ainsi que celui des patronymes recèle un fond berbère, tandis que la seconde est apparentée aux chleuhs Zénètes du Rif marocain. Ces tribus sont dites berrani[24] (au singulier) et brawija (au pluriel), équivalant en français à « étrangers à la ville[25] ».

    Ces trois catégories, de même qu’une minorité juive, constituaient la population urbaine de la ville à cette époque. La diversité ethnique de ces groupes a été, de surcroît, accentuée par une stratification sociale et une répartition géographique qui n’ont pas été sans renforcer une démarcation qui a nettement caractérisé la hiérarchisation spatiale et sociale de la ville. Il importe de noter que, même si les citadinités sont multiples et complexes, comme l’attestent les désignations en contexte mostaganémois, seules certaines citadinités sont valorisées, sinon reconnues, en tant que telles : il s’agit des familles turques, andalouses ou kouloughlies.

    Un détour par l’Histoire s’impose…

    Pour Mahfoud Kaddache, « le terme hadri [citadin], habitant de la ville, a toujours eu une résonnance culturelle et a exprimé l’aisance et le raffinement[26] », d’où les connotations positives et valorisantes le concernant. La même idée de raffinement est reprise par Ann Thomson El-Mentfekh, qui évoque des « Maures andalous descendants de moriscos expulsés de l’Espagne […] chez qui les Européens reconnaissaient une culture comparativement raffinée[27]. » Ces connotations distinctives, voire mélioratives, expliquent également l’attitude hautaine, et parfois méprisante, que certains membres de ces familles pouvaient avoir à l’égard de la population non citadine de la ville.

    D’ailleurs, pour comprendre le fonctionnement de ces îlots citadins, il est important de dire brièvement la nature des rapports humains et sociaux qui sous-tendent leurs relations aux autres. Ils se caractérisent par le repli familial déjà cité et le mariage endogame. J’illustre ce repli par des textes extraits de la littérature algérienne produite en arabe algérien et en turc. Le premier exemple est un proverbe typiquement mostaganémois : larbi wel far la twarilhum băb eddar, ce qui veut dire : « Il y en a deux à qui tu ne dois pas montrer ta maison : l’Arabe et la souris. » Le rapport métonymique entre l’Arabe et la souris suggéré ici se passe de commentaires. Je note que le terme générique Arabe s’applique aussi bien aux nouveaux qu’aux anciens arrivés dans la ville. L’emploi de ce désignant dans le jargon colonial date d’avant l’occupation française, comme l’atteste ce passage d’un texte contenu dans un recueil contemporain des attaques espagnoles contre Alger en 1784. L’auteur, un janissaire turc, y écrit ceci : « Bonne chance au Turc, à l’Arabe. Ils ont tiré le glaive pour la sainte religion[28]. »

    Dans un autre texte contenu dans le même recueil, l’auteur décrit l’agitation « des gens d’Alger » à l’annonce de l’approche des Espagnols. Il y évoque curieusement une certaine Fatma le souillon, en turc kirli Fatma, qui « se demande comment cela peut-il se faire? Le courage lui manque de se lever pour donner de la paille aux bêtes[29]. » Il est intéressant de noter ici la tonalité péjorative et la causticité de l’appellation qui lui aurait été attribuée en relation avec la tâche qu’elle accomplissait et qui, à l’époque, n’était réservée qu’aux autochtones, d’où la qualification dévalorisante du désigné. L’on ouvre une parenthèse ici pour se demander s’il ne s’agit pas, comme pour l’appellation Arabe, du fameux désignant générique et stéréotypé employé durant la colonisation française afin de désigner toutes les femmes algériennes.

    Dans les notes explicatives accompagnant ces textes, un terme clef est commenté, il s’agit de qiryanli, dont l’équivalent en arabe algérien est berrani, et qui a été traduit en français par Jean Deny par le mot campagnard. Je reproduis ici intégralement la note qui y a trait, pour la valeur documentaire qu’elle revêt :

    Ces mots que nous traduisons par « campagnard » livrent, pour la première fois, à notre connaissance, des équivalents turcs de l’arabe berrâni, « gens du dehors, citadins momentanés ou de passage », par opposition à baldi, « citadins proprement dits » (Cf. Grammont, Hist., p. 130). Les trois mots comportent le suffixe –li pris dans le sens de « originaire de » (cf. Sâmi Bey : berrâni = qir-a mensûb). Qirli serait donc pour qir-li « originaire de la campagne », qir. Qiryan-li serait pour qir-yan-li, « originaire du côté de la campagne » (qiryan-i). Qir yan-i, « côté de la campagne », en recevant le suffixe -li doit, en effet, perdre conformément aux règles de la grammaire turque son suffixe possessif -i, et qir yani-li devient régulièrement qiryanli. Le troisième mot que nous lisons, qir-(a)nli, est sans doute une faute pour qiryin-li, à moins qu’on admette qu’il s’agisse d’un qiran-li dérivé de qiran, qui signifiait en osmanli ancien « côté, rebord, bord, rive, frontière, extérieur » (Redhouse; Vambéry, Alt.osm., p.191; Cl. Huart, J. As., oct.-déc. 1921, p. 206; cf. le turc oriental qiraq (Redloff, II, 861); osm. Amc. qirag (Brockelmann, Qissa’i jûsut, p.48)). Evliya Tchelebi (II, 176) donne le mot qiran comme un provincialisme (Tomia, Bolou, etc.) avec le sens de dašra. Or le mot tašra (dašra), qui termine, d’ailleurs, le même vers, vient de taš (daš) ou, avec vocalisme étroit, tiš (diš), « extérieur », et signifie : 1° en osmanli ancien « dehors » (synonyme de l’osmanli moderne diš-ari); 2° en osmanli moderne « la province, le reste du pays par rapport à Constantinople ». On remarquera que dans notre texte il figure à côté d’un synonyme de berrāni. Il est plus probable que les Turcs d’Alger confondaient tašra (dašra) avec le « village ». Une confusion analogue a dû se produire pour le verbe de l’arabe syrien daššar دشر, dšar, « mettre dehors », d’origine étrangère (turque?), d’après Belot, arabe d’après Landberg. Prov. Saïda […][30]

