Les « werps » (chartes-parties) de la commune de Saint-Omer et l’appréhension de la propriété foncière dans l’espace urbain du XIIIe au XVe siècle

PAUL FERMON
École pratique des hautes études

Présentation de l’auteur : Agrégé d’Histoire, doctorant à l’École pratique des hautes études, Paul Fermon a consacré l’un de ses deux mémoires de second cycle à « L’appréhension de l’espace urbain à Saint-Omer du XIIIe au XVIe s. » (208 p.) sous la direction de Danielle Courtemanche à l’Université du Littoral Côte d’Opale. Il conduit aujourd’hui une thèse sur « Les représentations des espaces locaux entre Alpes et Rhône au XVe siècle » sous la direction de Patrick Gautier Dalché.

Résumé : L’iconographie relative à la ville de Saint-Omer à la fin du Moyen Age et au début de l’époque moderne est particulièrement abondante. Son espace urbain fut d’abord représenté, de façon indirecte, sous la forme de portraits en vue cavalière sur deux cartes manuscrites du pays audomarois. Ces représentations ont été réalisées par des peintres. Elles ne s’appuyaient pas sur un savoir géographique ou des techniques de projection mais sur l’observation directe et la reproduction picturale des lieux à représenter. Le premier document manuscrit, le plan du cours de l’Aa, date la seconde moitié du XVe siècle. Il représente les deux rives de ce fleuve côtier depuis le village de Blendecques jusqu’aux waterportes de Saint-Bertin où se révèlent en arrière-plan les quartiers sud-est de la ville. Une vue de la frontière entre Flandre et Artois, coïncidant avec la banlieue de Saint-Omer, est ensuite réalisée vers 1560. L’auteur y reproduit les paysages de la contestation, centrés sur la ville, depuis les hauteurs du Mont Cassel. Dans les deux cas, ce sont des litiges territoriaux qui sont à l’origine de la représentation figurée qui doit servir à faire valoir des droits sur ces espaces.

L’étude proposera de situer chacun de ces cinq documents dans l’évolution des pratiques cartographiques du XVe siècle à la fin du XVIe siècle. L’analyse formelle de cette documentation permettra de dégager les précautions méthodologiques qu’il faut considérer lorsque l’on utilise ces sources picturales en histoire.

 

Table des matières
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    La bibliothèque municipale de Saint-Omer conserve une série remarquable et pourtant méconnue, vingt-deux liasses comprenant plus de sept mille pièces, de chirographes échevinaux[1]. Ces chartes-parties, réalisées en deux ou en trois exemplaires sur un même folio afin d’enregistrer les actes privés, sont appelées werps par les autorités communales de Flandre. Dans les archives audomaroises, le corps de la majeure partie de ces sources est occupé par un dispositif de localisation de propriétés dans le tissu urbain.

    Le terme werp, dérivé du flamand werpen signifiant jeter ou abandonner, désigne en effet des cessions de biens fonciers. Les documents sont produits en Halle afin d’acter les aliénations et de garantir le paiement des sommes dues, le plus souvent des rentes. La pratique documentaire s’inscrit dans le cadre de la juridiction gracieuse des échevins qui consiste à enregistrer puis à archiver les contrats des particuliers. Dans les villes flamandes, le greffier de la commune jouit alors d’un statut similaire à celui des notaires publics et des tabellions des contrées plus méridionales.

    De tels documents représentent un matériau riche bien que difficile à exploiter, en raison de son volume et de son caractère répétitif, pour les spécialistes du droit et de l’histoire urbaine[2]. A la croisée de ces champs thématiques, notre propos souhaite s’inscrire dans l’historiographie relative à l’appréhension de la notion d’espace au Moyen Age[3] et dans les interrogations actuelles sur la capacité des techniciens de cette époque à mettre en forme des procédés documentaires de description ordonnée du réel[4]. Les structures foncières et les rapports d’homme à homme de la féodalité sont à l’origine de perceptions de l’espace reposant sur le dénombrement d’éléments inclus et par conséquent marquées, dans les textes, par l’incertitude des limites. Ces moyens d’appréhension peuvent difficilement suffire à définir les propriétés individuelles dans les textes visant à prévenir les contestations. Dans les pratiques d’enregistrement du greffe, on pourrait au contraire s’attendre à rencontrer des logiques de délimitation ou de situations relatives dans l’espace urbain.

    La ville de Saint-Omer est située à la limite de la Flandre et de l’Artois, sur le fleuve côtier de l’Aa qui assure aux ateliers de la région un débouché navigable vers l’Europe du Nord par les circuits de la Hanse. Les canalisations du cours d’eau font office de voies de circulation principales depuis les waterportes jusqu’aux ports intérieurs de la ville basse[5]. Avant les crises de la seconde moitié du XIVe siècle, qui sont particulièrement aiguës dans cette zone de passage, la ville compte jusqu’à 30 000 habitants[6]. La troisième extension de son mur d’enceinte, vers 1200, englobe cent dix hectares de tissu urbain. Le paysage de Saint-Omer est marqué par les établissements religieux, particulièrement nombreux dans cette ancienne cité épiscopale qui s’est développée dans le sillage de l’abbaye de Saint-Bertin. A son apogée, la ville déborde largement dans ses faubourgs. Son bâti, en transformation constante, fait l’objet de nombreux règlements de la part des autorités échevinales qui cherchent, dans ce domaine comme dans d’autres, à imposer leur gestion. Les habitations s’élèvent sur deux ou trois étages. Elles se succèdent en grappes donnant sur des cours intérieures. Ces îlots de lotissement obéissent à une structure foncière complexe.

    La propriété y est, comme dans toutes les villes à cette époque, dissociée entre le sol et l’immeuble. A partir du XIe siècle le sol urbain commence en effet à être loti par de grands propriétaires seigneuriaux en parcelles d’habitations baillées contre un cens et un droit d’entrée ou de mutation récognitifs de la seigneurie. Ces baux emphytéotiques autorisaient leurs bénéficiaires à bâtir des demeures dont ils devenaient les propriétaires légaux. Ceux-ci pouvaient alors librement les occuper ou les céder. Ces transactions, ou werpissements de biens, sont l’objet de la majorité des chirographes audomarois.

    Les autorités communales garantissent les transactions par leur enregistrement devant le greffier. Mais l’identité des biens immeubles dans les textes repose sur une localisation précise et incontestable dans le tissu urbain. Alors sous quelles formes les transactions foncières sont-elles enregistrées ? Comment l’appréhension de la propriété dans l’espace est-elle exprimée pour prévenir les contestations ?Pour comprendre les véritables enjeux des dispositifs de localisation, il faudra commencer par dégager les caractéristiques documentaires de notre corpus de chartes-parties. Nous enquêterons ensuite sur les transactions enregistrées dans les werps, mises en relation avec les problèmes de la propriétaire urbaine à cette période. Nous pourrons alors dégager le sens des évolutions de la description écrite des propriétés.

    I – L’enregistrement des cessions de biens

    Conservation, historiographie et usages

    Les werps ont été intégralement conservés aux archives municipales de Saint-Omer, comme la majeure partie des fonds anciens de cette ville, depuis leur élaboration au greffe civil de la commune jusqu’à aujourd’hui. Stockés en feuillets non reliés mais numérotés, les morceaux de parchemin ont été rassemblés en liasses dans un ordre strictement chronologique[7]. Le fond contient environ sept mille documents datés de 1261 à 1496. L’essentiel du corpus fut cependant produit dans la seconde moitié du XIVe siècle. Les années 1370 à 1407, tout particulièrement, totalisent dix-neuf liasses sur vingt-deux et sont par conséquent les plus complètes. Avant cette période, quelques spécimens seulement sont conservés au sein de la première liasse sans véritables suites chronologiques. La série semble donc comporter d’importantes lacunes dans les premiers temps de sa production. Après les années 1406-1407, quelques dizaines d’actes épars dans le temps ont été rassemblés dans la liasse XXII. Les documents, bien que remarqués par les archivistes et les érudits, n’ont pas fait l’objet d’inventaire.

