Un homme à la marge. Toussaint Cartier, ermite de l’île Saint-Barnabé

PASCAL SCALLON-CHOUINARD
Université de Sherbrooke

 

Résumé: Toussaint Cartier se révèle un être à la marge de son temps. Arrivé en Nouvelle-France dans le premier quart du XVIIIe siècle, il a choisi de s’isoler et de se faire ermite sur l’île Saint-Barnabé, petite bande de terre au large de la paroisse de Saint-Germain de Rimouski. Gardant le secret sur ses motivations profondes à adopter un tel style de vie, Toussaint Cartier a laissé planer au-dessus de lui une aura de mystère qui suscita la curiosité et l’admiration des générations qui lui ont succédé. Cet article cherchera à voir dans quelle mesure Toussaint Cartier apparaît comme un être marginal. Il sera également question de démontrer de quelle façon cette marginalité a été perçue, traitée et utilisée au fil des décennies par l’entremise de la littérature et de l’histoire.

 

 

Table des matières
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    Introduction

    Rompre avec la société de son temps. S’isoler, rechercher dans la solitude ou dans l’exil une façon de vivre, une manière d’exister. Toussaint Cartier, un Breton des environs de Morlaix, dont nous savons peu de choses, a choisi de traverser l’Atlantique dans le premier tiers du XVIIIe siècle afin de s’établir en Nouvelle-France. Son installation s’est effectuée dans la paroisse de Saint-Germain de Rimouski, petite bourgade située sur les rives laurentiennes. Plutôt que de se fixer au cœur de la communauté rimouskoise, il a fait le choix de se construire un ermitage sur l’île Saint-Barnabé, à quelques kilomètres au large du village. En ce lieu, il a vécu retiré du reste de la société pendant près de quarante ans, ne laissant derrière lui que très peu d’informations. Par le biais de l’oralité et de l’écrit, son histoire a néanmoins été préservée et communiquée au fil des siècles. L’aura d’incertitude qui gravite autour du souvenir de celui qui était appelé l’Ermite de l’île Saint-Barnabé a ouvert la voie à de nombreuses interprétations. De là sont nées et ont pris forme les légendes et les histoires au sujet de Toussaint Cartier.

    Le caractère énigmatique et équivoque de l’histoire de Toussaint Cartier permet d’analyser l’expérience de ce personnage sous différents angles. Aussi est-ce par le phénomène de marginalité que nous souhaitons aborder le cas de l’Ermite de l’île Saint-Barnabé. Il s’avère en effet intéressant de se questionner et de voir dans quelle mesure Toussaint Cartier se montre en marge de son temps. Par le fait même, il sera pertinent d’observer et de comprendre de quelles façons a été traitée la mémoire de cet être marginal par l’historiographie et la littérature du XVIIIe au XXIe siècle.

    Bernard Vincent écrivait, en préface à l’ouvrage Les marginaux et les exclus dans l’histoire, qu’est « marginal celui qui prend volontairement congé de la société ou celui que le monde de production rejette aux frontières. Est exclu, celui qui est délibérément condamné par la législation ou par la culture dominante »[1]. Toussaint Cartier, de notre point de vue, apparaît à la fois comme marginal et comme exclu. Marginal, puisqu’il a volontairement cherché à s’isoler, à se couper du reste du monde, en se construisant un ermitage sur l’île Saint-Barnabé, un lieu au large (et à la marge) de Rimouski. Exclu, car cet ascétisme qu’il a pratiqué, l’errance érémitique, fut de plus en plus critiqué par l’Église. L’histoire de Toussaint Cartier, bien qu’elle puisse sembler banale à première vue, n’est pourtant pas destinée à l’oubli. Bien au contraire, elle a autant fasciné qu’intrigué, tant par son originalité que par son caractère abstrus. De sorte qu’une riche historiographie s’est développée autour de l’Ermite, au fil de laquelle la question de la marginalité se voit être traitée, et jusqu’à un certain point, utilisée de différentes façons.

    Notre objectif étant de rendre compte de ce que nous pourrions appeler un bilan historiographique (ou état des connaissances) relatif à Toussaint Cartier et à l’interprétation de sa marginalité, il sera nécessaire, dans un premier temps, de présenter l’Ermite de l’île Saint-Barnabé en tant que tel, puis de définir, dans un second temps, dans quelle mesure nous croyons déceler, chez ce personnage, quelques formes de marginalité (ou d’exclusion). Pour mener à bien notre analyse, nous aurons recours à certains documents d’archives ainsi qu’à de nombreuses sources (écrits originaux, témoignages, articles de journaux), études et analyses diverses.

    Toussaint Cartier au crible des archives

    Naviguant sur l’onde de l’estuaire du Saint-Laurent, le marquis de Montcalm a laissé, dans son journal de voyage, une description sommaire des lieux et des paysages qui s’offraient à son regard. En date du 6 mai 1756, nous pouvons lire le passage suivant : « L’île Saint-Barnabé a une lieue et un quart de long, elle est de la dépendance de la seigneurie de Rimouski, et elle est habitée par un gentilhomme breton des environs de Morlaix, qui par singularité ou dévotion y mène la vie d’un ermite, et se sauve même dans les bois, si on cherche à l’aborder lorsque les bâtiments y mouillent. »[3] Lorsque Toussaint Cartier a attiré l’attention de Montcalm, cela faisait déjà près de vingt-huit ans que la terre sur laquelle il avait choisi de s’établir lui avait été cédée. Quelques documents d’archives font état de cette installation et de l’existence même de l’Ermite de l’île Saint-Barnabé.

    Donation de Pierre Lepage de Saint-Barnabé en faveur de Toussaint Cartier[3]

    Le 15 novembre 1728, Pierre Lepage de Saint-Barnabé, alors seigneur de Rimouski, « de son bon gré et volonté a donné, ceddé, quitté, délaissé et transporté comme il donne, cedde, quitte et délaisse au dit toussaint Cartier un endroit dans la dite isle de St.-Barnabé et autant de terre qu’il en pourra faire et ce seulement pendant sa vie »[4]. L’acte d’origine par lequel cette donation prenait effet a été égaré, de même que la copie officielle qui en avait été faite, à la demande de la famille Lepage, par les notaires Joseph-Bernard Planté et Pierre-Louis Deschenaux[5]. La retranscription de la copie officielle qu’a effectuée l’écrivain et homme politique Joseph-Charles Taché, en 1865, demeure à ce jour la seule trace existante de ce document[6].

    Nous sommes néanmoins en mesure de confirmer qu’il y a bel et bien eu prise de possession de terres par Toussaint Cartier en 1728. Cette confirmation a été rendue possible grâce à un dossier judiciaire de la Cour des plaidoyers communs du district de Québec (daté du 26 juin 1790) qui fait état de l’opposition de Pierre Lepage de Saint-Barnabé II dans une affaire concernant Joseph Drapeau, demandeur, et Louis Lepage de Saint-Germain, défendeur[7] . Les archives qui rendent compte de cette affaire stipulent que l’opposant jouissait de droits territoriaux sur « l’étendue de terre faite par feu Toussaint Cartier au lieu dit l’hermitage »[8]. Un peu plus loin, dans la même phrase, est confirmée l’existence de « la concession faite audit Toussaint Cartier par feu Sieur Pierre LePage père de l’opposant en date du 15 novembre 1728 »[9].

    S’il est vrai que Toussaint Cartier a pris possession de terres sur l’île Saint-Barnabé au mois de novembre 1728, cela ne signifie par pour autant qu’il ait habité ce lieu seulement à partir de ce moment. Il n’est pas impossible, comme le souligne l’archiviste Sylvain Gosselin, qu’un billet de concession temporaire ait été octroyé à Toussaint Cartier en attendant que la ratification du document officiel ait lieu[10]. Qui plus est, la saison froide de la région bas-laurentienne étant ce qu’elle est, il est tout à fait justifié de penser que l’Ermite, s’il a bel et bien habité l’île dès 1728, ait dû aménager son ermitage avant que la neige et le froid ne s’installent.