    Cette désignation, ou description, par la comparaison de « campagnard », traduit l’état de déchéance auquel se trouve réduit le janissaire, qui, auparavant, avait vécu dans le faste. La référence à un probable statut d’exilé serait à exclure dans la mesure où une autre complainte décrit le janissaire comme étant un « exilé ». Le terme est en arabe dans le texte turc : غريب, ġrib. Notons encore que la distinction entre « campagnard » (qiranli) et « bédouin » (badawi) est établie dans les textes des janissaires (voir p. 132). Le terme qiranli sert dans un autre texte à désigner « les gens d’Alger », cette dernière désignation étant employée en guise de synonyme de la première. D’ailleurs, une mise en corrélation de la définition du terme tašra en osmanli moderne, qui signifie « province » (par rapport à Constantinople), avec le terme qiranli nous renvoie à un rapport assez logique selon lequel l’habitant de la tašra est le qiranli. Or Alger était une province du royaume de l’empire ottoman. Tous ses habitants sont, par conséquent, qiranli, un terme que Jean Deny traduit par « campagnards ».

    Cette dénomination est à rapprocher de celle qui a cours à Mostaganem. En effet, le terme berrani, « étrangers à la ville », est employé par les citadins d’origine turque (voir supra la définition du vocable turc) pour désigner les habitants de Mostaganem, quelle que soit la période d’installation de ces derniers dans la ville.

    Ces données, qui sont autant de traces qui émaillent l’histoire de la ville d’Alger, ne sont pas très différentes de ce qu’on a relevé dans d’autres textes produits dans d’autres villes dites citadines et qui relatent les hostilités entre les deux groupes[31].

    Retour à Mostaganem…

    Qu’en est-il aujourd’hui de cette fragmentation humaine et statutaire de cette ville qui s’est transformée en un espace urbain qui ne connaît certes pas les mêmes affluences que d’autres espaces (agglomérations ou métropoles), à l’exemple des grandes villes d’Alger, d’Oran et de Constantine? Loin d’atténuer les rivalités quant à la légitimité de l’espace mostaganémois, l’afflux des migrants provenant des localités rurales durant les périodes coloniale et postcoloniale les a accentuées.

    Concernant la répartition géographique, il importe de faire remarquer que, jadis scindée en deux rives, la ville n’obéit plus à ce fractionnement spatial. Ceci est  principalement dû à la démocratisation qui a résulté de l’indépendance du pays, cette dernière ayant mis fin aux privilèges de la citadinité de l’ère précoloniale. Ces îlots citadins que l’on a qualifiés d’isolats semblent avoir subi dans leur chair la brusque et rapide urbanisation de la ville, notamment après l’indépendance du pays; c’est ce qui ressort de la mise en mots de leur rapport à la ville[32]. Le terme isolat, utilisé par certains sociologues algériens, traduit en fait le repli familial et identitaire dans lequel ces familles se sont complu, une position qui s’apparente à une stratégie de résistance aux changements sociaux, de manière générale.

    Compte tenu de l’évolution historique, des mutations sociales et des changements structurels survenus dans la ville après l’indépendance, il ne convient plus de parler d’une stratification sociale et spatiale, qui est de moins en moins perceptible de nos jours, car, aujourd’hui, c’est le discours qui prend en charge les termes du conflit, déjà ancien, transféré sur un plan symbolique. Ces fractures urbaines se traduisent donc plus par une dichotomie sociodiscursive où se trouvent hiérarchisés et assignés des espaces symboliques que par une délimitation spatiale et territoriale qui serait d’ordre géographique.

    La citadinité : entité ou réalité sociolinguistique?

    C’est cette communauté-là qui, dans un milieu en apparence homogène du point de vue linguistique et sociolinguistique, résiste au changement. D’ailleurs, le rôle du sociolinguiste, comme le définit William Labov, est d’« établir l’histoire sociale d’un changement en cours, à travers la vie de la communauté qui l’engendre[33]. » Pour ce faire, encore faudrait-il pouvoir scientifiquement désigner cette communauté et la définir avec tout ce qu’elle inclut de complexité, une complexité qui doit être assumée et non plus contournée.

