Objet d’étude
La réalisation de ce bilan historiographique gravite autour de la production d’un mémoire de maîtrise dont l’objectif est, d’une part, de rendre compte des stratégies familiales, professionnelles et foncières mises en place par Joseph Drapeau (1752-1810), un seigneur-marchand aux origines modestes qui a su se bâtir une fortune considérable. D’autre part, de comprendre les porosités qui ont caractérisé la transition entre deux modes de production économiques au Canada au tournant du XIXe siècle. En diversifiant ses investissements, Joseph Drapeau a bénéficié de revenus en provenance de deux modes de production économiques. D’abord, il parvient à se créer un capital considérable avec ses diverses entreprises, dont ses chantiers de construction navale à la Baie-Saint-Paul et à Québec, ses magasins généraux ainsi que ses possessions immobilières[1], qui s’harmonisent avec le mode de production capitaliste qui est en pleine effervescence à la fin du XVIIIe siècle. Ensuite, il génère du capital par l’entremise de ses nombreuses seigneuries, ou son « ensemble seigneurial[2] », qui sont des institutions d’Ancien Régime et dans lesquelles l’unité de production de base est la paysannerie[3]. Ce mémoire vise, entre autres, à répondre à la question suivante : comment est-il parvenu à tirer simultanément profit de ces deux modes de production économiques? Ainsi, il s’agira dans le cadre de ce bilan de mieux cerner le groupe des seigneurs-marchands canadiens dans un Bas-Canada en transition économique.
Problématique
L’arrivée des Britanniques au Canada a provoqué des mutations au tournant du XIXe siècle. D’un point de vue socioéconomique, la société bas-canadienne a connu une transition importante. Les historiens marxistes parlent d’une dissolution graduelle du féodalisme, mode de production économique et d’organisation sociale issue de l’Ancien Régime, vers le capitalisme[4]. D’autres définissent ces changements comme le résultat d’une société qui fait son entrée dans l’univers de la modernité[5]. Au-delà de ces débats historiographiques, le cheminement singulier de Joseph Drapeau (1752-1810), seigneur et « homme d’affaires éclairé[6] », reflète de nombreux paramètres de cette période. En effet, il a œuvré dans deux modes de production économiques en étant marchand, associé au capitalisme, ainsi que seigneur, associé au féodalisme. L’analyse de son parcours offrira une porte d’entrée qui nous permettra de saisir les porosités qui ont caractérisé cette transition entre deux modes de production économiques au Canada au tournant du XIXe siècle.
Choix du découpage thématique
Il s’agira dans le cadre de ce bilan d’évaluer la production historienne ainsi que les différents débats historiographiques concernant les seigneurs-marchands du Canada au tournant du XIXe siècle. Dans un premier temps, nous aborderons l’historiographie relative à l’histoire socioéconomique du Bas-Canada afin de saisir les transformations qui ont caractérisé le monde rural canadien et notamment les débats sur les causes de la « crise du monde rural ». Nous aborderons également la question de la transition économique ainsi que le rôle occupé par les marchands dans la société. Par la suite, nous explorerons l’historiographie du régime seigneurial afin de comprendre son rôle, sa nature, ses structures, tant géographique que sociale, ainsi que les nombreuses particularités des individus qui composent le groupe de propriétaires seigneuriaux auquel Joseph Drapeau appartient.
1. Histoire socioéconomique du Bas-Canada
1.1. Les transformations dans le monde rural
Depuis le début du siècle dernier, les historiens et historiennes s’intéressent aux transformations qui ont touché le monde rural bas-canadien. Deux interprétations ressortent de l’historiographie relative à cette thématique. La thèse « classique », issue de l’historiographie traditionnelle, a pris forme dans les années 1940 et conclu à l’existence d’une « crise agricole » au début du XIXe siècle. Selon Robert L. Jones et Maurice Séguin, précurseurs de ce courant, les paroisses seigneuriales du Bas-Canada auraient subi de sérieuses difficultés agricoles à cette époque[7]. En 1942, Jones évoque que c’est le conservatism des habitants canadiens qui aurait contribué au backwardness de l’agriculture. Ce serait ce « retard » qui, après 1815, aurait occasionné cette crise de l’agriculture[8]. En 1947, Séguin postule que cette crise, caractérisée par l’improductivité des terres, la rareté ou l’inaccessibilité de celles-ci, s’expliquerait par « l’infériorité globale des Canadiens français » et serait liée aux conséquences à long terme de la Conquête[9]. Ce postulat d’une « crise agricole » est repris par Fernand Ouellet et Jean Hamelin en 1962. Leur travail a contribué à faire de cette thèse un élément central dans l’explication des « changements structuraux[10] » de la société rurale canadienne au début du XIXe siècle. Selon eux, la crise agricole ne serait pas arrivée en 1815, comme Jones l’a mentionné, ou même en 1820 telle qu’évoquée par Séguin, mais plutôt dès 1802[11]. Nettement plus affirmatifs que leurs prédécesseurs, Ouellet et Hamelin n’hésitent pas à identifier les causes de cette crise : elle serait survenue suite à l’abandon de la culture du blé, qui serait un « fait de civilisation », ce qui aurait créé un malaise dans la production. Selon eux, l’habitant canadien serait le premier grand responsable de cette situation[12]. Ouellet écrit, en 1966, que « la décennie 1803-1812 est une des plus importantes de toute l’histoire du Québec » puisque c’est elle qui « met fin à un équilibre plus que séculaire fondé sur deux activités essentielles : les fourrures et le blé[13] ».
