Le seigneur-marchand canadien Joseph Drapeau est le premier millionnaire canadien-français sous le régime anglais. Fils de cultivateurs, né en 1752 sur une terre de 90 arpents à la Pointe-Lévy dans la seigneurie de Lauzon, il connaît une ascension socioéconomique remarquable au cours de sa vie. Son élévation dans la société commence au début des années 1770 alors qu’il s’installe à la basse ville de Québec. Il est d’abord commis chez un marchand de provision, puis marchand général à son compte à la Place du marché[1] . Au cours de cette décennie, il sert dans la milice au moment de l’invasion américaine de 1775-1776 et œuvre, notamment, dans le domaine de l’hôtellerie et de la vente de spiritueux. Le 14 octobre 1782, il épouse Marie-Geneviève Noël, la fille de Jean-Baptiste Noël, seigneur de Tilly, Bonsecours et La Chesnaye. Cette union matrimoniale apporte un imposant capital à la communauté de biens de Joseph Drapeau en plus de l’introduire à la réalité de l’administration seigneuriale de la vallée du Saint-Laurent[2]. Il devient le gendre d’un seigneur, puis sept ans plus tard, seigneur lui-même.
Entre 1789 et 1805, Drapeau fait l’acquisition de 20 seigneuries ou portions de seigneuries. Ses activités commerciales, quant à elles, débordent rapidement la basse ville de Québec. Il multiplie les ententes et échanges avec des marchands de la haute ville de Québec, de Rimouski, de la Baie-Saint-Paul, de Kamouraska, de la rivière Ouelle, de Montréal et autres zones périphériques de la vallée du Laurent. Il œuvre dans la vente au détail, l’hôtellerie, le commerce esclavagiste, la commercialisation du secteur agricole, la construction navale, l’immobilier et fait crédit à une partie de sa clientèle. À partir de 1799, le seigneur-marchand commerce même directement avec l’Europe à bord de l’un de ses nombreux bateaux, le « General Prescott ». Il fera des voyages commerciaux à Halifax, Liverpool, Bristol, Londres et Lisbonne. Dans les deux dernières années de sa vie, il entame sa carrière en politique. Il est élu en 1809, puis réélu député en 1810 pour le parti canadien dans la circonscription de Northumberland[3]. Il s’agit cependant d’une présence éphémère dans la sphère politique du Bas-Canada puisqu’il décède le 3 novembre de l’année suivante à l’âge de 58 ans et six mois[4]. L’ascension de Joseph Drapeau est singulière. À cette époque, bien que l’hétérogénéité caractérise la paysannerie canadienne[5], les chances que la richesse s’accumule entre les mains de cette paysannerie étaient relativement faibles en raison des « charges féodales et des restrictions en matière de propriété terrienne [qui pesaient] de tout leur poids contre une telle formation du capital[6] ».
Dans l’optique de rendre compte de la mobilité sociale d’un individu, il est pertinent, voire nécessaire, d’être au fait de ses origines. Cela permet d’établir des bases qui contribueront à la reconstitution d’un portrait plus représentatif de son élévation dans la société, tant sur les plans sociaux qu’économiques. En ce qui concerne les premières années de la trajectoire de Joseph Drapeau, qui débute en avril 1752[7], peu de sources sont disponibles. Le Fonds Joseph et Marie-Geneviève Drapeau ainsi que la Collection Drapeau issue du Fonds Famille Tessier, qui sont centraux pour étudier cet individu, sont surtout constitués de documents qui relatent les activités économiques de Drapeau dans la société canadienne au cours des décennies postérieures à 1790[8]. Les sources qui composent ces corpus correspondent à la période adulte de son parcours et, plus précisément, aux deux dernières décennies de sa vie. Qu’en est-il toutefois des premières années de son existence? Qui sont les membres de sa famille? Dans quelles conditions socioéconomiques a-t-il grandi? Quelles étaient les réalités régionales, dans le contexte de la guerre de Sept Ans, auxquelles Drapeau et sa famille ont dû faire face? Il s’agira d’apporter des réponses à ces différents questionnements afin de reproduire un portrait cohérent, entre l’avéré et le plausible, des origines de Joseph Drapeau.
Les origines « modestes » de Joseph Drapeau
Dans certaines études de cas, les chercheurs et chercheuses n’ont aucun document sur lesquels s’appuyer pour reconstituer un portrait des origines de l’individu et de sa famille. Ce fut le cas de Maude Flamand-Hubert qui, dans ses travaux sur Louis Bertrand, a dû reléguer les origines de ce seigneur à ce qui est de « l’ordre du mystère[9] ». D’autres, comme Alain Corbin, ont démontré qu’il est même possible d’écrire l’histoire d’un « inconnu[10] ». Dans le cas de Joseph Drapeau, bien que les sources qui nous informent sur les premières années de sa vie n’abondent pas, elles ne sont pas inexistantes. En combinant les informations disponibles sur la famille Drapeau dans les registres de l’État civil et les actes notariaux – contrats de mariage, inventaires après-décès, achats et ventes de terres, quittances, obligations – issus des greffes de notaires référencés par Parchemin[11], il est possible de répondre aux questions préalablement posées. Ainsi, ces sources nous permettent de couvrir les années 1752 à 1770, qui correspondent respectivement à l’année de naissance de Drapeau jusqu’à celle de son départ pour la basse-ville de Québec. Il s’agit de la période durant laquelle il résidait avec les membres de sa famille qui exploitait les 90 arpents de terre qu’elle possédait dans la seigneurie de Lauzon[12]. Céline Cyr et Pierre Dufour, dans la biographie qu’ils ont rédigée sur Joseph Drapeau en 1983 dans le cinquième volume du Dictionnaire biographique du Canada (DBC), écrivent que les origines de ce dernier sont « modestes[13] ». Voyons ce qu’il en est.
Joseph Drapeau est né au Canada huit ans avant la fin du régime français. Sa biographie affirme qu’il serait né le 13 avril 1752[14]. Cette information est réfutée dans le Programme de recherche en démographie historique (PRDH). La naissance de Drapeau se serait plutôt produite la veille de cette date, soit le 12 avril 1752[15]. En fait, la date évoquée dans le DBC correspond à celle de son baptême[16]. L’acte original atteste de cette nuance[17].
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Figure 1 : Acte de baptême de Joseph Drapeau, St-Joseph de Lauzon, 13 avril 1752
Source : Généalogie Québec, Acte de baptême de Joseph Drapeau, St-Joseph, 13 avril 1752
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D’un point de vue géographique, Joseph Drapeau est né à Saint-Joseph à la Pointe-de-Lévy. Cette paroisse est située au nord-est de Lauzon, une seigneurie qui borde le sud du fleuve Saint-Laurent[18]. La ville de Québec, qui est le centre administratif, militaire et commercial de la colonie à cette époque[19], est très près de la paroisse où Drapeau est né. Elle se situe de l’autre côté du fleuve, soit sur la rive nord de celui-ci.