    L’emploi du terme citadin dans mon mémoire rend compte d’une réalité macrosociolinguistique dans la mesure où elle se trouve liée à des types de variations et à des pratiques linguistiques de groupes qui se distinguent de la réalité urbaine où apparaît une koinè en voie de formation qui serait un parler mostaganémois urbain. Or la terminologie, ici, pose problème, dans la mesure où, en sociolinguistique maghrébine notamment, quoique que l’on dise que « la citadinité demeure un paramètre de stratification sociale important[34] »,  comme c’est le cas dans la ville de Constantine[35], l’on s’accommode généralement de l’emploi du terme urbain. On s’en accommode, mais c’est sans spécifier les réalités socioculturelles qu’il recouvre et qui représentent autant de données à la lumière desquelles pourraient s’expliquer des rapports entre des paramètres variables et d’autres invariants, tant au niveau des pratiques langagières, réelles ou postulées qu’au niveau des représentations sociolangagières.

    Font exception des travaux notoires comme ceux déjà cités de Leila Messaoudi sur l’arabe parlé dans la ville marocaine de Rabat.

    Tout comme Leila Messaoudi, qui, dans le cadre de ses travaux en dialectologie, voulait savoir si le concept de citadin « suffi[sai]t, à lui seul, à rendre compte de la dynamique langagière qui caractérise actuellement les parlers arabes marocains des villes[36] » et si celui d’urbain était utile pour « désigner ces processus linguistiques nouveaux[37] », je veux savoir, presque à l’inverse, si le terme urbain ne permettrait pas de rendre compte du réel qui prévaut en milieu, certes, urbain, au sein duquel continuent d’exister des traits linguistiques et des caractéristiques sociologiques qu’on ne peut, pourtant, qualifier que de citadins. Ce n’est pas que les usages soient nettement délimités et qu’ils fonctionnent forcément sous une forme dichotomique citadin-urbain, mais des contacts interlinguistiques peuvent exister. Cette variabilité s’explique par l’opérabilité de certains paramètres sociologiques.

    Dans les travaux contemporains, maghrébins notamment, le terme citadin ne se trouve plus employé que dans des locutions comme « la citadinité de l’ère précoloniale », et dans des catégories duelles et antagoniques comme « anciens citadins-nouveaux citadins » ou encore « néocitadins », des expressions fluentes et ambiguës, en raison desquelles cette réalité est reléguée à des plans de considérations subsidiaires dans l’approche des covariances entre langues et sociétés. Le terme apparaît alors comme peu pertinent pour l’analyse du réel sociolangagier. Il en est de même pour les résultats qu’un tel usage permettrait d’obtenir, résultats qui seraient dirimants quant à une appréhension plus fine de « la signification sociale attribuée par les sujets au monde qui les entoure[38]. » Il me semble à ce propos qu’une approche descriptive par les pratiques n’a de pertinence que si elle se dédouble d’une approche compréhensive par les représentations.

    Cette question de terminologie se pose également en sociologie, car, comme l’indique Pierre Achard, « les points de vue sociologique et linguistique sont à la fois irréductibles et interdépendants[39]. » En Algérie, des sociologues comme Mostafa Boutefnouchet[40] conditionnent son existence par la dynamique qu’elle imprègne ou pas à la société. Il parle d’« isolats citadins[41] », dont la fonction  intégrative en milieu urbain peine à opérer avec efficience. Mostefa Lacheraf[42], lui, parle, en évoquant son parcours de recherche influencé par son vécu et ses  appartenances citadines, d’une esthétique, d’une façon d’être au monde. Quant à lui, Madani Mohamed distingue les deux concepts, celui de citadinité, qui « relève […] de l’ordre du statut social et des droits y afférents[43] », et celui d’urbanité, qu’il décrit comme étant un terme construit par la recherche et qui « renvoie aux manières d’être des acteurs établis en ville[44]. » Isabelle Berry-Chikhaoui, en se basant sur les définitions figurant dans le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, fait remarquer que les deux notions sont différemment définies. L’urbanité « trouve sa légitimité dans une perspective de théorisation de la ville[45] », et la citadinité, quant à elle, « renvoie aux pratiques et aux représentations des individus et des groupes appréhendés comme des acteurs sociaux[46]. » Tenaillée par la diversité des conceptualisations, des applications et des approches, la citadinité me semble mériter un meilleur traitement épistémologique en sociologie. N’est-ce pas à cette discipline qu’incombe la tâche de fournir aux autres disciplines, et notamment à la sociolinguistique, davantage de données et de balisages théoriques afin de lui éviter d’éventuels errements épistémologiques, à la fois, faut-il en convenir, risqués, mais aussi ô combien indispensables à la réflexion en la matière?

    De récents travaux en sociologie urbaine ont permis de redéfinir le concept d’urbanité en y incluant celui de citadinité, considéré comme suranné. Il est défini par le sociologue Mohamed Madani comme étant un « concept culturel[47] », un  « concentré de l’authenticité et de l’acculturation, une synthèse créatrice des héritages du passé et des innovations en cours[48]… » Dans un article publié dans la revue Insaniyat, la géographe Vanessa Rousseaux rappelle dès l’entame de son texte que  les « pays du Maghreb ont une tradition citadine ancienne[49]. » Elle ajoute plus loin que  « l’existence de traditions citadines […] explique l’hétérogénéité des contextes urbains[50]. » Cette assomption de l’hétérogénéité, intervenant dans d’autres domaines que celui de la sociolinguistique, du moins pour le concept qui m’intéresse, est souvent l’œuvre de chercheurs maghrébisants. Quoique leur regard semble plus débarrassé du poids des appartenances sociales et culturelles, il ne s’embarrasse pas moins d’un souci de neutralité pouvant induire une prudence stéréotypante dans le maniement des concepts.

