La représentation du pouvoir de l’information journalistique par un journaliste au début de la Révolution française

VIRGINIE COGNÉ Université de Sherbrooke
Résumé : Je propose une étude de cas sur un journal publié en 1790, la Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems. Ce périodique utilise une forme épistolaire pour la transmission de l’information en utilisant deux personnages de journalistes et sept lettré.e.s. L’auteur de la Correspondance représente dans son périodique les relations de pouvoir entre les journalistes et leur lectorat, la création d’une connaissance grâce aux informations qu’il choisit et les débats sociaux concernant le pouvoir de l’information. Le document étudié est formé d’un cahier de 160 pages traitant des nouvelles de janvier 1790. Chaque lettre a été traitée de façon individuelle lors du dépouillement. Il s’agit d’une étude qualitative tentant de montrer les représentations du pouvoir journalistique qu’offre un auteur de périodique et par le fait même la réflexion qu’il a sur son occupation. Grâce à la forme épistolaire de la Correspondance, l’auteur met en scène les relations de pouvoir entre les journalistes, les lecteurs et les lectrices représentés par différents stéréotypes. Il est aussi question de la création de la réalité par les nouvellistes qui choisissent et travaillent l’information contenue dont la véracité n’est pas toujours la caractéristique première. Enfin, le périodique met en scène un débat contemporain concernant la liberté d’expression de la presse, lequel est justifié par la capacité de manipulation de l’opinion publique par les journaux.

 

 

 

Table des matières
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    La force des mots contre les individus ou les groupes nécessite une réflexion constante, surtout avec le développement de nouveaux médias. L’articulation entre l’opinion publique et la liberté d’expression pendant la Révolution française donc n’est pas anodine. Ces deux concepts se croisent encore aujourd’hui dans les débats concernant les communications. Ainsi, je m’intègre dans une longue tradition de réflexion sur les médias en présentant mes recherches sur la construction et la réception du discours journalistique à la fin du XVIIIe siècle. À cette époque, les journalistes sont considérés comme une courroie de transmission entre les événements et les informations qu’ils recensent puis transmettent aux lecteurs.[1] Ils ont déjà conscience qu’ils ont une influence sur la connaissance, mais parfois aussi sur la morale de leurs lecteurs et de leurs lectrices. [2] Pendant la Révolution, le nombre extraordinaire de nouveaux périodiques impose une réflexion renouvelée sur le rôle de ceux-ci. [3]

    L’étude qui suit porte sur un journal publié en 1790, la Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems. Comme l’indique le titre, ce périodique utilise une forme épistolaire pour la transmettre de l’information tout en mettant en scène des personnages fictifs. Le format particulier de la Correspondance accorde une grande place à l’expression du journaliste ainsi qu’à l’expression de certains débats de société grâce aux échanges entre les protagonistes. 

    Deux personnages représentent des journalistes restés à Paris pour commenter l’actualité. Pour éviter toute confusion, ces journalistes sont désignés par le terme « correspondants » qui réfère aujourd’hui autant à celui qui écrit une lettre qu’au reporter éloigné. De leur côté, les personnages des lecteurs comptent trois femmes et quatre hommes. Il s’agit de lettré.e.s fuyant la Révolution. Afin de clarifier mon propos, ces personnages sont nommés « liseurs » et « liseuses » pour ne pas les confondre avec les lecteurs et les lectrices qui consomment le périodique. Considérant que l’absence de Paris prive les liseurs et les liseuses des précieuses nouvelles que doivent rapporter leurs correspondants, ces derniers se placent en position de domination devant des lettrés éloignés, alors que son lectorat ne l’est peut-être pas. Dans ce contexte, comment l’auteur de la Correspondance met-il en scène son propre pouvoir de vecteur d’information ? L’auteur de la Correspondance représente dans son périodique la création d’une connaissance grâce aux informations qu’il choisit ; les relations de pouvoir entre les journalistes et leur lectorat ; ainsi que le débat autour de la manipulation de l’opinion publique et la liberté d’expression. Le document étudié est formé d’un cahier de 160 pages et traite des nouvelles du mois de janvier 1790. Au surplus, les résultats proviennent des recherches en cours pour la réalisation de mon mémoire.

    Cette étude tente de montrer les représentations du pouvoir journalistique qu’offre un auteur de périodique et par le fait même la réflexion qu’il a sur son occupation. Premièrement, il sera question de la forme épistolaire de la Correspondance qui permet à l’auteur de mettre en scène les relations de pouvoir entre les journalistes, les lecteurs et les lectrices représentés par différents stéréotypes. Deuxièmement, j’aborderai le thème de la création de la réalité par les nouvellistes qui choisissent et travaillent l’information contenue dont la véracité n’est pas toujours la caractéristique première. Finalement, le présent texte présentera la mise en scène par le périodique d’un débat contemporain concernant la liberté d’expression de la presse, lequel est justifié par la capacité de manipulation de l’opinion publique par les journaux.

    La création de la réalité pour le journaliste

    Au siècle des Lumières, les journalistes sont responsables de collecter des informations et de garantir leur authenticité. La mise à l’écrit suivant une forme donnée rend l’information intelligible pour leur lectorat. 

