«Le Jour du Seigneur vendu à l’encan» : Regard sur la commission d’enquête sur l’observance du dimanche dans les industries de pâtes et papiers du Québec (1964-1966)

Bruno-Pierre Guillette
Université de Québec à Montréal

Résumé : En 1906, le Canada adopte le Lord’s Day Act, qui interdit la production manufacturière le dimanche. En août 1964, le gouvernement libéral de Lesage décrète la création de la Commission d’enquête sur l’observance du dimanche dans les usines de pâtes et papiers du Québec (1964-1966). La majorité des mémoires proviennent des industriels, des syndicats et des groupes religieux. L’objectif de la commission est de déterminer si la production de sept jours est nécessaire pour l’économie et la société québécoise.  À partir de l’analyse des mémoires et des autres documents de la commission, le présent article explique les arguments des partisans et des opposants au repos dominical.

 

Introduction

Cette citation de L’Action donne une bonne idée de la vigueur des débats qui ont eu lieu lors de la Commission d’enquête sur l’observance du dimanche dans les usines de pâtes et papiers du Québec. L’observance du dimanche a intéressé l’ensemble des acteurs sociaux aux XIXe et XXe siècles. Le repos dominical touche évidemment aux questions religieuses, mais heurte directement aussi le monde du travail. L’Église veut offrir des loisirs sains aux ouvriers le dimanche, mais condamne également les entreprises qui forcent les gens à travailler le Jour du Seigneur. Les employeurs considèrent l’interdiction de travailler le dimanche comme une entrave à la liberté de commerce. Les travailleurs, croyants ou non, profitent de cette journée de congé commune pour faire des activités familiales et récréatives. En 1906, le Canada adopte le Lord’s Day Act qui proscrit la production le dimanche. En août 1964, le gouvernement libéral de Lesage décrète la création de la Commission d’enquête sur l’observance du dimanche dans les usines de pâtes et papiers du Québec afin d’abroger l’application du Lord’s Day Act à ce secteur industriel.

L’objectif de la commission est de déterminer si la production de sept jours est nécessaire pour l’économie et la société québécoise[1]. Pour répondre à cette question, plusieurs compagnies, syndicats, travailleurs et intellectuels répondent à l’appel lancé par la commission par les journaux. Les mémoires de la commission Alleyn permettent de mettre en relief une confrontation culturelle à l’intérieur d’un rapport économique de production. Ils éclairent également sur les nouveaux rapports sociaux qui voient le jour en plein cœur de la Révolution tranquille. La loi sur l’observance du dimanche doit-elle être abrogée, et si oui, cela tient-il plus d’un impératif vital ou d’une mesure de favoritisme pour l’industrie? Par le biais de la commission, le gouvernement veut savoir si les requêtes patronales en faveur de la semaine de sept jours sont légitimes.  Cette analyse de discours permet de voir ce qui caractérise l’opinion ouvrière sur la question du dimanche, d’y voir la part prise par les groupes religieux et d’expliquer la position des compagnies.

La commission conclut que, si l’usine n’est pas capable d’atteindre sa production normale en six jours, elle est autorisée à fonctionner le dimanche, à la condition que les travailleurs et le gouvernement ne s’y opposent pas[2]. À première vue, créer une commission d’enquête seulement pour déterminer ce qui relève d’une « nécessité  économique» ou d’un « avantage » pour l’industrie peut sembler fort mince comme objectif, mais cela s’ancre pleinement dans la nature même de la loi sur le dimanche. L’ambivalence du mandat de la commission est tributaire du flou juridique originel de la loi, qui incluait une clause d’exemption pour les travaux jugés nécessaires et les œuvres de charité. L’exemption est déterminée par ce qui est jugé nécessaire pour la population. L’État libéral voit d’un mauvais œil tout ce qui entrave le commerce : l’interdiction de travailler le dimanche en est un bon exemple.

La commission reçoit vingt-six mémoires provenant majoritairement de compagnies, de groupes religieux et de syndicats. Elle siège à Québec et à Montréal en novembre et décembre 1964, puis tient une autre séance en janvier 1965 à Montréal. Le fonds de la Commission royale d’enquête sur l’observance du dimanche dans les industries de pâtes et papiers du Québec se retrouve aux Archives nationales du Québec. À l’intérieur de ces boîtes se côtoient plusieurs types de sources. L’essentiel du corpus reste les mémoires présentés par les groupes. Il y a, à la fois les mémoires écrits et la retranscription des audiences, donc des échanges entre les commissaires et les participants. Ensuite viennent plusieurs études et rapports, dont le rapport préliminaire des commissaires, deux études de faisabilité économique et une dernière étude sur les répercussions sociales, religieuses et familiales du travail le dimanche sur les travailleurs. La commission a des échos dans la presse. La couverture médiatique de celle-ci fait ressortir des données factuelles, qui auraient été difficiles à connaître autrement. Finalement, la très grande majorité des mémoires proviennent des grandes compagnies de pâtes et papiers établies sur le territoire québécois.

À partir de ces documents, qu’est-il possible de faire ressortir par rapport aux partisans et aux opposants de la production continue dans les usines de pâtes et papiers au Québec ? Les débats sur la production continue sont en fait un dialogue de sourds où les deux camps défendent un argumentaire rationnel, mais incompatible. La rhétorique patronale défend la thèse que la prospérité économique entraîne la prospérité collective, tandis que celle des groupes ouvriers et religieux soutient que la quête de profit des entreprises ne garantit pas le bien-être collectif. Il y a donc manifestation d’un conflit culturel qui oppose patrons et ouvriers. Avant d’entrer dans le nœud du problème, un bref historique du dimanche au Canada s’impose. Cette mise en contexte s’ouvrira sur quelques considérations historiographiques. La deuxième partie résumera les positions des différents groupes sociaux qui prennent position à la commission Alleyn.

