Le football, qui ne s’inscrivait exclusivement, à son apparition au XIXe siècle, qu’au sein de la sphère ludique, touche aujourd’hui tous les domaines. Effectivement, sa popularité et la large diffusion dont il a bénéficié au XXe siècle grâce à l’apparition de nouveaux médias (radio et télévision) le mettent au centre d’enjeux aussi bien symboliques, identitaires et économiques que politiques et sociaux.
C’est à travers l’ébauche du projet de doctorat dans lequel nous sommes inscrit et qui traite du football en tant que « nouveau créneau d’accès à la notabilité en Algérie » que nous proposons d’aborder la question de la culture et du pouvoir.
Notre terrain d’étude est une association sportive de football (en l’occurrence l’Association sportive du Khroub) nouvellement parvenue au championnat algérien en première division pour la période 2007-2008.
Nous allons tenter de mettre en lumière un processus de notabilisation des présidents de clubs de football s’étalant dans le temps. Nous visons donc une étude diachronique, mais aussi synchronique, mettant en relation les libertés d’action et les stratégies des acteurs (que sont ici les présidents de clubs de football qui se sont succédé à la tête de l’Association sportive du Khroub depuis l’indépendance du pays, en 1962, jusqu’à aujourd’hui) corrélées aux différentes législations qui concernent les mouvements et les pratiques sportives promulguées au fil des différentes périodes.
L’outil principal que nous utilisons pour recueillir les données est l’entretien semi-directif réalisé avec les différents présidents de l’ASK. Nous avons aussi étudié la presse, qui se présente indéniablement comme un outil d’information privilégié, surtout si nous considérons les données qu’elle met à notre disposition concernant les présidents des autres clubs de football en Algérie.
C’est en prenant en considération les caractéristiques des différentes étapes par lesquelles est passé le football algérien que nous allons procéder à l’analyse thématique horizontale des données recueillies auprès de nos acteurs.
Dans cet article, nous nous proposons en premier lieu d’aborder la diffusion et l’instrumentalisation du football à travers le monde ainsi qu’en Algérie. Nous traiterons ensuite de la notoriété et des stratégies d’accès au pouvoir. Nous terminerons par la présentation des réseaux de fréquentation des présidents de clubs de football et des trois indicateurs que sont l’argent, l’honneur et le pouvoir, qui participent, d’après l’hypothèse que nous avons formulée, à la notabilisation des présidents de clubs de football.
Diffusion et instrumentalisation du football
Le football, un sport qui fut créé en Angleterre vers le XIXe siècle, entra en Europe par le nord, entre 1870 et 1890[1], par le biais des marins et des étudiants, puis se diffusa jusqu’au sud de l’Europe, entre 1890[2] et le début du XXe siècle, au rythme du développement des moyens de locomotion. Il fut ensuite introduit en Algérie par le biais de la colonisation française.
Ce n’est qu’après 1920 que le football commence à s’institutionnaliser en Algérie, bien que s’applique à celle-ci la loi française de 1901 sur les associations.
Ce sont les notables (surtout des instituteurs) qui institutionnalisèrent la pratique de ce sport.
Déjà, à l’époque, les pouvoirs publics s’inquiétaient du danger qui pouvait émaner de l’engouement et de la ferveur manifestés par les autochtones pour cette pratique sportive, dont l’apparition coïncidait avec l’émergence du nationalisme. Des mesures furent alors prises par les autorités coloniales pour surveiller les activités au sein des clubs de football.
Il fut ainsi décidé d’interdire toute référence culturelle dans le nom des équipes (cela visait surtout l’emploi de termes musulmans).
De même, la diffusion de deux circulaires, en 1928 et 1936, imposait aux « clubs algériens constitués uniquement de musulmans d’introduire au moins trois Européens, pour éviter les affrontements « interethniques »»[3].
La popularité mondiale qu’acquit ce sport fit que le Front de libération nationale ordonna en 1958 à tous les joueurs professionnels algériens participant au championnat français de rejoindre la Tunisie afin de constituer l’équipe nationale algérienne[4]. « Ce phénomène de participation sportive fut indéniablement un très bon instrument diplomatique et eut plus de succès par exemple que la troupe culturelle algérienne pour la reconnaissance du fait national algérien dans la société internationale »[5].