    Du point de vue du choix d’un jargon sociologique, il est vrai que le terme  urbain semble plus commode[51]. Il renvoie à « la configuration sociale, économique et spatiale de la ville[52] » et « recouvre des données observables, mesurables, comparables[53]. » En tant qu’outil d’analyse, le concept d’urbain présente aussi cet « avantage » d’ignorer la complexité des groupes sociaux et la nature des rapports qu’ils entretiennent entre eux. Il importe de souligner ici que la citadinité est un système de représentations de soi qui peut être à l’origine de certaines tensions intra-urbaines, mais ces représentations, faisant partie intégrante du réel, sont fondamentales, d’un point de vue qualitatif,  pour l’analyse de ce dernier[54]. Il s’agira davantage de poser la nécessité de tenir compte de cette catégorie  « subjective » dans l’analyse que de l’utiliser en tant que catégorie « objective ». Cette dernière position induit de fait une catégorisation idéologique évoquée par Sidi Boumedine Rachid, qui fait référence à certains travaux de sociologues algériens pour illustrer son emploi – pernicieux – en tant qu’« outil idéologique[55] ». En effet, le risque d’idéologisation viendrait, selon lui, des positions critiquées qui sont celles de  D. Lesbet (en 1988) et de F. Benatia (en 1980), selon lesquelles l’urbanité s’apparente à un « être dans la ville », et la citadinité, à « un être de la ville ». Or cette même idée, que d’aucuns qualifient d’essentialiste, est reconduite dans les travaux de Mohamed Naciri concernant la citadinité au Maroc. Il évoque une faculté à devenir « un vrai urbain[56] », mais pas un « citadin[57] ». Isabelle Berry-Chikhaoui pense qu’il est question d’un constat plutôt que d’une position; elle précise qu’il s’agit là davantage « d’une approche par les pratiques et les représentations[58] ». Il est important de rappeler que, à l’instar de tout ce qui relève des représentations en sciences humaines et sociales, il existe un risque de subsumer un outil d’analyse à une idéologie; ainsi en va-t-il de la notion de citadinité. Le sociologue Sidi Boumedine Rachid « propose de réserver cette notion […] à l’analyse des constructions identitaires, à la compréhension des manières d’être de la ville – et donc des systèmes de représentations – plutôt que des manières d’être dans la ville[59]. » Ces représentations ne sont pas sans incidences sur le réel, comme je l’ai montré au début de cet écrit en ce qui concerne les pratiques linguistiques et culturelles des citadins mostaganémois et leurs rapports aux autres groupes en présence.

    Alors, pour ou contre l’usage de ce concept? Telle n’est pas la question. L’interrogation gagnerait à porter sur le maniement théorique et méthodologique qu’en fait le chercheur.

    Outre les paramètres classiques de l’analyse sociolinguistique, le paramètre identitaire[60] s’avère déterminant dans l’orientation des représentations sociolangagières ainsi que dans la configuration sociolinguistique d’une ville. Je l’ai constaté à travers mon enquête et j’ai tenté de le démontrer tout au long de cette recherche. Le corpus discursif épilinguistique que j’ai recueilli dans le cadre de mon enquête sociolinguistique a confirmé que les représentations sociales et linguistiques des locuteurs mostaganémois participent d’un discours ségrégatif qui atteste une fracture urbaine que révèlent, entre autres procédés, l’autodésignation et l’hétérodésignation. Ces derniers véhiculent les dialectiques de l’ancrage et du rejet, de l’intégration et de l’exclusion, et celle de l’emploi du « nous » intragroupal et interpersonnel et du « eux » extragroupal. Ces procédés consistent en des stéréotypes à fonction dissociative. Ils s’articulent autour de trois thèmes qui sont les origines, la légitimité de l’occupation de l’espace, et le statut ou la classe sociale du groupe désigné.

    C’est moins le critère de l’antériorité que celui de la légitimité de l’occupation de la ville qui confère le droit du légitime occupant. En outre, l’appartenance à une famille citadine a partie liée avec des considérations de naissance, une posture identitaire que l’on peut résumer ainsi : on naît citadin, on ne le devient pas. D’ailleurs le processus d’individuation identitaire et socioculturel se manifeste également chez ces groupes par le biais de l’affichage des patronymes, lesquels représentent un capital symbolique[61] déterminant dans l’interconnaissance, voire l’interreconnaissance, entre les membres de ces familles revendiquant une appartenance citadine. Ils opèrent également en tant que vecteurs de distanciation qui marquent la ségrégation sociale par rapport aux autres familles dans l’espace-ville. Le procédé de l’autodésignation, ou d’auto-identification, implique donc ce recours à la patronymie, souvent significative, comme le montrent, dans le contexte mostaganémois, ces exemples[62] : stambuli (« d’Istanbul »), benmalti (« de l’île de Malte »), benkritli (« de l’île de Crête »), bentriki (« de Turquie »), kara (« d’Ankara »), ou encore bušneq (« bosniaque »), un nom d’ailleurs porté par le caïd[63] de la ville d’Oran et bey de Mostaganem. Pour les familles andalouses et kouloughlies, on cite des noms comme  benqartaba (« de Cordoue ») et qorulu, qui signifie « Kouloughli ». Pour Alger, Sidi Boumedine Rachid cite des noms comme zmirli (« d’Izmir »), garnati (« de Grenade »), skendrani (« d’Iskendrun »)[64]. Le patronyme, en tant que « signe d’un signe[65] », intègre le discours ségrégatif en contexte urbain mostaganémois et reconduit « un figement[66] » identitaire, en ce sens qu’« il instaure la représentation d’un référent unique dans l’esprit de l’interlocuteur[67] », quand bien même le référent, inclus dans le signe, révèle une extranéité – d’ordre ethnique. Le patronyme à base toponymique fonctionne paradoxalement comme un outil de légitimation symboliquement puissant et connotant à lui seul toute la dimension de l’ancrage, voire de l’enracinement, dans l’espace de la ville.