    Le rassemblement des informations

    Les journalistes doivent rester à l’affût de ce qui se passe, de ce qui se dit et de ce qui s’écrit, recopiant ou reformulant les informations trouvées. En fait, les gazetiers et les nouvellistes commencent à se définir comme des agents de transmission entre les événements et les informations qu’ils recensent en amont, et les nouvelles transmises aux lecteurs en aval. Ils se conçoivent comme des « historiens du présent », leur vocation est de raconter la « vérité » sur les événements.[4] Toutefois, certains journalistes aient de bonnes informations, sans talent d’écriture, leur travail ne brillera pas : « La Chronique, est faite par M. Millin de Grand-Maison, & l’Abbé Noël. Le premier est le plus grand furet de Paris, mais ne sait pas choisir ; l’autre est un bel esprit de collège, & tous deux ne savent pas écrire[5].» En outre, les bons journalistes savent aussi trier les informations qu’ils cumulent pour donner un sens aux nouvelles. À partir du XVIIIe siècle, les journalistes deviennent des enquêteurs et des pourvoyeurs d’informations[6]. Or, la circulation de l’information sous forme orale n’est pas à négliger. Des lieux de sociabilité variés accueillent des échanges verbaux aux formes diversifiées comme les contes, les poèmes, les chansons ou les blagues. [7] D’ailleurs, Velport (un correspondant) adhère à des « comités » et à des « clubs [8]» qui contribuent à faciliter sa collecte d’information. De surcroît, il associe la qualité des propos au lieu où ils circulent. Dans un commentaire sur les périodiques disponibles à Paris, Velport affirme :

    L’Observateur, est de M. Feydel, qui copie sans discernement, comme sans stile, tout ce qui se dit dans les carrefours. Quand il remonte jusqu’aux cafés, alors le numéro est élégant, il en donne trois par semaines, qui font les délices des Dames de la Place Maubert, des Forts de la halle, & des Ravaudeuses[9].

    Correspondance…, lettre 4, loc. cit., p. 20.

    De ce point de vue, les « cafés » sont de meilleurs endroits pour dénicher des nouvelles que le sont les rues ou les marchés. Ces derniers favorisent plutôt les échanges entre les membres des classes populaires. En somme, la qualité d’un périodique est déterminée, ou du moins devinée, par la qualité de son lectorat. 

    La garantie d’authenticité et la place de la vérité

    Le grand nombre de nouvelles et l’accessibilité de l’information pose le problème de la véracité de celle-ci. En effet, le mot « vérité » obsède les contemporains, et ce, surtout à la fin du XVIIIe siècle. Le terme est même utilisé pour titrer des périodiques : Journal de la Vérité, L’Ami de la Vérité, Le Défenseur de la Vérité, Le Tocsin de la Vérité[10]. Cependant, la vérité journalistique du siècle des Lumières s’apparente à une courtepointe : des faits sont récoltés par les journalistes qui reconstruisent ensuite des événements. En sommes, ils bâtissent des nouvelles. À ce sujet, l’historienne Suzanne Tucoo-Chala affirme : « la presse et les journalistes veulent désormais un instrument actif et non passif de médiation de la vérité, ils veulent aussi fabriquer leur propre vérité. »[11] Ainsi, les lecteurs et les lectrices sont à la merci de leurs lectures pour connaître le monde qui les entoure. Or, ces lectures sont produites par la mise en récit des informations rassemblées par les gazetiers. Le problème de la représentation des faits et des événements dans un journal est discuté par les personnages de la Correspondance. Par exemple, Velport conçoit que la vérité dépend de son créateur ; il y a donc des vérités :

    Vingt Écrivains peut-être s’occupent à retracer ce qui se passe depuis six mois; tous diront les mêmes choses, aucun ne les dira de la même façon. Selon nos principes, les faits se dénaturent; le fanatisme de la liberté veut tout détruire. Le fanatisme de la tyrannie veut tout conserver. Personne ne ment, personne ne dit vrai, & celui qui ramasse ce qui a été dissimulé ou exagéré, fait encore un Livre intéressant.

    Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 7, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 39.

    Le correspondant conçoit que le processus de recréation des événements est individuel et que ce processus est influencé par les attentes de chacun. Donc, la vérité est subjective. Toutefois, cette remise en question d’une vérité unique, un liseur demande des informations rigoureuses et objectives :

    Permettez-moi de vous dire Monsieur, tout Historien doit être fidèle. Si dans le récit des événemens passés il cesse de l’être, il jette ses lecteurs dans une erreur toujours désagréable, mais sans suite. S’il s’égare dans le tableau des événemens contemporains, les erreurs souvent conduisent à des partis violens, & alors le guide commence à être coupable. Daignez donc vous piquer d’une scrupuleuse exactitude, & voyez avec le sang-froid philosophique qui mène seul à la vérité.

     Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 6, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 36.

    Le personnage en question, Semonville, voudrait que Velport soit un « Historien » du présent et un « guide », ce qui l’obligerait à la rigueur et à l’exactitude. Pour Semonville, un bon travail d’enquête répond aux interrogations des lecteurs et peut aboutir à la connaissance. Or, plus loin, Velport se défend d’être un historien, prétendant plutôt être un « écho fidelle [14]» de ce qu’il voit et entend. En outre, si la véracité des renseignements ne peut être garantie, les informations transmises doivent être vraisemblables, ce qui n’est pas le cas pour tous les périodiques : 

    Un Projet Patriotique, qui appartient à M. Mittié & dont il accouche régulièrement une fois par semaine. Quelquefois il fait présent de trois cents millions au Trésor National, quelquefois il n’en donne que cent. Il vuide tour-à-tour les poches des Fermiers-Généraux, des Ecclésiastiques; tantôt il coupe les bois, tantôt il fond les cloches & de façon ou d’autre, il trouve tous les mois sept cents millions dont l’Etat ne verra jamais un sol.

    Correspondance…, lettre 4, loc. cit., p. 27.

    Ce commentaire souligne aussi la capacité de discernement du lectorat qui peut identifier les incohérences produites, et ce, malgré son ignorance des faits exacts.

    Les formes textuelles pour s’exprimer

    Les presses à forme d’expression personnelle permettent aux journalistes de s’affirmer comme participants[16]. Elles prennent souvent la forme de journaux épistolaires dans lesquels les personnages mis en scène, réels ou fictifs, servent de médium d’expression pour les lecteurs[17]. Il en existe plusieurs formes, il sera question ici de la forme spectatoriale. Le spectateur est mis au point au début du XVIIIe siècle par des journalistes britanniques [18].  Peu de temps après, la popularité de cette forme textuelle gagne la France [19]. Ce type de périodique se caractérise par la construction libre du texte, un auteur fictif présent se définissant comme un observateur de sa société, l’introduction de lettres de lecteurs qui sont pour la plupart inventés et la volonté d’influencer la morale et le goût du public visé[20]. La forme du spectateur, impliquant un journaliste supposé neutre, favorise la présentation d’échanges entre des personnages à l’intérieur des pages du périodique. Sans compter que les sujets abordés par les personnages mis en scène sont divers [21]. Enfin, la forme spectatoriale permet à l’auteur de la Correspondance de représenter son travail comme celui d’un témoin :

    Voila, Madame la Comtesse, ce qu’on entend à Paris. Ce premier coup d’œil étoit nécessaire pour rendre cette correspondance intelligible. Ce n’est pas mon opinion que je vous transmets; je ne me donne pas même pour un Historien; je ne suis qu’un écho fidelle; j’espère à l’avenir repéter des choses moins graves sans être moins utiles.