    Arthur Giry, spécialiste des fonds audomarois et grande figure de l’Ecole des hautes études, cite à plusieurs reprises les werps de Saint-Omer dans son Manuel de diplomatique en tant qu’exemples remarquables de chirographes[8]. Justin de Pas, érudit de la société académique des Antiquaires de la Morinie, s’est par la suite intéressé à ce fond pour les noms de rue qu’il contient dans son ouvrage Saint-Omer, vieilles rues, vieilles enseignes, paru durant une période où toutes les écoles positivistes se passionnaient pour les dictionnaires topographiques et les études toponymiques[9]. Alain Derville enfin, dans la thèse d’Etat monographique qu’il a consacrée à Saint-Omer, s’est intéressé aux mentions de cens seigneuriaux des cessions de biens pour reconstituer les étapes du lotissement urbain. Il s’est ensuite appuyé sur ces sources pour mener une étude de l’évolution du marché foncier sur laquelle nous reviendrons[10]. Jamais les documents n’ont fait l’objet d’études pour eux-mêmes, en tant que chartes-parties ou en tant qu’actes de la pratique juridique.

    La pratique documentaire du chirographe est toutefois bien connue. C’est son utilisation dans la diplomatique vaticane, comme moyen d’authentification de la correspondance papale, qui est à l’origine de sa diffusion dans tout l’Occident chrétien à partir du XIe siècle. L’utilisation de chartes-parties tend par la suite à se raréfier dans les régions méridionales durant les siècles suivants sous l’effet de l’avènement du notariat. A Saint-Omer, le tarissement du corpus de werps communaux est également lié à l’installation de notaires royaux dans la ville. Il faut cependant attendre le XVe siècle pour voir la pratique décliner.

    Dans le Nord de l’Europe, la diffusion et l’essor du chirographe sont en effet décalés dans le temps. La bonne conservation de ces documents dans la plupart des archives communales de Flandre, des Pays-Bas et du nord de la France permet de dessiner les contours d’une pratique régionale en plein essor à partir de la seconde moitié du XIIIe siècle. A titre d’exemples et de comparaisons, les archives municipales de Valenciennes conservent encore plus de cinq mille huit cents werps de 1327 à la Révolution et celles de Douai plus de trente-cinq mille pour une période sensiblement identique[11]. A Tournai, les greffiers de la commune auraient produit plus de cent mille pièces de ce type, disparues, durant les deux derniers siècles de l’époque médiévale[12]. La petite commune de Nivelles conserve encore un fond exceptionnel de soixante-cinq mille pièces antérieures à 1611.

    Le terme werp recouvre une multiplicité d’usages qui peuvent être aussi bien civils, liés à la propriété, à des contrats commerciaux ou à des dispositions testamentaires que pénaux. Les chartes-parties de Saint-Omer sont écrites par le greffier civil de la commune. Ce dernier y enregistre dans la grande majorité de nos pièces d’archive des cessions de biens qui ont donné leur nom au fond. Mais il est fréquent d’y lire aussi des quittances ou des reconnaissances de dettes, des partages ainsi que des transmissions d’héritages. Le genre des chirographes est en fait déterminé par des critères purement formels résultant de l’écriture en double ou en triple de son contenu.

    Étude diplomatique

    Le terme charte-partie renvoie littéralement au partage du parchemin entre le scribe et ses destinataires. Le greffier conserve une partie de l’acte initial puis il en remet l’autre à son commanditaire. Il n’est pas rare que le texte du werp soit écrit trois fois pour que les deux parties puissent conserver un exemplaire du document. Dans ce cas, le greffier conserve le texte central qui est alors reconnaissable aux bords édentés présents en haut et en bas de la pièce. Ce découpage particulier des chartes est encore bien visible sur chacun des documents. Le rapprochement des bords permettait de constater l’origine commune des différents exemplaires de l’acte en cas de contentieux. [figure 1]

    Sur les bords édentés, la devise chirographique est un indice d’authentification supplémentaire. On peut ainsi distinguer plusieurs lettres de l’alphabet sur le tracé en dents de scie de la majeure partie de nos actes. Les quatre premières lettres, A.B.C.D., sont reproduites avec tout le soin réservé aux écritures majuscules. De la même façon, l’initiale de l’acte, le S du mot « Sachent » bénéficie, jusqu’à ce que les chirographes soient signés, d’une attention particulière qui permet d’identifier les greffiers. Selon la taille du texte et par conséquent du parchemin, la devise peut comporter plus ou moins de caractères. D’autres documents, produits dans d’autres régions, utilisent le mot cirographum, abrégé ou non, à la place de l’alphabet mais ce n’est jamais le cas dans les werps de Saint-Omer. Dernier procédé de sûreté, l’absence de marge à droite et l’absence d’espacements servent à empêcher tout ajout d’écriture. Un trait tiré peut également permettre de combler l’espace laissé vierge après les derniers mots du document.

    Figure 1 : AMSO, Werps, décembre 1299 (liasse I). Les deux parties du chirographe ont été conservées de façon exceptionnelle. Il est probable que les documents ont été rassemblés à l’occasion d’un litige porté devant le tribunal des échevins. Cette pièce d’archive permet d’observer l’acte avant sa partition, avec l’intégralité de sa devise.

    A partir de 1415 et l’élection du greffier Philippe Sus-Saint-Légier, les werps sont systématiquement signés au bas ou au verso[figure 2]. Son successeur Robert du Val abandonne également l’initiale ornée pour la signature.

    Figure 2 : La signature du greffier Philippe Sus-Saint-Légier au bas d’un werp de 1416 (liasse XII bis)

    Tout est donc mis en œuvre pour garantir l’authenticité des actes et par conséquent la validité dans le temps des cessions de biens que ceux-ci enregistrent.

    La formulation du texte des werps varie peu depuis les premiers actes de 1261 jusqu’aux dernières pièces de la seconde moitié du XVe siècle. Les milliers de cessions présentent toutes une succession de formules type que l’on rencontre presque invariablement dans chacune d’entre-elles. Prenons l’exemple de ce werpissement du 26 février 1323, au début de la série, liasse I. [figure 3]

    Figure 3 : Werp du 26 février 1323 (liasse I)

    Sachent tout chil qui ceste chartre partie verront ou orront que / Willames Flauwel et Gillote se feme ont vendu et werpi bien et aloy a Hue le Courtois machon / une maison et les appartenances de ychele et le porte qui siet devant ledite maison et le masure atout liretage qui y assiert devant et derriere estant dedens le tour du Haut Pont entre liretage Mahieu de Inglinghem dune part et liretage Pierre le Dimre dautre part. / Cest assavoir pour quarante et une livres de parisis que li vente amonte dont le dit Willames et Gillote se feme le tienent plainement a bien paie et par mi chou doivent il quiter et warandir le dit yretage au dit Hue en bien et en pais envers tous a le loy de le ville / et parmi trois sols de parisis de rente qui en ist par an yrretaulement ./ Che fut fait et werpi bien et a loy par devant esquevins de Saint Omer sire Brisse Dane, Jehan Lestot, Willame de le Court, Hue Bateman et Gille de Lullinghem. / En lan de grace mil ccc vingt et trois le XXVIe jour de fevrier.