Et s’il est vrai, comme nous venons de le voir, que le football fut utilisé comme instrument diplomatique au niveau international, nous vous proposons de voir ce qu’il en est au niveau local.
Pour revenir à notre terrain d’étude, l’Association sportive du Khroub (connue sous le sigle ASK) fut créée dès 1927 (cf. le journal officiel du 13 mai 1927) par un instituteur français. Les objectifs initiaux et réels qui menèrent à la création de cette association administrée par des notables visaient avant tout le bien-être et la consolidation des liens sociaux au sein de la communauté européenne.
Après l’indépendance, la pratique du football fut réorganisée en Algérie et passa par plusieurs étapes, dont nous énoncerons les plus importantes:
- La charte nationale de 1976, qui a permis l’émergence des premières orientations politiques réelles du mouvement sportif algérien.
- Le code de l’Éducation physique et sportive (EPS), qui fut appliqué en 1977, et qui a été, quant à lui, inspiré par le modèle sportif en vigueur à l’époque dans les pays du bloc socialiste[6], du moins dans sa philosophie. Intégré dans une entreprise nationale de production ou de service comme salarié, l’athlète performant n’était rémunéré, au courant de cette période qui s’est étalée de 1977 à 1989, que pour s’adonner à la pratique sportive et « participait peu à la vie économique et sociale de l’entreprise »[7]. Ce nouveau procédé de captage de l’élite sportive allait contribuer à assurer l’avenir de l’athlète. Les clubs-entreprises prenaient totalement à leur charge le fonctionnement des associations sportives. À ce moment-là, les chefs d’entreprise étaient chargés en même temps de la gestion des clubs sportifs qui leur étaient affiliés.
- La loi n° 89-03 du 14 février 1989, portant sur « [l’] organisation et [le] développement du système national de culture physique et sportive »[8], survint après les évènements d’octobre 1988 et annonça « un désengagement de l’État qui ne pouvait plus faire face financièrement à la demande de plus en plus « boulimique » des clubs sportifs[9] ».
Ce désengagement de l’État n’était pas total, puisque, sur le terrain, le ministère de la Jeunesse et des Sports ainsi que les collectivités locales (wilaya et communes) débloquent chaque année de l’argent destiné au fonctionnement de ces clubs sportifs.
Cependant, les clubs ne pouvaient plus dépendre ou se reposer uniquement sur l’argent public, car ils s’étaient engagés dans un semi-professionnalisme. Ils devaient donc être gérés par des personnes susceptibles d’assurer les dépenses obligées du club aussi bien par leurs propres moyens que par leurs relations. Avoir recours à un système de commanditaires était la seule issue pour les clubs pour accéder à une manne financière subvenant à leurs besoins.
Un lien reste tout de même à faire entre l’explosion de ce secteur dans les années 1990 et le profil sociologique des nouveaux dirigeants qui allaient prendre la tête de ces associations sportives (nous notons donc la naissance de nouveaux acteurs). Pour reprendre les propos de feu Boulebier Djamel, sociologue à l’Université de Constantine et chercheur associé au CRASC, ces dirigeants ont un seul « programme « la gagne »; ces nouveaux inventeurs culturels dérangent, à tort ou à raison, toutes les anciennes représentations sociales de la pratique sportive »[9] et brouillent les vieilles étapes du processus de reproduction des élites. « Au notable qui sacrifie à son hobby succède le manager soucieux de rentabiliser son poste et sa mise »[10]
Aujourd’hui, il est vrai que le fait sportif produit de nouvelles figures emblématiques de la réussite sociale, à travers les joueurs, certes, mais aussi à travers une nouvelle classe : celle des dirigeants, et surtout celle des présidents de clubs de football.
Le football bénéficie d’une couverture médiatique très importante dans les quotidiens aussi bien nationaux que spécialisés. Ces quotidiens relatent les exploits sportifs lors des compétitions et les résultats des matchs. Les médias abandonnent très souvent aussi les gradins des stades au profit des coulisses. En effet, le domaine du sport s’est aujourd’hui très élargi, tandis que les enjeux surpassent de beaucoup les simples prestations et résultats sportifs. Nous ne parlons donc plus seulement des sportifs, mais aussi des instances qui les encadrent (les dirigeants), ce qui fait que les présidents de clubs ont désormais une place prépondérante dans la presse, où nous trouvons presque quotidiennement des informations et des photos les concernant. Les dirigeants acquièrent de ce fait une image qui déborde largement la scène locale et qui atteint une portée nationale grâce à la couverture médiatique dont ils jouissent.