Le repos dominical au Canada (XVIIIe – XXe siècles)

Remonter aussi loin qu’au XVIIIe siècle pour cet article est justifié par la relative méconnaissance de l’histoire du dimanche et permet d’expliquer pourquoi, en 1964, le gouvernement sent le besoin d’instaurer cette commission. Dès la fin du XVIIIe siècle, les fêtes religieuses entrent en confrontation avec le monde économique. Sous le régime anglais, une réforme du calendrier abolit ou déplace vers le dimanche de nombreuses fêtes populaires et religieuses[3].Au XIXe siècle, les aléas de la production capitaliste font en sorte de pousser les hommes, femmes et enfants à travailler plus longtemps, tout le temps. Les réactions face à ces cadences ne se font pas attendre. Les organisations ouvrières revendiquent le droit de mieux réguler leur temps de travail. Parallèlement, certains groupes religieux décrient sévèrement les « dangers de l’industrialisation », dont la perte du repos dominical. En 1906, lors de l’adoption du  Lord’s Day Act, le Premier ministre Laurier commente la loi et souligne les deux volets qui lui sont rattachés, c’est-à-dire un jour de repos hebdomadaire pour les travailleurs et une caution civile à la loi divine[4]. Le Lord’s Day Act est dès le départ une reconnaissance gouvernementale aux revendications syndicales et religieuses.

Cette satisfaction donnée aux partisans du repos dominical ne doit pas déplaire aux chefs de l’industrie. La loi a donc des exemptions qui autorisent le travail le dimanche dans certains cas. Le Lord’s day Act permet les «travaux jugés nécessaires et les œuvres de charité»[5]. Ce qui veut dire que les services essentiels restent en fonction le dimanche (police, service des postes). Le problème, c’est que la définition du « travail nécessaire » devient très large. Par exemple, pour le cas des pâtes et papiers au Québec, le Lord’s Day Act s’applique généralement de cette façon : la production cesse le samedi à minuit et repart le dimanche à la même heure. Sauf que les activités de réparations et de nettoyage se font le dimanche. En plus, le gouvernement autorise parfois la production le dimanche pour certaines situations ponctuelles. Paul Laverdure dans Sunday in Canada parle d’une « victoire à la Pyrrhus » pour les partisans du repos dominical au Canada[6].

Au XXe siècle, la question du repos dominical au Québec est sujette à des polémiques. Certains membres de l’Église publient brochures et articles. La Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC) tient fermement à l’observance du dimanche jusque dans les années soixante. Quelques grèves dans les années cinquante mettent de l’avant le repos dominical, tel que : la grève de Beauharnois et de Crabtree (Howard Smith Paper Mills) en 1953-1954, la grève de  Shawinigan (Belgo) et de Grand-Mère en 1955,  la grève de Jonquière, de Kénogami et de Riverbend (Price Brothers) l’année suivante[7]. L’exemple de la commission Alleyn sera suivi ailleurs au Canada : le Nouveau-Brunswick tient sa commission d’enquête sur le dimanche en 1966 et l’Ontario en 1970. En 1976, un rapport du gouvernement fédéral recommande l’abrogation de la loi au fédéral pour donner la totalité du pouvoir aux provinces. C’est finalement la Charte des droits et libertés qui aura raison de la loi sur l’observance du dimanche. Obliger les Canadiens à se reposer le dimanche, contrevient à la liberté religieuse[8]. Malgré cette riche histoire, très peu d’historiens se sont intéressés à la question du dimanche au Canada.

Les historiens et le repos dominical

Laverdure s’intéresse aux alliances et aux confrontations religieuses qui ont eu lieu au Canada par rapport au Lord’s Day Act. Ce livre permet de comprendre le contexte politique et religieux d’adoption de la loi de 1906[9]. Il y explique que ce sont les provinces qui déterminent ce qui peut faire partie d’une exemption. Elles adoptent toutes une législation très souple par rapport au travail le dimanche et ainsi affaiblissent considérablement la portée de la loi fédérale. Laverdure termine son analyse dans les années cinquante  par des réflexions sur le sécularisme. Il explique le déclin du respect du repos dominical par trois phénomènes.

Premièrement, les militants pour le repos dominical n’ont pas réussi à passer le flambeau à la génération suivante après la mort de leurs leaders. Deuxièmement, les membres de la Lord’s Day Alliance n’ont pas tenu compte de la diversité religieuse et culturelle du Canada. Par exemple, les Juifs et l’Église adventiste du Septième-Jour considèrent que le véritable Jour du Seigneur c’est le samedi. Cela a amené une division dans le mouvement et un ennemi de plus dans la contestation du Lord’s Day Act. Enfin, la sécularisation a porté un dur coup à l’observance du dimanche. L’État n’avait plus la volonté de punir ceux qui enfreignaient la loi. Laverdure mentionne les conclusions du rapport de la commission Alleyn, mais sans plus. Il reste très collé à la facette politico-religieuse du dimanche, en ne poussant pas cette réflexion vers le monde du travail, comme d’autres historiens l’ont fait.