    L’acte de cession de 1728 livre, en outre, quelques indices sur la relation que pouvait entretenir Toussaint Cartier avec le seigneur Lepage. Les liens qui unissaient les deux parties devaient, d’une certaine façon, être solides. Cela se comprend par la nature même de l’acte : lorsqu’il y a donation de terre, et spécialement quand le contrat mentionne que le receveur pourra faire sienne « autant de terre qu’il pourra en faire »[11], il est difficile d’imaginer que le tout ait pu se régler entre deux étrangers. Il est donc possible que Toussaint Cartier ait séjourné à Rimouski quelque temps avant la ratification de la donation, nouant une relation d’amitié avec le seigneur de l’endroit. L’idée d’une amitié apparaît un peu plus clairement dans un engagement pris par le seigneur Lepage dans le cadre de la donation de 1728: « […] au cas que le dit toussaint Cartier vienne sur l’âge aiant pris les intérêts de la maison, moi LePage m’oblige et les miens de le nourrir et entretenir dans ma maison le regardant dès lors pour un homme de la famille. »[12 ]Quant à la terre, il était prévu qu’elle serait rétrocédée à la famille Lepage à la mort du solitaire. L’Ermite pouvait certes aménager le lieu à sa guise, mais en aucun cas il ne pouvait en limiter l’accès et l’exploitation à la famille Lepage. Cette dernière gardait tous ses droits sur l’île Saint-Barnabé, Toussaint Cartier ne bénéficiant que de l’usufruit.

    Par-delà ces éléments, l’acte de cession nous permet aussi d’en apprendre davantage sur le personnage en tant que tel, en plus de nous éclairer quelque peu sur ses motivations à posséder des terres sur l’île Saint-Barnabé. Bien que les indications restent sommaires, la donation de 1728 révèle tout de même que « le dit Cartier s’est expliqué avec le d. Sr. LePage qu’il ne voulait pas se marier et qu’il voulait se retirer dans un endroit seul afin de faire son salut »[13]. Au moment de signer l’acte, la vocation de l’Ermite était donc déjà arrêtée. Ses motifs, néanmoins, demeuraient plutôt vagues. Qu’entendait Toussaint Cartier par « faire son salut »? Voulait-il se sauver d’un quelconque malheur? Cherchait-il à racheter une faute passée? Désirait-il se vouer corps et âme à la religion? Bien des hypothèses sont possibles. Elles ne trouveront toutefois aucun fondement dans cette source archivistique.

    Cession de Toussaint Cartier à la charge d’une pension[14]

    Près de trente-six années après qu’il a accepté les termes de sa prise de possession de terres sur l’île Saint-Barnabé, un nouvel acte a été passé entre Toussaint Cartier et la famille Lepage, le 24 mars 1764. Quand Pierre Lepage de Saint-Barnabé décède, c’est son fils, Pierre Lepage de Saint-Barnabé II, qui agit alors à tire de seigneur de Rimouski.

    L’accord de 1764 venait, en quelque sorte, confirmer certains éléments de l’entente de 1728. Gagnant en âge, Toussaint Cartier s’était engagé à quitter et à délaisser sa propriété ainsi que ses biens en faveur du seigneur Lepage. En contrepartie, ce dernier offrait à l’Ermite une forme de pension, et promettait de l’héberger et de prendre soin de lui si le besoin s’en faisait sentir :

    Et en outre que le Sieur Lepage de S.t Bernabé soblige de fournir une vache à let tous les printemps et la prendre tous les authomes pour l’hyverné tant que le dit Toussains poura tenir sa solitude et en cas que leditt Toussains ne se trouve plus dans le pouvoir par age ou autrement de ne pouvoir plus resté sur la ditte ille le Sieur Lepage soblige de le reprendre chez luy et de lessay vivre selon sa solitude et d’en avoir soint comme de son propre perre puisqu’il est vray qu’il luy a fait un abandon de tout ce quy luy pouvoit apartenir […] [15]

    L’entente de 1764 venait également confirmer la cession de terre originelle (de 1728) et sa limite, ainsi que le type d’existence qu’avait choisi l’Ermite : « […] fut présent le nommé Toussaint Cartier habitans et faisant les fonctions de solitude sur l’isle St. Barnabé quy luy a été conséder par cy devant par le feu Sieur S.t Barnabé Seigneur enfin tout ce quy pouvoit en ocupé sur la dite ille […] »[16] Tel que le démontrait déjà la copie de l’acte de 1728 rédigée par Taché, il était entendu que l’Ermite pouvait faire sienne autant de terre qu’il pouvait en occuper. Quant à la vocation érémitique de Toussaint Cartier, elle est, dans l’ensemble du document, décrite sous le terme de « solitude ».

    Bien que le document de 1764 ne se révèle que comme le pendant de l’acte de 1728, certains éléments nouveaux y apparaissent. Ainsi, la mention d’une « vache à let »[17] permet d’en apprendre un peu plus sur l’alimentation de l’Ermite, sur son activité quotidienne et sur ses conditions de vie en général. Toutefois, force est d’admettre que, au regard de cet acte, nos interrogations quant à la vie de l’Ermite et à ses motivations profondes restent sans réponse.

    Acte de mariage de Pierre Laurent et de Marie Halard[18]

    Il existe un dernier document connu sur lequel Toussaint Cartier a apposé sa marque. Il s’agit d’un court acte de mariage qui, à première vue, peut paraître anodin. Il y est inscrit la présence du « dit Toussain Quartier lequel a déclaré ne seavoir signer »[19]. Ces quelques mots viennent pourtant démontrer une réalité qui, pour un ermite, n’est pas si banale. En apposant sa marque, à titre de témoin, sur cet acte de mariage, Toussaint Cartier a confirmé son existence sociale au sein de la communauté rimouskoise. Il est dès lors possible de supposer que l’isolement de l’Ermite n’était pas total, et qu’il pouvait même lui arriver de côtoyer le reste de la population et d’interagir avec elle.

    Autre fait à noter, la déclaration de l’Ermite quant à son incapacité à signer venait conforter les déclarations semblables qu’il avait formulées dans les deux actes de cession précédemment décrits. En effet, l’acte de cession de 1728 mentionnait qu’était présent « le dit Toussaint Cartier ayant déclarez ne scavoir écrire ny signer »[20]. Dans le même ordre d’idée, l’acte de 1764 stipulait ceci : « […] nous avons signé avec lesditte partie excepté leditt Toussains quy a declaré ne le scavoir a fait sa marque ordinaire. »[21]

    Acte de sépulture[22]

    Un acte de sépulture, en soi, peut paraître bien commun. Mais lorsqu’il concerne un personnage pour lequel les informations historiques sont rares, un tel document paraît déjà plus intéressant, du moins aux yeux de l’historien. Un acte de décès vient d’abord confirmer que le sujet a bel et bien existé. Puis, généralement, il précise l’âge du défunt. Le père récollet Ambroise Rouillard, qui a consigné de succinctes informations sur Toussaint Cartier dans la rédaction de son acte de sépulture, écrivait qu’était « décédé en cette paroisse de St. germain à Rimousky le nommée toussaint cartier agé d’environ soixante ans […] »[23] L’âge estimé de l’Ermite est une donnée intéressante. Puisque nous ignorons les origines exactes de Toussaint Cartier et qu’aucun document ne mentionne sa date de naissance, cette information demeure le seul indice de l’âge que pouvait avoir l’Ermite. Mort en 1767 à l’âge estimé d’une soixantaine d’années, Toussaint Cartier aurait possiblement vu le jour au courant de la première décennie du XVIIIe siècle.

    Autres documents

    L’ermite Toussaint Cartier est aussi évoqué dans d’autres documents d’archives. Ceux-ci ne concernent cependant pas l’Ermite lui-même, mais plutôt la terre qu’il a exploitée sur l’île Saint-Barnabé.

    Une première référence à Toussaint Cartier apparaît dans un extrait de compte de tutelle daté du 28 mars 1772[24]. Le document fait l’inventaire des biens et des terres que le seigneur Pierre Lepage de Saint-Barnabé II a administrés au nom de son pupille et neveu Louis Lepage de Saint-Germain avant que ce dernier n’ait atteint sa majorité. Dans un passage du document, il est question des droits de Louis Lepage et de ses sœurs sur les produits et les récoltes provenant de la terre jadis habitée et travaillée par l’Ermite : « […] la part des droits que ledit Sr Louis lepage et ses sœurs étoient en droit d’exiger du Sr pierre lepage pour les grains et foins que le dit Sr pierre lepage a cy devant retirer sur L’Isle st Barnabé provenant du désert que le feu hermitte y avoit fait […] »[25] Ce court extrait vient dissiper les doutes, s’il en restait, sur l’existence de l’Ermite et sur la vocation qu’il avait choisie. En outre, cet extrait nous permet aussi de savoir que Toussaint Cartier a travaillé et défriché la terre qui lui avait été cédée. Il y aurait fort probablement mené des activités agricoles qui, en 1772, servaient toujours les intérêts de la famille Lepage. L’Ermite et la terre qu’il a cultivée sont également mentionnés dans un document de la Cour des plaidoyers communs du district de Québec, daté du 26 juin 1790, auquel nous avons fait allusion précédemment[26].