     Correspondance…, lettre 3, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 17.

    Comme demandé par la comtesse de Sainte-Même, Velport transmet les informations vraies et fausses en garantissant qu’elles aient été dites à Paris, mais se gardant bien d’assurer la vérité. Cette prise de position est peut-être explicable par le contexte révolutionnaire où toute affirmation trop libre peut être condamnée. De plus, comme une lettre se limite généralement à un petit cercle, son utilisation dans un périodique donne une impression aux lecteurs d’avoir accès à des informations privilégiées[23]. Cela autorise les lecteurs à s’intégrer dans un échange avec le journaliste. Également, la petite société créée dans les pages du journal montre des personnages représentant différents caractères ou différents stéréotypes. Pour le journaliste, l’échange mis en scène entre les personnages offre la possibilité d’exposer un argumentaire à la manière des dialogues philosophiques[24]. Dans la Correspondance, la forme épistolaire contribue à interpeler le lectorat dans une sorte de conversation amplifiée par la personnification du discours réalisée grâce aux personnages.

    Les échanges mis en scène sont grandement inspirés des conversations mondaines entre les gens du monde à l’époque moderne. L’art oratoire et la conversation s’intègrent à l’éducation de la noblesse au siècle des Lumières[25]. En effet, la conversation participe à la construction d’une conscience de groupe autorisant une nouvelle définition de l’élite française formant désormais le « monde [26]». Les mondanités donnent à la noblesse « de se distinguer et de se divertir[27] ». Par son style authentique, la conversation s’établit comme un modèle esthétique qui tend à se transposer à l’écrit pour simuler le vrai[28]. Cette norme se maintient au XVIIIe siècle, où la conversation est un art avec des règles formelles qui se transmettent à différentes formes de discours écrits[29]. Par ailleurs, ce phénomène est mis en scène par la voix d’une liseuse qui explique à un correspondant :

    Ne soyez pas si méthodique, écrivez à tord et à travers, répétez déraisonnés s’il le faut, mais soyer abondant, varié, caustique. On n’écrit bien, que lorsqu’on cause, & l’on ne cause agréablement que lorsqu’on s’abandonner.

     Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 15, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 103-104.

    À l’époque de la Révolution, beaucoup de gens conçoivent qu’il faut lire à propos d’opinions diverses pour se faire une idée juste de la situation, c’est pourquoi une personne peut avoir plusieurs abonnements à des journaux. Par contre, les journalistes doivent proposer des produits originaux pour vendre leur produit. Ainsi, en représentant des opinions partagées par différents groupes ces feuilles peuvent rejoindre un public qui veut comprendre des opinions diverses.

    En conclusion, les journalistes sont en position de domination par rapport à leur lectorat puisqu’ils sont pourvoyeurs d’informations vraisemblables. Pour mieux transmettre leurs propos, ils utilisent des formes particulières à leurs besoins. En ce sens, l’articulation du périodique dans la forme spectatoriale permet de mettre en scène la relation entre les journalistes et leur lectorat.

    Les relations de pouvoir entre les journalistes et le lectorat

    Les journalistes possèdent un pouvoir sur leur lectorat puisque ce dernier est avide de connaissances. Pour assurer sa domination, le journaliste de la Correspondance se représente en personnage supérieur et autoritaire, mais ses liseurs et ses liseuses remettent parfois en compte ses informations et ses opinions.

    La soif de nouvelles fraîches

    La volonté d’apprendre qui caractérise le public lettré des XVIIe et XVIIIe siècles s’observe, notamment, grâce à la multiplication de la presse informative [32]. En outre, la Révolution fait exploser le nombre de périodiques. Non seulement ce phénomène est stimulé par la nouvelle liberté de presse, mais il est aussi causé par un sentiment que partagent les contemporains d’être au cœur d’un événement historique d’importance [33]. Dans ce contexte, l’implication citoyenne nécessite une connaissance de l’actualité[34]. L’intérêt accru pour les journaux vient aussi de la relation nouvelle des journalistes avec la politique : beaucoup d’entre eux s’impliquent à l’Assemblée nationale. Ils sont témoins des faits qu’ils transmettent, ce qui n’était pas toujours le cas avant[35]. Inversement, le besoin de passer le temps l’emporte parfois sur la recherche de la vérité. Ainsi, dans la première lettre, Sainte-Même souhaite « un tableau fidèle » des événements parisiens sans « exagérations [36]». Or, plus loin dans la même communication, elle demande : « Des détails, s’il vous plaît, vrais ou faux, douteux ou certains, […] cela fait passer délicieusement une heure ou deux. [37]»

    En fait, la vérité, si importante soit-elle, semble devancée par les fonctions de divertissement du périodique.À la veille de la Révolution, la politique acquiert une importance accrue dans les discussions des salons qui deviennent des lieux de pouvoir où se construit l’opinion publique [38]. La participation à ces activités mondaines apparaît comme un besoin pour les nobles parisiens[39], d’autant plus que la capitale est le centre d’intérêt et le berceau des mondanités. D’ailleurs, Sommersé se prononce là-dessus : « Si j’étois à Paris, je ne me coucherois pas sans être instruite de tout ce que je vous demande; & je n’aurois pas dû vous les demander. [40] » Pendant l’Ancien Régime et la période révolutionnaire, il se développe une presse répondant aux besoins en information de ces Français hors de Paris [41]. Néanmoins, beaucoup d’exilés de la Révolution ont des relations à Paris les informant par correspondance des événements [42]. Le château de Montjoie où les liseurs sont en retrait représente l’éloignement et non un point géographique exact. Il en résulte qu’un espace physique sépare les liseurs des lieux de sociabilité parisiens, et ce, de façon permanente. Le périodique met en scène ce phénomène, notamment avec Sommersé qui semble d’une curiosité insatiable : 

