Les frontières dans le lac Tchad

Une notion ignorée ou contestée?

ÉRICK SOURNA LOUMTOUANG

Résumé : La frontière reste un concept aux significations multiples en fonction des aires géographiques. En Afrique, les limites héritées de la colonisation ont été consacrées selon le principe de l’utis possidetis juris[1] au lendemain des indépendances. Or, la conception de  la frontière comme ligne fut une notion ignorée des populations africaines de l’époque précoloniale[2]. En ce XXIe siècle, l’inadaptabilité de celles-ci par rapport à ces tracés reste flagrante, surtout lorsque viennent s’y mêler les questions de survie. Dans le Lac Tchad, partagé entre plusieurs pays, la contestation de ces limites est criarde. Aussi, les populations en quête de poissons conçoivent-elles cet espace lacustre comme un espace international, un espace sans frontières. Celles-ci se déplacent dans le lac en ignorant ou en faisant abstraction des limites établies en vertu d’accords et de traités internationaux entre États riverains. Cette situation confère au Lac Tchad une signification particulière : celui d’un espace de contestation des frontières d’États, mais aussi un terreau favorable à l’émergence des conflits liés à l’exploitation de ses ressources. L’objectif poursuivit par la présente contribution est de mettre en exergue d’une part la perception des frontières dans le Lac Tchad à l’époque précoloniale et d’autres parts de voir comment, au lendemain des indépendances, l’intangibilité des frontières associée à la dégradation des conditions naturelles sur le grand fleuve ont fait de la transgression et de la contestation des frontières une modalité de survie et un facteur de conflit entre les États riverains.

Mots-clés : frontières – lac Tchad – ignorance – contestation

 

Table des matières
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    Introduction

    Le terme « frontière » est porteur de multiples significations en fonction des aires géographiques. Cette complexité lui confère du coup une ambivalence certaine car la frontière est avant tout une création sociale avant d’être une donnée spatiale sur laquelle s’appuient les stratégies d’états-majors et les analyses géopolitiques. En Afrique, l’histoire de la perception des frontières  exige une prise en compte de plusieurs paramètres. Dans un premier temps, elle requiert  que l’on s’intéresse à la conception africaine précoloniale des limites et tracés frontaliers. L’avantage d’une telle approche est de comprendre comment la notion de frontière fut appréhendée par les populations africaines de cette époque[3].

    En seconde analyse, il convient de s’interroger  sur  la perception orientale et européenne de la frontière, produit de l’expansion de l’Islam en Afrique au sud du Sahara et du processus colonial à la fin du XIXe siècle. Une telle démarche permet d’appréhender les différents bouleversements dans l’appréhension et la conception des frontières[4]. La caractéristique principale de cette manière de voir les lignes frontières se résume à : l’introduction de la linéarité, qui s’oppose à la zonalité (notion en vigueur dans les sociétés africaines précoloniales). Enfin, l’intérêt de l’appréhension des frontières et leurs effets induits à l’ère contemporaine permet de voir non seulement comment ces limites ont influencé et continuent d’influencer l’organisation et la répartition des hommes en Afrique mais aussi les différents conflits qui naissent consécutivement à la désadaptation et la contestation de celles-ci à l’ère contemporaine[5].

    La présente contribution s’inscrit dans un cadre géographique spécifique : le lac Tchad (carte 1). Elle aborde la thématique de la perception des frontières et ses multiples corollaires dans cet espace au lendemain des indépendances, dans un contexte où ce cours d’eau transfrontalier est soumis depuis plusieurs décennies à des conditions climatiques difficiles qui ont considérablement réduit sa surface. Il s’agit de montrer comment les populations et les États entourant le Lac Tchad s’accommodent fort peu des frontières héritées de la colonisation dans cette partie du continent[6]. L’atteinte de cet objectif scientifique se base sur les paradigmes explicatifs suivants :

    • La notion de frontière ligne dans le Lac Tchad reste caduque au regard de l’ignorance de cette donnée par les populations précoloniales.
    • La détérioration des conditions naturelles dans le Lac Tchad pousse les populations vivant dans ce milieu naturel à transgresser les frontières internationales pour des raisons de survie.
    • La transgression des frontières par les diverses populations riveraines est à la base des conflits de frontières entre États dans le Lac Tchad.

    Contribution historienne, l’analyse privilégie une approche chronologique qui vise à comprendre les faits historiques à travers leur interconnexion et leur enchaînement temporel. Le présent raisonnement se veut une réponse opératoire basée sur des enquêtes de terrain et une pluralité de sources.  Il associe aux sources primaires (archives, sources orales, récit de voyageurs et d’explorateurs européens), des sources secondaires (ouvrages généraux, thèses de doctorat, mémoires, articles de journaux, procès verbaux, etc.).  L’ambition d’une telle démarche consiste dans un premier temps à faire un tableau sur la perception des frontières dans le Lac Tchad à l’époque précoloniale. Ce choix permet de saisir la réalité frontalière avant l’ère coloniale dans cet espace lacustre.  Il sera ensuite question de mesurer en seconde analyse l’impact de la colonisation sur cette perception avec, en toile de fond, le remodelage cartographique qui en ressort à partir de la fin du XIXe siècle.  En dernier ressort,  il s’agit de mettre au clair les conséquences liées à cette perception au lendemain des indépendances. Notre propos consistera alors à montrer comment l’intangibilité des frontières, associée à la dégradation des conditions naturelles sur le grand fleuve, ont fait de la transgression et de la contestation des frontières une modalité de survie des populations et un facteur de conflit entre les États riverains.