C’est notamment le cas des travaux de l’Américain William A. Mirola[10], et du Français Robert Beck[11]. Mirola démontre l’unité survenue entre les groupes religieux et les syndicats à Chicago à la fin du XIXe siècle pour le repos dominical et la réduction du temps de travail. Beck pose les différents jalons historiques que connait la question du dimanche dans l’histoire française, mais la force essentielle de son ouvrage est de décrire les différentes représentations sociales du dimanche. Chaque groupe affirme sa singularité de classe par le choix de ses activités. La buvette ou la foire? Le concerto ou le cinéma ? Parfois, les classes se rencontrent dans les mêmes lieux. Le travailleur et sa famille aimaient s’endimancher et parcourir les grandes promenades, ce qui ulcérait les bourgeois, parce que, selon eux, ces endroits leur étaient réservés[12]. Beck fait ressortir les grandes thématiques que recoupe le dimanche. L’historien Alain Corbin s’en inspire pour souligner l’importance du dimanche comme objet d’étude. Il déclare :

 Le cas français montre clairement la richesse du débat suscité par le repos dominical ou hebdomadaire et la confluence des enjeux qui le concernent. La fatigue, la santé, l’usure physique et le rapport à l’environnement se trouvent impliqués. Le repos du dimanche est aussi une affaire de morale. Il sollicite l’anxiété créée par les fléaux sociaux et le risque de dégénérescence.

Les débats qu’il provoque reflètent les grands conflits qui traversent la société : qu’il s’agisse de la lutte anticléricale, de l’action en faveur de la culture populaire, de la défense de la liberté religieuse. Le partage entre la sphère privée et l’espace public, le maintien des formes de sociabilités traditionnelles se trouvent, eux aussi, impliqués. En bref, voilà un débat qui mêle inextricablement les enjeux politiques de portée nationale, les intérêts catégoriels et ce qui relève, au plus profond, de la culture du temps[13].

Ce texte de Corbin porte sur l’histoire de France, mais reste valable pour l’ensemble des pays chrétiens. Beck démontre toute l’importance du dimanche pour les classes populaires. Corbin mentionne que le dimanche renvoie à la « culture du temps». Le dimanche porte autant des principes religieux que profanes, qui mutent au rythme de la trame historique générale. D’ailleurs, plusieurs éléments soulevés par Beck et Corbin se manifestent dans les mémoires de la commission Alleyn.

Observance du dimanche  et libéralisme économique

Avant d’aborder le discours patronal, une présentation sommaire des acteurs du gouvernement s’impose. Faute de sources significatives, cette démonstration sera succincte. La commissionest présidée par le juge Richard R. Alleyn. Il fut bâtonnier du Québec en 1944[14]. Alleyn est accompagné par le secrétaire Ross Goodwin, admis aux Barreaux du Québec en 1962[15]. Deux commissaires secondent Alleyn dans sa tâche : Jean-Paul Geoffroy et Robert M. Fowler. L’Action du 10 décembre 1964 nous apprend que Jean-Paul Geoffroy est un avocat de formation qui travaille comme conseiller juridique pour la CTCC-CSN et que Robert M. Fowler est le président de l’Association des Producteurs de Pulpe et Papier du Canada[16]. Il est aisé de voir que les deux assistants d’Alleyn expriment la volonté d’afficher une impartialité à la commission. L’Action du 27 août 1964 mentionne que le budget de la commission est de 50 000 milles dollars. La commission a en théorie six mois pour organiser les séances et remettre son rapport[17]. Dans les faits, le rapport final fut remis deux ans plus tard, en 1966. Cela s’explique par la demande de la CSN de faire des études plus approfondies pour vérifier les arguments économiques patronaux et l’impact du travail le dimanche sur les travailleurs et leurs familles[18]. Ces études seront effectivement réalisées et justifient la prolongation du mandat de la commission.

Cette extension ne semble nullement plaire au Premier ministre Lesage. En janvier 1965, il résume le rapport intérimaire du commissaire Alleyn en chambre. Ses propos portent essentiellement sur l’établissement au lac Quévillon d’une usine de la DomTar, projet de 60 millions de dollars. Les machines de cette usine ne peuvent que fonctionner en continu. Selon Lesage, cela relève d’une nécessité technique et sa construction n’est donc pas contraire à la loi fédérale sur le dimanche. Le projet ne doit pas attendre une permission spéciale du gouvernement[19]. Le mois suivant Lesage lit une lettre de Richard Alleyn qui lui signifie de ne pas retarder le chantier davantage[20]. Daniel Johnson aimerait discuter de la question, mais Lesage coupe court à toute discussion. Maurice Bellemare[21], député de l’Union nationale, se permet tout de même ce commentaire : «le Premier ministre se sert-il présentement de cette commission comme écran de fumée pour permettre un travail défendu le dimanche»[22]? Lesage ne répond pas. Le 23 février 1965, le Premier ministre décrète un arrêté ministériel qui prolonge le mandat de la commission jusqu’au 1er décembre 1966, sans autre explication[23]. Ce retournement de situation est curieux, apparemment le gouvernement accepte la demande de la CSN.

Les compagnies et l’observance du dimanche

La majorité des mémoires provient des compagnies : sur un total de 26 mémoires, 15 sont présentés par des papeteries, incluant celui du Conseil des producteurs de pâtes et papiers[24]. Ils ont tous une position commune pour la production continue et avancent tous les mêmes arguments. Il sera donc aisé de les résumer ici, afin de mettre davantage en relief la position des partisans du repos dominical. Mais d’abord, expliquer l’importance du secteur des pâtes et papiers au Québec est impératif pour démontrer l’envergure de l’enjeu.