Au cours des années 1970, avec l’apparition des premières critiques à la thèse classique, le courant révisionniste prend forme. En 1971, dans un article écrit conjointement avec l’économiste Gilles Paquet, Jean-Pierre Wallot considère que ces postulats étaient davantage de l’ordre de « l’intuition » que de la « démonstration[14] ». Ce serait plutôt « la lutte autour du pouvoir » qui expliquerait les changements structuraux de la première décennie du XIXe siècle et non la « crise agricole », trop centrée sur « la dominance du secteur agricole[15] ». Wallot et Paquet postulent qu’il n’y aurait pas eu de crise agricole, mais plutôt une « modernisation de l’appareil économique[16] ». Cette thèse sera reprise en 1980 par Serge Courville alors qu’il conclut que « rien dans la dialectique spatiale de la thèse classique ne permet de soutenir l’existence d’une crise agricole dans le Bas-Canada[17] ». Pour lui, au contraire, tous les postulats relatifs à l’espace « tendent à démontrer que l’habitant répond positivement au marché par une transformation profonde de son système de production[18] ». Dans la même foulée, Christian Dessureault déconstruit en 1989 la notion trop figée de « crise agricole ». Selon lui, les transformations de la structure économique et sociale des campagnes durant le premier tiers du XIXe siècle s’insèrent « dans la dynamique d’une transition vers le capitalisme[19] ». Les changements n’auraient été « ni rapides ni radicaux » et le « conservatisme » des habitants canadiens ne serait pas en cause[20].
1.2. La transition économique
Dans la première moitié du XXe siècle, la société rurale bas-canadienne a été présentée par les historiens et historiennes de « l’historiographie libérale[21] » comme repliée sur elle-même et réfractaire aux changements. Selon les tenants de cette interprétation, l’économie se caractérisait par la prédominance d’une agriculture d’autosubsistance, techniquement archaïque et déficiente[22]. Pour eux, c’est la Conquête de 1760 qui aurait introduit la rationalité capitaliste dans la société. Ce facteur, déjà présent en filigrane dans les études antérieures à 1960[23], devient plus explicite dans les travaux de Fernand Ouellet. En 1966, Ouellet dépeint le Bas-Canada comme une « société d’Ancien régime ». Selon lui, « l’arrivée du progrès économique » s’est produite en raison de la rationalité capitaliste qui a été introduite par les marchands britanniques[24]. Dans ces interprétations, les Canadiens français sont présentés comme réfractaires aux changements et accrochés aux traditions d’Ancien régime. Cette perception a influencé d’autres historiens.nes, dont Lise Pilon-Lê[25], et continue de persister dans certaines productions historiques. En 1988, par exemple, John A. Dickinson et Brian Young écrivent dans une synthèse plusieurs fois rééditée, la dernière étant en 2009, que les paysans canadiens, face à la transition vers le capitalisme, « résistaient aux changements fondamentaux[26] ».
Parallèlement, dans un autre courant qui apparaît durant les années 1970, ce paradigme de la « résistance » de la société rurale cède de plus en plus la place à celui d’une société qui évolue « normalement » dans l’univers de la modernité[27]. En 1971, Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot proposent le concept de « modernisation » pour définir les mutations économiques du Bas-Canada au tournant du XIXe siècle[28]. Ils insistent sur la participation effective de la société à la « modernité libérale » qui serait un « processus de changements économiques commun à l’ensemble des sociétés occidentales[29] ». Ce courant réhabilite la société bas-canadienne auparavant décrite comme traditionnelle, réactionnaire et évoluant à l’écart des autres sociétés. Cette interprétation, qui s’articule autour du concept de modernisation, se retrouve notamment dans les travaux de Serge Courville qui, durant les décennies 1980 et 1990, a contribué à en faire le discours dominant sur la question de la transition économique dans le monde rural québécois du XIXe siècle[30].
Enfin, une troisième interprétation, celle des marxistes-wébériens, est également apparue au cours des années 1970. Pour eux, bien qu’ils décrivent les mêmes mutations économiques que les « modernistes », la transition s’expliquerait par une dissolution graduelle du féodalisme vers le capitalisme[31]. Le concept de féodalisme, central dans ce courant, est mobilisé pour désigner le mode de production économique qui était en place, dans la vallée laurentienne comme ailleurs dans le monde, avant le capitalisme. Le féodalisme se manifeste à travers une institution d’origine féodale, la seigneurie[32], et l’unité de production de base est la paysannerie[33]. Pour les historiens.nes marxistes, la transition du féodalisme vers le capitalisme constitue la pierre angulaire de l’analyse de l’histoire[34]. En 1990, Robert Sweeny écrit que « la transition au capitalisme dans la vallée du Saint-Laurent suivit ses propres rythmes » et que l’éclosion du « capital marchand » dans les villes et les campagnes serait la cause principale de cette transition vers le capitalisme[35]. D’autres historiens, tels qu’Allan Greer, Gérard Bernier et Daniel Salée[36], adopteront cette thèse de la transition du féodalisme au capitalisme. Enfin, Christian Dessureault, figure incontournable de l’historiographie sur cette question, écrit que le renversement des modes de production est apparu « avec l’exportation par l’Angleterre des éléments du capitalisme le plus avancé de l’époque dans sa nouvelle colonie[37] » et qu’il y avait, au Bas-Canada, deux conditions préalables à l’essor du capitalisme : « un bassin de main-d’œuvre par l’expropriation massive des paysans et une accumulation primitive du capital grâce à l’accroissement des revenus seigneuriaux[38] ».