Notoriété et stratégies d’accès au pouvoir
Une lecture attentive de la presse, il est vrai, donne à penser que les nouvelles vedettes du football algérien sont de plus en plus les dirigeants des associations sportives. Au-delà de leurs stratégies de communication et de captage d’un lectorat plus grand, les titres de journaux ont le mérite de révéler à un public intéressé l’existence d’un pouvoir sportif que convoitent des candidats aux trajectoires sociales construites souvent loin de toute formation appropriée et accédant à ces statuts au moyen de nouveaux circuits.
Par ailleurs, il est connu que l’accès aux postes de responsabilité ne peut se concrétiser, généralement, que par la satisfaction de certaines conditions, telles que l’obtention d’un diplôme reconnu ou une expérience dans le domaine de la gestion administrative. Ceci n’est cependant pas toujours vrai, puisque beaucoup d’exemples montrent que parfois des individus ayant transité par des processus autres que ceux cités ci-haut ont obtenu certains postes de responsabilité ou de direction.
Donc, contrairement aux titres de noblesse qui existaient autrefois et dont les privilèges associés étaient acquis par le sang, les titres de notabilité s’obtiennent, eux, au moyen d’un travail de construction qui implique les ressources personnelles et les qualités individuelles de l’acteur, lesquelles s’inscrivent dans « un espace-temps très localisé »[11].
Nous pouvons dire aujourd’hui que l’imperméabilité qui caractérisait l’accès au pouvoir n’est plus. Nos nouveaux systèmes d’accès aux postes (ou à certaines formes) de pouvoir offrent un peu plus de fluidité qu’auparavant et permettent ainsi à des acteurs issus de champs différents d’accéder à certaines formes de notabilité.
Pour illustrer notre propos, examinons l’exemple de quelques personnalités qui, issues du milieu footballistique, ont essayé d’accéder, ou ont effectivement accédé, à des postes de responsabilité qui incluent pouvoir et, surtout, inscription de relations dans un réseau de pouvoir.
C’est le cas du célèbre joueur de football Georges Weah, qui s’est présenté aux élections présidentielles de son pays[13], et, en Italie, de Silvio Berlusconi, qui s’est appuyé sur la popularité qu’il avait acquise grâce à son club de football pour construire sa carrière politique.
Pour accéder à ces postes-clés, non seulement ces derniers ont bénéficié de la fluidité que présentent ces systèmes politiques, mais ils ont de plus eu besoin d’acquérir une certaine base de notoriété que seuls les médias d’aujourd’hui sont en mesure d’alimenter.
Dans notre étude, nous remarquons que l’Algérie aussi présente des formes de fluidité dans la réalisation de certaines formes d’ascension sociale. Pour réaliser ce genre de projet, les candidats ont en général besoin d’acquérir une certaine base de notoriété. Notons l’exemple de Menadi Aïssa, président de l’Union sportive de Madina[14] Annaba, qui, après une carrière de syndicaliste, réussit lors des dernières élections parlementaires à se faire élire en tant que candidat libre, avec l’aide d’une popularité acquise à la tête du club de football de l’Union sportive de Madina Annaba. Ceci nous pousse à poser la question suivante : Le football ne représenterait-il pas en Algérie un processus d’accès à des formes notabiliaires? Et, de cette dernière découlent celles-ci : La vie associative ne permettrait-elle pas de satisfaire une sorte d’apprentissage et de « rodage » préalable à l’accession de postes conférant une certaine notabilité? Le sport pourrait-il donc servir de tremplin à l’accès à certaines formes de pouvoirs? Y aurait-il une certaine forme de capillarité entre les fonctions de dirigeant d’association sportive et la nature des réseaux notabiliaires?
En effet, dans des situations déterminées, il n’est pas toujours nécessaire d’accéder à une responsabilité dans les circuits de l’État pour avoir une influence sur certaines décisions et être sollicité de rendre certains services!