    Un homme à la marge

    Comme nous avons pu le constater, il existe très peu de documents d’archives concernant Toussaint Cartier. Ceux que nous connaissons et que nous avons pu analyser s’avèrent, en fin de compte, peu prolixes sur l’homme et sur les motivations profondes qui l’habitaient. Malgré les informations qu’ils fournissent, une aura de mystère continue de planer au-dessus de Toussaint Cartier. Son mutisme à propos de ses origines réelles, de ses motivations profondes, de ses habitudes, de sa condition de vie, etc., a suscité le questionnement; il a intrigué.

    Aussi Toussaint Cartier nous apparaît-il comme un être en marge de son temps. En le décrivant, en 1756, Montcalm a parlé de singularité[27]. Peut-être est-il bon de rappeler la signification de ce terme dans l’usage courant qui en était fait. Autour de la même époque (1765), l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembertprésentait la singularité, dans l’usage populaire de ce terme, comme étant vicieuse « lorsqu’elle fait agir les hommes contre les lumières de la raison, ou qu’elle les porte à se distinguer par quelques niaiseries »[28], comme c’est le cas, par exemple, de « ceux qui se rendent remarquables par la bizarrerie de leurs habits, de leurs manières, de leurs discours, ou de telles autres choses de peu d’importance dans la conduite de la vie civile »[29].

    Le fait de se consacrer à l’érémitisme, et par conséquent de différer des pratiques sociales en cherchant à s’isoler et à évoluer hors des « usages reçus du public »[30], faisait-il de Toussaint Cartier un être de bizarrerie; un être marginal? En 1765, toujours dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, il était avancé qu’ « à présent les hermitages sont devenus rares »[31]. Il est vrai que l’image de l’ermite, tout spécialement au XVIIIe siècle, tendait à se modifier. La littérature du Moyen Âge avait bien laissé de cet être de la solitude l’image d’un homme « figé dans une vieillesse inaltérable et rayonnante, qui emprunte ses modèles aux représentations des anges »[32]. Modèle de piété, de dévotion dans la privation, l’ermite pouvait ainsi être perçu comme un « martyr sans effusion de sang »[33]. Or, voilà qu’au début du XVIIIesiècle, les « plaintes affluèrent en si grand nombre à Rome concernant la conduite souvent scandaleuse de soi-disant ermites qui n’étaient guère mieux que des vagabonds vivant aux crochets des fidèles sous guise de piété, qu’il apparut urgent de prendre des mesures en vue de réglementer la vie solitaire dans l’Église latine »[34].

    Le pontife Benoit XIV, en 1748, a à cet effet rédigé un traité intitulé De synodo diocesana. À l’intérieur de cet écrit, un chapitre a été consacré aux ermites et aux reclus afin de les diviser et de les classer sous quatre catégories distinctes : ceux qui prononcent des vœux religieux dans l’un des ordres reconnus par le Saint-Siège (les camaldules); ceux qui vivent au sein d’une congrégation approuvée par un évêque; ceux qui jouissent d’une permission expresse d’un évêque; ceux, enfin, qui ne sont ermites que par une initiative ou une volonté personnelle[35]. Le cas de Toussaint Cartier, tel que nous le présentent les archives, tend à correspondre à la quatrième catégorie. S’inscrivant davantage dans la lignée des gyrovagues, ces moines errants de la chrétienté qui ne semblaient avoir de réelles attaches, l’Ermite de l’île Saint-Barnabé, comme tous ses semblables, apparaissait comme une abeille sans reine (eosdem Ermitas tanquam apes sine rege), sans existence réelle au regard de l’Église[36].

    S’estompant tout au long du XVIIIe siècle (et de façon encore plus évidente à la suite de la volonté papale de la réprimer), la pratique non ordonnée de l’érémitisme disparaîtra progressivement[37]. Or, c’est précisément dans ce contexte que Toussaint Cartier a choisi cette vocation. N’ayant donné d’autres raisons que la simple volonté de « faire son salut », l’Ermite s’est inscrit d’une manière non conformiste dans une vocation déjà bien ancrée dans la marginalité. Pourquoi a-t-il choisi d’adopter à cette époque un mode de vie qui détonne autant des normes sociales et religieuses de son temps? N’est-ce pas parce que sa volonté ne relevait pas uniquement de la dévotion, mais aussi de la nécessité?

    À cet effet, l’histoire nous a laissé au moins un autre cas d’érémitisme en Nouvelle-France, peu de temps avant que ne s’amorce l’aventure même de Toussaint Cartier. Il s’agit du cas d’un certain Georges-François Poulet, dit M. Dupont ou l’Ermite des Trois-Pistoles. Des témoignages attestent l’arrivée de ce personnage au printemps 1714 à Québec, endroit où il a vécu quelques mois en se distinguant par son éducation, sa vie régulière, ses tendances religieuses et ses charités[38]. Poulet, qui passait pourtant « pour un saint dans l’esprit de plusieurs »[39] , a précipitamment quitté Québec en 1715 pour aller se construire un ermitage près de la rivière des Trois-Pistoles, où il aurait vécu « dans la pratique de l’oraison et des austérités monastiques »[40] pendant quelque temps. Il a été établi, plus tard, que l’Ermite des Trois-Pistoles était un moine bénédictin qui avait fui la France par crainte de représailles. En fait, il « s’était mis en tête que son supérieur le ferait enfermer, parce que, dans un voyage à Amsterdam, en Hollande, il avait embrassé avec ardeur les doctrines jansénistes »[41].

    Est-il possible qu’une expérience semblable à celle de Georges-François Poulet ait pu motiver Toussaint Cartier à s’exclure lui-même de la société, à s’isoler sous le voile de l’érémitisme afin de fuir des représailles d’ordres quelconques? Rien, dans les archives, ne fait mention de cette possibilité. Cela dit, des témoignages recueillis dans les années 1830 par Joseph Signay laissent entendre que l’Ermite de l’île Saint-Barnabé « éprouvait de fréquentes attaques d’épilepsie » et que par « suite de cette infirmité un de ses yeux paraissait presque sorti de son orbite et pour tempérer la douleur aiguë qu’il éprouvait il faisait lécher son œil par son chien »[42]. Se peut-il que cette « infirmité » ait poussé Toussaint Cartier à vouloir « fuir » le regard des autres, ou du moins, à s’en distancer le plus possible en préférant l’isolement à la vie en communauté?

    Certes, tout cela demeure dans le domaine des hypothèses. Mais une chose subsiste : Toussaint Cartier s’est bel et bien fait ermite. En outre, sa solitude a été doublement marquée : il ne s’est pas limité qu’à vivre en marge de la communauté rimouskoise. Il a également choisi, comme lieu d’accueil, une île. Un peu comme si la seule distance ne suffisait guère et qu’une frontière supplémentaire était nécessaire : une bande fluviale de quelques kilomètres laissait l’impression que l’île Saint-Barnabé, plongeant dans le Saint-Laurent, permettait d’évoluer dans un monde à part, au large de la société. La représentation du milieu insulaire est forte. Pour l’historien Gaston Desjardins, l’île est « la figure d’une entité spatio-temporelle distincte. Ce n’est plus tout à fait la terre, ce n’est plus tout à fait la mer. C’est un lieu clos, un monde intérieur, dissocié du réel, un lieu à part, l’ailleurs, le refuge par excellence. Elle a toujours partie liée avec la rêverie, avec les brumes et les mirages. C’est une sorte de relais imaginaire du désir; désir de l’autre, de l’ailleurs, du plus loin »[43]. Il n’est pas étonnant, alors, que l’île Saint-Barnabé, petite bande de terre au large de Rimouski, ait exercé un attrait particulier aux yeux d’un homme souhaitant s’isoler et se destiner à l’érémitisme.