    L’acte commence in media res, sans protocole initial, par une rapide notification générale à tous ceux qui prendront connaissance de son contenu (ligne 1). Aucune invocation, aucune suscription, ni aucun préambule ne sont à constater, y compris dans les cessions impliquant des autorités juridictionnelles. Les werps, produits en grand nombre et rédigés en plusieurs exemplaires, sont courts et directs. L’essentiel du texte est consacré à l’énoncé des clauses de la transaction, c’est-à-dire au dispositif de la charte (lignes 1 à 9). Les formules se suivent dans un ordre précis pour décliner l’identité du vendeur, et le cas échéant du bailleur, suivie de celle de l’acquéreur, ou du débirentier. La transaction est caractérisée par la formule « vendu et werpi ». Le bien est alors longuement identifié par l’indication de sa nature puis par sa localisation dans l’espace par la méthode des tenants et des aboutissants. Les obligations réciproques des parties, le paiement du bien ou d’une rente d’une part et la garantie de la jouissance paisible d’autre part, sont ensuite consignées. Si un cens seigneurial pèse sur le bien, il est indiqué.

    Avant de s’intéresser au protocole final des documents, strictement inchangé dans le temps, essayons de discerner les évolutions de la série en examinant l’un des actes de la dernière année complète. Il est extrait de la liasse XXII et daté du 15 juillet 1406 :

    Sacent tout cil qui ceste chartre partie verront ou orront que / Baudin Loetin et Marguerite se femme ont vendu et werpy bien et aloy a Wille Toulart / une maison, le masure dicelle avoec le courtil par deriere et tout leritage que y assiert si comme il sextend en lonc et en largue estans le le ruelle derriere voesmintur entre leritage Gulrart Yanzoene vers west dune part et leritage de Lescoterie ou Brule vers oest dautre part et aboutant par derriere a le riviere / Et en amonte le vente quatre frans et demy dont les dis vendeurs se tienent pour content et bien paiet et sur ce iceux nommes vendeurs ont promis audit accateur de li quitier et warandir ledicte maison masure courtile et heritage par-dessus werpi en bien et en paix audit envers tous et contre tous par le jugement de le loy de le loy (sic.) de le ville parmy ce que le dit accateur doit paier dix sept sols parisis de rente par an heritaulement qui issent de le dicte maison masure courtil et heritage / Chou fu fait cougnut vendu et werpi bien et a loy par devant esquevins de saint omer Guilbert de Rexponde, Gilles de Faukemberghe, Vincent le Parmentier Baudin le pap le Journe et Wille Jaquemins le onzieme jour de juillet lan de grace mil quatre cens et six.

    Le document, pour une transaction sensiblement identique, est légèrement plus long. Il conserve strictement la même structure diplomatique. L’allongement se fait au bénéfice du seul dispositif de l’acte, c’est-à-dire des clauses et de la description du bien. Les clauses de la cession sont similaires sur la forme. Les écritures supplémentaires résultent de la répétition de l’identification des parties et du bien lorsque les obligations réciproques sont énoncées. Seule la localisation de la maison montre une réelle évolution. La situation dans l’espace est notamment enrichie de la mention des directions cardinales et par l’indication de l’aboutant.

    Les werps mettent en œuvre un cadre juridique précis à la formulation stricte, invariable et directe, centrée sur un dispositif déclinant sur la majeure partie du texte l’identité des parties, l’identité du bien et les clauses du contrat. Les formulations n’évoluent pas au fil du temps à l’exception notable des localisations qui tendent, elles seules, à faire l’objet de nouveaux développements de la part des greffiers.

    Le protocole final du document (ligne 9 à 11), avant l’indication de la date qui marque le début effectif de la cession, est relatif à l’annonce du moyen de validation. La transaction est en effet enregistrée devant cinq échevins par l’intermédiaire du greffier en Halle.

    Le greffe civil de Saint-Omer

    Les werps sont écrits de la main du greffier civil de la commune, officier permanent de l’hôtel de ville aux fonctions juridiques étendues.

    La commune dispose d’un seul greffier jusqu’en 1414 lorsqu’un greffier pénal est institué. Le serment prêté par Jehan d’Esquerdes, ancien clerc et notaire du chapitre, lors de son élection le 24 août 1364, montre d’ailleurs que les affaires criminelles n’entraient pas systématiquement dans leurs attributions[13] :

    Juramentum Johannes de Esquerdes

    Se il plaist a ses tres reverens singneurs maieurs et eschevins de le ville de Saint Aumer, Jehan Desquerdes les servira loialment et diligamment en office de clerc en toutes causes touchans eaulx et le ville et contre tous, excepté tant seulement leglise de Saint Aumer la ou il a este nori et notaire toute sa vie […]

    Item il ne porroit ne vauroit estre a nul cas criminel, ne present la ou on y en jugeroit, ne escrire lettres ne responses touchans sanc […]

    En tout autres causes civiles, tant seulment comme de faire lettres et reponses tenir mémoire ce que seroit traitie ou atermine en halle a ramentevoir ce besoins estoit ce que li aroit balie a prendre warde as proces et as autres causes ainsi que on li aroit enjoint[…]

    Ceux qui sont appelés « clercs » ou « secrétaires de la ville » dans les sources tenaient les registres de la commune comme le Renouvellement de la Loy, les Délibérations du Magistrat ou les Werps et compilaient tous les actes utiles à l’administration de la ville.

    Les greffiers étaient naturellement choisis parmi le personnel ecclésiastique de la région qui formait un vivier d’hommes de loi compétents pour ce genre de fonction. L’un d’eux, Philippe de Sus-Saint-Légier, fut cependant auparavant procureur général de la ville.

    Ayant à traiter toutes les affaires de l’échevinage, les greffiers devaient de plus, dans la mesure du possible, être natifs de la région comme le montre l’élection en 1457 de Pierre de la Nesse, préféré à d’autres candidats pour cette raison[14]. Choisis de préférence au sein des élites locales, parmi le personnel en exercice de la ville, ce sont donc de bons connaisseurs de la topographie urbaine.

    Nés dans l’Audomarois, ils étaient d’abord formés à la maison des Bons Enfants ou à l’école dominicaine, qui dispensaient aux élèves issus de la bourgeoisie aisée les rudiments de la Grammaire avant que ceux-ci ne poursuivent leur formation, et bien souvent leur carrière, ailleurs[15]. Philippe de Sus-Saint-Légier, le mieux documenté des clercs de ville, est licencié en droit, sans doute formé à l’université de Paris ou de Louvain.

    Les greffiers sont élus ou confirmés chaque année par l’assemblée des trois corps du Magistrat, composée des échevins en exercice, des échevins de l’année écoulée et de dix bourgeois jurés. Six greffiers civils seulement apparaissent dans les sources pour notre période [figure  4]. Réélus chaque année après l’examen de leurs registres, ils pouvaient voir leur traitement augmenter dans le temps. Le Magistrat attachait un soin tout particulier au recrutement puis au maintien dans leurs fonctions sur la longue durée de leurs officiers du greffe. Ceux-ci bénéficiaient de rémunérations attractives, jusqu’à 150 livres annuelles dans les années 1440 pour Philippe Sus-de-Saint-Légier, contre 40 livres à son arrivée, après plus de vingt-cinq ans passés à ce poste.

    Bien plus que de simples secrétaires, les greffiers sont de véritables techniciens du droit, qualifiés par leurs fonctions antérieures, expérimentés par un exercice du greffe sur la longue durée et diplômés de l’université. Le greffe civil incarne la légalité communale dans l’espace de la ville.