L’exploitation des ressources minières et forestières forme à elle seule l’ossature de l’économie québécoise pour une bonne partie du XXe siècle. Grâce à son bois, le Québec peut participer pleinement à l’explosion de la production du papier journal qui éclot à la fin du XIXe siècle. L’exportation canadienne vers les États-Unis est énorme et le Québec en est l’un des principaux fournisseurs. En 1929, le produit du papier occupe le deuxième rang pour l’ensemble des secteurs de la production manufacturière au Québec et le 4e rang pour les produits du bois[25]. Les produits du papier glissent au 4e rang pendant la Deuxième Guerre mondiale, devancés par les secteurs en demande pour la production de guerre tels que les aliments et les boissons, le textile et l’industrie du fer et de l’acier. En 1959, les produits du papier reprennent la deuxième place juste derrière l’industrie alimentaire[26]. L’industrie papetière est importante pour l’économie québécoise, plus particulièrement pour les différentes économies régionales où les usines sont généralement installées. Deuxièmement, cette industrie crée énormément d’emplois indirects. Les compagnies de pâtes et papiers représentent donc un interlocuteur de taille.

Même si les différentes usines de pâtes et papiers ont un avis identique, il est impossible de soutenir qu’elles sont homogènes car plusieurs traits les distinguent : par la différence structurelle de leur entreprise, par la nature de leur production et par la concurrence qu’elles se font entre elles. Les compagnies se spécialisent dans  la production de papier journal, du carton ou du papier fin. Les détenteurs de capitaux sont canadiens ou américains. Les usines sont fédérées dans des trusts ou des holdings alors que d’autres fonctionnent de façon autonome. Ces différences s’estompent devant la question du dimanche où leurs intérêts deviennent communs. Elles réclament unanimement la production continue pour pouvoir produire le dimanche, comme le font les autres usines ailleurs au Canada et dans le monde.

Les compagnies présentent de nombreuses statistiques pour appuyer leur dire. Domtar fait la comparaison entre une usine québécoise qui fonctionne six jours et une autre en Ontario, qui produit en continue. Les bénéfices de l’usine ontarienne avoisinent les 4%, de plus que celle du Québec[27]. Les compagnies mentionnent également les nombreux « avantages » pour les employés quant à la réduction du chômage et aux possibilités de promotion dans l’entreprise. À partir de ces données, deux arguments majeurs, interdépendants, expliquent l’opposition des entreprises. Ceux-ci se rapportent à la réalité technique du fonctionnement des machines et à l’impact de celle-ci sur la situation macroéconomique, essentiellement la concurrence internationale.

Sauf exception, la majorité des compagnies de pâtes et papiers d’Amérique et d’Europe produisent le dimanche[28]. Une journée de production de moins par semaine place l’industrie papetière du Québec dans une situation désavantageuse à long terme. Cette situation pousse même certains entrepreneurs à déclarer leurs réticences à moderniser leurs usines ou à en construire d’autres sur le territoire québécois. La déclaration du Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec ne pourrait pas être plus claire : « il est peu vraisemblable que de nouvelles usines se construisent au Québec si l’on refuse les opérations continues»[29].

Pourtant, dans les faits, les investissements vont bon train. DomTar augmente ses bénéfices de 27% en novembre 1964[30] et annonce la construction d’un centre de recherche à Montréal deux ans plus tard[31]. E.B. Eddy investit 10 millions dans ses infrastructures en 1964[32] et installe une nouvelle machine en 1966[33]. En janvier de la même année, le Premier ministre Lesage visite l’usine de la Compagnie Rolland, lors de l’inauguration d’une machine de 7,2 millions de dollars[34]. Toujours en 1966, la Canadian International Paper bâtit une nouvelle pulperie dans la péninsule gaspésienne, même chose pour la Gaspesia Pulp and Paper. Cette dernière coûtera 18 millions à bâtir[35].  L’ensemble de ces annonces survient avant le dépôt des recommandations finales de la commission.

Le second désavantage est d’ordre technique : les machines servant à produire la pâte ne sont tout simplement pas conçues pour arrêter. Elles sont faites pour la production   continue, et le stoppage leur est néfaste. De plus, il faut quelques heures avant que la pâte produite soit d’une qualité convenable pour être utilisée. Il y a donc une double perte de production. En énumérant seulement les arguments d’ordres techniques et économiques, les entreprises ne soulignent que les éléments qui sont en leur faveur, ce qui est logique et de bonne guerre. De plus, elles respectent à la lettre le mandat pointu de la commission. Les groupes ouvriers et religieux, quant à eux, font ressortir davantage la dimension sociale du travail le dimanche, ce qui forcera la commission à élargir d’elle-même son mandat.

Culture populaire, sociabilité et religion

Il peut sembler anachronique de se questionner sur le dimanche en 1964 alors que le Québec est en pleine Révolution tranquille, temps de « modernisation » et de « déchristianisation ». La commission Alleyn est inconnue de plusieurs et fut marginalisée par les grandes commissions ou réformes (Code du travail, Commission Parent) de l’époque par l’historiographie. Pourtant, elle est abondamment citée pendant les commissions sur le dimanche tenues en Ontario et au Nouveau-Brunswick. L’abolition du travail dominical n’y fut nullement promue, au contraire, la volonté de réinventer le dimanche en promouvant une journée de congé commune pour tous est défendue autant en Ontario, au Nouveau-Brunswick que devant la commission Alleyn. Pour les trois provinces, trois groupes s’opposent systématiquement à la production continue : les syndicats, les groupes religieux et les ouvriers. Ce sont ces derniers qui subissent directement les horaires de travail.