    Toussaint Cartier entre histoire(s) et légendes

    Dans quelle mesure Toussaint Cartier s’inscrit-il dans une représentation de la marginalité? L’expression même de sa volonté à pratiquer l’érémitisme témoigne bien d’un désir d’exclusion, conforté de surcroît par le lieu choisi pour l’édification de son ermitage (une île). Le personnage de l’ermite, par l’isolement et par la distanciation sociale qui caractérise sa vocation, ne peut, en soi, qu’être marginal. Mais le contexte dans lequel s’inscrit l’expérience de Toussaint Cartier ajoute encore plus à la singularité de son histoire. Son style de vie, de moins en moins toléré par l’Église (et de moins en moins pratiqué), nous amène à nous questionner sur ses motivations profondes à se faire ermite. Bien des hypothèses sont possibles, d’autant plus que l’expérience de Georges-François Poulet avait démontré, quelques années avant que Toussaint Cartier ne s’installe dans la paroisse de Saint-Germain de Rimouski, que l’érémitisme, outre la dévotion, pouvait aussi être justifié par une volonté de se cacher et de se faire oublier.

    Les archives existantes, avares de détails, ne nous permettent malheureusement pas de dresser un portrait historique complet et sans équivoque de l’Ermite de l’île Saint-Barnabé. Ce manque de ressources archivistiques a, en quelque sorte, laissé un vide dans notre compréhension du personnage. Or, lorsque l’histoire a livré tout ce qu’elle peut, ce sont bien souvent la mémoire et la fiction qui prennent le relais. De la fin du XVIIIe siècle à nos jours, une historiographie et une littérature se sont formées autour du souvenir de Toussaint Cartier. Elles étonnent par leur richesse et par les nombreuses interprétations qui les composent. Par elles, il est possible d’observer de quelles façons furent traités l’expérience et le caractère marginal de Toussaint Cartier.

    L’Ermite romantique

    Deux années seulement après son décès, soit en 1769, l’Ermite de l’île Saint-Barnabé a fait son entrée officielle dans la littérature. L’écrivaine britannique Frances Brooke, qui avait acquis une certaine notoriété dans le domaine littéraire avec la publication, en 1763, de son premier roman (The History of Lady Julia Mandeville), s’est interrogée sur la réclusion volontaire de Toussaint Cartier dans The History of Emily Montague, publié en 1769[44]. À l’intérieur de ce roman, l’auteure a rendu compte de son expérience et de ses observations lors de son séjour au Canada (de 1763 à 1768), dans la ville de Québec.

    Frances Brooke s’était embarquée pour la ville de Québec afin d’y rejoindre son mari (John Brooke), parti en Amérique du Nord à titre d’aumônier militaire[45]. C’est durant ce voyage, fort probablement, qu’elle a été mise au fait de l’existence d’un ermite vivant sur une île au large de Rimouski. The History of Emily Montaguese présente comme un roman épistolaire, c’est-à-dire que le récit s’élabore par l’entremise d’une correspondance fictive entre les différents personnages. L’Ermite apparaît à la trente-deuxième lettre du roman, dans un message du colonel Rivers (l’un des principaux personnages) destiné à une certaine Lucie.

    Rivers y décrit sa rencontre avec un ermite vivant en solitaire depuis soixante ans sur l’île Saint-Barnabé. Il était allé vers cet homme avec une « forte prévention », ayant, en effet, la « plus mauvaise opinion de ceux qui fuyent la société et cherchent à vivre dans un état si contraire à [la] nature »[46]. Les préjugés du colonel quant à la vie érémitique se nuanceront cependant au fur et à mesure que l’Ermite lui dévoilera les raisons pour lesquelles il avait souhaité s’isoler. À la fin de l’exposé de l’insulaire, le colonel conclura en précisant ceci : « Quoique je ne puisse pas précisément louer sa conduite, je fais plus que de l’excuser; j’admire presque l’exil éternel où le sentiment de sa perte le condamna. »[47]

    De façon générale, Brooke a présenté l’histoire de Toussaint Cartier comme un récit de chagrin amoureux mettant en scène l’Ermite (alors un jeune Français) et celle dont il était épris, une certaine Louisa. Devant l’opposition et le mécontentement de leur famille respective au sujet de leur union, les deux amants choisissent de s’embarquer pour la Nouvelle-France. À la hauteur de Rimouski, Toussaint Cartier débarque seul sur l’île Saint-Barnabé afin d’y recueillir de l’eau fraîche. Au même instant, une violente tempête s’élève, formant sur le Saint-Laurent d’énormes vagues. Celles-ci viennent se fracasser contre l’embarcation sur laquelle se trouve toujours la bien-aimée de l’Ermite, ce qui force les occupants à descendre une chaloupe à l’eau pour tenter de rejoindre la rive de l’île. Impuissant devant ce spectacle, Toussaint Cartier voit, au loin, sombrer sa Louisa. Submergé par ce trop-plein d’émotion, il vacille et perd connaissance :

    Lorsque je revins à la vie, le premier objet qui frappa mes yeux fut le corps inanimé de ma Louisa, étendu à mes pieds; le ciel me donna la triste consolation de lui rendre les derniers devoirs. Tout mon bonheur est enseveli dans son tombeau!… Je fléchis le genou près d’elle, et je fis intérieurement le vœu au ciel de rester dans ces lieux, jusqu’au moment où il me rejoindrait à celle que j’avais si tendrement aimée : tous les matins, je visite la terre qui couvre ses restes précieux, et j’implore du Dieu de bonté la grâce de hâter ma fin. Je sens que nous ne serons plus longtemps séparés; j’irai bientôt me réunir à elle pour ne plus la quitter[48].

    Ce récit romancé de l’histoire de Toussaint Cartier a, pendant un certain temps, fait foi de « version officielle », avant d’être critiqué avec véhémence par Joseph-Charles Taché. Ce dernier, en 1865, affirmait que l’ « histoire si simple, si touchante et si belle en elle-même de l’Ermite de Saint-Barnabé, a été ridiculement exploitée par quelques écrivains qui, sur la foi de la si peu croyable Lady Emily Montague, ont travesti ce souvenir si intéressant de notre histoire intime en un pitoyable roman d’amourettes »[49]. Par un article paru en 1988 dans laRevue d’histoire du Bas-Saint-Laurent, Yvon Migneault a toutefois cherché à réhabiliter le récit de Frances Brooke en tâchant d’en faire ressortir tout le substrat historique[50]. À son avis, l’écrivaine britannique serait partie du « schéma général d’une lettre authentique » pour intégrer « à des fins romanesques dans le goût de son époque » la « légende » de Toussaint Cartier à son roman[51]. Rien, cependant, ne vient réellement appuyer cette thèse.

    L’Ermite dans la tradition orale

    Il faudra attendre environ soixante ans avant qu’une enquête à caractère historique sur l’Ermite de l’île Saint-Barnabé ne soit menée. Joseph Signay, coadjuteur de l’archevêque de Québec (Mgr Bernard-Claude Panet) à partir de 1825, puis nommé évêque du diocèse de Québec (qui couvrait, à cette époque, un vaste territoire épiscopal englobant tout le Bas-du-Fleuve et la Gaspésie) en 1833, a entrepris une recherche sur Toussaint Cartier au courant des années 1830[52]. Ses notes, couchées sur papier en 1838, ont été trouvées et retranscrites intégralement dans un article du journal L’Abeille datant du 31 mai 1862. Nous pouvons y lire sa démarche d’enquête telle qu’il la décrivait lui-même :

    Les détails singuliers qui nous avaient été donnés vaguement, lors de notre 1ère visite dans cette paroisse, sur la vie d’un certain Toussaint Cartier, nous ont engagés à recueillir tout ce que l’on peut encore connaître sur son compte. En conséquence, nous avons entendu d’abord quelques vieillards, âgés de plus de 80 ans, qui nous ont assuré que dans leur enfance ils ont tous bien connu cet hermite pour avoir visité fréquemment le lieu de sa résidence. En outre nous avons interrogé des personnes respectables de cette paroisse, lesquelles nous ont assuré avoir souvent entendu leurs parents parler en détail de la vie que mena le dit Cartier pendant 38 ans dans l’Isle St. Barnabé. 53

    Signay n’a rien dit de plus à propos des témoins et des notables interrogés, ni sur la sélection des témoignages retenus dans la rédaction de sa notice. C’est pourquoi il faut garder un œil critique sur sa contribution.