    Date de la mentionNom du greffierInformation biographique
    24 août 1371Jehan Maas
    24 août 1371Jehan d’Esquerdesauparavant notaire de la collégiale
    1413Nicaise Cuvelier« en son vivant clerc de le ville »
    1413-1414Jacquemart Coppin« clerc de le halle »
    15 septembre 1415mort en 1448Philippe Sus-Saint-Légierauparavant procureur de la commune /licencié en droit / « secrétaire de le ville »
    17 août 1447mort en 1471Robert du Val« clercq principal de le ville »
    Figure 4 : Les greffiers civils de la Commune de Saint-Omer aux XIVe-XVe siècles d’après P. d’Hermansard, Les greffiers de l’échevinage …, p. 65.

    Le greffe de Saint-Omer est naturellement tenu en Halle, au sein de l’hôtel de ville sur le grand marché. Il est ouvert chaque jour de la semaine, y compris le dimanche et donne directement sur l’artère principale de la ville, la Tennerue. Dans une salle de treize pieds sur seize communiquant avec la salle d’audience du Magistrat[16], le greffier conserve toutes les archives de la commune, tient son bureau et reçoit la population afin d’enregistrer les cessions de « maisons et masures ».

    II – La propriété urbaine dans les werps

    Juridiction communale et propriété urbaine

    Les werps nous renseignent sur la propriété urbaine et sur le marché des rentes à Saint-Omer aux XIIIe-XVe siècles. Il faut cependant renoncer dès à présent à dresser un tableau complet, et encore moins à reconstituer le parcellaire[17], du sol urbain. Le corpus, bien que volumineux, présente des lacunes. De plus, toutes les transactions ne sont pas enregistrées en Halle. Les biens des enclaves juridictionnelles sont consignés par leurs autorités de tutelle. Ainsi, les cartulaires et les registres de notaires de tous les établissements ecclésiastiques font état de werpissements sans que ceux-ci soient passés devant le greffier de la commune[18].

    Mais au XIIIe siècle, les enclaves tendent à devenir de moins en moins fréquentes. Dès son origine, la justice communale est fondamentalement marquée par son « caractère territorial » comme l’a démontré Arthur Giry dans son Histoire de la ville de Saint-Omer et ses institutions des origines au XIVe siècle[19]. Elle se construit contre les seigneuries laïques et surtout ecclésiastiques. Les werps participent d’ailleurs eux-mêmes à l’offensive juridictionnelle de l’échevinage.

    Il est intéressant de remarquer que la première charte-partie enregistrant la cession d’un bien, en 1274 (liasse I), est relative à une maison appartenant au chapitre de Saint-Omer. L’acte comporte la clause suivante : « li devant dit Baudewin doit tenir le maison ki est sor le devant dite tere a loi de la vile de Saint-Omer ». Ce bien de la collégiale, alors que ledit Baudewin est lui-même présenté comme clerc, est dès lors reconnu comme étant dans la juridiction de l’échevinage. Les autorités communales s’emploient, durant tout le XIIIe siècle et de façon encore plus flagrante au XIVe siècle, à limiter les soustractions de biens de leur juridiction alors que les acquisitions foncières des établissements religieux bénéficient de leurs immunités. Une délibération du Magistrat du 8 août 1337 montre la volonté des échevins de ne laisser les acquéreurs « entrer ès hiretages sans mettre y laye personne a tenir les hiretages as us et as coustumes de la ville »[20]. Durant toute la période, l’assise foncière des établissements ecclésiastiques dans la ville, et particulièrement mendiants, pose problème à la commune. L’enregistrement des transactions foncières devant le greffe de la Halle permet d’affirmer, lors de chaque changement de propriété, la juridiction des échevins. Les clauses des werps ne manquent pas de préciser que l’héritage doit être « warandi en bien et en pais envers tous a le loy de le ville ».

    Pour les particuliers, mais aussi pour les grands seigneurs fonciers, y compris religieux, l’enregistrement en Halle représente le procédé le plus sûr pour garantir et valider les transactions. Avoés et sires[21], à l’exception des abbés de Saint-Bertin qui s’attachent à préserver chacune des prérogatives de leur enclave, apparaissent dans les textes dès les premières liasses de werps. Les quelques chirographes frappés du sceau à double queue de l’échevinage de notre fond enregistrent d’ailleurs presque systématiquement des cessions de biens ecclésiastiques ou seigneuriaux au bénéfice de la commune ou de bourgeois[22]. Cela tend à montrer que le passage devant le greffier civil représentait pour ces autorités une protection contre les velléités des échevins eux-mêmes.

    Pour tous, et d’abord pour les bourgeois qui restent les plus nombreux dans nos actes, la juridiction gracieuse de l’échevinage représente en effet une garantie contre les contentieux fonciers. Chaque cession est ainsi conclue « par devant esquevins de le ville », au nombre invariable de cinq, dont les identités sont déclinées dans le dispositif final des actes. Depuis l’origine de la commune, les échevins font office de témoins légaux des transactions, qui furent orales avant d’être écrites. Après la constitution du Greffe, leur rôle de « garde des contrats[23] » demeure plus que jamais alors que le système des rentes met en jeu, sur une base foncière, des contrats particulièrement complexes et exposés aux litiges.

    Rentes et biens fonciers

    Les textes caractérisent les cessions de propriétés par la formule « vendu et werpi » ou « donné et octroyé ». Les biens cédés sont le plus souvent des maisons mais de nombreuses pièces de terre situées dans la banlieue apparaissent fréquemment dans les chartes-parties.

    Les actes peuvent consigner des baux emphytéotiques, c’est-à-dire des cessions non définitives, mais conclues sur de très longues durées, contre l’entretien du bien et une rente héritable au prix et aux termes fixés, souvent au nombre de trois par an. Le type de transaction est alors immédiatement reconnaissable par la formulation du document : le débirentier « doit » telle somme annuelle[24] ou « a pris » contre telle somme annuelle ou enfin le crédirentier « a donné » contre telle somme un bien qui est ensuite caractérisé par sa localisation dans l’espace. Le propriétaire de l’immeuble baillé s’est alors constitué une rente à bail d’héritage. Le contrat engage les parties ainsi que leurs successeurs. En cas de cessation de paiement, le crédirentier doit pouvoir être en mesure de recouvrer ses droits par la pandinghe, c’est-à-dire la saisie mobilière du débiteur, ou en derniers recours la mise de fait ou saisie immobilière. Cela exige l’identification infaillible au regard de la loi, qui plus est sur le temps long, des biens aliénés. Alain Derville a montré que si les rentes urbaines, malgré leurs faibles taux, étaient considérées comme de bons placements, c’est parce qu’elles reposaient sur des biens immeubles et donc qu’elles étaient sûres[25].

    Les actes peuvent également consigner des ventes. Le montant de la transaction est alors connu à la fin du dispositif par une formulation de ce type : « cest assavoir pour quarante et une livre de parisis que li vente amonte ». Les biens sont parfois grevés d’une rente qui apparaît sous cette forme à la suite de l’acte : untel « doit paier dix sept sols parisis de rente par an heritaulement. ». Les ventes peuvent en effet déboucher sur des constitutions de rente. L’opération, contournant les interdits canoniques, consiste à vendre un bien pour disposer du capital avant de le reprendre immédiatement à rente héritable[26]. Le montant de la rente constituée, qui doit être inférieur à 10% de la valeur du bien, correspond ipso facto au taux d’intérêt de l’emprunt. Le créancier voit par ailleurs le recouvrement des fonds avancés garanti par la propriété du bien. Le débiteur conserve le droit de lever l’hypothèque en rachetant la rente à tout moment.