    Carte 1 : lac Tchad (source : Encyclopédie Microsoft Encarta 2009)

    La perception des frontières dans le lac Tchad à l’époque précoloniale

    Dans les sociétés africaines précoloniales, la notion de frontière en tant que scission spatiale n’existe pas, elle est perçue d’une autre façon. Comme le dit si bien Catherine Coquery Vidrovitch, en Afrique précoloniale,   « le concept même de frontière n’était pas celui des États modernes ; la frontière ne se limitait pas à une ligne soigneusement tracée sur les cartes d’États-majors[7]. » Ziegler, en parlant des Bochimans, estime que « chaque groupe parcourt un territoire donné. Le territoire du groupe est délimité par des frontières mystérieuses[8]. » Ainsi, non délimitées de façon conventionnelle comme la plupart des frontières modernes, les frontières s’apparentent en Afrique précoloniale à des limites culturelles et mentales mais aussi à des scissions naturelles (frontières naturelles). Ceci dit, « un chef, qu’il fût de lignage, de village, de province ou d’État, savait bien qu’au-delà de certaines limites, son autorité ne s’exerçait plus sur les gens[9]. »

    Cette conception particulière de la frontière, aux antipodes de la perception européenne, est aussi tributaire du contexte précolonial empreint de la violence qui s’étend ou régresse au gré des conquêtes et des sphères d’influences des différentes entités politiques qui se sont succédées sur le continent avant la fin du XIXe siècle. Aujourd’hui, le contexte est tout autre : la notion de zonalité liée aux frontières d’Afrique précoloniale a cédé la place à la linéarité[10]. En effet, au lendemain des indépendances, les frontières héritées de la colonisation ont été consacrées selon le principe de l’utis possidetis juris. La principale conséquence est l’inadaptabilité des populations africaines à ces tracés.  Les corollaires immédiats de cette nouvelle conjoncture sont les conflits entre celles-ci mais aussi entre États se partageant les mêmes frontières. Car, le mot indépendance « en même temps qu’il est porteur de liberté, est aussi synonyme de contraintes parmi lesquelles la nouvelle restriction d’aller et venir par delà les frontières[11]. »

    Ainsi, avant la fin du XIXe siècle, on ne peut véritablement pas parler de frontières dans le Lac Tchad comme c’est le cas de nos jours[12]. C’est le processus colonial, par le biais de tractations et de concessions entre les diverses puissances européennes, qui en délimitera les contours et les aires d’influences, lesquelles deviendront les frontières d’États au lendemain des indépendances. Ceci étant, le Lac Tchad tel que nous le connaissons aujourd’hui ne représente qu’une infime partie de ce qu’il a été il y a quelques millions d’années. Selon l’état actuel des connaissances, il serait prétentieux de donner de manière exacte la superficie de ce lac pendant l’ère précoloniale. Néanmoins, cette affirmation du Dr Barth dans la première moitié du XIXe siècle  nous permet de constater que même à cette période, la dégradation des conditions naturelles sur le grand fleuve était fort avancée. Il dit en substance : « le Tsad offre encore cette particularité que la variation de ses affluents et l’évaporation énorme subit font changer ses limites de l’un mois à l’autre, de sorte qu’il n’est guère possible d’indiquer exactement ses rives sur les cartes[13]. » Aujourd’hui réduit à près de 1500 km2, le méga Tchad occupait pendant le paléolithique la quasi-totalité du sud-est du Sahara, soit près de 315.000 km2[14].  Au début du IXe siècle, il a été le foyer de l’émergence de grandes entités politiques qui, par leur rayonnement et leur prestige ont écrit à leur manière un pan  très riche de l’histoire du bassin tchadien.  Comme le mentionne si bien Eldrigde Mohammadou :

    Le Lac Tchad aura effectivement constitué un carrefour, non seulement géographique mais historique du continent africain : le relais entre l’Egypte millénaire et le Soudan.  Il a été un carrefour, témoin de l’émergence des entités politiques précoloniales à l’instar du Kanem. Car, quelques cinq siècles après, le Kanem se transporte au sud de ce même lac, pour devenir le Bornou[15]. 

    De cette affirmation il convient de retenir que le Lac Tchad occupe une place très importante dans la construction et l’essor des puissances politiques régionales à l’époque précoloniale, qu’il se dresse avec majesté et offre l’avantage d’être riche en ressources halieutiques, fonciers utiles et pâturages. Sa faune est très importante et  représente un eldorado pour les populations riveraines[16]. D’ailleurs, les multiples guerres que livrèrent les souverains du Kanem et du Bornou aux peuples occupant les abords du lac et ses îles sont fort impressionnantes et témoignent du souci qu’il y avait à contrôler cette « mer » dans un milieu désertique. Selon Barth, au XIIIe siècle, pendant le règne de Dibbalami Dounama Selmami (1221-1259), « Au Nord, le royaume […] embrassait tout le Fezzan, tandis qu’il s’avançait, au midi, bien au-delà du Lac Tchad[17]. » Cette affirmation de l’explorateur Allemand permet de comprendre que l’hégémonie du Bornou s’étendait bien au-delà du grand fleuve dont il contrôlait les multiples ressources. Une allusion faite par Denham nous permet aussi de penser que les populations qui peuplaient les îles du grand lac refusaient d’être inféodées.  La carte du bassin Tchadien à veille de l’entreprise coloniale permet de vérifier la place importante qu’occupe le lac dans la construction des royaumes et États (carte 2).

    Carte 2 : Situation politique du bassin du lac Tchad au XIXe siècle (source : C. Seignobos et F. Jamin, La case Obus, Marseille, Editions parathèses-Patrimoine sans frontière, 2003, p. 20.