Du point de vue familial, Joseph Drapeau est le fils de cultivateurs nommés Pierre Drapeau et Marie-Josèphe Huard dite Désilets[20]. Cette information, bien que très vague quant au statut de cultivateurs de ses parents, témoigne du groupe social duquel il provient. Il n’est pas issu d’une famille de l’élite de Nouvelle-France. Ses parents ne sont pas seigneurs, nobles ou bourgeois et ils n’occupent pas des postes prestigieux dans cette société d’Ancien régime caractérisée par la hiérarchie. Les membres de la famille Drapeau sont issus de la paysannerie canadienne. Ce sont des roturiers. Cette prémisse est importante, car elle nous permet de constater les origines « modestes » de Joseph Drapeau.
Évidemment, plusieurs nuances doivent être établies quant à la modestie des origines de Drapeau. D’abord, la paysannerie canadienne à cette époque ne constituait pas un groupe homogène[21]. Les travaux de Christian Dessureault l’ont bien établi[22]. Cette dernière « ne forme pas une masse indistincte relativement égalitaire et tissée serrée; elle constitue, au contraire, un groupe hétérogène[23] ». Ce constat apporte des précisions quant au statut de paysan de la famille Drapeau. Ces nuances seront explorées afin de reconstituer une vision plausible et nuancée des origines « modestes » de Drapeau.
Origines lointaines : un enracinement au territoire de Pointe-de-Lévy
Dans l’ensemble des collectivités rurales du Canada, certaines familles détiennent un prestige qui les distinguent des nouveaux arrivants ou bien de ceux qui habitent les rangs récemment développés et qui luttent activement contre la forêt pour défricher leurs terres. Être une ancienne famille offre certains privilèges. À cet effet, Benoît Grenier écrit que :
L’ancienneté des habitants dans [une] seigneurie constitue […] une source de légitimité incontestable dans le monde rural laurentien des XVIIIe et XIXe siècles. Lorsque l’on ne parle pas de l’ancienneté, on a recours à l’adjectif « principaux » pour caractériser les habitants qui parlent au nom de la communauté. Dans un cas comme dans l’autre, on reconnaît implicitement l’existence d’une hiérarchie entre les familles, hiérarchie fondée sur l’ancienneté et la prospérité[24].
D’un point de vue géographique, les anciennes familles sont à proximité du noyau de paysans où se situent l’Église, le manoir seigneurial ainsi que le moulin. D’un point de vue social, les familles établies depuis plusieurs générations sur un territoire détiennent une certaine forme de prestige dans leurs communautés. Elles constituent le groupe des Anciens habitants. La famille de Joseph Drapeau se retrouve dans cette catégorie. En dépit du fait que les origines de Drapeau aient été initialement qualifiées de « modestes », ce dernier provient d’une famille qui est établie sur le territoire de la Pointe-de-Lévy depuis plusieurs générations. Drapeau, tant du côté maternel que paternel, est issu de lignées familiales qui sont enracinées dans cette région depuis le XVIIe siècle.
Le père de Joseph, Pierre Drapeau, représente la troisième génération installée sur ce territoire. Le grand-père de Pierre, Antoine Drapeau, est né en France en 1648[25]. Bien que l’année durant laquelle il a migré en Nouvelle-France soit inconnue, nous sommes au fait qu’il s’est marié dans la paroisse de Sainte-Famille, sur l’île d’Orléans[26], en 1669. Ses cinq premiers enfants, conçus entre 1670 et 1678, se sont fait baptiser à Québec[27]. Les dernières naissances, quant à elles, ont eu lieu à Pointe-Lévy[28]. Parmi celles-ci, nous retrouvons le grand-père de Joseph et père de Pierre, Jean-Baptiste Drapeau, qui est né en 1683[29]. La première génération qui a migré au Canada du côté de la lignée paternelle de Joseph Drapeau s’est installée sur le territoire de la Pointe-de-Lévy au moins dès la décennie 1680.
La situation est étrangement similaire du côté de la lignée familiale de Marie-Josèphe Huard dit Desilets, la mère de Joseph. En effet, comme ce fut le cas pour les ancêtres de Pierre Drapeau, sa famille s’est établie à Pointe-de-Lévy à la fin du XVIIe siècle. Le grand-père de Marie-Josèphe, Jean Huard, est né en France « vers 1641[30] ». En 1670, il s’est marié à Québec[31], endroit qui correspond également au lieu de naissance de ses premiers enfants[32]. Les dernières naissances, quant à elles, ont eu lieu à Pointe-de-Lévy. Parmi celles-ci, nous retrouvons le grand-père de Joseph et le père de Marie-Josèphe, Mathieu Huard dit Désilets, qui est né en 1679[33].
L’objectif n’est pas d’entrer dans les nombreux détails des différentes lignées familiales de Joseph Drapeau, mais plutôt de démontrer que celles-ci, que ce soit du côté de sa mère ou de son père, sont établies sur le territoire de Pointe-de-Lévy depuis quatre générations. Les ancêtres de Drapeau résident à Pointe-de-Lévy depuis les décennies 1670 et 1680. Cela témoigne d’un enracinement considérable au territoire de cette région. Les membres de la famille de Joseph Drapeau répondent à l’un des critères qui caractérisent les anciennes familles de la Pointe-de-Lévy : l’enracinement au territoire sur plusieurs générations. Ce statut d’anciens habitants, bien qu’il ne dépende pas uniquement du nombre générations qui ont vécu sur le territoire[34], représente une forme de notabilité dans la collectivité. Ce premier constat vient, par le fait même, apporter un brin de nuance quant à la qualification de la « modestie » des origines de Joseph Drapeau.
Portrait des membres de la famille Drapeau
Première union (1745-1766)
La reconstitution des origines lointaines de Joseph Drapeau atteste d’un enracinement intergénérationnel au territoire de Pointe-de-Lévy. Sans surprise, il s’agit également de l’endroit où, le 8 novembre 1745, Pierre Drapeau et Marie-Josèphe Huard dit Desilets, les parents de Joseph, ont célébré leur union matrimoniale[35]. Cette date correspond au commencement du cycle familial auquel Joseph Drapeau appartient. Au moment du mariage, Pierre a 28 ans et Marie-Josèphe a 25 ans. Dans les deux cas, il s’agit de leur première union. Leur cas représente parfaitement les moyennes de l’époque. Au Canada au XVIIIe siècle, les Canadiens se mariaient en général vers l’âge de 28 ans alors que la moyenne était de 25 ans pour les Canadiennes[36]. Leurs enfants, incluant Joseph, auront également des mariages très tardifs[37].
Les deux individus ont été mariés pendant deux décennies, de 1745 à 1766 plus précisément. Il s’agit donc d’une famille mononucléaire de type « complète » puisque les deux époux sont vivants au moment où Marie-Josèphe atteint 45 ans. En Nouvelle-France, une famille complète donnait naissance à environ 9.1 enfants[38]. Au cours de ce mariage, le couple a conçu dix enfants. L’union se termine le 20 février 1766 alors que la mère de Joseph, Marie-Josèphe, décède d’une maladie dont nous ignorons la cause. Dans l’inventaire des biens après-décès que Pierre Drapeau a fait réaliser à la suite de la mort de sa femme, on apprend qu’il doit à un dénommé Dubary « la somme de cent cinquante livres » pour les « traitements de medicaments qu’il a fourni pendant la maladie de ladite deffuncte[39] ». Elle était donc porteuse d’une maladie et tout semble indiquer qu’elle soit décédée de celle-ci.