    Les werps portent parfois quelques stigmates du lotissement initial du sol urbain à travers les mentions de cens. Un document de 1444 décrit par exemple une maison de la rue Saint-Bertin de la façon suivante :

    une maison, masure et tout liretage qui s’extend et se pourporte entre liretage dudit Robert du Val west et le maison nommee le Royvewart oest aboutans par derriere a leritage Willaume Ort. Icelle maison du Cocquelet aiant de largue ou front devant sur le rue trente deux piez ou environ[27]

    La mesure est directement liée à l’existence du voetghelt dans certains quartiers. C’est un cens d’un denier par pied de façade dû selon la période aux chanoines ou au châtelain de Saint-Omer. Depuis la charte communale de 1127, la plupart des cens seigneuriaux ont cependant disparu intra muros. Les werps peuvent encore évoquer le hofstedeghelt ou la merlinsrente qui semblent avoir été de 12 deniers par masure[28].

    Les biens fonciers sont assez peu décrits pour eux-mêmes. Les indications de mesures, plutôt rares, n’ont qu’une finalité fiscale et les édifices sont généralement qualifiés par la seule mention, indéterminée, de la « maison, masure et leritage dicelle » puis la présence, le cas échéant, d’un courtil, c’est-à-dire d’un jardin. La description du bien, sur laquelle reposent toutes les garanties des rentes à bail héritable et des rentes constituées, réside donc essentiellement dans sa localisation.

    Propriétaires urbains

    De son étude du marché foncier audomarois au Bas Moyen Age, Alain Derville conclut que «le marché de la rente était immense : tout le monde, sauf les prolétaires, en avait ou en devait, en achetait ou en vendait[29]. » Les werps consignent en effet les noms de très nombreuses familles. De toutes ces déclinaisons d’identité, nous pouvons constater que la propriété foncière est assez peu concentrée. Les noms de rentiers se recoupent peu dans les liasses. Seuls Willames Flauwel et Gillote sa femme apparaissent à trois reprises dans la liasse I, toujours en tant que propriétaires bailleurs, mais pour seulement deux biens différents. Les églises en revanche, à commencer par la collégiale de Saint-Omer, sont naturellement de grands propriétaires fonciers qui logent une population laïque considérable dans la ville.

    A défaut d’étude systématique sur les sept mille pièces du corpus, les constatations ne peuvent qu’être générales. Il faut compléter notre étude par d’autres sources.

    Une prisée des trois faubourgs occidentaux de la ville, réalisée en 1346, est conservée aux archives municipales de Saint-Omer[30]. Au moment de la chevauchée d’Edouard III dans le royaume de France, le bailli y dresse la liste de tous les édifices qui vont être préventivement rasés afin de priver les Anglais de la protection du bâti en cas de siège. Sept cents soixante constructions sont alors estimées, depuis la maisonnée valant quelques livres jusqu’au manoir de près de trois cents livres ainsi que l’hôpital Saint-Louis, les trois couvents mendiants, l’église paroissiale Saint-Martin et l’hôpital de la Madeleine. Comme le montre le traitement statistique de la prisée [figure 5], les biens renseignés sont majoritairement possédés par des propriétaires uniques. Il ne faut cependant pas en conclure que les maisons sont majoritairement habitées par leurs propriétaires car nous sommes dans les faubourgs, plus récemment lotis et fréquemment loués par les bourgeois sur de courtes échéances ou cédés à charge de rente aux derniers arrivants. Il existe de plus à Saint-Omer un groupe très réduit de grands propriétaires ainsi qu’un groupe important de propriétaires de plusieurs biens représentant ensemble 38 % des bailleurs des trois rues analysées.

    Nombre de maisons par propriétaireRue BoulenisienneRue Sainte-CroixRue de la MadeleineTotaux
    978669252
    De 2 à 3413338112
    De 4 à 81718944
    9 ou plus3014
    Total158137117412
    Figure 5 : Propriétaires urbains d’après la prisée de 1346

    Malgré la multiplication des propriétaires et des débirentiers au gré des campagnes de lotissement, le problème de l’identité des parties n’en est pas un. Il est réglé de facto par la détention du werp et dans la plupart des cas par l’ancrage local des acteurs du marché foncier. Particulièrement dans les faubourgs plus exposés aux destructions mais aussi dans tout l’espace de la ville, le respect des clauses de l’acte repose donc entièrement sur l’identification précise des biens achetés ou baillés.

    III. La situation des propriétés foncières dans l’espace

    Une méthode : le tenant et l’aboutissant

    Les greffiers ont une solide culture juridique. Ils mettent d’abord en œuvre la méthode de droit écrit[31] des tenants et des aboutissants pour caractériser la propriété. A partir de la première moitié du XIIIe siècle, les chartes-parties situent immanquablement les biens aliénés par la mention de leurs confronts, c’est-à-dire des propriétés attenantes. Le werp déjà cité du 26 février 1323 (liasse I) donne par exemple un bon aperçu de cette méthode de situation et de délimitation :

    une maison et les appartenances de ychele et le porte qui siet devant ledite maison et le masure atout liretage qui y assiert devant et derriere estant dedens le tour du Haut Pont entre liretage Mahieu de Inglinghem dune part et liretage Pierre le Dimre dautre part.

    Dans l’espace urbain où les parcelles d’habitation sont loties dans l’axe de voies de circulations, le tenant et l’aboutissant sont les seuls confronts nécessaires. Dans les actes ruraux, l’usage est en revanche le plus souvent de citer les quatre confronts. Dès le Xe siècle, les notaires languedociens, étudiés par Monique Bourin[32], utilisent méthodiquement ce procédé caractérisé par le terme confinatio dans les textes. L’énoncé des confins est de plus ordonné conformément à la marche du soleil, d’est en ouest. Cette cession de vigne de 1116 montre bien comment les localisations sont appréhendées de longue date par les hommes de loi :

    Et afrontat una pecia in vinea de Bernardo Treburg et in vinea de Guillelmo Ambrosii et in vinea de Petro Numundi milite et in vinea de Raimundo Ostem ; et alia pecia afrontat de Ia parte in vinea de Pontio Bligerii et de alia parte in vinea de Guillelmo Ambrosii et de IIIa in vinea de Senfredo Gairigæ et de IIIIa parte in vinea de Guillelmo Petri. Quantum infra istas afrontationes includunt ipsæ vinæ sic […][33]

    On retrouve cette logique à l’œuvre chez les greffiers de Saint-Omer dans les werps liés à des pièces de terre de la banlieue comme dans cet acte du 23 novembre 1395 (liasse XVIII) :

    toute le terre mareske […] gisans deriere les Beghines de Malenant joignant vers nort a le terre Jehan Fleurs et leritage Jehan de Saint Omer vers zud et vers west a leritage Baudin Boudens et vers oost a le Madebuc

    Dans la ville, intra muros, le risque de voir les tenants et aboutissants d’une propriété disparaître, ou l’identité de leurs propriétaires contestée, est presque nul. Les deux propriétés attenantes, situées sur les côtés de sa façade et identifiées par le nom de leur propriétaire, sont donc suffisantes dans la plupart des cas.