    Les frontières du Lac Tchad  se présentent à plusieurs égards comme un moyen de défense stratégique au regard de leur immensité et des marécages boueux et inaccessibles aux cavaleries. D’ailleurs, ses abords et ses îles ont vraisemblablement servit de refuges aux différentes peuplades Sao qui s’y sont épanoui sous le couvert des fortifications végétales. Pour mieux comprendre en quoi ces fortifications végétales ont constitué des frontières, il convient de se référer aux travaux de Eldrigde Mohammadou qui, en s’inspirant des chroniques du Bornou rédigées par Ibn Fartwa, démontre que pour assurer sa victoire sur les animistes sô[18] qui peuplaient les abords du Lac, le Maï Idriss Aloma[19], souverain du Bornou, entama une destruction systématique du milieu végétal. Ceci dit, le contexte politique qui prévaut pendant cette période est empreint de violence due à la propagation de l’islam par le djihad[20]. Cette donnée marque l’expansion territoriale des  grandes entités politiques précoloniales à l’instar du Kanem, du Bornou, du Wandala, pour ne citer que celles-là. Ainsi, l’ambition des différentes hégémonies fut de repousser les frontières de leur influence sur le grand fleuve afin de jouir de ses nombreux avantages dans un environnement marqué par l’avancée du désert.  

    D’ailleurs, leur édification autour du lac n’est pas du tout fortuite, mais répond à plusieurs enjeux aussi importants les uns que les autres. À ce sujet, l’exemple du Bornou est patent. S’il faut évoquer des raisons politiques à l’instar de l’hostilité Boulala,  comme principal mobile qui poussa la dynastie Sefawa[21] à migrer du Nord vers les abords sud du Lac Tchad, il convient néanmoins d’admettre que c’est davantage  la rudesse du climat marquée par la dégradation des conditions environnementales qui, comme un impératif de survie les intimaient de rechercher des espaces plus propices à l’activité pastorale qui était leur principale source de survie[22]. La fondation du Bornou au sud du Lac s’accompagnera d’une expansion territoriale ayant pour principales ambitions le contrôle des abords du lac riches en ressources, mais aussi agissant comme un grand centre commercial en raison de pistes caravanières qui y aboutissent et qui y partent. C’est dans cette optique qu’il faut comprendre cette pensée de Zeltner, qui en parlant des conquêtes du Mai Idriss Aloma estime que :

    Par ses victoires sur les Kotoko, Idrîs portait les frontières du Bornou sur le  Chari et le Logone. En réalité, il devenait maître des deux rives de ces fleuves, car le territoire des principautés Kotoko s’étendait de part et d’autre. Il occupait, par là,  une position stratégique de premier plan. Les villages Kotoko, dont les murs dominent la rive W du Chari et du Logone, forment une ligne de défense que toute armée venant de l’ E, soit d’abord forcer pour pénétrer au Bornou[23].

    A travers cet extrait, il est important d’apprécier les rôles que jouent les  deux principaux tributaires du Lac Tchad qui servent de sources d’approvisionnement. Ils jouent aussi le rôle de frontières défensives. Il est ainsi intéressant d’apprécier le génie stratégique du Maï dont l’intelligence a conduit à utiliser les accidents naturels (frontières naturelles) à des fins militaires. Ainsi, à travers une diplomatie active, le Bornou avait lié des relations avec la « sublime porte[24] » dont le soutien militaire lui avait permis de perfectionner son armée et d’acquérir un armement sophistiqué avec pour objectifs principaux de soumettre le pays Sao, de réduire à néant les velléités Boulala, mais aussi d’étendre les limites de son autorité en mettant en place une politique de sécurisation des frontières qui  lui assurera le contrôle du commerce avec l’Afrique du Nord et l’Empire Ottoman[25]. Cependant, l’avènement de la colonisation constitue un tournant majeur dans la conception des frontières dans et autour du Lac Tchad.

    Les frontières dans le Lac Tchad, produit du processus colonial et des mécanismes multilatéraux de la CBLT

    Le processus colonial représente un tournant dans la perception des frontières en Afrique. En effet, il marque le choc entre deux modes de vie, coïncidant chacun à une vision opposée du monde. D’un côté l’Europe forte de sa technologie et imbue de sa connaissance se croit investie de la mission civilisatrice et, de l’autre côté, l’Afrique avec son organisation sociétale particulière, ses traditions séculaires, ses us et ses coutumes jugés barbares par les Occidentaux, apparaît comme la terra incognita nonobstant les  multiples expéditions d’exploration que réalisèrent des européens tels que de Barth[26], Denham, Clapperton, Livingstone, etc.

    Dans le bassin tchadien, ce choc se manifeste par la décrépitude des hégémonies politiques précoloniales à l’instar du Kanem-Bornou, de l’empire de Rabah, du Wandala, du Wadaï et du Baguirmi pour ne citer que les plus importantes[27]. Cette décadence est matérialisée par un maillage nouveau qui partitionne et déconstruit les anciennes aires d’influence de ces royaumes en les substituant désormais aux nouvelles aires d’influence des différentes puissances coloniales. Comme le mentionne si bien André Glucksman, l’Afrique au lendemain de la ruée coloniale est semblable à un amoncèlement d’États hétéroclites établis  sur des bases anarchiques, faisant fi des considérations propres aux populations vivant sur le continent africain :

    Contemplez la mappemonde : avec ses frontières taillées au cordeau, l’Afrique des États semble être créée des divagations d’un Dieu-géomètre devenu fou […] La carte n’a pas de territoire ; elle rappelle seulement la page blanche sur laquelle, à la règle et au compas, divers établissements européens se partagèrent, au XIXe siècle, un continent. Les armées coloniales parties, les frontières sont restées[28].

    En effet, le scramble a conduit les différentes puissances coloniales à se tailler des empires. Dans le Lac Tchad, les frontières entre les différents États qui se le partagent aujourd’hui découlent de cette période. Elles sont le résultat d’une série de conventions et d’accords entre puissances coloniales. Ces divers actes coloniaux seront confirmés et entérinés à partir de 1964 par des résolutions multilatérales prises dans le cadre de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT).

    En guise d’illustrations, la délimitation et la démarcation effective de la frontière entre le Nigéria et le Tchad se fondent d’une part sur l’accord entre le Royaume-Uni et la France sur la délimitation des frontières entre les possessions britannique et française à l’Est du Niger, signé à Londres le 19 février 1910 (article 1, quatre derniers paragraphes)[29]. D’autre part, elle s’appuie sur l’échange de notes entre les gouvernements du Royaume-Uni et de la France relatif à la frontière entre les zones britanniques et françaises du territoire du mandat du Cameroun paraphé le 09 janvier 1931 à Londres[30].