L’Annexe A[40], regroupe plusieurs informations sur cette unité familiale. Joseph Drapeau est le cinquième enfant, sur un total de dix, issu de cette union. Sur l’ensemble des enfants de la famille, quatre n’ont pas vécu plus de dix années. Parmi ceux-ci, deux sont décédés quelques mois après leurs naissances et un à la naissance[41]. La mortalité infantile a ainsi touché 30% des naissances issues de cette union.
Quant aux sept autres enfants, qui cumulent une moyenne de vie de 59 ans, ils présentent des caractéristiques intéressantes. D’abord, l’aîné de la famille, André, pratique la profession de marchand[42]. Il est né « vers 1746[43] », soit six années avant Joseph. Cela signifie que, en plus de pratiquer la même profession, l’écart d’âge qui sépare les deux frères n’est pas phénoménal. Qui plus est, André, Joseph et Marie-Judith, la sixième enfant de la famille, sont les seuls enfants qui n’ont pas reproduit le modèle familial, soit les conditions paysannes qui ont caractérisé leur enfance. Reproduire ce modèle consiste à suivre le même parcours que ces parents. Dans ce cas-ci, choisir la profession de « cultivateur » et vivre en milieux ruraux. En 1779, Marie-Judith s’est mariée à Jean Levasseur, un marchand qui pratique dans la ville de Québec[44]. Par conséquent, elle n’a pas vécu dans les conditions qui caractérisent la vie de la majorité des habitants canadiens[45]. De leur côté, André et Joseph sont marchands. En ce qui concerne les autres enfants de la famille, ils ont tous perpétué les conditions de vie paysannes dans lesquelles ils sont nés. Par exemple, l’autre homme de la famille, Pierre, a déclaré être un « laboureur[46] » alors que Marguerite Drapeau s’est mariée au « cultivateur[47] » Ignace Maranda. Selon les quatre situations de reproductions familiales proposées par Louis Michel, considérant qu’un seul homme issu de cette union s’est installé sur des terres comme cultivateur, il s’agit d’une « reproduction familiale simple[48] ».
Les données montrent que les filles sont les perdantes de la reproduction familiale. En effet, en dépit du cadre théorique de la Coutume de Paris, l’observation de la pratique dans ce cas-ci montre que « l’ombre au tableau vient du traitement réservé aux filles, à qui on ne transmettait presque jamais la terre[49] ». Néanmoins, comme c’est le cas pour cette union, en mariant ses filles à des paysans eux-mêmes établis sur des terres, la famille s’assurait d’une symétrie qui témoignait d’une volonté réelle d’égalité entre les enfants, fils ou filles. Pour avoir des terres, certains ont toutefois été contraints de quitter la région de Pointe-de-Lévy.
Ainsi, Joseph Drapeau n’est pas le seul enfant à quitter la région de son enfance. Son frère aîné, André, s’est marié à Kamouraska en 1783. Il s’agit de l’endroit où il est décédé en 1800. Son frère Pierre, le troisième de la famille, s’est marié à Pointe-de-Lévy en 1776, mais il a terminé ses jours à Rimouski en 1836 à l’âge de 90 ans. Sa sœur Marie-Judith, a également suivi les mêmes étapes que Pierre. Elle s’est mariée en 1779 à Pointe-de-Lévy et elle est décédée à Rimouski alors qu’elle avait 68 ans. En ce qui concerne Louis, le cadet de la famille, il est décédé à 23 ans à Québec. Ainsi, sur les six enfants qui ont dépassé dix années de vie, une est restée à la Pointe-de-Lévy toute sa vie. Il s’agit de Marguerite, la quatrième de la famille. Si l’enracinement au territoire de Pointe-de-Lévy est un caractère central au sein des lignées familiales de Joseph Drapeau, les données que nous avons récoltées pour l’union matrimoniale de Pierre Drapeau et Marie-Josephe Huard-Desilets semblent témoigner d’un estompement de cet enracinement. Cette observation est, en partie, imputable à la saturation des terres après la Conquête dans la région de Pointe-de-Lévy.
Deuxième union (1767-1781)
Quarante-deux mois après la mort de sa première femme, le veuf Pierre Drapeau s’est remarié avec une Acadienne de 23 ans nommée Françoise Saulnier[50]. Cette dernière, alors qu’elle n’avait que dix ans, est l’une des nombreuses personnes réfugiées issues des déportations de 1755[51]. Au moment de ce mariage, Pierre Drapeau a 50 ans. À cette époque, un homme qui se remarie à un âge avancé ne causait aucun problème dans la communauté. Un remariage comme celui-ci n’est pas quelque chose d’anormal au cours de la période préindustrielle, il s’agit même d’un phénomène assez fréquent[52], plus encore s’il y a des enfants en bas âges[53]. L’âge de Pierre Drapeau s’explique également du fait que son premier mariage a duré plus de deux décennies et qu’au moment de ce mariage il était déjà âgé de 28 ans.
Cette deuxième union a duré 14 ans et s’est terminée le 1er septembre 1781 au moment du décès de Françoise Saulnier laissant par le fait même Pierre Drapeau veuf pour une deuxième fois. Cette situation était peu fréquente à cette époque. Généralement, près de 60% des unions étaient brisées par le décès du mari[54]. Plus précisément encore, dans le cas où l’homme avait 10 ans de plus que sa femme, ce qui est le cas pour Pierre Drapeau et Françoise Saulnier, 80% des personnes veuves étaient des femmes[55]. Le père de Joseph a déjoué ces tendances deux fois plutôt qu’une, mais la mort de sa deuxième femme le place dans un célibat définitif.
Bien que l’union n’ait pas duré assez longtemps pour l’on considère qu’il s’agissait d’une famille nucléaire de type « complète », le couple a eu une postérité assez impressionnante. En 14 ans, ils ont conçu neuf enfants, ce qui fait 19 enfants au total pour Pierre Drapeau. Les informations de cette union sont regroupées dans l’Annexe B sous forme d’une fiche de famille. Contrairement à l’union précédente de Pierre Drapeau, le taux de mortalité infantile est assez élevé. Au total, cinq n’ont pas atteint l’âge de cinq ans, soit 55% des enfants. Il s’agit de Jean-Baptiste, le troisième de la famille, Marie-Josèphe, la cinquième, Ignace, le sixième, Jean-Baptiste, le huitième ainsi que Magloire qui est le neuvième et dernier enfant issu de cette union. Les quatre autres enfants, François, Charles, Marie-Marguerite et Marie-Catherine, qui cumulent une moyenne d’âge au décès de 35 ans, ont comme la plupart des enfants de la première union quitté la seigneurie de Lauzon pour élire domicile ailleurs dans la vallée du Saint-Laurent. Il s’agit, toujours selon les situations évoquées par Louis Michel, d’une « reproduction familiale élargie partielle[56] ».