    Au nom du Ciel, moins de Politique & plus d’Anecdotes; un peu de gaîté, beaucoup d’intrigues; l’histoire des modes; joue-t-on? Fait-on l’amour? Les Spectacles sont-ils suivis? Quels sont les Romans du jour, les hommes cités, les femmes victimées? Que dit-on des Princes émigrans? Y a-t-il encore des Aristocrates? Où soupe-t-on? Enfin, vous savez ce qui nous intéresse essentiellement; pesez là-dessus, c’est-à-dire effleurez tout, mais n’oubliez rien. 

     Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 2, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 9.

    L’utilisation de l’énumération donne une impression de surcharge : la tâche du journaliste sera lourde vu le nombre d’informations demandées. Par conséquent, cela signale que de nombreuses nouvelles manquent à ce petit groupe isolé. Sommersé semble avoir besoin de tout connaître et s’en remet aux correspondants pour combler une carence en information, ce qui la place en situation de dépendance, si on peut dire ainsi.

    La domination du journaliste émetteur d’information

    Selon, une tradition du genre spectatorial, le journaliste se défend, à l’occasion, d’être présent dans la société ; il est avant tout un homme moral[44]. Justement, Velport est représenté comme détaché de sa société : « moi qui jamais ne quitte mon cabinet […] moi qui respecte les grands, & les évite encore mieux »[45]. Cet état d’esprit justifie la présence d’un autre personnage journaliste. En effet, Valmore est davantage présenté comme un journaliste classique. Il déclare participer à différents groupes, plus mondains cette fois. D’ailleurs, Sainte-Même présente ainsi Valmore : « le suivant est un homme de Cour, qui ne conçoit pas même qu’on puisse vivre sans aller au levé et surtout sans pension[46] ». Sa position sociale contribue à le tenir au courant de nouvelles mondaines plus rapidement que les autres. Également, sa qualité d’homme de cour dote le personnage de galanterie, ce qui favorise l’échange de propos agréables sans sombrer dans le débat politique : 

    C’est un jeune homme fort instruit, non pas d’histoire, de l’économie politique, des intérêts de sa Patrie; il a négligé ces bagatelles; mais il connoît nos théâtres, nos modes, nos femmes, nos plaisirs dans une grande perfection […].

     Correspondance…, lettre 4, loc. cit, p. 17-18.

    Valmore possède donc de larges connaissances qui en font un informateur tout désigné, mais il ne s’occupe pas de politique. Ce correspondant tente d’influencer le goût de son lectorat en proposant des commentaires sur différents sujets[49]. Il écrit à Sommersé des lettres à propos des publications, du théâtre et des échanges de salons parisiens[50]. Il en profite pour offrir ses commentaires en donnant par fois des extraits issus des textes à l’honneur. Parfois, Valmore montre un peu de condescendance, notamment en parlant de l’Almanach des députés de l’Assemblée nationale : « Vous pouvez juger, par ces trois échantillons, de l’ouvrage. Je présume qu’ils suffiront à votre curiosité[51]. » Il affirme son pouvoir en spéculant sur les besoins de sa lectrice. Par ailleurs, il émet des réflexions morales qui ne plaisent pas à sa lectrice, voici l’une des critiques de Sommersé : « Vous nous laissez ignorer l’essentiel, Monsieur, & au lieu de gaité, vous nous envoyez de la morale[52]. » Cette critique introduit un des pouvoirs des lecteurs, celui de critiquer le travail des journalistes.

    Le pouvoir des lecteurs et des lectrices : la critique

    Dans la Correspondance, les personnages affirment avoir accès à certains documents. Par exemple, Semonville sous-entend lire d’autres nouvelles que celles offertes par son correspondant parisien[53]. De son côté, Sommersé requiert encore plus d’informations sur certains périodiques dont elle a entendu parler. De surcroît, elle sait déjà une partie de ce qui se passe à Paris quand elle reproche à Velport : « Pas un mot sur les deux cens hommes pris aux Champs-Elisées. Que vouloient-ils? Avoient-ils un Chef? [54]» Les liseurs et les liseuses en provinces ont donc accès à d’autres sources d’informations comme des lettres de correspondants, des journaux distribués en province ou des cercles de discussion. Au courant du XVIIIe siècle, des presses provinciales se mettent en place[55]. Cependant, de nombreuses lacunes sont comblées par l’arrivée de journaux parisiens[56]. En fait, le nombre de périodiques adressés spécialement aux habitants de la province française est en croissance, surtout avec le développement des journaux par correspondances[57].  De même, certains journaux produits à Paris s’adaptent aussi à une clientèle régionale, notamment le Journal de la ville[58]. À ce sujet, le journaliste de la Correspondance témoigne d’une sorte de dépendance des lecteurs devant les périodiques d’information. 

    Néanmoins, le lectorat choisit ce qu’il veut lire. En fait, les liseurs et les liseuses ont des demandes très précises quant aux informations à obtenir de Paris. Ces demandes sont surtout articulées dans les deux premières lettres attribuées à Sainte-Même et à Sommersé[59]. Par conséquent, les correspondants sont vivement critiqués lorsqu’ils ne respectent pas leurs engagements. En fait, la forme épistolaire des « spectateurs » est propice à l’apposition de commentaires et de réflexions[60]. Parfois, le correspondant est critiqué sur les opinions qu’il choisit de défendre si bien que Fonderose, un liseur, commence une lettre comme suit : « Je vous estime trop, Monsieur, pour ne pas vous plaindre. L’Aristocratie vous a subjugué, même dans la violence de la crise [61]».