    Dans le même sens, la ligne de démarcation de la frontière entre le Niger et le Nigéria se base elle aussi sur l’accord entre le Royaume-Uni et la France sur la délimitation des frontières entre les possessions britannique et française à l’Est du Niger, signé à Londres le 19 février 1910[31].

    La frontière entre le Cameroun et le Tchad a été délimitée quant à elle en prenant en compte les actes suivants :

    • La convention pour préciser les frontières entre le Cameroun et le Congo français, signé à Berlin  le 12 avril 1908 (article premier).
    • Le rapport des experts nationaux réunis à Maroua- Cameroun en date du 1er décembre 1988 dans le cadre de la 36e session de la CBLT et définissant les coordonnées géographiques de l’embouchure du Chari dans le Lac Tchad.
    • L’échange de notes entre les gouvernements de sa majesté du Royaume Uni et de la France relatif à la frontière entre les zones britanniques et française du territoire du mandat du Cameroun signé à Londres le 19 janvier 1931.

    Enfin, la dyade camerouno-nigériane dans le Lac Tchad  est le résultat de la déclaration « franco-britannique du 10 juillet 1919 tel que précisé par les alinéas 3 à 60 de la déclaration THOMSON/MARCHAND confirmée par l’échange de lettres du 9 janvier 1931[32].» Elle s’appuie également sur le rapport de la réunion des experts relative à la détermination des coordonnées de l’embouchure d’El Beid (Ebedji) tenue les 15 et 16 septembre à Ndjamena au Tchad[33].

    Dès lors,  à la notion de zonalité succède celle de linéarité, qui établit de façon nette la rupture entre deux espaces institutionnels et politico-économique distincts. Dans ce sens, le mot frontière désigne une limite à caractère international établie en vertu d’un accord ou d’un traité international entre deux États. Les opérations d’abornement entamées le 13 juin 1988 s’achèvent le 12 février 1990. Elles sont conduites par la société IGN – France International (IGN-FI). Après cette étape essentielle, les limites entre États sont matérialisées par différents types de bornes (les bornes principales sur terrain sec et des bornes dans l’eau). Les États riverains conviennent de mettre sur pied à partir de 1986 un dispositif sécuritaire pour faire respecter ces « nouvelles frontières ». Ainsi, « quatre patrouilles furent mis en place dans le formé par les axe du Blangoua au Cameroun, Baga Kauwa au Nigeria, Gadera au Niger et Baga Sola au Tchad » Nonobstant toutes ces mesures de délimitation, les frontières dans le Lac Tchad sont restées caduques[34].

    Les frontières dans le Lac Tchad : une perception complexe, résultat d’une inadaptabilité des États et des populations dans un contexte de crise naturelle

    La conception des frontières dans un espace comme le Lac Tchad soulève plusieurs interrogations. Des préoccupations qui permettent d’examiner de plus près les différentes appréhensions de ces limites aussi bien par les États que par les populations qui partagent les diverses rives de celui-ci. Aussi, cette approche nous permet de situer la contestation de ces tracés à deux niveaux correspondant aux acteurs cités précédemment. Avant d’y arriver, il convient de définir le terme contestation et voir comment celui-ci s’adapte à la zone étudiée, en l’occurrence le Lac Tchad.

    Le terme contestation désigne une attitude de remise en cause d’idées reçues qui s’apparente dans ce cas à une vive opposition. Dans le cadre restreint de notre propos, le terme contestation met en évidence la non adaptabilité des frontières des États africains tracées à l’issue du processus colonial. Cette réalité est pertinente, puisque la frontière dont il s’agit recèle plusieurs enjeux. En effet, les mauvaises conditions climatiques soumettent le Lac Tchad à une régression constante de sa surface.

    La régression en elle-même n’a pas d’effet pervers sur la frontière puisqu’elle ne rétrécit en rien les limites d’un État dans le sens où celles-ci ont été établies selon le principe de l’intangibilité des frontières. Mais, elle devient belligène car le rétrécissement de la surface des eaux du lac a un impact sur les ressources[35]. D’un côté elle les amenuise dans le sens où le poisson qui abondait dans le lac est contraint de migrer vers des zones qui n’ont pas été frappées sévèrement par la sécheresse. Aussi, la situation devient-elle préoccupante car cet amenuisement des ressources halieutiques engendre la migration des hommes qui vivent essentiellement de la pêche[36]. Mais, dans un autre ordre d’idées, le retrait des eaux causé par la baisse des précipitations libère des espaces exondés qui, au regard de leur utilité à l’activité agropastorale deviennent de véritables enjeux et des sources de conflits[37]. A ce moment, la transgression des frontières devient un impératif, mieux, une modalité de survie.

    Au niveau des États, la contestation des frontières dans cette partie du continent se traduit d’une part par des violations unilatérales  des espaces de souveraineté par les États riverains et, d’autre part, par l’annexion de territoires appartenant à d’autres États. Quoi qu’il en soit, la contestation des frontières dans le Lac Tchad traduit en toile de fond l’enjeu que représente l’exploitation des ressources dans la matrice des conflits entre les pays membres de la Commission du Bassin du Lac Tchad (CBLT). Pour mieux étayer cette situation, les conflits Cameroun-Nigéria  (1987-2002) et Nigéria-Tchad à partir de 1983 sont édifiants à cet égard.

    Les conflits, tribut de la contestation des frontières dans le Lac Tchad

    En dehors des conflits entre populations riveraines du Lac Tchad, les conflits interétatiques représentent un indicateur marquant de la contestation des frontières. En  effet, cet espace géographique lacustre présente une spécificité toujours aussi impressionnante qui fait de lui une aire complexe sur le plan frontalier.