L’aîné de cette union, François, s’est marié à Kamouraska en 1794 à l’âge de 26 ans. Il est décédé à cet endroit à 46 ans alors qu’il était, comme la majorité des enfants issus de cette union, cultivateur[57]. La deuxième enfant, Marie Marguerite, s’est mariée au marchand Louis Lupien dit Bélair à Québec en 1794. Dans les années qui suivent ce mariage, ils ont élu domicile à la Baie-St-Paul, endroit où l’un des deux chantiers de construction navale de Joseph Drapeau est situé. D’ailleurs, Louis Lupien dit Bélair est un partenaire commercial important pour Joseph. Avant même que ce dernier n’épouse la sœur de Drapeau, nous retrouvons dans les sources des transactions commerciales entre les deux individus[58]. La situation est pratiquement la même avec le marchand de Rimouski Augustin Trudel, qui épouse Marie-Catherine, la septième enfant issue de cette union. Trudel menait des affaires avec Joseph Drapeau avant son mariage avec sa sœur en 1794. À cet égard, dans son testament de 1793, soit un an avant les mariages de Louis Lupien dit Bélair à Marie-Marguerite et d’Augustin Trudel à Marie-Catherine, Drapeau a nommé « Messieurs Louis Bélair marchand a la Bay St-Paul et Augustin Trudel aussi marchand a Rimouski afin d’exécuter conjointement ou séparément le présent testament se remettant entre leurs mains de tous ses biens suivant la coutume[59] ». Dans ce testament, nous constatons non seulement que ces hommes sont issus du réseau professionnel de Joseph Drapeau, mais que ce dernier avait une réelle confiance envers eux puisqu’il les a désignés pour mener à terme l’exécution de son testament. Ces exemples démontrent bien qu’à cette époque, lorsque l’on étudie les différents réseaux de sociabilités, la famille occupe une place de premier plan. En effet, Joseph Drapeau est un seigneur-marchand qui a mené des affaires tant dans la vallée laurentienne qu’en Europe, mais les personnes envers qui il donnait sa confiance étaient ou devenaient bien souvent des membres de sa famille.
L’ensemble des informations qui ont été évoquées jusqu’à présent permettent d’établir quelques constats quant à l’unité familiale de Joseph. D’abord, il existe une forte reproduction familiale des membres de la fratrie. À l’exception de deux individus, André et Joseph, tous les hommes de la famille Drapeau ont perpétué le métier de cultivateur. Trois de ses sœurs, toutefois, se sont mariées avec des partenaires commerciaux de Joseph Drapeau. Ainsi, le fait que Drapeau soit issu de la paysannerie canadienne, combiné à celui que les membres de sa famille perpétuent l’appartenance à ce groupe social, correspond à l’une des manifestations de ses origines « modestes ». Toutefois, puisque la paysannerie canadienne de la deuxième moitié du XVIIIe siècle est hétérogène, il existe des différences considérables entre les membres qui la composent. Nous avons déjà établi, par l’entremise des lignées familiales de Joseph, que ce dernier provient d’une famille enracinée au territoire de Pointe-de-Lévy depuis quatre générations. Ce sont d’anciens habitants et ce titre est un facteur de notabilité dans les milieux ruraux canadiens à cette époque. Qu’en est-il toutefois de la situation socioéconomique de la famille? D’un point de vue matériel, la famille était-elle dans les standards de l’époque?
Statut socioéconomique : Indice de niveau de vie
Afin de bien situer la famille Drapeau au sein de la hiérarchie paysanne, d’autres facteurs que celui de l’enracinement au territoire doivent être mobilisés. L’un des indicateurs les plus révélateurs consiste à reconstituer, par l’entremise d’une analyse de la culture matérielle, le niveau de vie de la famille.
La richesse des ménages et la valeur des biens de consommation ont souvent été utilisées pour déterminer de façon approximative le niveau de vie des populations, mais cette méthode renseigne peu sur la qualité ou les modifications des genres de vie. Idéalement, le revenu constitue un meilleur indicateur; mais compte tenu de l’absence de données fiables, l’accumulation de biens de consommation constitue une mesure indirecte puisqu’elle découle normalement de ce revenu. Nous pouvons toutefois argumenter que la culture matérielle s’avère un meilleur révélateur du niveau de vie que la fortune quoiqu’il y ait habituellement une corrélation entre les deux[60].
Ainsi, par l’entremise du calcul de l’indice de niveau de vie, une méthode développée par l’historienne Micheline Baulant dans ses travaux sur la paysannerie française[61], il est possible de reconstituer la situation socioéconomique de la famille Drapeau. Pour ce faire, nous devons mobiliser les inventaires de biens après-décès, qui constituent des documents détaillés incluant les différentes catégories nécessaires au calcul de l’indice de niveau de vie. « Les inventaires après décès sont des documents notariés privilégiés pour une histoire sociale (vie économique, sociale, familiale, structures sociales, niveau de vie, etc.) » et ils représentent « la source unique la plus riche[62] » pour comprendre ces différents aspects.
Au moment du décès de sa première épouse, Marie-Josèphe Huard dit Désilets, Pierre Drapeau a fait réaliser l’inventaire de biens après décès de sa communauté par le notaire Claude Louet[63]. À partir de ce document, nous sommes en mesure de reconstituer un portrait socioéconomique des membres de la famille Drapeau en juin 1767, alors que Joseph est âgé de 15 ans. Cela nous offre une représentation des conditions matérielles dans lesquelles ce dernier vivait trois ans avant son départ pour la ville de Québec.
Avant d’effectuer le calcul pour la famille Drapeau, précisons que la version mobilisée est celle de Christian Dessureault et John A. Dickinson[64]. Elle s’inspire du calcul de l’indice de niveau de vie initialement élaboré par Micheline Baulant tout en étant adapté au contexte canadien. L’indice totalise 100 points et est constitué de cinq catégories qui comptent pour 20 points chacune. Les cinq catégories sont les suivantes : nécessaire, vie domestique, confort, civilisation et luxe[65]. Le Tableau 1 indique les items que nous avons été en mesure d’identifier pour chacune de ces catégories dans l’inventaire de biens après décès de Pierre Drapeau.
Pour la première catégorie, le nécessaire, 11 objets et usages sont considérés comme des nécessités de base au Canada à cette époque[66]. Nous retrouvons l’ensemble des éléments pour la famille Drapeau. Les membres de l’unité familiale disposent de lits pour dormir, de « linge de lit », d’une table à manger, de chaises et bancs pour s’asseoir, d’ustensiles de cuisine, tels que des assiettes et des cuillères, d’une lampe pour l’éclairage ainsi que d’objets pour la conservation et la cuisson des aliments (pots, poêles à frire, chaudron, grille de cuisson, etc.). Ainsi, pour la première catégorie de l’indice de niveau de vie, la famille Drapeau récolte l’ensemble des 20 points. Qui plus est, la famille se retrouve dans une situation intéressante en ce qui concerne les biens de consommation jugés comme nécessaires. À titre d’exemple, au milieu du XVIIIe siècle, seulement 61% des ménages possédaient des chaises et 55% possédaient des objets servant à l’éclairage[67]. Contrairement à une forte proportion de la paysannerie canadienne, la famille Drapeau ne manque de rien dans cette catégorie. Cela témoigne que les Drapeau ont dépassé l’étape initiale de la mise en place d’une « culture matérielle ».