    Ensuite, Fonderose offre un long monologue sur les travers de l’Ancien Régime, comme les lourds impôts ou la censure. Dans le même ordre d’idée, la critique de la Vicomtesse, la troisième liseuse, est plus personnelle et s’attaque au style Velport : « Vous êtes devenu caustique, amer, & quelquefois dur. Vous êtes léger & vous n’êtes que superficiel[62] ». Grâce aux critiques, on observe aussi que les liseurs prennent position en tant que consommateurs. Le journal met donc en scène des lecteurs actifs dans leur relation avec les correspondants en précisant ce qu’ils veulent et ce qu’ils ne veulent pas. Dans ces plaintes, les lecteurs imposent leur pouvoir de domination sur le journaliste qui, dans les faits, n’a pas de raison de publier s’ils ne lisent pas et n’a pas d’argent pour vivre s’ils n’achètent pas le fruit de ses efforts.L’interaction entre les personnages permet de mettre en scène l’argumentaire de certains débats ayant cours en 1790. Le journal est alors un moyen de communication d’informations présentant des débats qui ont probablement cours dans les lieux publics parisiens. L’utilisation de personnages permet de représenter la parole de différents interlocuteurs probables, de diriger selon les volontés du journaliste et d’interpeler le lectorat[63]. C’est une façon de présenter les divergences sociales tout en simulant de vrais échanges. L’identification des intervenants est donc primordiale. À ce sujet, les lettres de la Correspondance, bien qu’elles aient un destinataire précis, ne concernent généralement pas un individu en particulier. Comme dans les salons du XVIIIe siècle, les lettres sont faites pour être lues en groupe[64]. Ainsi, à l’occasion de sa première participation dans le périodique, la Vicomtesse écrit à Velport : « Vos lettres ne me plaisent pas prodigieusement; j’y trouve presque toujours ce que je n’y cherche point, & j’y desire ce qui m’intéresse. [65] » Elle a eu accès aux lettres écrites par Velport. Parallèlement, en fixant un nombre de personnages restreint au départ, le journaliste maintient un sentiment d’intimité avec ses lecteurs, comme dans les salons parisiens. Le lectorat a donc accès à des « correspondances » semi-privées, c’est-à-dire qu’elles concernent un nombre limité d’individus[66]. 

    Finalement, l’esprit critique des liseurs et des liseuses est mis en scène par le périodique. Les personnages qui habitent le château ont des discussions qui sont souvent sous-entendues, mais parfois rapportées dans le journal. Dans une de ses lettres, Sommersé indique sa curiosité et celle de ses compagnons à propos de la tenue prochaine d’un Te Deum à Paris : 

    Est-il convenable que vous nous laissiez ignorer les grands événemens de la Capitale. […] Nous avons tout imaginé, tout rappellé, tout combiné, sans pouvoir mettre le doigt dessus. Ne pouvant plus résister à une impatience bien naturelle, nous vous envoyons un courrier qui nous calmera à son retour.

    Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du temps. Second cahier, lettre 40, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 119-120.

    Par la suite, elle affirme que lors des échanges à ce sujet, trois hypothèses sont formées par la société et fait le bilan de celles-ci. Elle va même jusqu’à citer le nom d’un des autres liseurs : « L’Abbé de Vesilles a eu l’idée de plus invraisemblable. Il prétendoit que c’étoit parce que le Roi avoit accepté la Constitution. [68]» 

    Cette situation ne veut pas dire que le lectorat retiré de Paris vit l’expérience des sociétés de campagne. Justement, cela favorise l’identification d’un besoin chez des individus ou des groupes isolés de la sociabilité parisienne. Ces groupes développent donc une dépendance par rapport aux journalistes qui peuvent leur fournir des informations et un sentiment de discussion. 

    Pour conclure, l’auteur du périodique met en scène les lecteurs éloignés de Paris. Ces derniers ont un grand besoin d’information et se trouvent soumis aux correspondants pouvant leur en fournir. L’auteur montre toutefois que les lecteurs gardent un certain pouvoir en présentant des liseurs critiques par rapport aux nouvelles transmises par les correspondants.

    La manipulation de l’opinion publique et le pouvoir de la construction de l’information

    L’auteur du périodique met en scène le pouvoir de l’information en représentant l’opinion publique et ses agitateurs. Enfin, il présente une réflexion sur la liberté d’expression en s’intégrant dans un débat contemporain sur le rôle et le pouvoir de l’écrit.

    La composition de l’opinion publique

    Pour les contemporains du siècle des Lumières, les autorités gouvernementales et intellectuelles dirigent l’opinion publique, grâce aux différents médias à leur disposition. Elles s’en servent pour contenir ou exciter la population qui s’impose alors comme juge des actions de l’État[69]. Le terme « opinion publique » apparaît dès cette époque dans les documents politiques et médiatiques, encore plus lors de la convocation des États Généraux à l’aube de la Révolution[70]. L’importance accordée à l’opinion publique par les contemporains montre une conscience de l’intérêt de la production d’une idée collective par le groupe pour que les individus puissent s’y référer[71]. Il faut toutefois établir la distinction entre l’opinion publique volontairement générée par un individu ou un groupe, celle que j’étudie dans le présent travail, et l’opinion publique (ou les opinions publiques) vécue par la population[72].

    Les journalistes sont conscients de leur pouvoir dans la construction de l’opinion publique. Ils s’en servent de trois façons : en ayant des propos plutôt neutres, en rendant compte de la pensée collective avec ses changements fréquents et en tentant de représenter une opinion globale qui intègre différentes réflexions[73]. Il semble que la Correspondance ait pris le parti de représenter à la fois une opinion publique homogène lorsqu’il est question du peuple et de montrer une opinion publique hétérogène et fluctuante grâce à l’utilisation de personnages polarisés sur les grands thèmes du début de la Révolution.