    C’est pour cette raison que la plupart des thèses émises en rapport avec les frontières africaines les ont jugées absurdes car elles ne tenaient pas compte des particularismes des populations africaines qu’elles ont divisé au gré d’intérêts, les confinant dans un cadre restreint et exigu appelé État[38]. Cette situation a été le ferment de plusieurs conflits entre États africains au lendemain des indépendances. Dans la zone du Lac Tchad, la perception de la frontière comme ligne ou espace de différenciation sur le plan spatial n’est pas un concept partagé par les populations (pêcheurs). Ceux-ci considèrent le Lac Tchad comme un espace à part, une zone internationale où ils peuvent aller et venir sans avoir conscience de violer les limites territoriales d’un autre État. Une situation complexe qui crée dans le Lac Tchad un type spécifique de populations qui ne s’accommodent guère des lois d’États car le Lac Tchad est leur « État », ils peuvent ainsi aller et venir comme bon leur semble. La transgression de la frontière n’est donc pas un terme qui convient à cette zone géographique où les populations vivent des ressources halieutiques. Ainsi, un pêcheur nigérian doit-il attendre que le poisson qui à migré vers la partie camerounaise revienne ? La réponse à cette question saute aux yeux et fait du Lac Tchad un espace international ou la transgression des limites établies entre les États riverains est une modalité de survie des populations du Lac Tchad. Dans ce sens, convient-il de préciser que dans le Lac Tchad, les frontières n’existent que dans l’esprit des États et non des populations qui, en quête de ressources pour la survie, les bravent sans en avoir conscience.

    À bien des égards, l’attitude des populations témoigne d’un impératif catégorique de survie, dans un contexte où la sécheresse a eu un impact important sur les ressources dans le Lac Tchad. Mais cette volonté de braver les frontières dans cet espace lacustre ne se fait pas toujours sans anicroches. Depuis plusieurs décennies, on assiste dans l’espace du Lac Tchad à de nombreux conflits entre populations se partageant ses rives. Les principales causes de ces conflits sont la transgression des aires d’influences d’États par les populations étrangères. Dans un autre sillage, la notion de « frontière mobile » constitue un facteur de conflits. Ainsi, les conflits peuvent aussi avoir des causes naturelles dans le sens où les principales îles qui composent le lac sont des îles flottantes.  À titre illustratif, on peut  noter plusieurs exemples de conflits entre pêcheurs camerounais et tchadiens.

    Dans une correspondance du préfet du Logone et Chari adressée à l’Inspecteur Fédéral pour la région administrative Nord (Garoua) il est mentionné un conflit. La correspondance dit en substance :

    J’ai l’honneur de vous faire part de mon étonnement en voyant ressurgir sur le plan officiel une affaire que je croyais définitivement réglée. Les incidents survenus ce jour là constituent un des palabres classiques et inévitables qui se produisent chaque année sur les bancs de sable sur lesquels les pêcheurs se rassemblent pour pêcher. Des discussions apparaissent en effet chaque saison pour savoir si ces bancs de sable (qui se déplacent d’année en année en raison du régime des eaux) sont camerounais ou tchadiens. Dans la mesure où ces bancs de sable qui constituent donc des lieux de pêche, se trouvent situés sur le lit principal du fleuve, il est difficile de leur donner une nationalité[39].

    Cette situation qui pourrait paraître insolite traduit pourtant une réalité latente qui apparaît comme source potentielle de conflit entre les diverses populations qui se partagent les espaces de pêche.

    Cependant, les divers conflits cités ci-dessus ne se situent pas simplement au niveau des populations. Mais, ils se manifestent également au niveau des États. Comme mentionné plus haut, le cas du conflit frontalier Cameroun- Nigéria dans le Lac Tchad à partir de 1985 et le conflit Nigéria –Tchad en 1983 sont édifiants.

    La création de la CBLT[40] répond à plusieurs objectifs au rang desquels figurent la prévention et la résolution des conflits entre États membres. Cet objectif n’est atteint que partiellement depuis sa création car les migrations illicites, les transgressions de lignes frontières et les annexions de territoires demeurent un problème majeur. Une analyse claire de la quasi-totalité des conflits interétatiques dans le Lac Tchad au lendemain des indépendances, fait ressortir ces trois constances.  Lorsque la transgression de la frontière ne consiste pas à pêcher en eau interdite c’est-à-dire dans la partie du lac d’un autre État, elle consiste simplement   à une migration massive de population qui se concrétise par une occupation illicite de l’espace d’un autre État et souvent par l’occupation militaire de territoires étrangers.

    Concernant les migrations, ce type de mouvement est récurrent durant les années 1970-1980 marquées par la sècheresse dans le Sahel en général, qui frappe inégalement les différentes parties du lac. Ceci dit, l’amenuisement n’est pas ressenti partout dans le lac de la même façon. La partie nigériane, où la pression démographique est plus grande, est la plus touchée. D’où, le grand nombre de migrants de cette nationalité en direction des îles du Lac Tchad. Il apparaît comme une évidence apodictique que « les pêcheurs nigérians ont fait du lac leur propriété[41] ».  De ce point de vue,  l’histoire de la création de Darak, île camerounaise du Lac Tchad qui cristallisa les tensions entre le Cameroun et le Nigéria est patente. En effet, la forte communauté de pêcheurs de nationalité nigériane dans cette localité entraîne à partir de 1987 une occupation armée de l’île par l’administration nigériane qui, annexe de fait un territoire camerounais et étend unilatéralement sa sphère d’influence en violant l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation. Le litige frontalier entre l’État du Cameroun et du Nigéria est porté à la Cour Internationale de Justice à partir de 1993. Le verdict que la CIJ[42] rend est en faveur du Cameroun et confirme la propriété de l’île.