Si aucune formation spécifique n’est exigée pour être à la tête d’un club, en revanche certaines compétences semblent absolument essentielles : il faut avoir, en premier lieu, une dimension d’homme public local, puis faire preuve d’esprit d’entreprise. En effet, un président de club peut être amené aujourd’hui à gérer un budget de plusieurs milliards de centimes, des sommes en jeu considérables, tout aussi considérables que les enjeux économiques, politiques, communicationnels et symboliques qui dépassent très largement la dimension sportive.
Un président de club est un chef d’entreprise, un homme de communication à qui il appartient d’approcher et d’attirer les partenaires économiques potentiels pouvant commanditer son projet sportif (qui est aussi celui de toute la ville). Mais ce qui nous intéresse, c’est de savoir si, par ces processus, ces démarches et ces relations, les présidents de clubs réussissent à acquérir un pouvoir effectif.
La réussite des présidents peut être facilitée par la couverture médiatique. Les médias, en plus de diffuser des matchs et des commentaires sportifs, abordent aussi les acteurs administratifs, y compris les relations avec les différentes institutions qui tendent à placer les responsables d’équipes de football au sein de réseaux relationnels.
Souvent comparés aujourd’hui à de nouvelles formes de trabendistes (terme algérien qui renvoie aux activités de contrebande et qui désigne de manière plus générale des affairistes), ces nouveaux chefs de file du football algérien gèrent en fait et en toute autonomie des budgets qui dépassent quelquefois celui d’une commune.
Pour illustrer un peu la situation, citons un exemple des plus représentatifs, celui du président du club de l’Union sportive de Madina Annaba (nouveau promu au championnat de première division), qui a débuté la saison 2006-2007 au championnat de deuxième division et qui disposait d’un budget de 200 millions de dinars[15], sans compter les subventions qui sont entrées dans les caisses du club au courant de la saison. (Notons aussi que ce président de club, s’appuyant sur sa notoriété acquise sur la base populaire de l’équipe de football qu’il dirige, réussit à se faire élire député en tant que candidat libre en 2007.)
En plus du fait que cette étude s’intéresse aux systèmes de fluidité et aux nouvelles formes d’ascension et de promotion sociale (et donc d’accès à de nouveaux postes de responsabilité qui peuvent conférer certains pouvoirs et certaines formes de notabilité), elle entend contribuer à cerner les origines socio-économiques et culturelles de ces dirigeants qui briguent des postes de responsabilité et auxquels l’État confie désormais non seulement l’argent public mais aussi et surtout l’encadrement et l’éducation de la jeunesse.
Comme dans n’importe quelle autre institution, on applique finalement au club (ou association sportive) l’esprit et les règles qui s’imposent dans le cadre des entreprises et qui font leur réussite, notamment la rigueur financière et la nécessité de bien s’entourer, c’est-à-dire de trouver des collaborateurs compétents dans leurs domaines et ayant pied dans différentes sphères. En général, ces derniers ne doivent pas seulement s’intéresser au club, mais aussi avoir des compétences comme gestionnaires et être membres de la sphère administrative locale et régionale, voire nationale. Prenons l’exemple des présidents d’honneur, qui sont généralement proposés à de telles fonctions, bel et bien parce qu’ils occupent des postes de responsabilité élevés au sein de l’État et de la société et qui, de ce fait, sont très utiles au club, qui pourrait avoir besoin d’interventions et d’aides. Ils sont des personnes-ressources que l’on utilise un peu comme des sortes de surfaces sociales[16].
Nous nions souvent le lien entre politique et sport, parce que le sport unit et incarne des valeurs universelles, alors que la politique est source de divisions. Mais la position de dirigeant sportif peut-elle constituer en elle-même une étape dans les stratégies d’accession aux fonctions politiques, et assurer de ce fait une dimension importante du statut de notable?
Il est clair en effet que les présidents de clubs peuvent acquérir par le statut qu’ils possèdent une position qui leur procure d’importantes relations dans les domaines tant économique que politique et social, et tant aux niveaux local que national. Outre les contacts qu’elle permet et le prestige qu’elle donne, la position de dirigeant offre aussi une place de choix dans la presse. Les présidents de clubs sont aujourd’hui des personnalités très médiatisées.
Ainsi, cet accès aux médias peut constituer, s’il est exploité d’une certaine manière, un atout promotionnel non négligeable en termes de stratégie politique. C’est ce qui explique l’accession citée ci-dessus de certains acteurs issus de la sphère footballistique à de hauts postes politiques.