    Premièrement, dans le périodique, le « public » n’a pas une définition très claire. Il représente parfois un groupe de lettrés : « Les Révolutions de Paris, dédiées à la Nation, & données au Public par Prud’homme[74] ». Parfois, le public constitue un groupe plus vaste alors qu’il est question d’« intérêt public [75]». Le public est aussi juge pour les périodiques. Velport semble le trouver peu judicieux lorsqu’il commente favorablement le Journal d’État & du Citoyen de Louise de Kéralio-Robert. Le correspondant critique un public qui ne sait pas apprécier le travail de Kéralio : « L’intention de faire une œuvre distinguée; de fréquentes actions de graces au Public, qui ne prend pas la peine de les mériter; des analyses froides, mais assez bien pensées, voilà ce qui doit former un homme d’Etat. [76]» Néanmoins, le public reste maître et l’auteur termine le premier cahier avec cette phrase : « C’est au Public à [se] prononcer sur un écrit dont l’Auteur lui fait hommage. Son accueil décidera le nombre des Cahiers. [77]» En définitive, le public est responsable de juger de la qualité du périodique, ce qui veut dire que le public a un pouvoir économique essentiel à la survie de la Correspondance. Deuxièmement, les personnages stéréotypés du périodique permettent de recréer une microsociété comprenant différentes opinions quant à la Révolution : certains sont en faveur du retour à la monarchie absolue ou d’une monarchie constitutionnelle, alors que certains s’affichent profondément républicains[78]. Le débat politique dans la Correspondance s’ouvre surtout grâce aux personnages masculins[79] dans une mise en scène qui recrée l’atmosphère d’un café, lieu mitoyen entre le raffinement du salon et le monde interlope où l’information en transite s’avère souvent politique[80].

    À cette fin, Semonville représente la modération ce qui en fait un personnage plus réconfortant, mais surtout conciliant[81] : « M. de Sémonville, fuit les parties extrême, & docile à la voix de la raison, en est l’apôtre par conviction & non par amour-propre. Tout ce qui s’éloigne de la raison est sans force à ses yeux.[82] » L’usage de ce genre de personnage vise à maintenir les lecteurs dans le calme alors que des liseurs extrêmes, comme Smante et Fonderose, servent à exciter les lecteurs au profit d’une faction ou d’une autre. Smante et Fonderose sont des personnages aux antipodes :

    M. de Smante, saisit les objets avec une extrême vivacité, se trompe ou raisonne de bonne-foi, & fidèle aux principes de l’Aristocratie, les défend avec une opiniâtreté inflexible. M. de Fonderose, Démocrate furieux, verseroit son sang pour la Liberté, qu’il professe avec un courage qui ne compose jamais.

    Correspondance…, op. cit., p. 157.

    À cet égard, leur fonction est de mettre en scène deux extrêmes d’un débat se tenant dans le Paris de la Révolution. C’est-à-dire que le rédacteur organise les propos de ces deux personnages pour provoquer une réaction chez le lectorat du périodique. D’ailleurs, les deux liseurs se répondent dans les lettres adressées à Velport. Bref, le périodique met en scène des débats au cœur des réflexions politiques de la Révolution.

    La manipulation de l’opinion publique

    L’auteur du périodique affirme que les politiciens doivent être de bons orateurs pour bien manipuler l’opinion publique. À ce sujet, il décrit les députés comme de « Grands parleurs en général, sobres d’idées, un peu embarrassés dans l’exécution, ne délibérant comme il faut que dans le calme; prêchant l’égalité, mais ne voulant point de rivaux, pas même de Rois [86]». En somme, les représentants du peuple sont des incompétents capables de convaincre le public avec des préceptes qu’ils ne respectent pas. Dans une autre lettre, l’auteur rapporte un décret émis par l’Assemblée nationale à propos de la condamnation de magistrats à Rennes : « Cette affaire a fourni l’occasion aux Orateurs de déployer leur talent. MM. De Clermont-Tonnerre, Barnave, Maury, & sur-tout le Comte de Mirabeau, ont montré une énergie très-propre à rassurer leurs partisans, & à désespérer leurs ennemis. [87]» Cependant, les tentatives de manipulation de l’opinion ne fonctionnent pas toujours, malgré tout le travail qu’elle nécessite.

    Même si les politiciens sont habiles à l’oral, l’opinion publique est aussi orientée grâce à la production d’écrits en tout genre. Ainsi, l’auteur critique les journaux aux propos trop connotés en utilisant la voix des deux correspondants dans des lettres adressées à Sommersé. Une critique de la quatrième lettre concerne la Gazette nationale : « Les François qui ont faits tant de livres, ne savent pas organiser une Gazette, ils ont la rage de substituer les réflexions aux faits, & l’esprit à l’histoire. [88]» Selon Velport, trop de commentaires sur l’actualité dénaturent le périodique. En revanche, l’auteur se garde bien d’expliquer que cela oriente grandement la perception que le lectorat a des faits et des événements. Dans la huitième lettre, Valmore critique l’Almanach des Députés à l’Assemblée Nationale pour son utilisation de propos trop élogieux sur Mirabeau, ce qu’il qualifie de « déeisions [89]». De surcroît, le correspondant rapporte que les écrivains de journaux se répondent dans les pages de leur publication respective, notamment il est question d’une feuille de Clermont-Tonnerre contredisant le point de vue de Mirabeau et de Barnave[90]. Bien qu’il arrive aux correspondants de critiquer la partisanerie de certains journaux, il n’en reste pas moins que le journaliste utilise lui-même des procédés de manipulation de l’opinion publique. À la lumière de la Correspondance, il semble que le risque de la manipulation de l’opinion publique soit son utilisation à mauvais escient, et non son utilisation.

    La représentation du débat autour de la liberté d’expression

    Au XVIIIe siècle, la liberté de presse signifie l’abolition de la censure préalable à la publication, ce qui implique que tout peut être publié sans restriction. Or, pour les contemporains, il n’y a pas d’incohérence à pénaliser une publication pour calomnie ou pour injure, ce qui justifie les répressions exercées à cette époque[91].  La Révolution amène un vide à ce sujet en abolissant les réglementations de l’Ancien Régime tout en élargissant le privilège de l’honneur à toute la population (ou presque), en vertu de l’égalité[92]. Au début de la Révolution, l’apparente liberté de presse est surtout le résultat d’une incapacité d’agir de la part des dirigeants de l’État[93]. Toutefois, le respect de la moralité considéré comme nécessaire par les contemporains justifie la mise en place de mesures pour punir et décourager la calomnie[94]. La liberté d’expression sous-entend que les auteurs doivent assumer les conséquences de ce qu’ils affirment.