    L’analyse de ce conflit permet de saisir les faits suivants : c’est en connaissance de plusieurs faits, notamment des principes de droit international que l’État nigérian a transgressé la frontière camerounaise. C’est aussi en tant que membre fondateur de la CBLT que l’État nigérian viole le territoire camerounais en l’annexant militairement. Ces différents actes s’apparentent à de la contestation des tracés frontaliers dans le Lac Tchad. D’ailleurs, lors du procès, l’administration nigériane avait estimé que certains accords pris dans le cadre de la CBLT ne s’appliquaient pas à lui. En effet, le Nigéria rejette le processus de délimitation des frontières établies par la CBLT et évoque l’idée du consensus qui n’apparait pas dans cette délimitation. Selon  Ian Brownlie, représentant de la partie nigériane au procès,  «  les travaux de la Commission du Bassin du Lac Tchad n’ont pas abouti à un résultat qui était définitif et obligatoire pour le Nigéria. Faute de délimitation d’un commun accord, il n’y a aucune frontière en place qui soit opposable au Nigéria[43] ». 

    D’autres conflits de ce genre sont récurrents entre les divers États de la CBLT. Dans cette même logique, il convient de soulever la menace d’un conflit latent entre le Cameroun et le Tchad dans la région. En effet, depuis quelques années, l’armée Tchadienne a transgressé la frontière pour s’installer à Nimeri, une île camerounaise située à une dizaine de kilomètre de Darak. Comme le mentionne si bien  l’hebdomadaire l’Oeil du Sahel en parlant des soldats tchadiens : « Ils n’ont pas encore installé le drapeau de leur pays mais une administration tchadienne de même qu’un détachement de l’armée sont bel et bien installés sur place depuis le 18 juillet 2008[44] ». Tout pêcheur camerounais qui pêche au large de cette île se voit confisquer son matériel de pêche[45]. Selon Mahamat, habitant de Darak, les tchadiens disent que le lac s’appelle Lac Tchad et non lac Cameroun[46] ». Ces propos qui paraissent comiques, traduisent pourtant la réalité des faits et la gravité des problèmes entre États dans le Lac Tchad. Cette énième incursion en territoire étranger d’une armée traduit de manière certaine  une inadaptabilité par rapport aux tracés frontaliers des États qui partagent les rives du Lac Tchad. Pour terminer, en dehors des conflits mentionnées ci-dessus, il convient de relever avec Ibrahim Bagadoma que :

    On note l’existence de différends frontaliers relatifs à l’appartenance des nombreuses îles du lac entre d’un côté, le Niger et le Nigeria (île dite Tomba moto) et, de l’autre, le Nigeria et le Tchad, ces derniers ayant même connu en 1983 des escarmouches militaires pour l’appropriation de certaines îles dont Tatawa, Hadidé et Kinasserom. Par la tentative d’extension de souveraineté sur les terres litigieuses, chacun des pays espère s’approprier le maximum de ressources en eau et les potentialités économiques (notamment les ressources halieutiques) qu’elles recèlent[47].

    Cette réflexion pertinente permet de préciser le rôle du Lac Tchad dans la sous région. D’une part, en tant qu’espace de contestation des limites et tracés frontaliers et d’autre part, en tant que terreau favorable à l’émergence de conflits entre États et populations riveraines.

    Au regard des conditions naturelles de plus en plus difficiles dans cet espace, des mesures concrètes doivent être prises d’une part au niveau des États membres de la CBLT pour empêcher la disparition du lac et par là, la rupture des écosystèmes dans cette partie de l’Afrique[48]. D’autre part, les populations du lac Tchad doivent intégrer dans leur quotidien les dimensions légales des frontières pour éviter des conflits entre elles mais aussi entre leurs États respectifs. Si rien n’est fait, les frontières dans cet espace lacustre cristalliseront à coup sûr la majorité des conflits dans le Sahel dans les prochaines décennies.

    Conclusion

    La notion de frontière reste un concept complexe qui se dérobe à des conceptions théoriques rigides. L’histoire de la perception de ces limites en Afrique permet de visiter à travers les âges les multiples significations qu’ont recouvertes les tracés frontaliers. De frontières mentales et culturelles, on est passé à partir du XIXe siècle à la linéarité, qui a eu un impact sur l’organisation des sociétés à l’ère coloniale, puis postcoloniale. Pendant cette dernière période, l’étude des frontières dans le Lac Tchad nous a permis de réfléchir sur l’inadaptabilité des États et des populations par rapport aux frontières dans cet espace lacustre. Celle-ci a pris très souvent la forme de contestation, se matérialisant par des violations conscientes mais parfois contraintes pour des raisons de survie, ceci avec des conséquences assez graves sur les relations entre État dans le Lac Tchad. En somme, consécutivement à l’inadaptabilité des populations africaines par rapport aux tracés frontaliers coloniaux et postcoloniaux, celles-ci les bravent soit par conscience soit par ignorance. Cette réalité fait du Lac Tchad un espace de contestation des frontières héritées de la colonisation.

    Références

    [1] Principe de droit international qui consiste à fixer les frontières en fonction des anciennes limites administratives internes à un État préexistant dont les États nouveaux accédant à l’indépendance sont issus.

    [2] C. Coquery-Vidrovitch, « Histoire et perception des frontières en Afrique du XIIe au XXe siècle », Bamako, Unesco, communication présentée au colloque : des frontières en Afrique du XII e au XXIe siècle, 1999.

    [3] Plusieurs auteurs se sont intéressés à la perception des frontières en Afrique pendant la période précoloniale. Parmi ces auteurs on peut citer Catherine Coquery Vidrovitch pour qui la notion de frontière ligne est une notion ignorée des populations africaines de cette période, il en est de même de J. Ziegler, Sociologie de la contestation, Paris, Gallimard, 1969 ; B. Kabamba, «Frontières en Afrique centrale : gage de souveraineté ?», Fédéralisme Régionalisme, Volume 4 : 2003-2004 – Régions et sécurité, http://popups.ulg.ac.be/federalisme/document.php?id=294 [consulté le 02 octobre 2011].