1.3. Le rôle des marchands dans l’économie
Au cours des années 1960, l’historiographie libérale, représentée par des historiens tels que Fernand Ouellet, a perçu la Conquête « en fonction de critères ethniques et comme le commencement de la suprématie du commerce anglais au Québec[39] ». L’ethnicité est utilisée comme facteur d’explication quant au rôle joué par les marchands dans l’économie. En 1980, Lise Pilon-Lê défend la vision que, dans les décennies qui suivent la Conquête, « les marchands francophones sont progressivement éliminés du contrôle du commerce colonial » et que « les marchands anglophones sont les uniques responsables de l’expansion économique de la colonie[40] ». À partir des années 1980, certains historiens.nes vont nuancer la corrélation entre l’ethnicité et le progrès économique établie par l’historiographie libérale. Allan Greer, par exemple, démontre que le déclin de la bourgeoisie commerciale canadienne-française, après 1760, a été « graduel[41] » et non aussi drastique que l’affirme l’historiographie libérale. Gérald Bernier et Daniel Salée remettent également en question l’importance de l’ethnicité dans les interprétations historiques post-conquête[42].
Enfin, au-delà de la question « ethnique », les historiens.nes sont assez unanimes quant au rôle joué par les marchands dans l’économie du Bas-Canada. Louise Dechêne démontre que le développement au XVIIIe siècle n’était pas uniquement imputable aux interventions des seigneurs et que les marchands ont largement contribué au développement économique des régions rurales de la vallée laurentienne[43]. Allan Greer, dans une étude sur la rencontre entre le capital marchand et la paysannerie canadienne au XVIIIe siècle, met de l’avant le même constat[44]. D’autres, tels que Louis Michel, Lise Saint-Georges et Claude Pronovost démontrent bien que les marchands occupent un rôle de premier plan dans l’économie du Bas-Canada. Comme ce fût le cas pour Joseph Drapeau, ils réinvestissent leurs profits dans le commerce, le crédit et le secteur foncier, notamment dans la propriété seigneuriale[45].
2. Histoire du régime seigneurial dans la vallée du Saint-Laurent
2.1. Le rôle et la nature du régime seigneurial
De la deuxième moitié du XIXe siècle jusque dans les années 1980, deux questions ont particulièrement intéressé les historiens.nes du régime seigneurial canadien : était-il comparable au système féodal français? A-t-il engendré l’exploitation des censitaires[46]? Ces questionnements ont fait naître deux grands courants historiographiques. Le plus ancien, issu d’un nationalisme avoué[47], puise ses origines en 1845 dans l’ouvrage Histoire du Canada de François-Xavier Garneau[48]. Ce courant fait l’apologie d’un régime seigneurial « épuré » de tous ces éléments négatifs qui n’aurait occasionné aucun fardeau pour les censitaires. Cette tendance historiographique sera portée jusqu’en 1970 par des historiens.nes, tant anglophones que francophones, qui ne vont jamais rompre avec le modèle initial proposé par Garneau[49]. En 1908, l’historien anglophone George Wrong considère que le seigneur « n’était pas un despote qui opprimait ses censitaires », mais « plutôt un gardien vigilant[50] ». William Bennet Munro affirme également en 1914 que le régime seigneurial aurait subi de great changes et que les seigneurs seraient des mens with heart[51]. Les historiens.nes francophones ne sont pas en reste. Victor Morin évoque en 1941 qu’il existait des « différences considérables[52] » entre le régime seigneurial canadien et son homologue européen et que « l’intérêt primordial des seigneurs canadiens et de leurs censitaires était de s’entraider[53] ». En 1947, Maurice Séguin y voit un chef-d’œuvre administratif parfaitement adapté à des paysans sans capitaux qui serait « prophétiquement » conçu pour les Canadiens[54]. La seigneurie aurait, selon lui, amorti la « catastrophe de la Conquête ». De son côté, Marcel Trudel, figure incontournable en histoire du régime seigneurial, écrit en 1956 dans sa brochure appelée à faire école, que la seigneurie était de « l’entraide sociale établie en système[55] ». Enfin, au tournant des années 1970, Jean-Pierre Wallot représente la longue durée, mais surtout la persistance de ce courant historiographique. Plus d’un siècle après François-Xavier Garneau, il brosse encore un portrait d’un régime seigneurial « épuré » qui aurait « sauvegardé la nationalité canadienne-française[56] ».