    Dans la Correspondance, il apparaît que son auteur ne se sent pas toujours à son aise d’émettre ses propres opinions. Dans une lettre, Velport répond comme suit à une critique : 

    […] il faut que vous ayez la complaisance de me deviner souvent, car il est dangereux d’être clair dans une lettre confiée à des mains étrangères. Les Bureaux de Postes ne sont pas encore complettement lavés de leurs anciennes perfidies. L’espionage des lettres n’est peut-être pas mieux proscrit que l’autre.

     Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 22, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 137

    La peur de l’espionnage est mentionnée parfois dans le périodique. L’apparente liberté d’expression de la Révolution est soumise au Comité des recherches souvent comparé à l’inquisition par les personnages : « Pourquoi faut-il un Comité des Recherches? Y a-t-il rien de plus odieusement barbare que cette inquisition civile? Une terre de liberté couverte d’espion & de délateurs! Cette abominable institution remplira la France d’opprobe.[96] » En fait, il est possible que le choix d’une forme épistolaire où plusieurs points de vue sont exposés permette à l’auteur d’exposer ses opinions sans trop risquer d’avoir des comptes à rendre au Comité des recherches. D’ailleurs, le périodique compte de nombreuses références à l’espionnage et au Comité des recherches[97].

    Les personnages sont mitigés sur le bien-fondé de la liberté d’expression. Les correspondants aimeraient pouvoir s’exprimer comme bon leur semble, mais ils n’en critiquent pas moins que d’autres le fassent. Pour beaucoup de personnages, la liberté d’expression permet de produire une multitude de textes sans qualité : « on ne fait plus d’ouvrages en France depuis qu’on écrit sur tout. Quand on pense que dans six mois ces brochures seront oubliées, à commencer par celle de l’inintelligible Syeies jusqu’au disert Cerutti.[98] » Ici, le personnage de Sainte-Même prend la peine de nommer des auteurs qu’elle n’apprécie pas pour cibler un type d’écrivains. Le personnage de Velport est aussi très dur à l’égard de certains de ses compatriotes : « Le Nouvelliste du Palais-Royal, est l’ouvrage d’un Laquais ivre, & l’on voit avec douleur la liberté de la presse, occasionner des scandales si dégoutans[99]. » Encore une fois, l’auteur dénonce la liberté d’expression à cause du mauvais travail d’un autre journaliste. Dans ces conditions, il semble qu’il y ait une sorte de déresponsabilisation par rapport au journalisme. Alors que la critique pourrait être dirigée vers les auteurs qui décident de produire des écrits de piètre qualité, les foudres du journaliste vont contre la liberté d’expression. Cette frustration pourrait venir d’une peur de la calomnie, mais aussi d’une peur des capacités de manipulation de l’opinion publique par les journalistes. D’ailleurs, beaucoup de critiques de journaux contenues dans la lettre quatre accusent ceux-ci d’être trop partisans, parce que l’auteur se rend bien compte que le peuple est manipulé par les politiciens[100].

    Cependant, par la voix d’autres personnages, le périodique favorise la liberté d’expression. Nonobstant les défauts de certains ouvrages, la liberté de représenter sa pensée dans les pages d’un périodique permet de fixer celle-ci pour la transmettre dans le temps et dans l’espace. La Révolution améliore, du moins pour l’instant, le sort des journalistes :

    […] songez […] à l’esclavage qui tous les jours imprimait ses traces humiliantes sur votre industrie; à tous les genres de prohibitions qui vous investisroient, & considérez-vous maintenant libre dans votre pensèe, maître de transmettre vos opinions, pouvant employer vos talens, votre industrie, ne répondant de vos actions qu’à la loi, admis à la gestion de l’affaire publique, & après avoir secoué vos fers, à même d’exister dans l’indépendance raisonnable à laquelle la Nation donne droit d’aspirer.

     Correspondance…, lettre 11, loc. cit, p. 73-74.

    Fonderose souligne que les écrits de l’Ancien Régime restent pour démontrer l’importance de la liberté d’expression. De plus, les seules limites de la liberté d’expression sont balisées par la nation, donc la volonté générale. Libérée de la censure royale et soumise « à la gestion de l’affaire publique » la liberté d’expression est désormais soumise à l’opinion publique.

    Bref, l’auteur de la Correspondance offre sa présentation de l’opinion publique en la mettant en scène à l’aide de ses personnages. Ainsi, il critique la volonté de domination des politiciens et des journalistes sur celle-ci. À vrai dire, ces réflexions mettent en scène un débat sur la liberté d’expression qui a cours pendant la Révolution.

    En conclusion, l’auteur de la correspondance présente les pouvoirs des journalistes dans les pages de son journal en mettant en scène le travail de construction du récit et la réception des lecteurs. De plus, le journaliste présente des questionnements au cœur de la pratique du métier : celui de la manipulation de l’opinion publique et celui de la liberté d’expression. D’abord, l’auteur représente les journalistes comme des pourvoyeurs d’informations responsables du rassemblement des données et de la mise en récit de celle-ci pour produire des nouvelles intelligibles pour un lectorat déterminé. Ainsi, les gazetiers et les nouvellistes créent une image de la réalité qu’ils ont le pouvoir d’orienter. En outre, comme le lectorat est avide de connaissances les journalistes peuvent imposer leur domination intellectuelle. En effet, la Correspondance met en scène les relations de pouvoir entre les journalistes, les lecteurs et les lectrices, sans oublier que les écrivains sont dépendants de leur public. Enfin, sans avoir une définition bien claire de ce qu’est le public, l’auteur semble démontrer que les opinions sont plurielles malgré la manipulation que tentent certains écrivains. À ce sujet, l’auteur met en scène les débats autour de l’importance de la liberté d’expression à des journalistes. Finalement, le pouvoir des journalistes réside dans leur capacité à user de la liberté d’expression.