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Tableau 1 : Présence des items dans l’inventaire après décès de Pierre Drapeau, 1767
Nécessaire | Vie domestique | Confort | Civilisation | Luxe |
Table de bois | Crémaillère | Coffre | Couteaux | |
Chaises de bois | Grand buffet de bois | Traversin | ||
Bancs de bois | Pelle à feu | Fauteuil | ||
Assiettes (9) | Paire de draps (5) | Oreillers (2) | ||
Cuillères de fer | Couverte de laine (2) | Bergère | ||
Poêles à frire (3) | Nappes (2) | Tapis | ||
Lits de plumes (3) | Bouteilles de verre (3) | |||
Linge de lit | Marmites (2) | |||
Tasses de verre (2) | Fer à repasser (à flasquer) | |||
Chaudron de fer | Rouet à filer | |||
Lampe de fer | Tourtière | |||
Couchettes (3) | Mortier de fer | |||
Pots (3) | Terrines (9) | |||
Grille de cuisson | Huche |
Source : BANQ, greffes du notaire Louet C. (1739-1767), « Inventaire des biens de la communauté de Pierre Drapeau, habitant, veuf de Marie Huard, de la paroisse de St-Joseph », 19 juin 1767.
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Le constat est presque similaire pour la vie domestique, la seconde catégorie qui est constituée de 15 biens de consommation[68]. Cette dernière « vient renforcer la dimension des besoins élémentaires déjà présents dans la première catégorie, mais en révélant davantage la capacité des familles à satisfaire des usages requérant la possession de certains objets[69] ». La famille Drapeau, quant à elle, dispose de 12 éléments sur un total de 15. Dans l’inventaire des biens après décès, nous ne retrouvons aucune mention d’un saloir, d’un chandelier, d’un bassin et d’un chenet. Toutefois, d’autres objets, tels que le rouet à filer, sont mentionnés et peuvent s’ajouter à cette catégorie. Sinon, la famille Drapeau dispose d’une crémaillère, d’un buffet de rangement, d’une pelle à feu, de plusieurs paires de draps, de couvertes de laine, de nappes, de poêles à frire, de marmites, d’un fer à repasser, de mortier de fer et d’une huche. Bien que les Drapeau récoltent 16 points sur 20 pour cette deuxième catégorie, ils font malgré tout partie de la frange favorisée de la paysannerie. À cette époque, 51% des ménages canadiens possédaient une crémaillère[70]. Aussi, seulement 27% des inventaires au milieu du XVIIIe siècle relevaient la possession de nappes[71]. Pour ces raisons, qui s’ajoutent au fait que les Drapeau sont enracinés au territoire depuis plusieurs générations, il est possible d’établir que cette famille ne se situe pas au bas de la hiérarchie paysanne canadienne à cette époque.
Toutefois, les trois dernières catégories de l’indice de niveau de vie témoignent réellement des origines modestes de cette famille. Certes, elle n’est pas au bas de la hiérarchie paysanne, mais elle ne siège certainement pas au sommet de celle-ci. Dans la catégorie confort, qui comprend également 15 objets considérés comme plus coûteux que ceux de la vie domestique[72], les Drapeau disposent de peu d’éléments. Ils n’ont pas de chambre à part dans leur maison de « pièces sur pièces[73] », d’armoire, de commode, de courtepointe, de paravent, de parapluie, de rideau de fenêtre, de bassinoire, de soufflet, de fontaine et de poêle de chauffage au fer. Les objets dont ils disposent sont un coffre de rangement, un « vieux fauteuil », un traversin et des oreillers, un tapis ainsi qu’une bergère. Avec ses résultats, la famille Drapeau récolte 5,3 points sur 20 dans cette troisième catégorie. La situation dégrade en ce qui concerne la quatrième catégorie, la civilisation, alors qu’ils ne disposent que d’un seul item sur les 15 sélectionnés pour effectuer le calcul. Les Drapeau possèdent des couteaux de table, mais rien d’autre dans cette catégorie. L’inventaire après-décès ne répertorient pas d’épices, de livres (écriture et lecture), de jeux, de tabac, de verres à boire, de fourchettes ou d’éléments qui témoignent d’une ouverture sur le monde. Pour cette catégorie, la famille Drapeau récolte 1,3 point sur 20. En ce qui a trait à la dernière catégorie, le luxe, les Drapeau ne disposent d’aucun des 11 items sélectionnés. Néanmoins, cela n’a rien de surprenant, car « ces 11 items sont peu répandus dans les classes populaires » et « ils sont davantage l’apanage des classes aisées[74] ». La famille obtient donc, pour l’élément luxe, le résultat de zéro sur 20.
Ainsi, après avoir identifié les différents items de consommations à partir de l’inventaire des biens après décès de Pierre Drapeau, nous arrivons à l’indice de niveau de vie suivant : sur un total de 100, la famille Drapeau a cumulé 42,6 points. Les historiens Christian Dessureault et John. A. Dickinson, dans une étude sur la culture matérielle et le niveau de vie dans l’Amérique du Nord coloniale, ont établi la moyenne de l’indice de niveau de vie des paysans ruraux de la région de Montréal entre 1770 et 1774 à 33,26[75]. Les Drapeau, qui vivent dans une région qui a été plus touchée par la Guerre de la Conquête que celle de Montréal (voir section 1.2), récoltent malgré tout un résultat fort considérable. Une chose est certaine, la famille se situe au-delà de la moyenne en ce qui concerne la culture matérielle de la paysannerie canadienne.
Qui plus est, il y a lieu d’évoquer la présence de nombreux biens meubles et immeubles dans l’inventaire après décès qui ne sont pas considérés dans le calcul de l’indice de niveau de vie, mais qui reflètent d’autres pans du statut socioéconomique de la famille. Dans la grange, les Drapeau disposent d’outils tels que des marteaux, des haches, des scies, des herses ainsi que des faucilles. Ils possèdent également des charrettes pour les bœufs, des colliers d’attelages (bœufs, chevaux et vaches), des carrioles, des charrues et même une barque pour naviguer[76]. La famille possède également plusieurs animaux : un poulain, une jument, trois bœufs, quatre vaches, une taure, des veaux ainsi que des poules. Ces informations ne sont pas considérées dans le calcul de l’indice de niveau, mais ils témoignent d’une réalité : la famille Drapeau dispose de nombreux animaux et outils agricoles. Cela vient renforcer l’idée d’un enracinement au territoire depuis plusieurs générations. Ils ne sont pas de nouveaux arrivants sur leurs terres et ils ont dépassé l’étape du défrichement. Ils sont équipés pour entretenir et travailler leurs 90 arpents de terre. Ces objets, en dépit du fait qu’ils ne soient pas pris en considération dans le calcul de l’indice de niveau de vie, sont malgré tout des indications de fortune.