À partir des années 1960, des interprétations plus sévères envers l’institution émergent. Cette opposition concorde avec l’apparition du deuxième courant, celui des marxistes-wébériens. Dans ce courant, l’idée d’un régime « épuré » est fortement remise en question, voire déconstruite. Les historiens.nes qui l’ont adoptée, muni d’une « solide formation » et de « méthodes d’analyses rigoureuses[57] », vont plutôt miser sur la démonstration des aspects à caractères « féodaux » présents au sein du régime. L’un des premiers à contester cette vision est Fernand Ouellet. Dès les années 1960, il met l’accent sur les effets négatifs du régime seigneurial dans le développement économique de la société du Bas-Canada. Il suggère que « la société d’Ancien régime qui avait pris forme dans la vallée du Saint-Laurent, loin d’être une version modernisée ou épurée de celle de la métropole, était plus archaïque que celle-ci[58] ».
Après Ouellet, Louise Dechêne publie une étude incontournable dans laquelle le régime seigneurial est décrit comme un système d’exploitation féodal, rigide et envahissant[59]. Il serait « contraignant » et les censitaires l’auraient « subi » avec « autant de mauvaise grâce que les paysans français[60] ». Dechêne marque une rupture dans l’historiographie, car elle est l’une des premières à démontrer que les censitaires n’ont pas profité du régime seigneurial telle une « prophétie », mais qu’ils auraient en fait subi la lourdeur de ses cadres. D’autres, tels que Sylvie Dépatie, Christian Dessureault et Mario Lalancette, vont axer leurs recherches sur les inégalités sociales issues du régime seigneurial. Le régime serait d’abord et avant tout, selon ces auteurs, « un système de prélèvement sur la production paysanne[61] ». Dans une autre publication incontournable, Allan Greer évoque un « fardeau féodal » et insiste sur la lourdeur des charges financières occasionnées par les droits seigneuriaux au Canada[62]. Thomas Wien et Benoît Grenier démontrent quant à eux que la paysannerie canadienne était particulièrement exposée à l’arbitraire seigneurial[63].
2.2. La seigneurie sous l’angle du territoire
Depuis le milieu du XXe siècle, les historiens et historiennes s’intéressent à la seigneurie dans une perspective territoriale. Ils se sont penchés sur la forme rectangulaire allongée des censives[64], sur l’orientation des terres ainsi que sur l’empreinte du régime seigneurial dans le façonnement de la société et des paysages laurentiens. Concernant ce dernier aspect, deux tendances ressortent. La première s’articule autour des travaux de Richard C. Harris et elle remet en cause l’importance du régime seigneurial sur les plans sociaux et économiques. Selon Harris, le régime seigneurial aurait laissé une empreinte tout à fait irrelevant sur la géographie canadienne[65]. Les censives issues du régime seigneurial, évoque-t-il, n’auraient pas influencé les types de cultures, les techniques agricoles ou même la vie de l’habitant[66].
L’autre vision se manifeste par l’intermédiaire des travaux de l’historien Colin Coates qui considère que la tenure seigneuriale aurait « indubitablement été un important facteur dans le changement du paysage » et que ce serait elle « qui a donné aux localités leurs grands contours[67] ». Les atlas historiques ont également alimenté l’historiographie sur cette thématique. Bien que plusieurs soient dignes de mention[68], l’atlas Portraits de campagnes d’Alain Laberge démontre exhaustivement comment la société canadienne a investi l’espace laurentien[69]. Contrairement à Harris, Laberge accorde nettement plus d’importance au rôle qu’a joué le régime seigneurial dans le processus d’occupation et d’exploitation du territoire. Il met l’accent sur le fait que les seigneurs se posent en acteurs de premier plan dans le processus de formation des campagnes laurentiennes[70]. Selon lui, le dynamisme interne du développement du monde rural laurentien tirerait « son énergie de l’action simultanée des seigneurs et de leurs censitaires[71] ». Toutefois, ces gestes convergents décrits par Laberge ne reposent pas sur les mêmes préoccupations et il ne s’agit pas de remettre à l’honneur l’entraide mutuelle entre seigneurs et censitaires que Marcel Trudel a mis de l’avant de ces études. « Que ce soit du côté des seigneurs ou de celui des censitaires, dit-il, il est certain que la notion d’enjeu est présente et que, de part et d’autre, c’est à coup d’investissements de toute nature que l’on parvient à la mettre en valeur[72] ».
De surcroît, les travaux de Serge Courville sur la croissance villageoise au cours de la première moitié du XIXe siècle dans les seigneuries laurentiennes ont marqué l’historiographie. Il établit de multiples constats, mais le plus important est que, malgré leurs apparences homogènes, les villages qui se sont développés à l’intérieur des seigneuries de la vallée du Saint-Laurent sont très hétérogènes[73]. Les clivages sont nombreux, notamment sur les plans économiques et sociaux. Il insiste aussi sur le rôle important des seigneurs dans le développement villageois, en particulier lorsqu’ils sont présents sur place[74].