    L’usage du tenant et de l’aboutissant se fixe assez rapidement, dès les années 1310. Auparavant, les formules employées afin de situer dans l’espace sont plus empiriques. Dans le premier bail à rente héritable conservé, en 1274 (liasse I), le greffier se limite à cette formule courte d’identification : « le tere ki gist en le ruele derriere le maison Florens le Rike ». L’indication est vague, un seul confront est signalé. Le contrat est cependant relatif à l’îlot foncier de la collégiale, un ensemble de dix huit maisons loties sur la même manse. De plus, les parties peuvent normalement se faire confiance puisque le débirentier est lui-même clerc du chapitre. La seconde cession conservée, datée d’avril 1290, ne signale également qu’un tenant mais elle indique approximativement l’emplacement du bien dans le réseau des rues : « lequeile [maison] siet par dencoste le maison Clai le Carbonnier par damont en le ruele au li ke on va vers le maison Stalle Zotin ». Le dispositif est plus ou moins conservé sous cette forme jusqu’aux années 1310, ainsi :

    cette maison estant en le neuve rue et le paroche Saint Mikiel entre le yritage jehan le tailleur de le bruyere » en 1293 (liasse I), ou celle-ci en 1301 (liasse I)« seant en le rue saint Bertin sour le bout de le rue ensi con va viers la plache des tisserans la Clay Trachart maint ere par devant le maison la Andrieus le Wales

    C’est durant l’année 1317 que le greffier se met à adopter systématiquement une localisation relative par deux côtés, précédée d’une indication de rue, de lieu remarquable ou de quartier comme dans cet acte de juin 1317 (liasse I) et tous les suivants : « li quele maisons siet au Brulle devant le manoir sire Jehan Dane serei liretage Jakemon Daubrod ki fu a lun leis et liretage as kerkeurs ». L’adoption d’un dispositif de localisation normalisé semble directement liée à l’accroissement significatif de la production de chartes-parties dans les années 1310-1320. A la fin de cette période, les biens attenants sont formellement encadrés par les locutions « d’une part » et « d’autre part » comme dans cette charte-partie du 26 février 1323 (liasse I) : « derriere estant dedens le tour du Haut Pont entre liretage Mahieu de Inglinghem dune part et liretage Pierre le Dimre dautre part ». C’est sous cette forme que la méthode des confronts se fixe dans la documentation jusqu’aux dernières pièces de la série. La description des tenants et aboutissants forme très tôt une base intangible de situation dans les cessions foncières audomaroises. Mais les dispositifs de nos chartes, lorsqu’il s’agit de localiser, sont en évolution dans le temps et tendent à devenir de plus en plus précis.

    Evolutions : la géographie urbaine du greffier

    Les greffiers entretiennent un rapport de proximité immédiate avec l’espace de leur ville qui transparaît dans leur description écrite des propriétés. L’examen attentif de l’évolution des werps entre les années 1320, quand la méthode des tenants et des aboutissants s’établit, et la fin du XVe siècle révèle la mise en place progressive de procédés additionnels de situation qui sont autant de traces de perceptions particulières de l’espace.

    Dès les années 1290, les greffiers se sont efforcés de situer les biens dans des parties de la ville identifiables par tous telles que les rues, les portes, les cours d’eau ou tout autre élément faisant office de repère. L’acte de décembre 1290 (liasse I) est le premier à donner cette indication « ledevant dite maison estant en le neuve rue et le paroche Saint Mikiel ». La référence à l’église paroissiale ne se rencontre que de façon exceptionnelle. Ici, la paroisse Saint-Michel a donné son nom au faubourg méridional de la ville et c’est en tant qu’éponyme qu’elle est mentionnée. La mention de la rue est en revanche, beaucoup plus fréquente, elle tend même à devenir systématique dans la documentation à partir des années 1360.

    Avant cette date, seules les artères principales comme la Tennerue, la Listerue, la Neuverue et la rue Saint-Bertin ou Grosserue, menant toutes les quatre au grand marché, sont utilisées par les greffiers. Les marchés, nommés selon les activités qu’ils abritent comme la plache des tisserands ou le grand markiet, se rencontrent également fréquemment. Les noms des rues principales et des places sont assez tôt fixés dans les documents, dès le XIIIe siècle au moins, et ils n’évolueront plus jusqu’à l’époque moderne comme le montre encore le plan manuscrit de la ville dressé pour les échevins en 1655[34].

    Les noms de quartiers sont dans la plupart des cas réservés aux faubourgs et déterminés par la porte ou par l’église paroissiale la plus proche. Les portes, qui sont les éléments les plus marquants de l’espace urbain et que l’on rencontre constamment dans tous les actes de la pratique, peuvent également situer des biens à proximité et pourtant intra muros. La mention le précise alors comme dans cette cession de du 26 février 1333 (liasse I) : « ledite maison et le masure atout liretage qui y assiert devant et derriere estant dedens le tour du Haut Pont ». Après les années 1360 et à l’exception des faubourgs, l’usage des odonymes s’étend à toutes les catégories de rues[35]. La localisation du bien a dès lors systématiquement pour préalable la mention de la rue qui servira ensuite d’axe de référence pour identifier les confronts. Les plus petites ruelles sont désormais consignées dans les actes des greffiers comme le montre cet acte du 13 mars 1361 (liasse II) localisant une maison :

    seans en le veprestraet [terme flamand pour Veprerue] au touket [sur le coin] de le ruele que on dist le rue Olivier entre liretage Mikiel Praiel dune part et liretage enleicte ruele qui fu Stas ser lammes dautre part

    Bien avant les ordonnances de Sully de la fin du XVIe siècle qui ont créé une nomenclature officielle, d’abord pour les rues de Paris, les autorités communales connaissent, utilisent et consignent dans leurs actes comme moyens de validation, les toponymes urbains.

    Durant la même période, en parallèle, la situation par les tenants et les aboutissants tend à se voir elle-même enrichie d’indications complémentaires.

    Dès les premiers actes, il est fréquent de lire en complément des héritages attenants les locutions « par amont » et « par aval ». Une maison cédée en juin 1317 est ainsi « entre ledite riviere et liretage Mahaut des Liches par damont ». L’usage, s’il n’est pas systématique, perdure durant toute la période. La ville de Saint-Omer présente en effet une déclivité depuis la butte de Sithieu culminant à vingt-cinq mètres vers les marais de l’abbaye de Saint-Bertin, en partie enclos par l’extension de l’enceinte. Les greffiers utilisent par conséquent constamment les caractéristiques du relief audomarois pour situer dans l’espace, et particulièrement pour les rues situées dans l’axe de la pente. Au cours du XIVe siècle, alors qu’une nomenclature urbaine est en train de s’imposer, l’emplacement du bien dans les plus longues artères est désormais caractérisé par la mention de la partie haute ou de la partie basse de la voie.

    Toutes ces évolutions toponymiques sont liées à l’affirmation d’une culture et d’une identité urbaine locale qui s’expriment progressivement et de plus en plus distinctement dans la plume du greffier. D’autres évolutions semblent plus directement liées aux risques de contestations de propriétés. Ce sont les mentions d’un troisième tenant, appelé l’aboutant dans les textes, ainsi que les orientations cardinales. On en trouve la trace en premier lieu dans les faubourgs et dans la banlieue, dans le cas de pièces de terres, qui sont les zones les plus exposées aux problèmes d’identification. Prenons l’exemple de cette maison située hors de l’enceinte nord de la ville, décrite dans un acte du 10 novembre 1390 (liasse XIII) :

    gisans dehors le waterporte derbostade sur le riviere entre liritage de feu sire Jehan Hanghebot vers oost et liritage Lambert Lergart vers west aboutant vers zut aliritage Mikiel Hue

    A l’origine, les biens des faubourgs, particulièrement nombreux dans les werps, étaient localisés de la même manière que les biens intra muros mais ils font progressivement l’objet de développements complémentaires à partir de la seconde moitié du XIVe siècle, en pleine guerre de Cent ans. Les faubourgs sont en effet exposés aux destructions ou aux dommages des bandes armées, comme le montre la prisée de 1346, qui peuvent considérablement transformer ces quartiers. La localisation des biens ou le cas échéant des ruines à reconstruire après les combats, alors que tous les habitants s’étaient préalablement réfugiés dans la ville, semble particulièrement préoccuper les greffiers et les parties lors des cessions de bien.