    Néanmoins, plusieurs des éléments rapportés sont intéressants. Comme nous en avons fait mention auparavant, Signay est le premier à parler de l’infirmité de Toussaint Cartier ainsi que du « mal » (l’épilepsie) dont il souffrait et qui, possiblement, l’aurait mené à sa mort. Il est, de plus, le premier à aborder la croyance selon laquelle il aurait été un descendant de Jacques Cartier. Selon les informations qu’il a recueillies, l’Ermite aurait quitté la France pour le Canada à l’âge de 28 ou de 29 ans. En mer, devant affronter une tempête, il aurait fait le « vœu de vivre séparé du monde au premier lieu où il pourrait prendre terre »[54]. Ce lieu, comme nous pouvons nous en douter, aurait été l’île Saint-Barnabé. Les notes de Signay donnent aussi quelques détails sur l’habitat de l’Ermite (une maison d’une trentaine de pieds divisée en trois chambres) et sur ses habitudes (il vivait du fruit de son travail). L’enquête de Signay, bien qu’elle demeure discutable du point de vue de la méthodologie, a tout de même amené de nouveaux aspects à l’histoire de Toussaint Cartier. Elle est aussi venue confirmer certains éléments que nous avons pu observer dans les quelques documents d’archives existants.

    En effet, le passage dans lequel il est mentionné que Toussaint Cartier a vécu, entre autres, des « bienfaits du Seigneur de Rimouski »[55], vient renforcer l’idée que les deux parties, de la signature des actes jusqu’à la mort de l’Ermite, auraient entretenu de solides liens. De plus, les notes de Signay présentent l’insulaire comme un être très hospitalier qui aimait accueillir ceux qui venaient le visiter; elles le définissent aussi comme un croyant qu’il était fréquent de voir à l’église. Ces deux aspects, d’une certaine façon, laissent croire, tout comme l’acte de mariage de Pierre Laurent et de Marie Hallard, sur lequel il apparaissait comme témoin, que Toussaint Cartier n’a pas cherché à rompre tout lien avec la communauté rimouskoise. Cela dit, bien que l’Ermite ait lui-même affirmé ne savoir signer et ne savoir écrire (ce qui, d’une certaine manière, suggère qu’il était analphabète), Signay notait qu’il s’était constitué une bibliothèque et qu’il paraissait être bien instruit. Est-il possible que Toussaint Cartier, lors de la signature des actes de 1728 et de 1764, ait souhaité maintenir le secret sur ses origines en prétendant ne pas être en mesure de signer? Nous ne pouvons l’affirmer. Mais une chose demeure, il est peu probable qu’il ait été frappé de mort civile puisqu’il pratiquait l’érémitisme en dehors des cadres religieux et qu’il gardait le droit de « posséder, d’acquérir des biens et d’en disposer », tel que le démontrent les documents d’archives[56].

    De façon globale, Signay insiste beaucoup, dans ses notes, sur le caractère pieux et dévot de l’Ermite, qui, écrivait-il, s’était « acquis l’estime générale des fidèles par sa vie édifiante, par son humilité et les autres vertus chrétiennes qu’il pratiquait sans ostentation»[56]. Cette emphase n’est pas innocente, précise le chercheur Claude La Charité : Signay, un homme d’Église, qui, de surcroit, avait contribué (durant la même époque) à l’érection paroissiale de Saint-Germain de Rimouski, a probablement trouvé en Toussaint Cartier un modèle d’édification permettant de mettre en évidence la « vocation religieuse naturelle » de Rimouski[58].

    L’Ermite comme figure canadienne-française

    Le récit de Frances Brooke n’est pas l’unique œuvre littéraire dans laquelle l’Ermite de l’île Saint-Barnabé a été mis à l’honneur. L’abbé Louis-Édouard Bois, probablement dans les années 1960[59], a rédigé un roman (non daté) qui n’a jamais été édité. Son personnage principal n’était nul autre que Toussaint Cartier[60]. L’historien Nive Voisine présente Bois comme un grand collectionneur et comme un passionné d’histoire qui, tout au long de sa vie (mais principalement à partir des années 1840), s’est attardé à copier des manuscrits et à récolter des notes diverses relatives à l’histoire du Canada[61]. Nous pouvons d’ailleurs retrouver dans ses notes éparses une retranscription de l’acte de décès de Toussaint Cartier[62] ainsi qu’une copie de la notice rédigée par Joseph Signay[63].

    Dans son roman, Bois a fait de Toussaint Cartier un descendant de Jacques Cartier et « un écrivain animé de l’ambition dévorante de réécrire, en mieux, les relations de voyages de son aïeul, en refaisant la traversée vers le Nouveau Monde »[64]. Ainsi, à la dixième page de son manuscrit, il écrivait ceci : « Ayant adopté un plan de campagne, nourrissant dans son imagination ardente un désir véhément d’exploration aux bords si renommés du Saint-Laurent, et de saluer des régions si peu connues auxquelles son parent avait donné des noms, Toussaint s’en occupait donc avec toute l’ardeur d’un jeune homme. C’était son unique idée, sa marotte enfin. »[65] Toussaint Cartier traverse l’Atlantique, mais son voyage se termine abruptement par un naufrage au large de l’île Saint-Barnabé. Cherchant à s’amender de sa trop grande ambition, le jeune homme se voue, pour le restant de ses jours, à une solitude sanctifiante sur l’île qui l’a recueilli.

    Le roman historique de Bois est longtemps resté inconnu. Par conséquent, il n’a pas eu une grande importance, ni une réelle influence, dans le développement de l’historiographie portant sur Toussaint Cartier.

    L’Ermite d’après le témoignage de Charles Lepage

    Trois auteurs du XIXe siècle, Joseph-Charles Taché (1865), Elzéard D. Gauvreau (1867) et Charles Guay (1873), s’appuieront sur le témoignage d’un certain Charles Lepage, un descendant des seigneurs Lepage, pour construire leur histoire de l’Ermite.

    Pour Joseph-Charles Taché, Toussaint Cartier serait arrivé à Rimouski en 1728, à l’âge de 21 ans, en traversant la forêt qui conduisait de Ristigouche à Métis, par le lac Matapédia. Dès son arrivée, il aurait parcouru les environs avec le seigneur Lepage, puis, en apercevant l’île Saint-Barnabé au large, il se serait exclamé ceci : « Sur cet îlot sauvage, ferai mon hermitage ! »[66] Sans qu’il n’ait eu à préciser davantage les raisons de sa venue et ses motivations à se faire ermite (mentionnant simplement qu’il souffrait d’un grand chagrin), Toussaint Cartier aurait reçu l’accord de Pierre Lepage pour s’installer sur l’île Saint-Barnabé, accord dont les termes et les détails furent retranscrits par Taché (acte de cession de 1728). Prenant soin de mentionner que « personne n’a jamais su et personne ne saura d’où il venait »[67], Taché a décrit l’Ermite comme un homme parfait de manières qui, tout au long de sa solitude, aurait partagé son temps entre le travail, la méditation et la prière. Le passage où Taché explique les circonstances de la mort de Toussaint Cartier est l’un des moments forts du récit. Retrouvé inconscient sur le sol de sa demeure (son chien lui léchant le visage) par quelques Rimouskois (dont Charles Lepage lui-même) qui auraient remarqué, au matin, l’absence de fumée provenant de son ermitag, et qui s’en seraient inquiété, l’Ermite aurait été ramené au village où il aurait reçu les derniers sacrements peu avant de s’éteindre.