    De nombreuses monographies concernant l’Algérie rappellent l’occupation exclusive des villes par les Turcs et les Kouloughlis[68]. D’ailleurs les occupants du Maghreb central sont principalement installés dans les villes, et ce, depuis l’Antiquité. Il est bon de rappeler à cet effet les occupations phénicienne, romaine, arabe, turque et française. « [L]e territoire de la ville (l’espace d’appropriation) marque la séparation entre le monde sédentaire et le monde rural. Toutes les villes font référence à l’archétype de l’espace[69]. » Le sociologue Nadir Marouf parle d’une « taxinomie binaire[70] » qui remonte à l’époque romaine et qui s’est accentuée durant l’occupation ottomane : « elle a été radicalisée par l’administration beylicale […] mettant en rapport la ville et son « hawz » [ses environs proches] d’un côté, et le no man’s land rural de l’autre[71]. » Ce dernier est exclu de toute logique d’appropriation par les occupants. La centralité est par conséquent associée aux détenteurs du pouvoir, d’autant plus que leur nombre dans les villes était important, ainsi que l’indique Kaddour M’hamssadji pour Alger : « […] les plus nombreux sont les baladiya (citadins, Algérois d’origine)[72]. » Toujours concernant Alger, Ann Thompson El-Mentfekh avance ceci : « Il est indiscutable que certaines catégories de la population : Turcs, bien sûr, mais aussi Couloughlis, Juifs et Chrétiens, habitent exclusivement la ville[73]. » Pour ce qui est de Mostaganem, « en 1832, Turcs et Couloughlis, sous l’autorité d’Ibrahim, tenaient, en ne comptant que les hommes, cent cinquante-sept célibataires, quatre-vingt-neuf mariés ou chargés de famille, et cinq cent quatre Couloughlis armés. Dans la banlieue de cette ville, on comptait cent Turcs à Chendah, cent à Matmore, dix à Bled Djerid[74]. »

    Ces données sociohistoriques, la théorie selon laquelle la réalisation de travaux de prospection linguistique en dialectologie maghrébine suppose une connaissance de l’histoire du peuplement du Maghreb et des déplacements des populations qui s’y sont produits, et enfin le postulat de la sociolinguistique selon lequel « la diversité langagière est étroitement liée à la nature des groupes et des catégories qui existent dans une société donnée[75] » m’ont poussée à m’intéresser à l’organisation sociale de la ville, à sa composition sociologique, à la répartition géographique de sa population et à sa stratification sociale.

    Il résulte en effet que la ville de Mostaganem a connu une importante ségrégation sur le plan socioculturel. Les populations citadine et bédouine s’y côtoyaient sans se mélanger[76]. En juillet 1833,  la ville était occupée par les armées françaises.  C’est à la suite de cette occupation que les animosités classiques entre les deux groupes, bédouin et citadin, se sont davantage exacerbées. De véritables batailles ont opposé les Kouloughlis et la garnison des Turcs d’Alger aux tribus bédouines des environs de Mostaganem, auxquelles se sont ralliés des habitants des vieux quartiers de Tijditt et d’Al-Arsa, et qui furent fédérées à cette époque par l’émir Abdelkader. Selon Mohamed Ghalem[77], l’allégeance[78] des Turcs aux Français était motivée essentiellement par les intérêts économiques et financiers qu’ils entendaient préserver.

    Sur le plan linguistique, il ressort de notre enquête que les locuteurs mostaganémois ont conscience de la variété qui existe dans leur parler. Cette prise de conscience se traduit par des évaluations qui, le plus souvent, sont motivées par des a priori qui, selon l’appartenance du locuteur, sont imprégnés tantôt de stigmatisation, tantôt d’idéalisation, dans la mesure où les consciences linguistiques se forment à travers le prisme de la définition identitaire que le locuteur a du groupe. Il en résulte l’adoption de stratégies discursives dont l’objectif est de marquer ou de masquer l’altérité en situation de communication inter- ou intragroupale, et un langage polystylistique que le locuteur adopte en fonction de l’appartenance du partenaire de l’échange. Plus que la communauté de langue, c’est la communauté de discours qui consolide les liens intragroupaux et qui révèle les rapports intergroupaux des membres de ces familles citadines. C’est sur la base de systèmes de valeurs propres aux deux ensembles que se fait l’évaluation des compétences linguistiques et communicatives du locuteur. Ce dernier est ainsi reconnu soit comme membre du groupe qui partage les mêmes normes sociales d’emploi de la langue, soit, au contraire, comme un étranger par rapport au groupe de référence.