Les machines fonctionnent sans arrêt et les travailleurs se partagent trois  quarts de travail de 8 heures. Pour respecter le Lord’s day Act les machines s’arrêtent le samedi à minuit pour repartir le lendemain à la même heure. Les équipes de jour, de soir et de nuit s’alternent. La fréquence du roulement n’est pas uniforme pour chaque usine. Le travailleur dans l’industrie papetière, selon la Gazette du Travail, travaille en moyenne 41,5 heures par semaine[36], ce qui est très près de la moyenne de  40,8 heures par semaine pour l’année 1963 dans le domaine manufacturier au Canada[37]. Règle générale, le travail le dimanche est rémunéré à « temps et demi ». Pour motiver le travailleur à aller à l’usine le dimanche, il faut le payer davantage que pour les autres jours. Cette mesure incitative démontre le sens particulier conféré à cette journée par l’ouvrier. Une des critiques contre la production continue, c’est qu’elle étend au dimanche les horaires de travail de la semaine. Cela est présent dans tous les mémoires des partisans du repos dominical.

La Fraternité des travailleurs des pâtes et papiers (FTQ)est en faveur de la production continue, pour garder l’industrie québécoise compétitive sur le marché international. Cela témoigne davantage d’une concession faite aux impératifs économiques qu’une nette volonté d’abolir le repos dominical. Fait intéressant, ce syndicat parle d’usines en Colombie-Britannique où les travailleurs qui fonctionnent en continu ne veulent plus revenir à la production de six jours[38], mais n’élabore pas davantage sur les causes de cette attitude. L’Union des Ouvriers du Papier, syndicat concurrent de la FTQ et de la CSN,  conteste d’ailleurs la légitimité de cette position, qui selon elle, s’est faite en catimini, par l’exécutif, «passant outre la résolution passée par la majorité de ces membres»[39].

Quant à la CSN, elle produit un mémoire, fait en collaboration entre son exécutif national et celui de la Fédération nationale des pâtes et papiers. L’argumentaire syndical contre la production du dimanche se résume à ceci : la production le dimanche est dommageable pour l’ouvrier et sa famille et, pour améliorer la productivité de l’entreprise, il faut améliorer la technologie et moderniser les usines. Ces mesures vont permettre de pallier l’écart dans la production, sans mettre en péril le repos dominical. Les syndicats réclament le droit à une journée de repos commune pour tous et invoque la résolution du Bureau international de Genève prise en 1921[40]. Ils soulignent que la prospérité économique n’est pas garante de la prospérité sociale du plus grand nombre et que la production du dimanche affecte la qualité de vie des travailleurs.

Trois groupes religieux se présentent à la commission; le Conseil Sacerdotal d’Études Sociales, La Ligue du Dimanche et son équivalent anglophone, la Lord’s Day Alliance. Ces deux dernières existent depuis la fin du XIXe siècle et Laverdure en traite abondamment; c’est particulièrement grâce au lobbying de la Lord’s Day Alliance que la loi de 1906 fut adoptée. Le Conseil Sacerdotal d’Études Sociales est l’aile progressiste de l’Église catholique au Québec à ce moment. Ces groupes religieux soulignent évidemment l’importance du Jour du Seigneur pour les chrétiens et ce qu’il représente pour ceux-ci. Mais leurs mémoires n’axent pas seulement sur le seul caractère religieux du dimanche, ils traitent également de son utilité sociale.

On y parle de l’importance d’une journée de repos commune pour tous consacrée aux activités sociales, en particulier pour la famille et la paroisse. Les groupes religieux dénoncent l’envahissement de la logique capitaliste dans toutes les sphères de la société. Consacrer une journée par semaine à Dieu, sa famille et à la paroisse n’est pas un luxe, mais une nécessité sociale garantissant la survie des liens de la communauté. Seule une journée de repos commune pour tous peut le permettre.

Le message des groupes religieux cautionne la position de Jean XXIII qui, dans l’encyclique Mater et Magistra (15 mai 1961) défend le repos dominical[41], appel suivi par le cardinal Léger dans ses Commentaires sur l’encyclique Mater et Magistra publié l’année suivante[42]. Léger déclare devant la chambre de commerce de Montréal :

On ne peut jamais accepter que le repos et la sanctification du dimanche soient méprisés pour des raisons d’un ordre inférieur, comme le simple rendement industriel, la dépréciation que subissent des machines inactives ou les gains accrus d’un contrat plus vite exécuté. L’homme n’est pas fait pour le rendement, la machine et l’argent, mais toutes ces choses lui ont été données pour qu’il s’en serve à son profit et à la gloire de Dieu. Le sort que la société moderne réservera au dimanche sera la mesure de sa vitalité spirituelle et de la maîtrise qu’il exercera sur les techniques qu’il a développées[43].

Cette position est également soutenue par les groupes ouvriers où l’influence de la doctrine sociale de l’Église et du personnalisme est palpable[44]. C’est notamment Alfred Charpentier, ancien pilier du syndicalisme québécois, qui écrit le mémoire de la Ligue du dimanche. La position religieuse sur le dimanche est plus transcendantale que la position ouvrière. Ses exemples sont tirés davantage d’exemples concrets, beaucoup moins théoriques que les thèses avancées par les clercs. À ces organisations s’ajoute un autre groupe important, les principaux intéressés par le travail le dimanche: les «simples» travailleurs.