    Elzéard D. Gauvreau, deux années plus tard, faisait paraître une lettre dans le journal La Voix du golfe, dans laquelle il plaçait les informations du témoignage qu’il aurait lui aussi reçu de Charles Lepage[68]. Il y présentait Toussaint Cartier comme un jeune Français qui serait arrivé en Nouvelle-France en 1723. À la suite d’un naufrage, il se serait installé dès 1725 sur des terres de l’île Saint-Barnabé dont il ne prendrait officiellement possession qu’en 1728. Il y aurait vécu en solitaire pendant plus de quarante ans. Pour Gauvreau, c’est par un vœu (non précisé) que l’Ermite aurait choisi de rester seul sur l’île Saint-Barnabé. Il aurait été affecté par un chagrin quelconque, et aurait refusé aux femmes l’accès de l’île. Passant des heures dans l’oratoire qu’il avait construit, l’Ermite y aurait fait le catéchisme aux enfants du village. Parce que ses yeux rougissaient souvent, et qu’il était en proie à des crises d’épilepsie, c’est sans surprise que Toussaint Cartier aurait été retrouvé inconscient dans sa demeure (par les mêmes personnes et dans la même atmosphère d’inquiétude que dans le récit de Taché), son chien lui léchant les yeux. Gauvreau terminait sa lettre en faisant part aux lecteurs de toute son admiration pour cet homme : « On ne peut dans tous les cas s’empêcher d’admirer un homme qui frappé d’un grand malheur se retire du monde, se voue à la prière et à la méditation, et en même temps ne néglige ni le travail ni son prochain. »[69]

    Le récit de l’abbé Charles Guay, quant à lui, présente Toussaint Cartier comme un jeune homme français qui s’était engagé dans la marine[70]. Seul rescapé d’un naufrage, il serait arrivé à Rimouski à l’automne 1728, âgé d’environ 21 ans. Il aurait fait la promesse, pendant qu’il affrontait une tempête sur les eaux du fleuve, de vivre seul pour le restant de ses jours sur la première île qu’il rencontrerait. Dans sa solitude, il aurait consacré de nombreuses heures à la prière et aurait refusé que son ermitage soit approché par des femmes. Outre ces aspects, le récit de Guay reprend intégralement le texte de Joseph-Charles Taché.

    Ces trois textes sont riches en informations. À bien des égards, ils confirment des détails présents dans les documents d’archives (prise de possession de terres en 1728, ermitage, présence d’une vache et de poules, travail de la terre, etc.) ainsi que dans les notes de Signay (possible épilepsie, présence d’un chien qui lui léchait l’œil, grande dévotion, bonne instruction, etc.). Mais bien qu’ils se fondent tous les trois sur le même témoignage (celui de Charles Lepage), certaines différences sont observables (moment et circonstances d’arrivée de l’Ermite, son âge, ses motivations, etc.)[71]. Ceci étant dit, dans l’ensemble l’accent est mis sur les grandes qualités chrétiennes de l’Ermite ainsi que sur la réfutation de la thèse romantique (roman de Brooke).

    L’insistance dont a fait preuve Taché sur la piété de Toussaint Cartier n’est d’ailleurs pas étonnante. Ultramontain convaincu, soutient Claude La Charité, il a cherché à mettre en évidence toute l’honorabilité qui entoure l’histoire de Toussaint Cartier, à une époque où la paroisse rimouskoise cherchait à prendre une longueur d’avance dans la rivalité qui l’opposait à Rivière-du-Loup à la veille de l’érection diocésaine et de l’installation du siège de l’évêché de Rimouski (1867)[72]. L’impact de Taché a été grand. À la suite de sa parution, son étude a été reprise et plagiée par différents auteurs qui, bien souvent, ont souhaité l’opposer au roman de Brooke[73].

    La couverture journalistique de l’Hermite et sa présence dans les recueils du XXesiècle

    Tout au long du XXe siècle, l’histoire de l’Ermite de l’île Saint-Barnabé est sporadiquement réapparue dans différents articles de journaux (régionaux pour la plupart)[74]. De façon globale, ces derniers n’ont rien apporté de nouveau dans le traitement historique de la vie de Toussaint Cartier. En fait, ils se sont généralement contentés de reprendre le récit de Frances Brooke et l’étude de Joseph-Charles Taché, ce qui démontre bien l’importance et l’influence de ces deux écrits au fil des siècles. Un article, paru en 1943, déroge toutefois à cette tendance. Son auteur, resté anonyme, a en effet souhaité mettre à jour une « version plus véridique » de l’histoire de l’Ermite en se penchant sur les notes de Joseph Signay[75]. Il ne s’agissait, néanmoins, que de l’exception venant confirmer la règle : Taché et Brooke ont continué, jusqu’à tout récemment, à faire figure de référence dans les écrits consacrés à Toussaint Cartier.

    Par ailleurs, l’histoire de l’Ermite est apparue de façon similaire à l’intérieur de différents recueils de contes et de légendes, et ce, tout au long du XXe siècle. Bien que l’accent ait été davantage mis sur le caractère mystérieux de l’insulaire, les différents récits, là encore, ont essentiellement repris les informations provenant du roman de Brooke ou de l’étude de Taché[76].

    Si le traitement journalistique et légendaire de l’histoire de l’Ermite de l’île Saint-Barnabé n’a, somme toute, rien apporté de nouveau sur le sujet, il demeure néanmoins intéressant de constater que, plus d’un siècle et demi après sa mort, Toussaint Cartier continuait de susciter l’intérêt et la curiosité. Cela démontrait également l’importance du personnage dans ce que nous pourrions appeler le patrimoine culturel et légendaire du Bas-Saint-Laurent.

    L’Ermite contemporain

    Si l’Ermite de l’île Saint-Barnabé est mort et enterré depuis près de 250 ans, son histoire, quant à elle, est toujours vivante et continue d’évoluer. Après une centaine d’années où l’historiographie sur Toussaint Cartier n’a pratiquement rien amené d’original, voilà qu’un intérêt nouveau se fait sentir depuis quelques années.

    Déjà, vers la fin des années 1980, des chercheurs avaient démontré une certaine volonté de reprendre l’histoire de l’Ermite de l’île Saint-Barnabé d’une façon un peu plus critique et mieux organisée méthodologiquement. C’était le cas, notamment, de Mario Mimeault et d’Yvon Migneault, dont les articles, parus dans la Revue d’histoire du Bas-Saint-Laurent, ont analysé les différentes sources et écrits relatifs à Toussaint Cartier[77]. Mais l’apport le plus important, dans le domaine de la recherche et de l’histoire, reste sans doute celui de Claude La Charité.

    Chercheur à l’Université du Québec à Rimouski et titulaire de la chaire de recherche du Canada en histoire littéraire, Claude La Charité a reçu une subvention, en 2004, afin de mener un projet d’étude intitulé « Toussaint Cartier, fils aîné de l’Église et de la légende : essai sur l’Ermite de l’île Saint-Barnabé et édition critique du roman inédit de Louis Édouard BoisToussaint Cartier ou l’Ermite de l’île Saint-Barnabé »[78]. Ce projet a été le premier à faire état de l’existence du roman inédit de Bois. La Charité, en outre, a exposé, le 21 février 2007, une histoire mise à jour de Toussaint Cartier dans le cadre d’une conférence présentée au Musée régional de Rimouski[79]. Intitulée « Toussaint Cartier ermite de papier », sa communication a exploré les différentes versions littéraires et fictives de l’histoire de Toussaint Cartier, de Brooke à Taché, en passant par Signay et par Bois. C’est par une volonté similaire qu’il a fait paraître, dans le journal Le Mouton NOIR, l’article « Les neuf vies de Toussaint Cartier » (2007). À la fin de son article, il proposait une série de questions et d’hypothèses :

    Qui était donc Toussaint Cartier? Un veuf éploré? Un homme décidé à faire son salut? Un solitaire par singularité? Un libre penseur? Un miraculé, sauvé du naufrage, par la providence? Un écrivain perdu par l’ambition? Un célibataire endurci? Un misanthrope? Un épileptique ayant voulu se mettre à l’abri des superstitions de ses contemporains qui voyaient dans cette maladie une sorte de possession diabolique? Notre ermite, comme les chats, a eu au moins neuf vies[80].

    La même année, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) lançait un projet à caractère éducatif sous la thématique « Raconte-nous l’Ermite ». Avec ce programme, BAnQ, par l’entremise d’un camp de jour littéraire et archivistique portant sur l’histoire de Toussaint Cartier, souhaitait permettre à des jeunes de « développer leurs sens de l’observation, une dynamique de groupe, de rencontrer d’autres jeunes du même âge et de vivre une expérience commune et enrichissante »[80]. Le projet s’est achevé avec la représentation d’un spectacle, écrit et monté par les jeunes participants du camp qui devaient y présenter leur propre interprétation de l’histoire de l’Ermite de l’île Saint-Barnabé.