Les dettes de la communauté de biens sont également mentionnées dans l’inventaire après décès. Elles nous informent sur la situation financière de la famille. En ce qui a trait aux dettes qui sont dues à la communauté, elles sont à « néant », ce qui signifie qu’il n’y en a point. La famille Drapeau ne semble pas avoir été en mesure de prêter du capital d’une quelconque manière. Au contraire, les dettes dues par la communauté sont bien plus considérables. Celle-ci doit au curé de la paroisse Saint-Joseph, M. Dufrant, une somme de sept livres et quatorze sols pour l’emprunt de quatre minots d’avoine ainsi qu’une somme de cinquante-huit livres et six sols pour les « frais funéraires de ladite deffuncte pour faire dire des messes pour le repos de son âme du huit may mil sept cent soixante sept[77] ». La communauté doit également à Joseph Carrier, un ancien habitant, deux livres et cinq sols pour un prêt de minots d’avoine. Enfin, la plus grosse dette de la communauté est due à un monsieur Dubary, soit une « somme de cent cinquante livres pour rendre traitement de medicaments qu’il a fourni pendant la maladie de ladite deffuncte[78] ». Au total, ce sont plus de 200 livres qui sont dues par la communauté. Si la culture matérielle de ces derniers témoigne d’une situation socioéconomique supérieure à la norme à cette époque, les dettes de la communauté montrent une autre réalité. Sur le plan financier, la famille Drapeau n’est pas dans une situation enviable.
Cette situation pourrait, en partie, trouver ses racines dans les conditions difficiles vécues par les habitants de Pointe-de-Lévy durant la Guerre de la Conquête. Dans l’inventaire de biens après décès, Pierre Drapeau a déclaré que les « hardes de linge de ladite deffuncte » ont été « brulé après le siège de Québec ». De toute évidence, ce conflit semble avoir eu un impact sur le niveau de vie de la famille Drapeau. Il est toutefois difficile d’établir si la situation socioéconomique de la famille a été affectée, momentanément ou durablement, par ce conflit qui s’est terminé alors que Joseph Drapeau avait onze ans. Néanmoins, le peu d’informations récoltées tend à démontrer que le statut socioéconomique de la famille Drapeau a été atteint momentanément. D’un côté, nous avons des traces écrites qui relatent des conséquences matérielles associées à la guerre de la Conquête pour la famille Drapeau. De l’autre, dans une perspective plus macro, l’historiographie sur les impacts de la Guerre de Sept Ans dans la région est claire. Au cours de l’année 1759, les habitants de la région de Québec ont subi énormément de pressions. Les Anglais ont incendié des centaines de maisons dans les seigneuries qui longent la côte sud[79]. Plus de 25 paroisses, dont Saint-Joseph, ont été ravagées et incendiées par les Anglais entre juillet et septembre 1759[80]. À cela s’ajoute la grande pression économique et sociale qui est exercée sur le monde rural au cours de la guerre de la Conquête.
Non seulement les campagnes sont responsables de nourrir le reste de la colonie, mais elles doivent en plus loger des soldats et fournir des miliciens, ce qui les prive d’une bonne partie de la main-d’œuvre nécessaire à la culture des champs. Les campagnes doivent en plus fournir des animaux de trait pour les besoins de l’armée. Dès le début des années 1750, la population rurale se voit réquisitionner une partie de sa production de blé, première source de nourriture. Au fil de la guerre, ces réquisitions ne font qu’augmenter afin de réussir à nourrir les soldats français venus aider à défendre la colonie. En plus des soldats français, d’autres groupes viendront s’ajouter à la population de la vallée du Saint-Laurent, notamment des réfugiés acadiens que la déportation a chassés de l’Acadie […]. Cela occasionne des disettes [et] une économie agricole vulnérable[81].
Décidément, les conditions que nous avons énumérées ont affecté la fortune et les conditions socioéconomiques de la famille Drapeau. Toutefois, leur indice de niveau de vie et la possession d’un cheptel considérable témoignent du fait qu’ils n’ont pas été les plus touchés de la région.
Conclusion
En regard de ce qui a été observé, il a été possible de démontrer la modestie des origines du seigneur-marchand canadien Joseph Drapeau. D’abord, il provient de la paysannerie canadienne, ce qui est révélateur quant à la place que sa famille et lui occupent dans la hiérarchie sociale d’Ancien régime. Ensuite, nous observons une forte reproduction familiale au sein de membres de sa famille. Mis à part André, son frère aîné marchand et Joseph lui-même, aucun homme de la famille n’a brisé le cycle de reproduction familial. Ils deviennent tous cultivateurs. Enfin, la famille est endettée et ne dispose pas d’une situation financière envisageable. Ce sont les raisons qui justifient l’appellation quant à la modestie des origines de Drapeau. Nous avons néanmoins constaté que d’autres facteurs tendent à nuancer cette affirmation. D’abord, puisque la paysannerie canadienne ne constitue pas un groupe homogène dans la deuxième moitié du XVIIIesiècle[82], il a été question de situer la famille Drapeau au sein de cette hiérarchie paysanne. D’emblée, les membres de la famille, en raison d’un enracinement sur plusieurs générations à la région de Pointe-de-Lévy, sont d’anciens habitants : un statut qui procure certains avantages, dont la reconnaissance et la distinction de l’unité familiale dans la communauté[83]. Quant à la situation socioéconomique de la famille, le calcul de l’indice de niveau de vie, inspiré du modèle de Christian Dessureault et John A. Dickinson[84], a permis de constater que les Drapeau se situent au-delà de la moyenne en ce qui concerne la culture matérielle de la paysannerie canadienne[85]. En fonction des items présents dans l’inventaire de biens après-décès de Pierre Drapeau, le père de Joseph, le résultat de la famille est de 42,3 points sur 100, alors que la moyenne de l’époque est de 33,26. L’indice de niveau de vie révèle donc que la famille se situait au-dessus de la moyenne dans la paysannerie canadienne de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, ce qui vient encore une fois apporter un brin de nuances quant à la modestie des origines du seigneur-marchand canadien Joseph Drapeau.
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ANNEXES
A. Union de Pierre Drapeau et Marie-Josèphe Huard Désilets
B. Union de Pierre Drapeau et Françoise Saulnier
C. Grille d’items pour le calcul de l’indice de niveau de vie
Nécessaire | Vie domestique | Confort | Civilisation | Luxe |
Lit | Crémaillère | Au moins une chambre | Couteaux de table | Trois chambres et plus |
Linges de lit | Pelle à feu | Armoire | Fourchette | Tapisserie |
Table | Chenets | Buffet ou dressoir | Verre à boire | Bureau de travail |
Chaise | Fer à repasser (à flasquer) | Commode | Épices | Montre |
Meuble de rangement | Fanal | Fauteuil | Condiments | Tournebroche |
Conserver la nourriture | Chandelier | Bergère | Boissons excitantes (café, thé) | Poissonnière |
Cuisson – bouillir | Marmite | Oreiller | Tabac | Calèche |
Autres types de cuissons | Poêle à frire | Courtepointe | Lecture | Porcelaine |
Vaisselle | Saloir | Écran ou paravent | Écriture | Cristal |
Ustensiles de cuisine | Seau | Parapluie | Mesure | Acajou |
Éclairage | Coffre | Rideau de fenêtre | Mesure du temps | Argenterie |
Huche | Bassinoire | Décoration intérieur | ||
Drap | Soufflet | Musique | ||
Nappe | Fontaine | Ouverture sur le monde | ||
Bassin | Poêle de chauffage au fer | Jeu |
Source : Christian Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles : cultures, hiérarchies, pouvoirs, Québec, Fides, 2018, p. 250-251.