Le discours du mouvement ouvrier n’incarne pas nécessairement l’opinion ouvrière. Les syndicats ont ouvertement des objectifs politiques, donc, par soucis tactiques, ils se doivent d’avoir des revendications claires et réalisables. Cela n’est pas le cas des salariés, qui donnent accès à un plus large éventail d’idées que les syndicats. Malheureusement, les classes populaires laissent rarement de traces. Les méandres des tavernes et des soupers de famille ne sont pas répertoriés aux archives. Heureusement, mon corpus de sources me permet d’accéder, ne serait-ce que partiellement, aux opinions ouvrières grâce à l’étude réalisée par Jacqueline C. Massé, sociologue de l’Université de Montréal.

Cette étude est réalisée à la demande des commissaires, sous la recommandation de la CSN. Le rapport s’intitule Travailleurs de la production : leurs caractéristiques sociales et leurs opinions sur l’organisation de leur vie de travail et de loisir. (1965). L’échantillon de Massé se compose de 248 travailleurs des pâtes et papiers et de l’aluminium. Son étude porte sur la perception des travailleurs par rapport au travail le dimanche. Les données qu’elle obtient sont unanimes : « les travailleurs voient une interférence du travail dominical dans divers domaines de leurs vies individuelle, familiale, sociale, culturelle et religieuse »[45], « 73 % trouvent que le travail le dimanche les entraîne à négliger la pratique de la religion », « 97 % trouve que la production continue est ennuyante pour leur femme et leurs enfants »[46], « 89 % des travailleurs trouvent que cela désorganise leur vie quotidienne », 76 % disent que « le dimanche leur appartient »[47]. Le dimanche est la seule journée où l’horaire n’est pas déterminé par l’employeur, où le travailleur est libre de gérer son temps. Ce dernier sentiment cautionne la thèse de Beck. Pour  la résumer, l’une des caractéristiques du dimanche des classes populaires est d’affirmer sa singularité et son autonomie par rapport au dimanche bourgeois et religieux par la pratique d’activités propres à leurs groupes[48].

Cette volonté de distinction des ouvriers englobe consciemment ou non une critique du système de production, en dénonçant l’envahissement de la logique du capitalisme dans tous les espaces de la vie quotidienne. En ce sens, cela corrobore la thèse du philosophe Henri Lefebvre  qui soutient que «c’est dans la quotidienneté hors travail que se forme l’attitude envers le travail»[49]. Je termine cette section par le commentaire de Gilles Hébert, travailleur et représentant du syndicat de Trois-Rivières, qui cite, mots pour mots, la lettre du curé Villeneuve de Trois-Rivières. Hébert déclare devant les commissaires :

Le repos du dimanche est nécessaire à la famille : la vie familiale…on pourrait en dire autant de la vie sociale…est déjà assez bouleversée par le travail par rotation d’équipes sans l’anéantir complètement. Vous pourriez demander aux épouses et aux enfants de ces travailleurs ce qu’ils en pensent. Le repos du dimanche est nécessaire à l’individu lui-même afin de réserver au Seigneur ce temps fixe dont son âme a besoin, de pouvoir se détendre, de se recréer en même temps que l’ensemble de la population. Un séjour dans certaines parties de l’Europe et de l’Amérique du Sud nous convainc facilement de la nécessité du dimanche. L’homme n’est pas une machine que l’on graisse et remet en fonction, monsieur le Juge, c’est un être humain qui a des devoirs envers sa famille et envers Dieu. Faudra-t-il que l’homme devienne l’esclave des machines qu’il a inventées[50]?

Conclusion

Les thèses des mémoires démontrent un véritable dialogue de sourds entre les partisans et les opposants à la production le dimanche. Le discours des syndiqués permet de voir qu’une forme de culture religieuse ne fut nullement expulsée des mœurs dans les premières années de la Révolution tranquille, et ce, même parmi les syndicats laïques. Cela répondait à un besoin autre que strictement spirituel. Certains groupes catholiques véhiculaient des valeurs sociales profondément ancrées chez les travailleurs (famille, repos, sociabilité). Ces valeurs entrent en confrontation avec la rhétorique strictement productiviste et de laisser-faire du patronat. L’identification de ces deux rationalités permet de cerner deux groupes d’idées qui ont façonné la Révolution tranquille et les années subséquentes. Entre un courant qui met la personne avant le besoin d’une économie compétitive et un autre pour qui la prospérité des individus passe par le déploiement du libéralisme économique. La rhétorique des compagnies s’harmonise avec la pensée dominante de la grande industrie à cette époque : rien ne doit entraver le commerce.

L’amélioration du rendement passe par la perte de contrôle du travailleur sur ses propres cadences de travail et l’élimination du «temps mort», cela a pour conséquence qu’au «lieu de diriger les outils, les travailleurs deviennent les appendices des machines»[51]. Le travail le dimanche est un moyen évident de tuer 24 heures inutiles et consacre la perte du contrôle ouvrier sur son emploi du temps. Le congé ouvrier est donné par l’entreprise, tandis que le repos dominical est déterminé par la tradition et les salariés.

Les travailleurs et leurs familles soutiennent le repos dominical. Une fermeture d’usine en région peut être catastrophique et défendre le repos dominical au prix de perdre son emploi, démontre l’attachement de ceux-ci pour cette question. L’historien français Robert Muchembled soutenait dans Culture populaire et culture des élites que la naissance et la consolidation du pouvoir central à l’ère moderne tuèrent la « culture populaire ancienne »[52]. Les travaux de l’historien britannique E.P. Thompson, que se soit dans La formation dessss la classe ouvrière anglaise ou dans Temps, discipline de travail et capitalisme industriel, mettent en relation cette culture de l’élite montante et cette nouvelle culture populaire en mutation sous l’impact de l’industrialisation. En accord avec ces historiens,  la commission Alleyn est un bel exemple pour constater la volonté du pouvoir de réguler les mœurs populaires, en voulant l’harmoniser au courant de la pensée dominante.