2.3. Le groupe des propriétaires seigneuriaux
L’historiographie relative au groupe seigneurial, ou « groupe des propriétaires seigneuriaux[75] », est plutôt abondante. L’étude la plus importante, dans le cadre du mémoire évoqué précédemment, est sans contredit celle de Fernand Ouellet puisqu’elle offre une vue d’ensemble exhaustive sur l’évolution des différents acteurs du monde seigneurial. Son objet d’étude concerne les principaux groupes sociaux, tels que la noblesse, le clergé et la bourgeoisie, qui ont détenu une propriété seigneuriale entre 1663 et 1840. Pour Ouellet, l’arrivée de la bourgeoisie anglophone après la Conquête de 1760 aurait mené le Canada sur le chemin du progrès économique. Dans son analyse, il défend la notion d’un comportement différencié entre les seigneurs d’origine britannique, plus soucieux de rentabiliser leurs investissements fonciers « dans la perspective du profit capitaliste[76] », et les seigneurs d’origine française qui, à l’opposé, seraient attachés au prestige social qui vient avec le titre de seigneur. Pour appuyer son argumentaire, Ouellet mobilise le cas de Joseph Drapeau. Il serait un « gros marchand » qui, dans l’intention de « s’engager sur la voie de la promotion sociale », aurait « converti ses avoirs en fiefs[77] ». Cette interprétation, centrée sur l’ethnicité, minimise la complexité de la situation et dépeint Joseph Drapeau d’une manière simpliste. En effet, il semblerait que, contrairement à ce qu’avance Ouellet, Joseph Drapeau serait animé par une recherche de profits capitalistes comme plusieurs seigneurs-marchands britanniques. Les travaux de Ouellet mettent en évidence l’hétérogénéité du groupe seigneurial. Or, le portrait de l’historien n’est pas exhaustif, ce qui a engendré de nouvelles recherches qui ont démontré la diversité du groupe seigneurial. Les thématiques se sont ainsi multipliées.
Les travaux de Louise Dechêne, John A. Dickinson, Louis Lavallée, Sylvie Dépatie, Christian Dessureault et Mario Lalancette se sont concentrés sur les communautés religieuses et leurs manières d’administrer leurs fiefs[78]. D’autres vont rendre compte de la présence de roturiers de statuts très variables, qu’ils soient modestes ou grands bourgeois[79], à l’intérieur du groupe seigneurial. En 1972, l’historien Jean-Claude Robert a démontré, par l’intermédiaire du cas Barthélemy Joliette, seigneur de Lavaltrie, que les membres du groupe seigneurial pouvaient simultanément être seigneur et entrepreneur[80]. En 1994, Yvan Lamonde souligne l’existence de défenseurs d’idéaux libéraux et anticléricaux à l’intérieur du groupe seigneurial canadien[81]. Benoît Grenier, quant à lui, défait le mythe du seigneur toujours résidant sur sa seigneurie[82]. Certains seigneurs possédaient plus d’une seigneurie, voire des ensembles seigneuriaux. Grenier a également étudié les modalités de la mobilité sociale en Nouvelle-France. Des paysans, gens de métiers, engagés ou domestiques, qui ne sont pas des officiers, des grands bourgeois ou des administrateurs coloniaux, pouvaient connaître une ascension sociale et devenir seigneurs[83].
Enfin, les études plus récentes ont fait place à des acteurs marginalisés parmi les seigneurs. Pensons aux travaux d’Isabelle Bouchard, Maxime Boily et Michel Lavoie[84] qui ont traité de la place que les Autochtones ont pu occuper à l’intérieur du groupe des propriétaires seigneuriaux. Benoît Grenier a également, depuis 2009, sélectionné les seigneuresses comme objet d’étude. Ses travaux mettent surtout de l’avant les femmes comme propriétaires et gestionnaires de fiefs[85].
Conclusion
Terminons avec un survol des écrits sur Joseph Drapeau qui, précisons-le, ne sont pas abondants. Pierre-George Roy, en 1926, écrit un court article de trois pages sur ce dernier[86]. Influencé par le courant « nationaliste » dominant à cette époque, Roy louange les exploits et l’humilité de Drapeau. Pour lui, son ascension sociale ne l’aurait pas déraciné de ces origines modestes et il aurait été un bon seigneur envers ces censitaires[87]. En 1983, Céline Cyr et Pierre Dufour ont réalisé sa biographie dans le Dictionnaire biographique du Canada (DBC). Ils soulignent, en parlant de Drapeau comme marchand créancier, que ce dernier :
Cela offre une vision qui diffère de celle que Roy propose dans son court texte du début du XXe siècle. Les auteurs ajoutent, en parlant des moulins que Joseph Drapeau a fait construire dans ses seigneuries, qu’« il manifesta un grand souci de rentabilité, exigeant des garanties de solidité, fixant les délais de livraison, prévoyant même des sanctions en cas d’insatisfaction[89] ». Ainsi, l’analyse faite par Cyr et Dufour nous éclaire sur les intérêts, centrés nettement sur la recherche du profit, qui animaient Drapeau au moment de la mise en place de son ensemble seigneurial. Cette biographie est la référence lorsqu’il est question de comprendre cet individu, mais elle reste toutefois une énumération de deux pages qui mentionne uniquement les faits saillants de la vie de Joseph Drapeau.
Enfin, il y a intérêt à creuser davantage sur ce seigneur-marchand canadien. L’étude de la trajectoire individuelle de Joseph Drapeau servira de grille d’analyse dans l’objectif de faire ressortir certains paradigmes de la société bas-canadienne au tournant du XIXe siècle, dont les transformations qui ont caractérisé le monde rural. Son cas pourra venir nuancer certains courants historiographiques. Cela permettra de mettre en lumière la diversité et la complexité du groupe des seigneurs-marchands canadiens dans un Bas-Canada en transition économique tout en contribuant au débat historiographique sur cette transition.