Il serait aussi intéressant d’étudier les processus par lesquels nos acteurs acquièrent les statut et rang de notables, et de savoir si le football pourrait servir désormais de « banc d’essai pour futurs notables »[17].
Tous ceux qui pénètrent le monde si mystérieux du football sont conscients dès le départ de la réalité des enjeux qui en font partie. Car, si certains facteurs semblent nécessaires pour qu’émerge un pouvoir notabiliaire, par exemple une solide assise socioéconomique, le contrôle d’un territoire et enfin le développement d’un réseau d’influence[18], il se trouve que beaucoup de ces ingrédients abondent dans ce milieu et n’attendent quelquefois que la stratégie des acteurs pour pouvoir être mis en valeur et donc investis.
Un réseau de fréquentation dans lequel on puise argent, honneur et pouvoir
Pour arriver à mieux cerner les pratiques, les relations et les représentations de nos présidents de clubs de football, nous avons essayé de réaliser une déconstruction schématique de leur réseau social de fréquentations. Dans le schéma ci-dessous, nous avons figuré, à l’aide de trois cercles imbriqués l’un dans l’autre, les réseaux dans lesquels s’inscrivent les principales relations et pratiques sociales de ce type d’acteurs.
Ce diagramme représente fort bien notre sujet, puisque les trois cercles qui sont dessinés symbolisent les principaux milieux qui serviront de cadre à nos analyses sur la réalité du phénomène que nous étudions à travers les processus de notabilisation des présidents de clubs.
Nous schématisons[19] le réseau dans lequel s’inscrivent les pratiques sociales de nos présidents de clubs en le réduisant aux trois institutions essentielles qui suivent.
1. Les institutions de l’État. Elles représentent toutes les instances officielles, les responsables du sport (du football), ainsi que les collectivités publiques, et ont donc un rapport obligé avec les associations sportives.
2. Les acteurs de la ville. Ils incluent la grande famille du football que sont les partisans et les membres de l’Assemblée générale, mais aussi les habitants de la ville, qui sont concernés par l’image de cette dernière, que renvoie son équipe de football.
3. Les institutions complémentaires. Nous les nommons ainsi, mais elles sont aussi en réalité au centre de l’action et des stratégies des processus notabiliaires. Elles englobent les trois catégories qui importent le plus pour nos acteurs : les médias, les commanditaires et la parentèle.
●DJS ●APW
●APC
●FAF ●LNF
●LRF
1
Les institutions
complémentaires
L’argent
L’honneur
Le pouvoir
Les acteurs
de la ville
● Commanditaires
publics
● Parentèle
● Commanditaires privés
● Médias
●Maire
●Habitants ASK ●
●Membres de l’AG
Comité de partisans●
●Partisans
Les institutions de l’ÉtatRéseau dans lequel s’inscrivent les principales relations et pratiques sociales des présidents de clubs
Les indicateurs de la notabilité susceptibles d’éclairer notre problématique sont l’argent, l’honneur et le pouvoir, lesquels apparaissent dans chacun des trois cercles tracés plus haut.
a. Concernant l’argent. Il faut savoir qu’en Algérie le football est le sport qui est le plus soutenu par les collectivités locales, lesquelles lui octroient d’importantes subventions. Ces dernières sont à la disposition des présidents de clubs, qui en sont les principaux, sinon les seuls, gestionnaires. Souvent elles ne sont pas contrôlées par l’État.
b. Concernant l’honneur. Il est important de prendre la défense de l’honneur, de l’image et de l’emblème de la ville et de ses habitants, aussi bien sur la scène nationale que sur la scène internationale (lors des compétitions). Il ne faut pas oublier que, dans cette démarche, le président défend et projette aussi son image de marque et son nom. Il acquiert donc prestige et notoriété par le fait d’avoir fait l’objet d’une couverture médiatique sérieuse.
c. Concernant le pouvoir. L’inscription de ses relations dans de nouveaux milieux et la connaissance de nouvelles personnes par le biais du football permettent au président de s’inscrire dans de nouveaux réseaux relationnels sur lesquels il pourra s’appuyer et compter par la suite.