Références
[1] Pierre-George Roy, « Le seigneur Joseph Drapeau », Le Bulletin des Recherches Historiques, Vol. 33, n° 7 (juillet 1927), p. 385.
[2] BANQ, greffes du notaire Pinguet de Vaucourt, J.-N. (1779-1792), « Contrat de mariage entre Joseph Drapeau (majeur), négociant, de la ville de Québec; et Marie-Geneviève Noël, fille de Jean-Baptiste Noël, seigneur de Tilly et de Marie-Geneviève Dussault », 14 octobre 1782.
[3] Il s’agit d’une époque particulièrement tendue à l’Assemblée. Les rivalités entre francophones et anglophones sont considérables. La position politique de Drapeau est pertinente pour analyser sa situation. Il privilégie le parti Canadien au détriment du Parti « British » à l’Assemblée, ce qui aurait pu favoriser ses affaires.
[4] Sépulture de Joseph Drapeau, 3 novembre 1810, Québec, PRDH, fiche #254780
[5] Les études de Christian Dessureault ont permis de mieux saisir l’hétérogénéité de la paysannerie canadienne. Voir Dessureault, Le monde rural…, 432 p.
[6] Allan Greer, Habitants, marchands et seigneurs : La société rurale du Bas-Richelieu 1740-1840, Sillery, Septentrion, 2000 [1985], p. 57.
[7] Acte de baptême de Joseph Drapeau, Paroisse de Saint-Joseph, seigneurie de Lauzon, 13 avril 1752. PRDH, fiche #52300.
[8] Ces archives conservées à BAnQ-Rimouski comprennent, notamment, de nombreux actes notariés, des actes judiciaires, des relevés de comptes, des testaments, des successions ainsi que des plans (seigneuries, possessions foncières, etc.) qui sont postérieurs aux années 1770.
[9] Maude Flamant-Hubert, Louis Bertrand à l’Isle Verte, 1811-1871 : propriété foncière et exploitation des ressources, Québec, presses de l’Université de Québec, 2012, p. 33.
[10] Dans son ouvrage Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Alain Corbin retrace l’existence d’un « homme ordinaire » qui ne savait « ni lire ni écrire ». Voir Alain Corbin, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu (1798-1876), Paris, Flammarion, 1998, 336 p.
[11] Parchemin, banque de données notariales du Québec ancien (1626-1801), sous la direction d’Hélène Lafortune et de Normand Robert, Société de recherche historique Archiv-Histo, ressources internet site www.Archiv-Histo.com
[12] Céline Cyr et Pierre Dufour, « Joseph Drapeau », Dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003- 2018, http://www.biographi.ca/fr/bio/drapeau_joseph_5F.html.
[13] Ibid.
[14] Ibid.
[15] Acte de baptême de Joseph Drapeau, St-Joseph, 13 avril 1752. PRDH, fiche #52300.
[16] Ibid.
[17] Acte de baptême de Joseph Drapeau, St-Joseph, 13 avril 1752. Généalogie Québec, document #205524.
[18] BANQ, greffes du notaire Louet C. (1739-1767), « Contrat de mariage entre Pierre Drapeau (49 ans), veuf de Marie-Josèphe Huard, fils de feu Jean-Baptiste Drapeau et de feue Perrine Lacroix, de la paroisse de St Joseph; et Françoise Saulnier (24 ans), fille de feu Pierre Sognier et de feue Madeleine Gallant, de la paroisse St Joseph », 10 juin 1767.
[19] Cole Harris, Le pays revêche. Société, espace et environnement au Canada avant la confédération, p. 251.
[20] Programme de Recherche en démographie historique (PRDH), « Sépulture de Pierre Drapeau », fiche #372615. Voir également Cyr et Dufour, « Joseph Drapeau », op. cit.
[21] L’historiographie a longtemps entretenu le mythe d’une paysannerie canadienne-française plutôt homogène du XVIIe siècle au milieu du XXesiècle. À cet égard, la société paysanne, telle que définie par Maurice Séguin, constitue le modèle le plus articulé de la paysannerie canadienne-française comme groupe social homogène. Voir Maurice Séguin, La Nation « canadienne » et l’agriculture (1765-1850), Trois-Rivières, Éditions du Boréal Express, 1970. ; Fernand Ouellet, Lise Pilon-Lê et Allan Greer ont également entretenu cette vision de la paysannerie comme groupe sociale particulièrement homogène pour d’autres raisons. Voir Fernand Ouellet, Le Bas-Canada, 1791-1840. Changements structuraux et crises, Ottawa, Éditions de l’Université d’Ottawa, 1976, 541 p., Lise Pilon-Lê, « Le régime seigneurial au Québec : contribution à une analyse de la transition du féodalisme au capitalisme », Cahiers du socialisme, n°6, 1980, p.133-168., Allan Greer, Habitants, marchands et seigneurs, La société rurale du bas Richelieu 1740-1840, Sillery, Septentrion, 2000 [1985], 357 p.; Pour un portrait historiographique exhaustif sur cette question, voir Christian Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles : cultures, hiérarchies, pouvoirs, Montréal, Fides, 2018, p. 166-171.
[22] Dessureault, Les monde rural québécois, 432 p.
[23] Ibid., p. 163.
[24] Voir Benoît Grenier, « Pouvoir et contre-pouvoir dans le monde rural laurentien aux XVIIIe et XIXe siècles : sonder les limites de l’arbitraire seigneurial », Bulletin d’histoire politique, vol. 18, n° 1 (automne 2009), p. 152.
[25] Acte de baptême de Pierre Drapeau, France, 11 novembre 1648. PRDH, fiche #23271.
[26] Sainte-Famille a été fondée en 1661. Elle est la deuxième plus ancienne paroisse de la colonie. Voir Municipalité de Sainte-Famille-de-l’Île-d’Orléans [site internet], 2020, consulté le 5 septembre 2020, URL : http://www.ste-famille.iledorleans.com
[27] Union de Antoine Drapeau et Charlotte Joly, PRDH, fiche #2772.
[28] Ibid.
[29] Ibid.
[30] Union de Marin Marguerin Huard et Julienne Bouille, PRDH, fiche #3083
[31] Jean Huard, France, PRDH, fiche #72932.
[32] Union de Jean Huard et Anne Marie Amiot Villeneuve, PRDH, fiche #3158
[33] Ibid.
[34] La hiérarchie paysanne est certes fondée sur l’ancienneté, mais elle est également fondée sur la prospérité des familles. « On pourrait sans doute ajouter la capacité de certains habitants à lire et écrire qui constitue un critère de reconnaissance sociale ». Voir Grenier, « Pouvoir et contre-pouvoir dans le monde rural laurentien aux XVIIIe et XIXe siècles : sonder les limites de l’arbitraire seigneurial », p. 152.
[35] Mariage de Pierre Drapeau et Marie Josephe Huard Desilets, PRDH, fiche #131455.
[36] Jacques Mathieu, La Nouvelle-France. Les Français en Amérique du Nord XVIe – XVIIIe siècle, Québec, PUL, 2001, p. 184; Pour les données du 17e siècle, voir Yves Landry et Jacques Légaré, « Cycle de vie familiale en Nouvelle-France : méthodologie et application à un échantillon », Histoire sociale, Vol. XVII, n° 33, mai 1984, p. 13.