    Enfin, depuis l’été 2008, Toussaint Cartier se retrouve au cœur d’un projet récréotouristique de la ville de Rimouski qui consiste, notamment, à bâtir une réplique de l’ermitage, à installer des panneaux racontant la vie réelle et légendaire de l’Ermite, et à commencer à pratiquer des fouilles archéologiques sur l’île Saint-Barnabé[82]. Le regain d’intérêt porté à l’endroit de Toussaint Cartier a amené récemment Claude La Charité à soumettre une série de trois nouveaux articles destinés à faire connaître les différentes facettes de l’histoire de ce personnage bien ancrée dans la mémoire rimouskoise[83].

    Conclusion

    Que pouvons-nous retenir de l’histoire de Toussaint Cartier et de la façon dont elle a été traitée au fil des époques? L’Ermite de l’île Saint-Barnabé apparaît comme une figure marginale de l’histoire rimouskoise. Pourtant, au lieu d’être exclue ou oubliée, sa mémoire s’est perpétuée jusqu’à nos jours. L’être marginal qu’il était a occupé (et occupe toujours) une place de choix dans la production littéraire et historique de la région rimouskoise. Plutôt que d’être un facteur de rejet, la singularité qui l’a caractérisé a été mise au centre des écrits à son sujet : il a servi de héros romantique à une écrivaine britannique, de modèle de piété dans un contexte où la ville de Rimouski recherchait ce prestige, de thématique principale dans un projet de camp littéraire offert à des jeunes, etc.

    Le souvenir de Toussaint Cartier se serait-il perpétué s’il n’avait pas autant suscité le questionnement par son mode de vie et par tout le secret dont il s’était entouré? Quelle allure aurait prise son histoire s’il avait fait partie de la norme de son temps? Toutes ces questions demeureront sans réponse; nous ne pouvons reconstruire le passé. Or, nous pouvons peut-être en dégager une certaine réflexion. Quelle place occupent les marginaux et les exclus dans l’histoire? L’histoire se construit-elle davantage par l’étude de la norme ou par l’étude de l’exception? En fait, le cas de Toussaint Cartier exprime assez bien l’idée que la marginalité peut, à bien des égards, se retrouver au centre de nos intérêts, de nos questionnements; au centre de l’histoire.

    Références

    [1] Bernard Vincent, « Présentation », dans Collectif, Les marginaux et les exclus dans l’histoire, Paris, 10/18, 1979, p. 13.

    [2] Louis-Joseph de Montcalm, Journal du Marquis de Montcalm durant ses campagnes en Canada de 1756 à 1759, Québec, Imprimerie L.-J. Demers et frères, 1895, p. 52.

    [3] « Donation de Pierre Lepage de Saint-Barnabé en faveur de Toussaint Cartier – 15 novembre 1728 », d’après la copie faite par Joseph-Charles Taché se retrouvant dans Les Sablons (île de sable) et l’île Saint-Barnabé, Montréal, Librairie Saint-Joseph Cadieux & Derome, 1885, p. 140-143.

    [4] Ibid., p. 141.

    [5] Mario Mimeault, « La légende Toussaint Cartier. Critique des sources », Revue d’histoire du Bas-Saint-Laurent, vol 14, no 1 (décembre 1990), p. 24.

    [6] Joseph-Charles Taché, « L’île Saint-Barnabé. Comté de Rimouski », dans Les soirées canadiennes. Recueil de littérature nationale, Québec, Brousseau et Frères, 1865, p. 349-352. Une autre copie aurait été effectuée, par un certain A. Blanchet, à la demande de l’abbé Louis-Édouard Bois en 1868. Bien que cette retranscription ait dû, à un certain moment, se retrouver dans le Fonds Louis-Édouard Bois des Archives du Séminaire de Nicolet, nous n’en avons pas retrouvé trace.

    [7] Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Centre d’archives du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Fonds Ulric-Joseph Tessier, « Opposition à distraire pour le Sieur Pierre LePage de St. Barnabé », 26 juin 1790.

    [8] Id.

    [9] Id.

    [10] Sylvain Gosselin, « Toussaint Cartier, l’ermite de l’île Saint-Barnabé », dans Collectif, Rimouski depuis ses origines, Rimouski, Société d’histoire du Bas-Saint-Laurent et Société de généalogie et d’archives de Rimouski, 2006, p. 46.

    [11] « Donation de Pierre Lepage… », dans J.-C. Taché, Les Sablons (île de Sable)…, p. 141.

    [12] Ibid., p. 142.

    [13] Ibid., p. 141.

    [14] Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Centre d’archives de Québec, Greffe Jean-Claude Panet, « Donation à la charge d’une pension par Toussaint Cartier au Sr LePage de St-Bernabé », 13 août 1764.

    [15] Id.

    [16] Id.

    [17] Id.

    [18] Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Centre d’archives du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, « Acte de mariage de M. Pierre Laurent et Marie Halard », 20 avril 1729.

    [19] Id.

    [20] « Donation de Pierre Lepage… », dans J.-C. Taché, Les Sablons (île de Sable)…, p. 143.

    [21] « Donation à la charge d’une pension… », 13 août 1764.

    [22] Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Centre d’archives du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Registre de l’État civil, « Acte de sépulture de Toussaint Cartier », 30 janvier 1767.

    [23] Id.

    [24] Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), Centre d’archives du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine, Notaire Michel Saindon, « Extrait de compte de tutelle », 28 mars 1772.

    [25] Id.

    [26] « Opposition à distraire… », 26 juin 1790.

    [27] L.-J. de Montcalm, Journal du Marquis de Montcalm…, p. 52.

    [28] Louis de Jaucourt, « Singularité », dans Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. 15 (New York/Oxford, Readex microprint/Pergamon press, 1969), p. 211.

    [29] Id.

    [30] Id.

    [31] Louis de Jaucourt, « Hermitage », Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, vol. 8 (New York/Oxford, Readex microprint/Pergamon press, 1969), p. 173.

    [32] Paul Bretel, « Perfection et sainteté : le « saint hermite » dans la littérature des XIIe et XIIIe siècles », Revue des sciences humaines, no 252 (1998), p. 173.

    [33] Anne Ducrocq, « Les ermites », Actualité des religions, no 32 (novembre 2001), p. 54.

    [34] Peter Frederik Anson, Partir au désert. Vingt siècles d’érémitisme (Paris, Éditions du Cerf, 1967), p. 236.

    [35] Benoit XIV, Benedicti XIV. Pont. Opt. Max. Olim Prosperi Cadinalis de Lambertinis Operum edition novissima, tome IX : De synodo diocesana, Prati (Rome), In typographia aldina, 1844, p. 133.

    [36] Id.

    [37] Isacco Turina, « Vers un catholicisme « exemplaire »? », Archives de sciences sociales des religions, vol. 133 (2006), p. 116.

    [38] Pierre-Georges Roy, La ville de Québec sous le régime français, tome II (Québec, Service des Archives du gouvernement de la province de Québec, 1930), p. 69.

    [39] La Mère Juchereau de Saint-Ignace, citée dans « Le bénédictin Dom Georges-François Poulet dans la Nouvelle France », dans Rapport de l’archiviste de la province de Québec (1922-1923), p. 274.

    [40] Henri-Raymond Casgrain, « L’hermite des Trois-Pistoles », Bulletin des recherches historiques, vol. 5 (1899), p. 260.

    [41] Charles Arthur Gauvreau, dans Mathias D’Amours, dir., Les Trois-Pistoles, édition revue et augmentée de l’ouvrage de Charles A. Gauvreau, tome I, (Trois-Pistoles, 1946), p. 110.

    [42] Joseph Signay, « Notice sur le nommé toussaint Cartier surnommé l’Hermite de St. Barnabé, mort et enterré à Rimouski en 1767 », L’Abeille, vol. 10, no 22 (31 mai 1862), p. 4.

    [43] Gaston Desjardins, La mer aux histoires. Voyage dans l’imaginaire maritime occidental. De l’Antiquité méditerranéenne jusqu’aux rives du Saint-Laurent, Québec, Les Éditions GID, 2007, p. 124.