    L’utilisation d’un troisième tenant apparaît assez tôt dans les dispositifs de localisation. C’est dans un premier temps à chaque fois qu’un lieu remarquable se distingue à l’arrière de la maison aliénée que l’on rencontre ainsi des rivières, des moulins ou encore ce presbytère cité dans un acte du 4 août 1369 (liasse VII) « liretage […] aboutant par derriere a le presbitere de leglise saint denis » mais c’est aussi lorsque la maison ne présente qu’un tenant de façade que l’aboutant est précisé. L’usage se répand ensuite dans la seconde moitié du XIVe siècle pour les propriétés des faubourgs à cause des risques particulier que celles-ci encourent puis il se généralise à partir de la fin du XIVe siècle à tous les biens immeubles, quelles que soient leurs localisations[36]. L’évolution est similaire, bien que légèrement décalée dans le temps, pour les points cardinaux.

    Les premières traces d’orientations cardinales de la série datent du 8 novembre 1344 (liasse I) :

    une piece de terre mareske contenant une verghes ou environ gisant ale cale derriere les moulins de le pasture entre liretage Wautier Fehnan devers le zud et liretage Raoul du Ghieron devers le nort 

    Par la suite, les parcelles de terres tendent à être caractérisées par leurs quatre confronts mais l’usage de l’orientation demeure. Il est rendu indispensable par l’absence d’éléments de repère dans la banlieue à l’exception de quelques moulins, de quelques fermes et des cours d’eau. Alain Derville estime que l’éventualité que le débirentier disparaisse sans que le bailleur soit en mesure de retrouver la terre à saisir était envisagée et qu’elle aurait même expliqué la préférence des investisseurs pour les rentes urbaines, jugées plus sûres pour cette raison[37]. A la fin du XIVe siècle, la précision des directions cardinales se généralise d’abord pour les biens des faubourgs puis elle s’étend dans la première moitié du XVe siècle à tous les biens fonciers. Le greffier Philippe Sus-Saint-Légier rend la pratique systématique et chacun des werps signé de sa main permet dorénavant de prendre la mesure de toutes les évolutions constatées à travers les cent cinquante années que couvre le corpus :

    une maison, masure et tout leritage comme elle se porporte et s’extend en long et en larghe devant et derriere estans et faisans front en le grosse rue entre leritage Jehan Poille vers west dune part et leritage Henri Loure et des enfans de feu Cristiain Bernart vers oest dautre et aboutant par derriere et aiant yssue sur lattre Saint Denis[38]

    Conclusions

    Entre 1274 et 1496, les greffiers éliminent progressivement de leurs actes toutes les approximations des débuts de la série et mettent en place par étapes un dispositif de localisation des biens dans l’espace de plus en plus précis.

    La technique du chirographe est maîtrisée dès les premiers temps de l’institution du greffe de la commune, visiblement confié à des hommes instruits au droit et entièrement dédiés aux procédures d’enregistrement de l’échevinage.

    Le système de la rente urbaine, et plus généralement les caractéristiques médiévales des cessions de propriétés, exigent que les biens fonciers puissent être identifiés, et parfois retrouvés, sur le temps long par leurs bailleurs. Le werp fait également à l’inverse office de titre de propriété pour l’acquéreur au regard de la loi. La juridiction gracieuse des échevins, dont Arthur Giry a montré les enjeux, est essentiellement incarnée pour les particuliers dans ce registre des werps qui consigne la mémoire de toutes les transactions et de toutes les obligations des bourgeois pesant sur le sol audomarois.

    La forme et l’organisation des chartes-parties de Saint-Omer restent strictement inchangées, malgré les nombreux changements de greffiers, entre le XIIIe siècle et la fin du XVe siècle. Seul le dispositif de description des biens connaît de substantielles évolutions. Celui-ci s’intéresse peu à l’énumération des qualités du bien, qualifié soit de « maison, masure et héritage », soit de « pièce de terre ». Il ne comprend pas davantage, à l’exception de mesures fiscales ponctuelles liées au voetghelt, d’indications numériques. Tous les efforts des greffiers pour caractériser les biens immeubles sont en fait, et uniquement, portés vers la localisation relative nette et incontestable de ceux-ci dans le tissu urbain. C’est naturellement la méthode des confronts, tenant et aboutissant, qui s’impose dès les premières décennies suivant l’instauration des werps dans la pratique du greffe. Les biens sont dès lors inscrits dans l’espace à travers des séquences de lieux attenants.

    La généralisation de l’usage des noms de rue et la référence constante à la topographie de la ville laissent transparaître la culture urbaine ainsi que l’ancrage local des officiers du greffe et finalement, à travers leurs écrits, l’univers mental des citadins de la période. La répétition quotidienne de la production des chirographes tend à imposer rapidement les nouvelles pratiques, introduites par des situations exceptionnelles ou par de nouveaux cas litigieux. Il n’est alors pas surprenant de constater que les innovations sont d’abord visibles dans les actes liés à des biens des faubourgs ou de la banlieue avant de se généraliser progressivement à l’ensemble des immeubles urbains. Avec les confronts, la topographie, la toponymie, les directions cardinales, les greffiers expriment, par la voie juridique, les contours d’une culture chorographique urbaine caractérisée par l’expérience commune des lieux, par la conjugaison de procédés simples et par la localisation relative.

    A la suite d’expériences empiriques issues de problèmes réels liés à la nature conflictuelle de la propriété urbaine, les greffiers successifs élaborèrent et enrichirent un système légal de situation de la propriété dans l’espace, non plus définie par son contenu mais par la délimitation de sa place dans la ville.

    L’évolution du système juridique de localisation des biens mis en place dans les werps peut par conséquent être mise en relation avec le renouveau, ou l’essor, des livres fonciers, des enquêtes territoriales princières, de l’arpentage et de la cartographie locale durant les derniers siècles du Moyen Age. Tous ces procédés participent, à leurs échelles et à l’initiative de techniciens plutôt que de savants, à un même mouvement d’inventaire de l’espace et d’élaboration du droit de la propriété et des territoires.

    Références

    [1] Archives Municipales de Saint-Omer (AMSO), Werps.

    [2] Plusieurs ouvrages classiques rendent compte de recherches sur ce type de documentation. Bernard Schnapper, Les rentes au XVIe siècle, histoire d’un instrument de crédit, Paris, Presses de l’EHESS, 1957 ; Simone Roux, La rive gauche des escholiers au XVe siècle, Paris, Christian, 1992 ; Olivier Faron et Etienne Hubert, dir., Le Sol et l’Immeuble. Les formes dissociées de propriété immobilière dans les villes de France et d’Italie (XIIe-XIXe siècle), Rome, Presses universitaires de Lyon, 1995.

    [3] Je renvoie d’abord aux travaux de Monique Bourin sur l’appréhension de l’espace rural par les notaires : « La géographie locale du notaire languedocien (Xe-XIIIe siècle)», dans Cahiers de recherches médiévales et humanistes, 3, 1997, p. 33-42 ainsi qu’à l’article de Patrick Gautier Dalché sur l’appréhension des territoires : « Limite, frontière et organisation de l’espace dans la géographie et la cartographie de la fin du Moyen Âge » dans Guy Marchal, dir., Grenzen und Raumvorstellungen (11. – 20. Jahrhundert). Frontières et Conception de l’espace (XIe – XXe siècle), Zurich, 1996, p. 93-122  Pour un aperçu des problématiques générales, se reporter à Monique Bourin, Elisabeth Zadora-Rio, « L’espace » dans Jean-Claude Schmitt, dir., Les tendances actuelles de l’histoire du Moyen Age en France et en Allemagne, Paris, Publications de la Sorbonne, 2003 ainsi qu’au recueil Construction de l’espace au Moyen Age, pratiques et représentations, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007.