Références
Bibliographie
[1] Céline Cyr et Pierre Dufour, « Joseph Drapeau », Dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003- 2019, http://www.biographi.ca/fr/bio/drapeau_joseph_5F.html.
[2] Un ensemble seigneurial est un concept utilisé pour désigner un ensemble de fiefs possédé par un individu ou un groupe ; À cet effet, voir Alain Laberge, Portraits de campagnes : la formation du monde rural laurentien au XVIIIe siècle. Québec, PUL/CIEQ, 2010, p. 94.
[3] Robert C. H. Sweeny, « Paysan et ouvrier : du féodalisme laurentien au capitalisme québécois », Sociologie et sociétés, vol. 22, n° 1 (printemps 1990), p. 145.
[4] Christian Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles : cultures, hiérarchies, pouvoirs, Québec, Fides, 2018, p. 147.
[5] Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot, « Le Bas-Canada au début du XIXe siècle : une hypothèse », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 25, n° 1 (juin 1971), p. 39-62.
[6] Cyr et Dufour, « Joseph Drapeau », Dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003- 2019, http://www.biographi.ca/fr/bio/drapeau_joseph_5F.html.
[7] Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot, « Crise agricole et tensions socio-ethniques dans le Bas-Canada, 1802-1812 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 26, n° 2 (1972), p. 188.
[8] Robert Leslie Jones, “French-Canadian Agriculture in the St. Lawrence Valley, 1815-1850”, Agricultural history, vol. 16, n° 3 (juillet 1942), p. 148
[9] Maurice Séguin, « Le régime seigneurial au pays du Québec, 1760-1854 ». Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 1, n° 3 (1947), p. 382-402.; voir également Maurice Séguin, La Nation “canadienne” et l’agriculture (1760-1850) essai d’histoire économique, Trois-Rivières, Boréal, 1970 [1947], p. 223.
[10] Fernand Ouellet, Le Bas-Canada 1791-1840. Changements structuraux et crise, Ottawa, Les Éditions de l’Université d’Ottawa, 1976, p. 47-172.
[11] Fernand Ouellet et Jean Hamelin, « La crise agricole dans le Bas-Canada, 1802-1837 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 41, n° 1 (1962), p. 17-33.
[12] Serge Courville, « La crise agricole du Bas-Canada, élément d’une réflexion géographique », Cahiers de géographie du Québec, vol. 24, n° 62 (1980), p. 194-195.
[13] Fernand Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec, 1760-1850, Montréal, Fides, 1966, p. 169.
[14] Paquet et Wallot, « Crise agricole et tensions socio-ethniques dans le Bas-Canada, 1802-1812 », p. 193.
[15] Ibid., p. 188.
[16] Ibid.
[17] Courville, « La crise agricole du Bas-Canada, élément d’une réflexion géographique », p. 221.
[18] Ibid.
[19] Christian Dessureault, « Crise ou modernisation. La société rurale maskoutaine durant le premier tiers du XIXe siècle », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 42, n° 3 (hiver 1989), p. 361.
[20] Ibid.
[21] L’historiographie libérale s’articule autour de la « thèse laurentienne », une théorie sur le développement national et économique, défendue par des historiens canadiens-anglais entre les années 1930 et 1950. Les principaux appuis à cette théorie figurent dans les œuvres de Donald Creighton, qui conclut que le développement économique dans la vallée du Saint-Laurent provient essentiellement de l’exploitation progressive de produits essentiels (fourrures, bois d’œuvre et blé) par des négociants de la colonie dans les centres métropolitains majeurs du système.; voir Donald Creighton, The Commercial Empire of The St. Lawrence, Toronto, Presses de l’Université de Toronto, 1956, 436 p.
[22] Christian Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles : cultures, hiérarchies, pouvoirs, Québec, Fides, 2018, p. 57.
[23] Ibid., p. 142.
[24] Ouellet, Histoire économique et sociale du Québec 1760-1840, p. 34-40.
[25] Lise Pilon-Lê, « Le régime seigneurial au Québec : une contribution à l’analyse de la transition du féodalisme au capitalisme », Cahiers du Socialisme, n° 6 (automne 1980), p. 143.
[26] John A. Dickinson et Brian Young, Brève histoire socio-économique du Québec, Québec, Septentrion, 2009 [1988], p. 179.
[27] Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles …, p. 57.
[28] Gilles Paquet et Jean-Pierre Wallot, « Le Bas-Canada au début du XIXe siècle : une hypothèse », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 24, n° 1 (juin 1971), p. 188.
[29] Ibid., p. 58.
[30] « Les principaux éléments de cette nouvelle thématique sont présents dans Serge Courville, Entre ville et campagne. L’essor du village dans les seigneuries du Bas-Canada, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1990 et idem, « Le marché des “subsistances”. L’exemple de la plaine de Montréal au début des années 1830 : une perspective géographique », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 42, n° 2 (automne 1988), p. 193-239 ».; Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles …, p. 57.