    [4] Le processus colonial a établi un nouveau maillage du continent africain à travers la création des sphères d’influences européennes comme l’AEF, L’AOF, L’Empire colonial britannique ( Nigéria, Ghana, Sierra Leone, etc.), l’Afrique portugaise, belge, espagnole, italienne, etc.

    [5] A ce sujet, l’historiographie sur les frontières africaines a accordé un primat à l’artificialité et à la nature « exogène » des frontières africaines comme facteur  explicatif et déclencheur des conflits sur le continent au lendemain des indépendances. Au regard du fait que les colonisateurs ont très peu tenu compte des particularismes ethnique, linguistique et historique des populations, ils ont créé des frontières belligènes et incompatibles avec les préoccupations de développement. On peut citer dans cet ordre d’idées les travaux H. Isnard, Géographie de la décolonisation, Paris, PUF, 1931; Boutros Boutros-Ghali, les conflits de frontière en Afrique, Paris, Edition technique et économiques, 1973 ; Abdelmoughi Benmessaoud Tredano, Intangibilité des frontières et espace étatique en Afrique, Paris, Bibliothèque africaine et malgache, 1989 ; M. J. Herskovits, L’Afrique et les africains, Paris, Payot, 1965.

    [6] Les frontières dans le lac Tchad comme on le verra dans la suite de l’analyse sont un héritage colonial, entérinées au lendemain des indépendances. Elles servent aujourd’hui de limites internationalement reconnues entre les États qui se partagent les rives de ce fleuve.

    [7] C. Coquery-Vidrovitch, 1999, p. 39.

    [8] J. Ziegler cité par Guichonnet  et Raffestin, 1974, p. 15.

    [9] Ibid, p. 39.

    [10] La notion de linéarité comme son nom l’indique fait référence à la frontière comme repère visible et concret. Celle-ci est délimitée et  démarquée par des indicateurs matériels sur le terrain (mur, barrières, bornes, etc.).  Ici, l’approche de la frontière est systémique et la ligne joue plusieurs fonctions à savoir : la fonction légale, la fonction fiscale, la fonction de contrôle et la fonction militaire. Cette réalité est éminemment restrictive pour des populations pour qui la mobilité représente une identité et une modalité de survie (pasteur- nomades, agriculteurs, pêcheurs).

    [11] E. Sourna Loumtouang, « Sécurisation des frontières du Cameroun : cas de la politique de développement de Darak (1985-2010) », Université de Ngaoundéré, Thèse de Master, 2010, p. 32.

    [12] La notion de frontière comme ligne de séparation  ou comme espace de différenciation entre deux espaces de souveraineté distincte fut en Afrique, une importation de la colonisation. Avant la fin du XIXe siècle, le Lac Tchad n’était pas partagé entre États comme c’est le cas de nos jours.

    [13] B. Heinrich, Voyages et découvertes dans l’Afrique septentrionale et centrale (T1, T2, T3, T4), traduction de l’allemand par Paul Ithier, Paris, Bohne Libraire, 1860, p. 141.

    [14] Mahamadou Ibrahim Bagadoma, « la Commission du Bassin du Lac Tchad structure probante ou coquille vide ? », Collège Interarmées de Défense, Mémoire de géopolitique, 2007.

    [15] Mohammadou Eldrigde, Idriss Aloma ou l’apogée du Kanem Bornou, Abidjan, les Nouvelles éditions africaines, 1983, p. 8.

    [16] En 1992, 150 espèces de poissons et 372 espèces d’oiseaux ont été inventoriées  dans le lac Tchad. : www.ramsar.org/wn/w.n.chad_lakechad_f.htm, [consulté le 15 janvier 2011].

    [17] Barth, 1860, p. 98.

    [18] D’après Eldrigde Mohammadou le terme sô ou  Soa désigne la population  Sao qui peuplait les abords et les îles du Lac Tchad au Xe siècle.

    [19] Le Maï Idriss Alaoma est certainement le souverain du Bornou le plus connu. Les sources divergent quant à la période de son règne. Selon Barth, ce souverain règne de 1571-1603. Pour Abdoulaziz Yaouba, In « Les relations transfrontalières entre le Cameroun et le Tchad au 20ème siècle », Thèse de Doctorat/Ph.D. d’Histoire, Université de Ngaoundéré, 2006, p. 6,  il est au trône de 1540-1596 ; Abdouraman Halirou, In  « Frontières et découpages territoriaux dans l’Extrême-Nord du Cameroun : enjeux et implications ( XIVe-XIXe siècles) », Thèse de Doctorat/Ph.D. d’Histoire, Université de Ngaoundéré, 2006, quant à lui estime que celui-ci arrive au pouvoir en 1564. Quoi qu’il en soit, souverain énergique il a écrit les plus belles pages de ce royaume à travers ses multiples campagnes militaires qui lui permirent de soumettre ses ennemis à savoir les boulala et les sô. Resté célèbre pour son géni militaire il est selon Eldrigde Mohammadou le premier souverain en Afrique au sud du Sahara à mettre en place une infanterie composé de mousquetaires.

    [20] Le djihad désigne la guerre sainte en islam.

    [21] Sefawa désigne l’une des dynasties qui a régné sur le Bornou. D’ailleurs, le Mai Idriss en est un de ses dignes représentants.

    [22] Plusieurs sources situent la migration des souverains du Bornou vers les abords sud du Lac Tchad  au XIVe siècle.

    [23] J. C. Zeltner, Pages d’histoire du Kanem pays tchadien, Paris, Harmattan, 1980, p.122.

    [24] L’expression sublime porte est une expression utilisée par Eldrigde Mohammadou pour désigner l’empire Ottoman.

    [25] Pour plus de précision consulter l’œuvre de Mohammadou Eldrigde, 1983.