    [44] Frances Brooke, « Lettre XXXIII », dans Voyage dans le Canada, ou Histoire de Miss Montaigu (Montréal, Boréal, coll. « Boréal compact. Classique », no 166, 2005 (1769), p. 102-106.

    [45] Lorraine Mccullen, « MOORE, Frances (Brooke) », Dictionnaire biographique du Canada en ligne, http://www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=2076&interval=25&&PHPSESSID=mddfeojdgpcrcqof6fkh7f7ji4 [consulté le 28 avril 2009].

    [46] Frances Brooke, Voyage dans le Canada…, p. 103.

    [47]  Ibid., p. 106.

    [48] Id.

    [49]   J.-C. Taché, Les Sablons (île de sable…), p. 147.

    [50] Yvon Migneault, « Que devons-nous à Frances Brooke, 1724-1789, au sujet de Toussaint Cartier, l’ermite de l’île St-Barnabé, 1707-1767? », Revue d’histoire du Bas-Saint-Laurent, vol. 13, no 1 (hiver 1988), p. 3-11.

    [51] Ibid., p. 10.

    [52] M. Mimeault, « La légende Toussaint Cartier… », p. 25.

    [53] J. Signay, « Notice sur le nommé toussaint Cartier… », p. 3.

    [54] Id.

    [55] Ibid., p. 4.

    [56] S. Gosselin, « Toussaint Cartier… », p. 46.

    [57] Id.

    [58] Claude La Charité, « Les neuf vies de Toussaint Cartier », Le Mouton NOIR, vol. 13, no 2 (novembre-décembre 2007), p. 3.

    [59] Id.

    [60] Archives du Séminaire de Nicolet, Fonds Louis-Édouard Bois (F003), 1860-1870 env., Manuscrit « Toussaint Cartier ou l’ermite de l’île Saint-Barnabé », 82 p. [61] Nive Voisine, « Bois, Louis-Édouard », Dictionnaire biographique du Canada en ligne, http://www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=5380&interval=20&&PHPSESSID=3fuqk1uv3eimi7tp3a1v1e2i01 [consulté le 28 avril 2009].

    [61] Nive Voisine, « Bois, Louis-Édouard », Dictionnaire biographique du Canada en ligne, http://www.biographi.ca/009004-119.01-f.php?&id_nbr=5380&interval=20&&PHPSESSID=3fuqk1uv3eimi7tp3a1v1e2i01 [consulté le 28 avril 2009].

    [62] Archives du Séminaire de Nicolet, Fonds Louis-Édouard Bois (F003), 1860-1870 env., « Notice sur Toussaint Cartier et acte de sépulture », 1 p.

    [63] Archives du Séminaire de Nicolet, Fonds Louis-Édouard Bois (F003), 1860-1870 env., « L’hermite de l’ile S. Barnabé, mort et enterré à Rimouski, le 30 janvier 1767 », 5 p.

    [64] C. La Charité, « Les neuf vies… », p. 3.

    [65] L.-É. Bois, « Toussaint Cartier ou l’ermite… », p. 10.

    [66] J.-C. Taché, Les Sablons (île de sable)…, p. 138.

    [67] Ibid., p. 139.

    [68] Elzéard D. Gauvreau, « Lettre au rédacteur », La voix du golfe (30 août 1867), p. 2.

    [69] Id.

    [70] Charles Guay, « IV. Île St.-Barnabé – Toussaint Cartier, hermite sur l’Île St. Barnabé – Naufragés à l’Île St. Barnabé », dans Chronique de Rimouski, vol. 1, Québec, P.-G Deslisles, 1873, p. 61-90.

    [71] Pour plus de détails sur les différences entre les trois versions, voir l’article de M. Mimeault, « La légende Toussaint Cartier… », p. 28.

    [72] C. La Charité, p. 3.

    [73] Ce fut le cas, notamment de Cyprien Tanguay. Voir Cyprien Tanguay, « L’hermite de Saint-Barnabé », dans À travers les registres, Montréal, Librairie Saint-Joseph, Cadieux & Derome, 1886, p. 191-198.

    [74] Voir, notamment : Anonyme, « Toussaint Cartier l’Ermite de l’Île Saint-Barnabé », La Presse (29 septembre 1906), p. 5 et 7. ; Charles Jacques, « Notre histoire. L’ermite de l’île Saint-Barnabé : cette légende d’un roman d’amourettes », Le progrès du golfe (4 avril 1931), p. 1 et 6. ; Anonyme, « Pourquoi Toussaint Cartier se fit-il ermite sur l’Île Saint-Barnabé? », Le progrès du golfe (29 octobre 1943), p. 1. ; Jacques Morin, « L’ermite de Saint-Barnabé », L’Écho du Bas-Saint-Laurent (4 mars 1970), p. 7.; Anonyme, « Le premier naufragé de l’Île Saint-Barnabé », L’Écho du Bas-Saint-Laurent (11 mars 1970), p. 6.

    [75] Anonyme, « Une autre version plus véridique du « roman » de l’ermite de l’Île Saint-Barnabé – Toussaint Cartier – Ses raisons de se faire ermite – un document de Mgr Signay », Le progrès du golfe (5 novembre 1943), p. 1.

    [76] Pour quelques exemples de légendes et de contes portant sur Toussaint Cartier, voir : Association touristique du Bas St-Laurent, « L’ermite de Saint-Barnabé », dans Légendes du Bas St-Laurent, Rivière-du-Loup, Association touristique du Bas-Saint-Laurent, 1979, p. 21-24. ; Susan Bérubé et Michel Rioux, « Toussaint Cartier », dans Répertoire des croyances et des pratiques populaires du Bas St-Laurent, Rimouski, Collège de Rimouski, 1974, p. 177. ; Hélène Gauthier-Chassé, « L’ermite de l’île Saint-Barnabé », dans À diable-vent : légendaire du Bas-Saint-Laurent et de la Vallée de la Matapédia, Montréal, Quinze, 1981, p. 55-60.; Charles-Arthur Gauvreau, « L’ermite de Saint-Barnabé », dans Au bord du Saint-Laurent : histoires et légendes, Trois-Pistoles, Centre d’édition des Basques, 1998 (1923), p. 16-19.

    [77] M. Mimeault, « La légende Toussaint Cartier… », p. 23-30; Y. Migneault, « Que devons-nous à Frances Brooke… », p. 3-11.

    [78] Pour plus de détails sur ce projet et sur les activités et publications de Claude La Charité, voir le site de sa chaire à l’adresse suivante : Université du Québec à Rimouski (UQAR), Chaire de recherche du Canada en histoire littéraire, http://www.uqar.uquebec.ca/chaires/histoirelitteraire/Recherche.asp [consulté le 8 avril 2009].

    [79] Pour plus de détails, voir le communiqué de la conférence à l’adresse suivante : Université du Québec à Rimouski (UQAR), Toussaint Cartier ermite de papier, UQAR-Info, http://www.uqar.qc.ca/uqar-info/010107/ConferenceLaCharite.asp [consulté le 13 avril 2009].

    [80] C. La Charité, « Les neuf vies… », p. 3.

    [81] Laurent Leblond, « Se souvenir de Toussaint Cartier », L’Avantage en ligne, 21 juillet 2008, http://www.lavantage.qc.ca/200807212193/culturel/se_souvenir_de_toussaint_cartier.html [consulté le 28 avril 2009].

    [82] Radio-Canada, Nouvelles de l’Est du Québec, « L’histoire révélée de Toussaint Cartier », 11 août 2008, http://www.radio-canada.ca/regions/est-quebec/2008/08/11/006-ile-ermite.asp [consulté le 28 avril 2009].

    [83] Claude La Charité, « Toussaint Cartier, l’ermite de l’île Saint-Barnabé (1) : la maison du solitaire, petite cabane en bois rond ou grand ermitage? », Le Mouton NOIR, vol. 15, no 1 (septembre-octobre 2009), p. 4.; « Toussaint Cartier, l’ermite de l’île Saint-Barnabé (2) : la vocation singulière d’ermite au siècle des Lumières », Le Mouton NOIR, vol. 15, no 2 (novembre-décembre 2009), p. 4.; « Toussaint Cartier, l’ermite de l’île Saint-Barnabé (3) : la légende du veuf, du ténébreux et de l’inconsolé », Le Mouton NOIR, vol. 15, no 3 (janvier-février 2010), p. 7.