Il est évident que le football trouve aussi sa place au sein de la vie politique locale. Les élus doivent donc entretenir de bonnes relations avec lui ainsi qu’avec les structures associatives afin de s’assurer leur soutien, sachant qu’ils représentent une base électorale non négligeable. Ce qui demande en retour écoute et prise en considération par ces associations et, il en va de soi, par ces présidents.
En Algérie, le domaine de la gestion du sport, et surtout du football, a été investi par de nouveaux acteurs depuis l’avènement de la loi n° 89-03 de février 1989. Cette loi, qui supposait une formule de semi-professionnalisme, s’appuyait beaucoup sur les subventions de l’État pour son fonctionnement, mais sans contrôle conséquent de la part de ce dernier.
Favorisés aussi par la popularité de ce sport, la plupart des présidents à la tête des clubs bénéficient d’une certaine notoriété, et l’inscription de leurs relations dans un réseau d’institutions et d’acteurs leur permet d’être en contact avec les trois indicateurs de la notabilité de notre étude que sont l’argent, l’honneur et le pouvoir. En effet, ces relations resteront inscrites dans le même schéma après l’application du professionnalisme imposé par la FIFA qui a commencé avec la saison sportive 2010-2011.
Références
[1] Encyclopédie thématique Weber, (Paris, Weber, S.A. d’éditions, 1971), p. 310.
[2] La direction du Front de libération nationale siégeait alors à Tunis.
[3] Saadallah Rabah et Benfars Djamel, La glorieuse équipe du FLN (Alger – Bruxelles, ENAL-GAM, 1985), 399 p.
[4] Youcef Fates, Sport et Tiers Monde, (Paris, Presse Universitaire de France, 1994), p. 33.
[5] Youcef Fates, « La jeunesse sportive de Kabylie entre sport et politique », Awal, Cahiers d’études berbères, 25, (2002) : 49-57.
[6] Djamel Boulebier, « L’Algérie au miroir du sport », dans Hassen Remaoun, dir., L’Algérie, histoire, société et culture (Alger, Casbah, 2000), 169.
[7] Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire (1989), la loi n° 89-03 relative à l’organisation et au développement du système national de culture physique et sportive du 14 février 1989.
[8] M’hammed Boukhobza, Octobre 88, évolution ou rupture? (Alger, Bouchène 1991)
[9] Djamel Boulebier, « L’Algérie au miroir du sport », dans Hassen Remaoun, dir., L’Algérie, histoire, société et culture (Alger, Casbah, 2000), 172.
[10] Djamel Boulebier, « Le foot, l’urbain et la démocratie », Insaniyat Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales, 8, (1999) : 62.
[11] Jean-François Bourg, Football business (Paris, Olivier Orban, 1986): 80.
[12] Ahmed Hénia, « Introduction », dans Ahmed Hénia, dir., Être notable au Maghreb. Dynamique des configurations notabiliaires (Paris, Maisonneuve & Larose & IRMC, 2006), 16.
[13] Raffaele Poli et Paul Dieschy, « Football africain entre immobilisme et extraversion », Politique Africaine 102, (2006) : 173-187.
[14] Madina : terme arabe écrit en caractères latins, qui veut dire la ville.
[15] Adnène D., « La bonne santé financière de l’USM Annaba », El Watan, 22 octobre 2006, 26.
[16] Pierre Bourdieu, « L’illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales, 62-63,(juin 1986) : 72.
[17] M. Bozon, Vie quotidienne et rapports sociaux dans une petite ville de province (Lyon, Presse universitaire de Lyon, 1984): 142.
[18] Ahmed Hénia, « Introduction », dans Ahmed Hénia, dir., Être notable au Maghreb. Dynamique des configurations notabiliaires (Paris, Maisonneuve & Larose & IRMC, 2006), 366 p.
[19] Signification des sigles du schéma :
- DJS : Direction de la jeunesse et des sports.
- APW : Assemblée populaire de Wilaya (le département).
- APC : Assemblée populaire communale (la mairie).
- FAF : Fédération algérienne de football, la plus haute instance responsable de l’organisation de la compétition footballistique du pays.
- LNF : Ligue nationale de football, instance responsable de l’organisation de la compétition footballistique au niveau national.
- LRF : Ligue régionale de football, instance responsable de l’organisation de la compétition footballistique au niveau régional.
- Membres de l’AG : membres de l’Assemblée générale du club de football. Ce sont eux qui sont chargés d’élire le comité de direction du club.