    La ville apparaît dès lors comme le lieu non seulement du conflit et des tensions sous-tendant les représentations sociolangagières, mais également de l’intégration et de l’unification des pratiques effectives des locuteurs mostaganémois. Cette unification passe par l’occultation et l’effacement de certains traits particularisants et par l’emploi de procédés langagiers tels l’alternance codique et l’emprunt d’autres formes en fonction de l’identité de l’interlocuteur et du contexte de la communication. Un discours conciliateur ayant pour but de minimiser les disparités est également produit, mais il l’est le plus souvent par les non-citadins, lesquels, pour la plupart, demeurent fascinés par cette origine « valorisée » et « valorisante », une appartenance qui relève d’un passé mythifié, mais qui révèle surtout un malaise présent. La citadinité s’apparente de fait à une valeur refuge à l’heure où les repères vacillent au rythme accéléré de l’urbanisation… que d’aucuns qualifieront de « rurbanisation[79] », mais c’est là l’objet d’un débat sur un autre concept.

    Conclusion

    En conclusion, je souligne qu’en amont des analyses sociolinguistiques s’impose la définition des termes qui rendent compte de la spécificité des aires socioculturelles où sont menées les enquêtes de terrain. Alors que la sociolinguistique s’intéresse à un discours collectif qui n’est obtenu que lorsque la compétence communicative des locuteurs est à l’œuvre, l’objectif du sociolinguiste est d’appréhender les diverses composantes qu’elle intègre et qui toutes revêtent des aspects culturels, d’où la nécessité de saisir l’objet dans toutes ses dimensions. Cela ne peut s’effectuer que par la connaissance préalable du sujet, une étape exploratoire qui requiert notamment la substantialisation des diverses facettes de son identité et sa judicieuse désignation.

    Il en a été ainsi dans cette contribution de la « citadinité », un concept clef dans l’approche de la covariance entre des faits linguistiques et des variables ou identités socioculturelles, du moins dans le contexte qui m’intéresse. L’ouverture disciplinaire s’avère là aussi indispensable, eu égard aux quelques lumières d’ordre historique et sociologique ayant rendu possible un début de revue de ce concept. Il est évident, cependant, que la sociolinguistique maghrébine demeure tributaire, sur certains aspects, de l’insuffisance des travaux dans les disciplines connexes. Ce bref récit de recherche suggère l’ouverture d’un débat sur la nécessaire considération critique des paramètres clefs d’une culture afin de mieux rentabiliser ceux-ci sur le plan scientifique. En effet, la sociolinguistique maghrébine doit recentrer son intérêt sur cette « force sociale immanente au changement[80] » ou sur cette résistance au changement. Pour ce faire, il importe de doter cette discipline de fonctions critiques et épistémologiques à même de permettre une saisie de son objet, saisie qui, si elle est plus affinée et spécifiée, serait moins sujette au stéréotype et au calque.

    Références

    [1] Ibtissem Chachou, 2007, L’aspect humaniste à l’épreuve des modes d’investigation en sociolinguistique maghrébine  – journée d’étude du 07 avril 2007 « Perspectives sociolinguistiques » en hommage au professeur DJEBAÏLI Abderrahmane, Université de Mostaganem.

    [2] Philippe Blanchet, La linguistique de terrain, méthode et théorie, une approche ethno-sociolinguistique, Rennes, PUR, 2000, p. 29.

    [3] « Les méthodes qualitatives relèvent d’un courant humaniste qui implique l’ouverture à l’autre et au social. » (Ph. Blanchet, 2000, La linguistique de terrain …, p. 31.)

    [4] Jean-Louis Le Moigne, 1995, Les épistémologies constructivistes, Paris, PUF, cité par Ph. Blanchet, La linguistique de terrain…,   p. 63.

    [5] Abderrezak Dourari, « Pratiques langagières effectives et pratiques postulées en Kabylie, à la lumière des évènements du « printemps noir 2001 », Revue Insaniyat, Oran, 17-18, 2-3 (2002), p. 35.

    [6] Ibtissem Chachou,  Les parlers urbains de Mostaganem, Essai d’analyse sociolinguistique, Magistère en sociolinguistique, 2007, s/d Pr. Abderrezak Dourari, Université de Mostaganem.

    [7] Voir Ibtissem Chachou, « Remarques sur le parler urbain de Mostaganem », Synergies Algérie, Contacts et diversités linguistiques, 4, (2009), p. 69-81.

    [8] Jean Cantineau, « Les parlers arabes du département d’Oran »,  Revue Africaine, LXXXIV, (1940), p.  222.

    [9] Ibtissem Chachou, « L’auto-désignation et l’hétéro-désignation comme procédés langagiers de ségrégation urbaine : Cas de la ville algérienne de Mostaganem », Journée d’étude en microsociolinguistique, Université de Mostaganem, 13 Avril 2009, (à paraître).

    [10] Abdelkader Benaïssa,  Mûstaghanem Wa ahwazûha ‘abra al’ ûsûr, Mostaganem, Imprimerie Allaouia, 1996, p. 28. (Mostaganem et ses environs à travers les âges : Ma traduction).

    [11] Turc : « Le terme sert à désigner un éventail de toutes les races, de toutes les nations et même de plusieurs religions, Turcs d’Asie, Slaves convertis, Algériens, Maghrébins de Salé, Tunisiens, Égyptiens, Noirs du Soudan, Renégats d’Alger, etc. », (Mouley Belhamissi , Histoire de la marine algérienne 1516-1830, entreprise du livre Alger, 2e édition, 1986, p. 178.).