[31] Pour plus d’informations sur l’idée de la transition du féodalisme au capitalisme, voir Pierre Vilar, « La transition du féodalisme au capitalisme », dans Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féodalisme, Paris, Éditions Sociales, 1971, p. 35-48.; Pour des informations sur cette transition au Bas-Canada, voir Christian Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles : cultures, hiérarchies, pouvoirs, Québec, Fides, 2018, p. 147.
[32] Robert C. H. Sweeny, « Paysan et ouvrier : du féodalisme laurentien au capitalisme québécois », Sociologie et sociétés, vol. 22, n° 1 (printemps 1990), p. 143.
[33] Ibid., p. 145.
[34] Ernest Mandel, La place du marxisme dans l’histoire, Québec, Éditions M, 2011 [1998], p. 102.
[35] Sweeny, « Paysan et ouvrier : du féodalisme laurentien au capitalisme québécois », p. 156.
[36] Voir Allan Greer, Habitants, marchands et seigneurs : La société rurale du Bas-Richelieu 1740-1840, Sillery, Septentrion, 2000 [1985], p. 357 ainsi que Gérald Benier et Daniel Salée, Entre l’ordre et la liberté. Colonialisme, pouvoir et transition vers le capitalisme dans le Québec du XIXe siècle, Montréal, Boréal, 1995, 265 p.
[37] Dessureault, Le monde rural québécois aux XVIIIe et XIXe siècles …, p. 147.
[38] Ibid.
[39] Allan Greer, Habitants, marchands et seigneurs : La société rurale du Bas-Richelieu 1740-1840, Sillery, Septentrion, 2000 [1985], p. 189.
[40] Lise Pilon-Lê, « Le régime seigneurial au Québec : une contribution à l’analyse de la transition du féodalisme au capitalisme », Cahiers du Socialisme, n° 6 (automne 1980), p. 143.
[41] Greer, Habitants, marchands et seigneurs …, p. 189.
[42] Gérald Bernier et Daniel Salée, Entre l’ordre et la liberté. Colonialisme, pouvoir et transition vers le capitalisme dans le Québec du XIXe siècle, Montréal, Boréal, 1995, p. 25.
[43] Louise Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au 17e siècle, Paris, Plon, 1974, 532 p.
[44] Greer, Habitants, marchands et seigneurs …, p. 189.
[45] Claude Pronovost, La bourgeoisie marchande en milieu rural, 1720-1840, Québec, Presses de l’Université Laval, 1998, 230 p.; voir également le compte-rendu de Solange De Blois, « Pronovost, Claude, La bourgeoisie marchande en milieu rural, 1720-1840, Québec, Presses de l’Université Laval, 1998, 230 p. », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 53, n° 1 (été 1999), p. 146.
[46] Serge Jaumain et Matteo Sanfilippo, « Le régime seigneurial en Nouvelle-France : Un débat historiographique », The Register, vol. 5, n° 2 (1980), p. 226.
[47] L’objectif de François-Xavier Garneau était de promouvoir l’existence des Canadiens-français en tant que nation à part entière en réponse aux propos formulés par Lord Durham dans son célèbre rapport. Ses motifs sont d’ailleurs explicitement mentionnés dans son ouvrage : « Il y a quelque chose de touchant et de noble à la fois à défendre la nationalité de ses pères ».; voir Gérard Bergeron, Lire François-Xavier Garneau, 1809-1866, « historien national », Québec, Institut québécois de recherche sur la culture, 1994, p. 125.
[48] François-Xavier Garneau, Histoire du Canada : depuis sa découverte jusqu’à nos jours, Québec, 1845, 558 p.
[49] Jaumain et Sanfilippo, « Le régime seigneurial en Nouvelle-France … », p. 227.
[50] George Wrong, Un manoir canadien et ses seigneurs 1761-1861 – cent ans d’histoire, Québec, Presses de l’Université Laval, 2005 (1926), p. 81.
[51] William Munro, The seigneurs of Old Canada. A Chronicle of New World Feudalism, Toronto, Brook, 1914, p.14.
[52] Victor Morin, Seigneurs et censitaires castes disparues, Montréal, Éditions des Dix, 1941, p. 9.
[53] Ibid., p. 23.
[54] Maurice Séguin, « Le régime seigneurial au pays du Québec, 1760-1854 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 1, n° 3 (1947), p. 531.
[55] Marcel Trudel, Le régime seigneurial, Ottawa, Société historique du Canda, 1956, p. 18.
[56] Jean-Pierre Wallot, « Le régime seigneurial et son abolition au Canada », The Canadien Historical Review, vol. 50, n° 4 (décembre 1969), p. 363.
[57] Benoît Grenier, Brève histoire du régime seigneurial, Montréal, Boréal, 2012, p. 27-28.
[58] Fernand Ouellet, « La formation d’une société dans la vallée du Saint-Laurent : d’une société sans classe à une société de classe », Canadian Historical Review, vol. 62, n°4 (décembre 1981), p. 448.
[59] Dechêne, Habitants et marchands de Montréal au 17e siècle, p. 257.
[60] Ibid., p. 258.
[61] Sylvie Dépatie, Christian Dessureault et Mario Lalancette, Contributions à l’étude du régime seigneurial canadien, Montréal, Hurtubise, HMH, 1987, p. 4.