[37] Les âges aux mariages des enfants sont disponibles dans l’Annexe 1 (fiche de famille de l’union de Pierre Drapeau et de Marie-Josèphe Huard Desilets).
[38] Jacques Mathieu, La Nouvelle-France. Les Français en Amérique du Nord. 16e – 18e siècles, Québec, Presses de l’Université Laval, 2001 [1991], p. 80.
[39] BANQ, greffes du notaire Claude Louet (1739-1767), Inventaire des biens de la communauté de Pierre Drapeau, habitant, veuf de Marie Huard, de la paroisse de St-Joseph », 19 juin 1767.
[40] Union de Pierre Drapeau et Marie Josephe Huard Desilets, PRDH, fiche #24711.
[41] Les deux enfants qui sont décédés quelques mois après leur naissance se dénommaient Jean-Baptiste. Quant à l’enfant qui est décédé au moment de sa naissance, nous ne disposons pas du nom. Nous savons néanmoins qu’il s’agit du huitième enfant de la famille.
[42] Sur l’acte de sépulture de l’aîné de la famille, André Drapeau, la profession indiqué est celle de marchand : voir Programme de Recherche en démographie historique (PRDH), « Sépulture de André Drapeau », fiche #2554953
[43] Union de Pierre Drapeau et Marie Josephe Huard Desilets, PRDH, fiche #24711
[44] BANQ-R, fonds P1, collection S10, P6 « Quittance par Jean Levasseur et son épouse à Joseph Drapeau, leur frère et beau-frère », 8 février 1781, p. 1.
[45] Nous référons issus à la vie agricole en milieu rural, soit les conditions de vie dans lesquelles cette dernière, et également Joseph Drapeau, ont vécu pendant les premières années de leurs vies.
[46] Sépulture de Pierre Drapeau, PRDH, fiche #3066688.
[47] Sépulture de Ignace Maranda, PRDH, fiche #2714243.
[48] Louis Michel, « Varennes et Verchères des origines au milieu du XIXe siècle. État d’une enquête », Évolution et éclatement du monde rural. France-Québec XVIIe-XXe siècles, Paris/Montréal, 1986, p. 325-340.
[49] Gérard Bouchard, Quelques arpents d’Amérique. Population, économie, famille au Saguenay 1838-1971, Montréal, Boréal, 1996, p. 112.
[50] Programme de Recherche en démographie historique (PRDH), « Françoise Saulnier », fiche #109974
[51] Vers 1750, l’Acadie comptait environ 10 000 colons. À partir de 1755, les déportations ont systématiquement dépeuplé la région. Parmi les réfugiés, plusieurs ont choisi de migrer à l’Ouest dans la vallée du Saint-Laurent. La Côte-du-Sud a d’ailleurs accueilli de nombreux réfugiés acadiens. Voir Harris, Le pays revêche …, p. 51 et 114. Voir également Jacques Mathieu et Sophie Imbeault, La guerre des Canadiens 1756-1763, Québec, Septentrion, 2013, p. 238.
[52] Charbonneau, Vie et mort de nos ancêtres, p. 183.
[53] José Brun, Vie et mort du couple en Nouvelle-France : Québec et Louisbourg au XVIIIe siècle. Montréal, presses de l’Université McGill-Queen’s, 2006, 185 p.
[54] Landry et Légaré, « Cycle de vie familiale en Nouvelle-France : méthodologie et application à un échantillon », p. 16.
[55] Ibid., p. 17.
[56] Michel, « Varennes et Verchères des origines au milieu du XIXe siècle. État d’une enquête », p. 325-340.
[57] Sépulture de François Drapeau, PRDH, fiche #2556011
[58] Louis Lupien Bélair était l’homme de confiance de Joseph Drapeau pour gérer son chantier de construction navale à la Baie St-Paul. Cette question est traitée dans les deuxième et troisième chapitres.
[59] BANQ-R, P30, D9, « Testament de Joseph Drapeau fait et dicté à Québec en 1793 », 28 août 1793.
[60] Dessureault, Le monde rural québécois …, p. 233.
[61] Micheline Baulant, « L’appréciation du niveau de vie. Un problème, une solution », Histoire et mesures, vol. 4, n° 3-4 (1989), p. 267-302.
[62] Voir Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot, « Les inventaires après décès à Montréal au tournant du XIXe siècle : préliminaires à une analyse », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 30, n° 2 (1976), p. 174.
[63] BANQ, greffes du notaire Claude Louet (1739-1767), « Inventaire des biens de la communauté de Pierre Drapeau, habitant, veuf de Marie Huard, de la paroisse de St-Joseph », 19 juin 1767.
[64] Dessureault, Le monde rural québécois …, p. 235.
[65] Voir Annexe C pour accéder à la liste complète des objets de chaque catégorie.
[66] Ibid.
[67] À cet effet, voir l’article de Christian Dessureault, écrit conjointement avec John A. Dickinson, sur la culture matérielle et le niveau de vie dans l’Amérique du Nord coloniale; Dessureault, Le monde rural québécois …, p. 248.
[68] Ibid., p. 236.
[69] Ibid.
[70] Ibid., p. 248.
[71] Ibid., p. 249.
[72] Ibid., p. 236.
[73] « Les maisons des paysans étaient presque exclusivement de style « pièce sur pièce » jusqu’au milieu du XIXe siècle ». Voir Greer, Habitants, marchands et seigneurs, p. 69.
[74] Dessureault, Le monde rural québécois …, p. 237.
[75] Ibid.
[76] BANQ, greffes du notaire Louet C. (1739-1767), « Inventaire des biens de la communauté de Pierre Drapeau, habitant, veuf de Marie Huard, de la paroisse de St-Joseph », 19 juin 1767.
[77] Ibid.
[78] Ibid.
[79] Au mois de septembre 1759, les Anglais ont commencé leur campagne militaire sur la Côte-du-Sud à Kamouraska, endroit où ils ont brûlé 225 maisons. Puis, 213 à Rivière-Ouelle, 90 à Saint-Roch, 140 au Cap-Saint-Ignace et ainsi de suite en direction de Pointe-Lévy. Sur cette question, voir Gaston Deschêne, L’année des Anglais. La côte-du-sud à l’heure de la conquête, Québec, Septentrion, 1988, p. 66-75.
[80] Lainesse, « Composer avec l’incertitude… », p. 341-342.
[81] Ibid., p. 340.
[82] Christian Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles : cultures, hiérarchies, pouvoirs, Québec, Fides, 2018, p. 235
[83] Benoît Grenier, « Pouvoir et contre-pouvoir dans le monde rural laurentien aux XVIIIe et XIXe siècles : sonder les limites de l’arbitraire seigneurial », Bulletin d’histoire politique, vol. 18, n° 1 (automne 2009), p. 152.
[84] Le calcul de l’indice de niveau de vie est une méthode initialement élaborée par l’historienne Micheline Baulant dans ses travaux sur la paysannerie française. La version mobilisée dans ce mémoire est celle de Christian Dessureault et John A. Dickinson puisqu’elle est adaptée au contexte canadien. Voir Dessureault, Le monde rural québécois …, p. 235.
[85] Ibid., p. 237.