Là où la culture populaire ancienne fut annihilée par le pouvoir central, la culture populaire issue de la Révolution industrielle fut absorbée par le marché. À la lecture du dernier rapport de la commission Alleyn, il est impossible de ne pas remarquer que des d’industriels; généralement anglophones et protestants, veulent imposer un mode de fonctionnement dans la production, à une majorité de salariés, généralement catholiques et francophones, qui ne veulent rien savoir de cela. Il s’agit d’une attaque contre un mode de vie, qui dépasse largement les querelles sur les conditions de travail. Habermas soutient que malgré l’absence d’une lutte de classe ouverte, une antinomie de classe subsiste et se manifeste sous forme de «traditions subculturelles» et d’«habitudes de vie»[53]. Protéger le repos dominical pour conserver son attachement à une communauté, concorde pleinement avec la thèse d’Habermas. Pour avoir une cohésion à l’intérieur d’un groupe social, il faut tout d’abord que celui-ci ait ses lieux de rencontres réguliers, habitudes de vie qui mènent à l’entraide et à la solidarité.

Références

[1] Richard R. AAlleyn. Rapport de la Commission d’enquête sur l’observance du dimanche dans les industries de pâtes et papiers (Québec, Gouvernement du Québec, 1966) 12.

[2] « Le travail le dimanche dans les usines de pâte à papier et les fabriques de papier du Québec ». La Gazette du Travail. 1966. vol. LXVI, 369.

[3] Ollivier Hubert, «Beaucoup de bruit pour quelques fêtes. Pourquoi, en 1791, une réforme du calendrier des fêtes suscita la passion ». Études d’histoire religieuse : Société canadienne d’histoire de l’Église catholique. vol. 60, 1994, 107.

[4]  Cité dans Patrick E. Hart, Rapport sur l’observance du dimanche. Ottawa, Gouvernement du Canada, 1976, 17.

[5] Cité dans Paul Laverdure, Sunday in Canada: The rise and falls of the Lord’s Day (Yorkton, Gravelbooks, 2004):198-199.

[6] Ibid., 45.

[7] Gilbert Vanasse, Histoire de la Fédération des travailleurs du papier et de la forêt (CSN). Tome 1 (1907-1958) (Montréal, Saint-Martin. 1986) : 240-266.

[8] RESSOURCES HUMAINES ET DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES CANADA. Législation en matière de normes d’emploi au Canada. Fermeture du dimanche et périodes de repos hebdomadaires : Historique et situation actuelle. 21 juin 2006. http://www.rhdcc.gc.ca/fra/pt/psait/rltc/lmnec/01Legislation_en_matiere_de_normes_d_emploi_au_Canada.shtml

[9] P. Laverdure, Sunday in Canada…,  op. cit., 253 p.

[10] William A Mirola, « Shorter Hours and the Protestant Sabbath: Religious Framing and Movement Alliances in Late-Nineteenth-Century Chicago ». Social Science History, 23, 3 (Aut. 1999) : 395-433.

[11] Robert Beck, Histoire du dimanche de 1700 à nos jours (Paris, Les Éditions de l’Atelier, 1997).

[12] L’exemple le plus probant de cette asocialité bourgeoise au Québec est incarné par l’entrée du Mont-Royal. La porte principale de la montagne se situe à l’ouest, pendant très longtemps il n’y avait aucun accès sur le versant est, précisément pour restreindre la venue des classes populaires. Michelle DAGENAIS. «Entre tradition et modernité : espaces et temps de loisirs à Montréal et Toronto au XXe siècle». The Canadian Historical Review, vol. 82, no 2 (juin 2001), 312.

[13] Alain Corbin,, L’avènement des loisirs (1850-1960) (Paris, Flammarion, 2004) :297-298.

[14] BARREAU DU QUÉBEC. Galerie des bâtonniers et bâtonnières du Québec. http://www.barreau.qc.ca/quebec/1/7/1_7_10.asp  

[15]COUR D’APPEL DE LA COUR MARTIALE DU CANADA. http://www.cmac-cacm.ca/bios/goodwin_f.shtml

[16] Robert Giroux, «Les papeteries sont unanimes à demander la semaine de 7 jours».  L’Action. 10 décembre 1964, 26.

[17] Roger Bruneau, « Commission d’enquête sur la nécessitée du travail le dimanche ». L’Action. 27 août 1964, 20.

[18]  Commission Alleyn. Mémoire de la CSN (Montréal, 21 janvier 1965), 67.

[19]Débats de l’Assemblée législative du Québec. Mardi 26 janvier 1965, 32.

[20]Cette usine du lac Quévillon sera construite en 1975. DOMTAR.

http://www.domtar.com/fr/investisseurs/information/550.asp

[21] Il est intéressant de noter que  le père du député Bellemare fut contremaître dans une papeterie à Grand-Mère, et il fut lui-même mesureur de bois dans une usine de pâtes et papiers de 1935 à 1938. ASSEMBLÉE NATIONALE DU QUÉBEC. http://www.assnat.qc.ca/fra/membres/notices/b/bellma.htm

[22] Débats de l’Assemblée législative du Québec. Mercredi 10 février 1965, 454.

[23] Ibid. Mardi 23 février 1965, 730.