    [26] Pour plus de précision, consulter B. Heinrich, Voyages et découvertes dans l’Afrique septentrionale et centrale (T1, T2, T3, T4), traduction de l’allemand par Paul Ithier, Paris, Bohne Libraire, 1860 ; Denham, 1826, Voyages et découverte dans le Nord et les parties centrales de l’Afrique, traduit de l’anglais par Eyriès et de Larenaudière, Paris, Arthus Bertrand Libraire.

    [27] Pour plus de précision, lire J. C. Zeltner, les pays tchadiens dans la tourmente, Paris, L’Harmattan.

    [28] A. Glucksman, cité par  Sourna, 2010, p.4.

    [29] Procès verbal de bornage de frontières internationales dans le lac Tchad entre Cameroun, Niger, Nigéria et Tchad fait à N’Djamena (Tchad), CBLT, le 14 février 1990.

    [30] Déclaration et échange de notes entre le Royaume-Uni et la France du 9 janvier 1931.

    [31] Article 1, sept derniers paragraphes.

    [32]  Cour Internationale de Justice : Affaire de la frontière terrestre et maritime Cameroun/Nigéria, demande en indication de mesures conservatoires, juillet 1996.

    [33] Rapport de la réunion d’experts relative à la recherche technique visant à déterminer l’embouchure de la rivière Ebeji dans le lac Tchad (bipoint entre le Nigéria et le Cameroun) tenue les 15 et 16 septembre 1988 à N’Djamena (Tchad), CBLT.

    [34] Saïbou Issa, « le mécanisme multilatéral de la CBLT pour la résolution des conflits frontaliers et la sécurité dans le bassin du lac Tchad, Enjeux n° 22 janvier-mars, 2005, p. 33.

    [35] L’impact des mauvaises conditions naturelles sur les ressources dans le lac Tchad  se présente de la manière suivante : la sécheresse entraîne une baisse de la pluviométrie et par conséquent une diminution de la superficie du lac, il s’en suit une perte de la biodiversité, l’avancée du désert, la diminution de la production agricole, le manque de pâturages pour l’élevage, la raréfaction des ressources halieutiques. Les conséquences sur le plan socio-économique sont la baisse du pouvoir d’achat des populations dont les principaux revenus proviennent de l’agriculture, l’élevage et la pêche. Ces différents faits engendrent la malnutrition causée par la sécheresse, l’exode rural, mais aussi une compétition accrue pour l’accès aux ressources qui deviennent de plus en plus rares dans un environnement récalcitrant, les conséquences les plus immédiates sont les conflits entre populations riveraines (agriculteurs-éleveurs-pêcheurs). Parfois, ces conflits entre acteurs du bas (populations) débouchent sur des conflits entre États membres de la CBLT.

    [36] Selon Ibrahima Bagadoma, 2007, p.15, près de 80% de la population du lac Tchad vit de la pêche.

    [37] Pour plus de précision lire Abdouraman Halirou, « Le conflit frontalier Cameroun-Nigeria dans le lac Tchad : les enjeux de l’île de Darak, disputée et partagée », 2009, Cultures & Conflits, mis en ligne le 19 mai 2009. URL : http://conflits.revues.org/index17311.html, [consulté le 29/01/ 2010].

    [38] Pour plus de précision lire M. J. Herskovits, L’Afrique et les africains, Paris, Payot, 1965.

    [39] A. N.Y. 2 AC6. 485: Cameroun-Tchad 1964-1969: relations Cameroun-Tchad.

    [40] CBLT désigne Commission du Bassin du Lac Tchad.  Elle a été créée en 1964 pour veiller à la mise en valeur, la gestion équitable des ressources du lac Tchad, mais aussi pour limiter ou prévenir les conflits entre les États riverains. Comme le précise l’article premier du statut de la CBLT, « les États membres affirment solennellement leur volonté d’intensifier leur coopération et leurs efforts pour la mise en valeur des ressources du bassin du lac Tchad ». La gestion équitable des ressources et la prévention des conflits entre les différents membres transparaissent dans l’article 5 du dit statut qui précise : « Les États membres s’engagent à s’abstenir de prendre sans saisir au préalable la Commission, toutes mesures susceptibles d’exercer une influence sensible sur l’importance des pertes d’eau et certaines caractéristiques biologiques de la faune ou de la flore du bassin. En particulier, les États membres s’engagent à ne procéder sur la portion du bassin relevant de leur juridiction, à aucun travail d’aménagement  hydraulique ou d’aménagement du sol susceptible d’influencer sensiblement le régime des cours d’eau et des nappes du bassin, sans préavis suffisant et consultation préalable de la Commission ». Sur le plan juridique la CBLT se base sur la convention de Fort Lamy qui fait référence à la Charte des Nations Unies et celle de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA).

    [41] Entretien avec Issa Hissein, Darak, le 04 Octobre 2010.

    [42] Cour Internationale de Justice (CIJ) siège à la Haye (Pays- Bas). Elle a été établie par  l’article 92 de la Charte des Nations unies et remplace en 1946, la Cour permanente internationale de justice. Ainsi, la CIJ est le principal organe judiciaire de l’ONU.

    [43] Confère compte rendu d’audience (CR 2002/12 traduction), mercredi 6 mars 2002 à 10H, CIJ, p. 2.

    [44] Raul Guivanda, « Le Tchad s’empare des îles camerounaise », Œil su Sahel n° 292 du 25 Aout 2008, p. 3.

    [45] Entretien avec Nguéma, gendarme major à la brigade de Darak, le 04 octobre 2010.

    [46] Entretien avec Mahamat Abakar, Darak, le 05 Octobre 2010.

    [47] Mahamadou Ibrahim Bagadoma, 2007, p.15.

    [48] Au regard de l’acuité des changements climatiques qui font baisser au fil des années la superficie du lac, les différents membres de la CBLT ont convenu de trouver une alternative pour empêcher la disparition du Lac Tchad. Ce projet titanesque consiste au transfert des eaux du bassin du Congo (Oubangui) vers le lac Tchad.