    [12] Kouloughlis,  parfois écrit avec k. En fait, ﻗﺮﻏﻠي  qorġlî  pl, ﻘﺮﻏﻼﻦ ﻗﺮﺍﻏﻞ etﻘﺮﺍﻏﻠﺔ    (et  avec changement du غ en ع et même le  ﺮ  en   ). Couloughli, fils du turk et d’une indigène algérienne; t   ﻏﻠي ﻗﻮﻞ, qouloughli, « fils d’esclaves », composé de   ﻗﻮﻞ , qoul, « esclave, soldats », et de  ﺍﻮﻏﻞ , aghoul et oghl, « fils ». (Mohamed Bencheneb, Mots turks et persans conservés dans le parler algérien, Université d’Alger, Faculté des Lettres, ancienne Maison Batiste Jourda, Jules Carbonel, p. 20.).

    [13] Mohamed Ghalem, « Une ville dans la tourmente : Mostaganem et l’occupation française 1830-1833 », Oran, Insaniyat, 5, (1998), p. 65.

    [14] Mohamed Belhamissi, Histoire de Mostaganem, des origines à nos jours, Alger, SNED, 1982, p. 19.

    [15] Concernant Alger, peut-être en raison du fait de leur nombre important comparé à Mostaganem, les Andalous y étaient « confrontés aux fonctionnaires du Beylik, bureaucrates et urbains par définition, ils n’ont pas cessé d’exprimer leur mépris pour ces « nouveaux venus » qui, pourtant, occupaient une position de force. Ils s’affirmaient, et à ce jour, comme les authentiques citadins, malgré leurs activités orientées vers l’agriculture », (Rachid Sidi Boumedine, « La citadinité, une notion impossible? », Réflexions, la ville dans tous ses états, Alger, Casbah, 1998, p. 28.). Voir également I. Chachou, pour  ce qui concerne la notion de la légitimité de l’occupation de l’espace : «  L’auto-désignation et l’hétéro-désignation… ».

    [16] Mahfoud Kaddache, L’Algérie durant la période ottomane, Alger, OPU, 2003, p. 203.

    [17] Ibid., p. 203.

    [18] Ibid., p. 209.

    [19] Les rois de Tlemcen, ville de l’ouest algérien. Elle était le siège de la dynastie berbère des ziyyanides. Voir à ce propos : Abderrahmane Ibn Khaldoun, Histoire des Berbères, traduite de l’arabe par le baron de Slane, Alger, 1852-1856.

    [20] M. Belhamissi, Histoire de Mostaganem …, p. 19.

    [21] En sus des Andalous, des Turcs et des Kouloughlis, des familles qui se disent d’origine almoravide (c’est-à-dire berbères – même si elles ignorent leurs origines) affirment avoir été dans la ville avant les populations précitées. En plus du critère de l’origine, celui de l’antériorité est très prégnant et ouvre droit à la revendication de la légitimité de l’occupation exclusive de l’espace et de l’appartenance à l’espace-ville.

    [22] Emile Dermenghem, Le culte des saints dans l’islam maghrébin, Paris, Gallimard, 1954, p. 245.

    [23] Une grande tribu nomade venant d’Arabie qui s’installa dans les plaines algériennes dès le IXe  siècle de notre ère. (Émile-Félix Gautier, Le passé de l’Afrique du Nord, Paris, Payot, 1952.).

    [24] Voir plus bas.

    [25] Les Bédouins et les anciens sédentaires habitaient, pour la plupart, en dehors des murailles entourant le centre-ville et étaient employés pour le compte des Turcs, des Kouloughlis et des Andalous, qui les faisaient travailler dans leurs terres agricoles. Ils exerçaient également les métiers de tanneurs, de teinturiers et de dockers, selon Mohamed Ghalem, et ils étaient doublement exploités par les entreprises turques, par les commerçants et les artisans, qui les embauchaient moyennant des salaires très bas (M. Ghalem, Une ville dans la tourmente…, p. 171.). D’après Mahfoud Kaddache, « les ruraux fréquentaient aussi les marchés urbains, des emplacements aux portes de la ville leur étaient réservés pour vendre leurs produits encombrants » (M. Kaddache, L’Algérie durant la période ottomane…, p. 141) . À Alger, par exemple, « les citadins (h’ad’rîyya) peu nombreux (5%  de la population?) vivaient coupés des masses rurales et se considéraient comme appartenant à une autre race que les Bedouî » (Charles-Robert Ageron, Histoire de l’Algérie contemporaine, Paris, PUF, 5e édition, 1974,  1re édition , 4e trimestre, 1964.).

    [26] M. Kaddache, L’Algérie durant la période ottomane…, p. 203.

    [27] Ann Thompson El-Mentfekh, « Perceptions du découpage de l’espace dans le Maghreb précolonial », Espaces maghrébins : pratiques et enjeux, introduction de Nadir Marouf, actes du colloque de Taghit, 23-26 novembre 1987, organisé par l’atelier « sémiologie spatiale » du Laboratoire sur les établissements humains et les modes d’organisation de l’espace, p. 59.

    [28] Kaddour M’hamsadji, Sultân Djezâir suivi de Chansons des Janissaires turcs d’Alger (fin XVIIIe siècle) par Jean Deny, Alger, OPU, 2005, p. 137.

    [29] Ibid., p. 130.

    [30] Ibid., p. 122.

    [31] Voir Ahmed Tahar, La poésie populaire algérienne (melhûn), Alger, SNED, 1975, p. 259.

    [32] I. Chachou, « L’auto-désignation et l’hétéro-désignation… ».