[24] Voici la liste des compagnies participantes : Anglo-Canadian Pulp and Paper Mills, Bathurst Paper, Building Products of Canada, Canadian Glassine Company, Canadian International Paper Company, Compagnie de Papier Rolland, Conseil des producteur de pâtes et papiers du Québec, Consolidated Paper Corporation, Dominion Tar and Chemical Company, E.B. Eddy Company, Gaspesia Pulp and Paper Company, Price Brothers and Company, Québec North Shore Paper Company, Richmond Pulp&Paper Co. Of Canada, Scott Paper, Ste-Ann Paper Company.

[25]Chiffres provenant de Marc Vallières, Les industries manufacturières du Québec 1900-1959 (M.A. Histoire. Université Laval, 1973) :171-173. Cité dans Linteau, Durocher, Robert, Ricard, Histoire du Québec contemporain : Le Québec depuis 1930 Tome II (Montréal, Boréal, 1989), 30.

[26] Ibid., 240.

[27] Mémoire de la DomTar, 9.

[28] Il est important de souligner que le repos dominical touche directement à la durée du travail. Le Canada et la France sont les seuls pays, cités à la commission, qui ont une loi qui régule le travail le dimanche encore active dans les années soixante. Les pays scandinaves, les États-Unis et l’Angleterre ont abandonné la loi sur le dimanche, mais réglementé fermement le temps de travail au milieu du XXe siècle. Ce n’est nullement le cas au Canada, encore moins pour le Québec. Le Canada vote la semaine de 40 heures et la journée de 8 heures en 1975. Le Québec adopte la semaine de 40 heures en l’an 2000. Il est possible de penser que l’abandon de la revendication du repos dominical s’explique peut-être par l’assurance de ne pas travailler plus de 40 heures par semaine, ce qui n’était pas le cas pour le Québec, où le repos dominical restait l’une des seules mesures législatives pour réguler la durée du travail. Les autres provinces canadiennes avaient obtenu majoritairement dans l’entre-deux-guerres la semaine de 40 heures et la journée de 8 heures. Au Québec, les ouvriers spécialisés et les employés du gouvernement bénéficiaient aussi de ces conditions, mais sans un dépouillement complet des conventions collectives il est difficile de déterminer la proportion des travailleurs qui ne pouvait pas travailler au-delà de cette limite sans obtenir, pour ces heures excédentaires, une rémunération supplémentaire. Pour en savoir plus, voir Louise-Hélène GUIMOND. La durée hebdomadaire du travail : Aspects juridiques au Canada, au Québec et en France. Montréal, M.A. en droit social et du travail. UQAM, 2000.

[29] Commission Alleyn. Commentaires du Conseil des producteurs de pâtes et papiers du Québec sur le mémoire de la CSN (Montréal, 21 janvier 1965), 7.

[30] Le Devoir, 2 novembre  1964, 20.

[31] Industrial Canada, Novembre 1966, 64.

[32] Le Devoir, 27 novembre 1964, 3.

[33] Industrial Canada, Janvier 1966, 68.

[34] Ibid., Janvier 1966, 69.

[35] Ibid., Décembre 1966, 47.

[36]  « Heures et gains par Industrie. » La Gazette du Travail. Vol. LXIV. Tableau C-5. Ottawa, Ministère du Travail, 1964, 1223.

[37] BUREAU INTERNATIONAL DU TRAVAIL. Annuaire des statistiques du travail. Genève, 24e éd., Tableau 13, 286.

[38] Commission Alleyn. Fraternité des travailleurs des pâtes et papiers (Montréal, 21 décembre 1964), 20.

[39]Relevé supplémentaire présenté par le local 163 UPP à la Commission royale d’enquête sur le travail le dimanche dans les usines de pâtes et papier du Québec, 5.

[40] Pour plus d’informations, voir les débats de la Commission sur le repos hebdomadaire dans le  deuxième volume  de la Conférence Internationale du Travail. Genève, 3e session. 1921.

[41]  Jean XXIII. Site Internet du SAINT-SIÈGE. Mater et Magistra.  http://www.vatican.va/holy_father/john_xxiii/encyclicals/documents/hf_j-   xxiii_enc_15051961_mater_fr.html

[42] Cardinal Paul-Émile LÉGER, Commentaires sur l’encyclique Mater et Magistra. Fides (Montréal, 1962), 20.

[43] Ibid., 11.

[44] Simon LAPOINTE. «L’influence de la gauche catholique française sur l’idéologie politique de la CTCC-CSN de 1948 à 1964». Revue d’histoire d’Amérique française, vol. 49, no.3 (1996) 331-356.

[45] Jacqueline C. Masé, Travailleurs de la production: leurs caractéristiques sociales et leurs opinions sur l’organisation de leur vie de travail et de loisir (Université de Montréal. Novembre 1965), 66.

[46] Ainsi qu’indirectement de leurs familles et plus particulière de la position des femmes sur le dimanche, qui sans l’étude  Massé, aurait été impossible à connaître.

[47] Ibid.: 61-62.

[48] Robert Beck, Histoire du dimanche…, op.cit,219.

[49] Henri Lefebvre, Critique de la vie quotidienne: Fondement d’une sociologie de la vie quotidienne. Tome II (Paris, L’arche éditeur, 1961), 74.

[50] Commission Alleyn, L’Union des Papetiers et Ouvriers du Papier de Trois-Rivières. 10 décembre 1964, Québec :257-258.

[51] Michel Aglietta, Régulation et crises du capitalisme (Paris, Odile Jacob, 1997), 134.

[52] Robert Muchembled, Culture populaire et culture des élites dans la France moderne (XVe-XVIIIe siècle) (Paris, Flammarion, 1978), 390.

[53] Jürgen Habermas, La technique et la science comme «idéologie» (Paris, Gallimard, 2005 [1973]), 52.