[62] Ibid., p. 178.
[63] Thomas Wien, « Les conflits sociaux dans une seigneurie canadienne au XVIIIe siècle : Les moulins des Couillard », dans Gérard Bouchard et Joseph Roy, dir., Famille, économie et société rurale en contexte d’urbanisation (17e-20e siècle), Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1990. p. 225 ; Benoît Grenier, « Pouvoir et contre-pouvoir dans le monde rural laurentien aux XVIIIe et XIXe siècles : sonder les limites de l’arbitraire seigneurial », Bulletin d’histoire politique, vol. 18, n° 1, automne 2009, p. 143-163.
[64] Nous pensons notamment à Marcel Trudel qui insiste sur la géométrie seigneuriale qu’auraient souhaitée les autorités françaises dans leur recherche d’un « grand ordre »; Voir Marcel Trudel, Les débuts du régime seigneurial canadien, Montréal, Fides, 1974, p. 5.
[65] Richard Colebrook Harris, The Seigneurial System in Early Canada. A Geographical Study, Kingston/Montréal, McGill/Queen’s University Press, 1984 [1966]. p. 7.
[66] Ibid., p. 193.
[67] Colin M. Coates, Les transformations du paysage et de la société du Québec sous le régime seigneurial, Sillery, Septentrion, 2003, [2000], p. 44.
[68] Nous pensons notamment à Louise Dechêne qui fait état des réalités géographiques, tant du groupe que du territoire seigneurial, au moment des premiers concessionnaires à 1791 ; Voir Louise Dechêne, Atlas historique du Canada volume 1. Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 1987.
[69] Alain Laberge (avec la collaboration de Jacques Mathieu et Lina Gouger), Portraits de campagnes : la formation du monde rural laurentien au XVIIIe siècle, Québec, Presses de l’Université Laval, 2010, p. 1.
[70] Ibid., p. 75.
[71] Ibid., p. 137.
[72] Ibid.
[73] Serge Courville, Entre ville et campagne. L’essor du village dans les seigneuries du Bas-Canada, Québec, PUL, 1990, p. 115.
[74] Ibid., p. 43.
[75] Le groupe des propriétaires seigneuriaux est une expression utilisée par les historiens.nes pour désigner les individus qui composent le « groupe seigneurial », soit les seigneurs.; voir Grenier, Brève histoire du régime seigneurial, p. 101.
[76] Fernand Ouellet, « Propriété seigneuriale et groupes sociaux dans la vallée du Saint-Laurent (1663-1840) », Revue d’histoire de l’Université d’Ottawa, vol. 47, n° 1 (1977), p. 203.
[77] Ibid., p. 205-206.
[78] Grenier, Brève histoire du régime seigneurial, p. 116.
[79] Ibid., p. 120-121.
[80] Jean-Claude Robert, « Barthélémy Joliette et la fondation du village d’Industrie (Joliette), 1822-1850 », RHAF, vol. 26, n° 3 (décembre 1972), p. 392.
[81] Yvan Lamonde, Louis-Antoine Dessaulles 1818-1895. Un seigneur libéral et anticlérical, Québec, Fides, 2014 [1994], p. 352.
[82] Alain Laberge et Benoît Grenier, dir. Le régime seigneurial au Québec 150 ans après. Bilans et perspectives de recherches à l’occasion de la commémoration du 150e anniversaire de l’abolition du régime seigneurial. Québec, CIEQ, 2009.
[83] Benoît Grenier, « “Écuyer, cultivateur” : des paysans devenus seigneurs en Nouvelle-France ou de l’ascension à l’exclusion du groupe seigneuriale (17e-19e siècle) », dans Jean-Marc Moriceau et Philippe Madeline, dir., Les Petites Gens de la terre. Paysans, ouvriers et domestiques (Moyen Âge – XXIe siècle), Caen, Presses de l’Université de Caen (Collection Bibliothèque du pôle rurale #4), 2017, p. 95.
[84] Témoigne de la participation des autochtones, comme agents de développement, mais également comme seigneurs, dans le régime seigneurial ; Voir Michel Lavoie, Le Domaine du roi, 1652-1859. Souveraineté, contrôle, main-mise, propriété, possession, exploitation, Québec, septentrion, 2010, 271 p.
[85] Benoît Grenier, « Réflexion sur le pouvoir féminin au Canada sous le régime français », Histoire sociale, vol. 42, n° 84, novembre 2009, p. 299.; voir également Benoît Grenier, « ‘Sans exceptions ni réserve quelconques’. Absence des hommes et pouvoir des femmes à Québec au XVIIIe siècle », dans Emmanuelle Charpentier et Benoît Grenier, dir., Femmes face à l’absence, Bretagne et Québec (XVIIe-XVIIIe siècles), Trois-Rivières, Centre interuniversitaire d’études québécoises, 2015, p. 29-37.
[86] Pierre-George Roy, « Le seigneur Joseph Drapeau », Le Bulletin des Recherches Historiques, vol. 33, n° 7 (juillet 1926), p. 385-388.
[87] Ibid., p. 385.
[88] Cyr et Dufour, « Joseph Drapeau », op. cit.
[89] Ibid.