    [4] L’intérêt des médiévistes pour cette question vient d’être relancé par la traduction en français de l’ouvrage d’Alfred Crosby, The Measure of Reality: Quantification in Western Europe, 1250-1600, Cambridge Press, 1997 par Jean-Marc Mandosio en 2003. Alfred Crosby s’appuie sur le développement des moyens rationnels, et d’abord numériques, d’appréhension du monde pour expliquer l’essor rapide de l’Occident à partir du XIIIe siècle. Cette thèse a été notamment discutée dans le congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public du 31 mai au 03 juin 2011 intitulé « Mesure et histoire médiévale ».

    [5] La ville de Saint-Omer s’est développée autour de deux centres. L’abbaye de Saint-Bertin est construite à la suite d’importants travaux de drainage des marais environnants qui forment à partir du XIe siècle la ville basse. La cathédrale de Saint-Omer surplombe la ville haute depuis le mont Sithieu où les places du grand commerce et les édifices politiques se sont progressivement fixés.

    [6] Alain DERVILLE, « Le nombre d’habitants des villes de l’Artois et de la Flandre Wallonne (1300-1450) », dans Revue du Nord, tome 65, Lille, avril -juin 1983.

    [7] La liasse 1 ne comporte pas de numérotation. Plusieurs systèmes de classification se chevauchent dans les liasses II à XXII. C’est pour cette raison que nous identifierons les actes par leur date.

    [8] Arthur Giry, Manuel de diplomatique, Paris, 1894, p. 851.

    [9] L’ouvrage est paru dans un volume spécial d’une revue savante audomaroise : Justin de Pas, « Saint-Omer, vieilles rues, vieilles enseignes, » dans Mémoires de la société des antiquaires de la Morinie, tome XXX, 1910-1911.

    [10] Alain Derville, Saint-Omer des origines au début du XIVe siècle, Lille, Presses universitaires du septentrion, 1995, p. 87-93.

    [11] Nous renvoyons aux inventaires de ces fonds d’archives.

    [12] Pierre Mangano-Leroy, « Actes tournaisiens de droit privé (1275-1522) », dans Bulletin de la Commission Royale pour la publication des anciennes lois et ordonnances de Belgique, XVIII, 1954, p. 149-234.

    [13] AMSO, Registre au renouvellement de la loy, C, folio XX, verso.

    [14] Pagart d’Hermansard, Les greffiers de l’échevinage de Saint-Omer (1311-1790), Saint-Omer, Imprimerie d’Homont, 1901, p. 46 évoque cette mention dans un registre aujourd’hui disparu du Renouvellement de la Loy.

    [15] Les écoles de Saint-Omer ont laissé peu de sources mais les bourgeois audomarois étaient largement alphabétisés d’après A. Derville, Histoire de Saint-Omer…, p. 98 qui s’est appuyé sur l’étude des actes signés et sur des comparaisons avec d’autres communes de Flandre et d’Artois.

    [16] Louis Deschamps de Pas, « Essai de reconstitution de la Halle », dans Mémoire de la société des antiquaires de la Morinie, tome IV,1837-1838.

    [17] Les livres fonciers les plus précis tels que ceux de la plaine d’Allemagne (Calvados) dans la seconde moitié du XVe siècle ne le permettent pas davantage. Thomas Jarry, « Autour d’un plan médiéval normand. Le plan parcellaire d’Allemagne (1477) » dans Histoire et sociétés rurales, volume XXIII, 2005/1.

    [18] Voir par exemple les nombreuses mentions de ventes dans le Cartulaire de Saint-Bertin qui montrent l’enclave juridictionnelle de l’avouerie de cet établissement, dans l’île monastique de la ville et dans toute la vallée de l’Aa à travers la banlieue.

    [19] Arthur Giry, Histoire de la ville de Saint-Omer et ses institutions des origines au XIVe siècle, Paris, Bibliothèque de l’Ecole des hautes études, 1877, p. 180.

    [20] Règlement du 8 août 1337, reproduit dans A. Giry, Idem., p. 211.

    [21] Rappelons pour mémoire que les avoués sont les représentants des établissements religieux pour les affaires temporelles. Le terme « sire » renvoie aux chevaliers. Citons parmi les centaines de mentions Eustache de Boulogne, avoué de la collégiale dans l’acte de 1274 déjà cité ; les représentants de l’église paroissiale Saint-Michel dans le werps de décembre 1293 (liasse I) ou encore le « signeur Jehan Florens » cèdant une pièce de terre le 13 mai 1309 (liasse I).

    [22] La charte-partie du 17 octobre 1407 (liasse XXII) enregistre par exemple la cession d’une mare appartenant au seigneur d’Eperlecques à six bourgeois de la ville.

    [23] Selon l’expression d’A. Giry, Histoire de la ville de…, p. 185 pour qui la juridiction gracieuse fut l’un des moteurs de l’affirmation communale.

    [24] Reprenons l’exemple du chirographe d’octobre 1274 (liasse I): « Baudewin le Machon, clers, doit a le taule de leglise de Saint Omer XX l. de par. par an de rente iritaulement a tous jors de le tere ki gist en le ruele derriere le maison Florens le rike et li devant dit Baudewin doit paier le XX l. devant dis a III termines chest asavoir VII l. IIII d. mains a Noël et VII l. III d. mains a le Paske et VII l. III d. mains a le feste Saint Johan Baptiste ».

    [25] A. Derville, Histoire de Saint-Omer…, p. 231.

    [26] Sur le fonctionnement de ce type de rente et son rôle dans l’économie audomaroise, voir les développements d’A. Derville, Idem., p. 228.

    [27] AMSO, Werps, liasse 13 avril 1444 (liasse XXII).

    [28] A. Derville, Histoire de Saint-Omer…, p. 86-89.

    [29] Derville p. 230.

    [30] AMSO, série BB, CLXIX, pièce 4.

    [31] A. Giry, Manuel de…, p. 551.

    [32] Monique Bourin, « La géographie locale… ».

    [33] « Une pièce a pour confronts la vigne de Bernard Treburg et la vigne de Guillaume (fils) d’Ambroise et la vigne de Pierre (fils) de Numund, chevalier et la vigne de Raymond Ostem ; l’autre pièce a pour confronts du premier côté la vigne de Pons (fils) de Bliger et d’un autre côté la vigne de Guillaume (fils)d’Ambroise et du troisième la vigne de Senfred (fils) du Guairigue et du quatrième côté la vigne de Guillaume (fils) de Pierre. Tout ce que ces vignes comprennent ainsi entre ces confronts […] ». AD66, B63. L’acte est reproduit en fac-similé sur le site THELEME de l’Ecole nationale des chartes (notice 68) http://theleme.enc.sorbonne.fr/dossiers/notice68.php [consulté le 1er mars 2011].

    [34] AMSO, Fonds figurés, Plan des établissements religieux de la ville intra muros (1655).

    [35] Nos observations viennent confirmer les conclusions de J. de Pas, « Vieilles rues… ».

    [36] Citons deux exemples des années 1390 : « estant en le Stenestraet entre leritage Jaquemart Blankart dune part et leritage Philippe de Faukemberg daultre part aboutant par derriere a leritage Pierre Zoetelin » (l0 juillet 1390, liasse XIII) ou« gisant dedens haut pont entre liritage de le maison de le clef dune part et liritage des dix donneurs dautre part aboutant par derriere a liritage Willame de Ghines » (15 juin 1395, liasse XVIII).

    [37] A. Derville, Histoire de…, p. 231.

    [38] AMSO, Werps, 11 janvier 1416 (liasse XXII bis).