    [33] Henri Boyer, Sociolinguistique Territoire et objets, Paris, Delachaux & Niestlé, 1996, p. 38. 

    [34] Yasmina Cherrad-Benchefra, « Paroles d’étudiants », Oran, Insaniyat, 17-18, 2-3, (2002), p. 118.

    [35] Id.

    [36] Leila Messaoudi, « Le parler ancien de Rabat face à l’urbanisation linguistique », Aspects of Dialects of Arabic today, AMAPARTIL, Rabat, (2002), p. 232.

    [37] Id.

    [38] Ph. Blanchet, La linguistique de terrain…, p. 31.

    [39] Pierre Achard, La sociologie du langage, Paris, Que sais-je ?, PUF, 1993, p. 17.

    [40] Mohamed Boutefnouchet, Système social et changement social en Algérie, Alger, OPU, p. 52-53.

    [41] Id.

    [42] Mostafa Lacheraf, Des noms et des lieux, Alger, Casbah, 1998

    [43] Mohamed Madani, « L’habiter : contrainte ou liberté ? Une recherche sur la maison individuelle oranaise » Oran, Insaniyat, 2, (1997),  p. 126.

    [44] Id.

    [45] Isabelle Berry-Chikhaoui, « Les notions de citadinité et d’urbanité dans l’analyse des villes du Monde arabe. Essai de clarification. », Les cahiers d’EMAM, études sur le Monde arabe et la Méditerranée : urbanités et citadinités dans les grandes villes du Maghreb, 18, (Juillet 2009), Université de Tours, CNRS, p. 9.

    [46] Id.

    [47] M. Madani, « L’habiter : contrainte ou liberté… » p. 127-128.

    [48] Id.

    [49] Vanessa Rousseaux, « Analogies et disparités du fait urbain au Maghreb », Oran, Revue Insaniyat, 12, 1 (2000), p. 179.

    [50] Id.

    [51] « Parler d’urbanité nous met en terrain sûr », (R. Sidi Boumedine, La citadinité, une notion impossible…, p. 25.).

    [52] Id.

    [53] Id.

    [54] « Le chercheur essaie de comprendre les sujets à partir de leur système de référence.», (Ph. Blanchet, La linguistique de terrain…, p. 31.).

    [55] R. Sidi Boumedine, « La citadinité, une notion impossible… », p. 36.

    [56] Isabelle Berry-Chikhaoui, « Les notions de citadinité et d’urbanité…, p. 9.

    [57] Id.

    [58] Id.

    [59] Ibid., p.14.

    [60] En sociolinguistique le terme est englobé dans la variable de l’« appartenance socioculturelle », (H. Boyer, Sociolinguistique Territoire et objets…p. 13.)

    [61] Foudil Cheriguen, Essais de sémiotique du nom propre et du texte, Alger, Office des Publications Universitaires, 2008, p. 82.

    [62] Dans les noms présentés, le suffixe li signifie « originaire de », la particule ben signifie littéralement « fils de ».

    [63] Il s’agit du Caïd « Ibrahim Bosniac, [qui,] turc de Salonique, vint chercher fortune à Alger et se distingua dans plusieurs circonstances et parvint à des grades élevés dans la milice turque […]. Après la prise de Mostaganem en 1833, il se retira à Oran avec une pension avant d’être proclamé bey de Mascara puis bey de Mostaganem », (M. Belhamissi, Histoire de Mostaganem …, p. 105).

    [64] R. Sidi Boumedine, « La citadinité, une notion impossible… », p. 27.

    [65] « Toute référence à l’espace par l’usage des noms propres toponymes projette le sujet parlant dans les repères qu’il se donne ou qu’il représente autant qu’il est représenté par ses repères », (F. Cheriguen, Essais de sémiotique…, p. 81.).

    [66] Id.

    [67] Ibid., p.?

    [68] A. Thompson El-Mentfekh, « Perceptions du découpage de l’espace… », p. 59.

    [69] Djamel Chaâban, La théorie du ûmran chez Ibn Khaldoun, Alger, Office des Publications Universitaires, p. 196.

    [70] Nadir Marouf, « Identités culturelles et identité nationale », Le Quotidien d’Oran, 17 Septembre (2006), p. 17.

    [71] Id.

    [72] Kaddour M’hamssadji, El Qasba zemân, La Casbah d’Alger, autrefois, tome 1, de l’Île Aux Mouettes à la Casbah, Alger, Office des Publications Universitaires, 2007, p. 63.

    [73] A. Thompson El-Mentfekh, « Perceptions du découpage de l’espace… », p. 59

    [74] M. Belhamissi,  Histoire de Mostaganem …, p. 106-107.

    [75] Charles Baylon, Sociolinguistique, société, langue et discours, Paris, Nathan université 2ème édition, 1996, p. 75.

    [76] Revoir plus haut la citation extraite de l’ouvrage de Charles-Robert Ageron.

    [77] M. Ghalem, « Une ville dans la tourmente… », p. 65.

    [78] Les Turcs jouèrent un rôle actif durant les premières années de l’occupation française, consolidant cette dernière. Ceci explique les animosités passées et même présentes à l’égard de certaines de ces familles.

    [79] Farouk Benatia, Alger, agrégat ou cité?, l’intégration citadine à Alger de 1919 à 1979, Alger, 1984, SNED.

    [80] William Labov, Sociolinguistique, Paris, De Minuit, 1976, p. 47.