    Mes travaux de maîtrise ne s’intéressent qu’à une petite partie de la période révolutionnaire. Aussi, l’utilisation d’un seul texte ne me donne pas accès à l’opinion d’autres auteurs contemporains. Or, il serait pertinent de voir, à l’aide d’autres périodiques, l’évolution de la mise en scène de l’opinion publique dans les journaux. Cette représentation pourrait être mise en relation avec les différentes réglementations imposées à la presse et les différentes périodes politiques. Notamment, la représentation du lectorat comme des participants actifs de la construction de l’opinion publique est très intéressante pour mieux comprendre ses habitudes de lecture ainsi que les modalités de construction des textes journalistiques.

    Références

    [1] Alain Nabarra, « Le journalisme à la recherche de lui-même au XVIIIe siècle : les modalités de l’information », Cahiers de l’Association internationale des études françaises, no 48 (1996), p. 27-28. [2] Alexis Lévrier, Les journaux de Marivaux et le monde des « spectateurs », Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, coll. « Lettres françaises », 2007, p. 180-185. [3]Jeremy Popkin, La presse de la Révolution. Journaux et journalistes (1789-1799), Paris, Odile Jacob, coll. « Collège de France », 2011, p. 17-55. [4] Nabarra, loc. cit., p. 33. [5] Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 4, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 20. [6]Suzanne Tucoo-Chala, « Presse et vérité sous l’Ancien Régime », Revue du Nord, vol. 66, no261-262 (1984), p. 713-715. [7]Robert Darnton, « An Early Information Society: News and the Media in Eighteenth-Century Paris », The American Historical Review, vol. 105, no1 (2000), p. 1-35. [8] Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 1, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 3. [9]Correspondance…, lettre 4, loc. cit., p. 20. [10] Tucoo-Chala, loc. cit., p. 713. [11] Ibid. [12]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 7, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 39. [13]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 6, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 36. [14]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 3, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 17. [15] Correspondance…, lettre 4, loc. cit., p. 27. [16]Nabarra, loc. cit., p. 28. [17]Claude Labrosse et Pierre Rétat, Naissance du journal révolutionnaire, 1789, Lyon, Presses universitaire de Lyon, coll. « Librairie du bicentenaire de la Révolution », 1989, p. 188-189. [18]Andrew Pettegree, The Invention of the News. How the World Came to Know About Itself, New Haven, Yale University Press, 2014, p. 278-280. [19] Ibid., p. 264 et Michel Gilot, Jean Sgard et al., « Le journaliste masqué. Personnages et formes personnelles », dans Pierre Rétat, dir., Le journal de l’Ancien Régime. Questions et propositions, Table ronde CNRS, 12-13 juin 1981, Lyon, Centre d’études du XVIIIe siècle de l’université de Lyon II, 1982, p. 286. [20]Lévrier, op. cit., p. 157-185. [21] Pendant l’Ancien Régime, les spectateurs de langue française traitent surtout de nouvelles littéraires. Pettegree, op. cit., p. 278-279. [22] Correspondance…, lettre 3, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 17. [23] Benedetta Craveri, L’âge de la conversation, trad, de l’italien par Éliane Deschamps-Pria, Paris, Éditions Gallimard, 2002 (éd. ital. 2001), p. 357. [24]Lévrier, op. cit., p. 176-177. [25]Benedetta Craveri, L’âge de la conversation, trad, de l’italien par Éliane Deschamps-Pria, Paris, Éditions Gallimard, 2002 (éd. ital. 2001), p. 357. [26] Ibid., p. 353. [27] Ibid. [28]Delphine Denis, « Conversation et enjouement au XVIIe siècle : l’exemple de Madeleine de Scrudéry », dans Alain Montandon, dir., Du goût, de la conversation et des femmes, Clermont-Ferrand, Association des Publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Clermont-Ferrand, 1994, p. 126; Marc Fumaroli, « De l’âge de l’éloquence à l’âge de la conversation : la conversation de la rhétorique humaniste dans la France du XVIIe siècle », dans Bernard Bray et Christoph Strosetzki, dirs., Art de la lettre. Art de la conversation à l’époque classique en France, actes du colloque de Wolfenbüttel (Allemagne), Paris, Klincksieck, 1995, p. 43-45 et Stéphane Pujol, « De la conversation à l’entretien littéraire », dans Alain Montandon, dir., op. cit., p. 13 [29]Craveri, op. cit., p. 357-365 et 374-375. [30] Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 15, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 103-104. [31] Popkin, op. cit., p. 93-94. [32]Jean Sgard, « La multiplication des périodiques » dans Roger Chartier et Henri-Jean Martin, dirs., Histoire de l’édition française, tome II, Le livre triomphant. 1660-1830, Paris, Fayard, 1989 (1982), p. 249. [33]Popkin, op. cit., p. 93-96. [34]Ibid. [35]Pierre Rétat, « La diffusion du journal en France en 1789 », dans Hans Bots, dir., La diffusion et la lecture des journaux de langue française sous l’Ancien Régime/Circulation and Reading or Periodicals in the French Language during the 17th and 18th centuries, actes de colloque international, Nijmegen, 3-5 juin 1987, Amsterdam/Maarssen, Holland University Press, 1988, p. 125. [36] Correspondance…, lettre 1, loc. cit., p. 4-5 [37]Ibid., p.7. [38]Craveri, op. cit., p. 386-387. [39] L’historien Simon Burrows estime à 20 000 le nombre de laïcs et de clercs qui immigrent en Grande-Bretagne entre 1790 et 1800. Selon Michel Vovelle, environ 145 000 personnes avaient quitté la France en 1800. Simon Burrows (1999, juin), « The Cultural politics of exile: French Emigre Literary Journalism in London, 1793-1814 », Journal of European Studies, vol. 29, no 2, consulté le 16 avril 2016, http://go.galegroup.com/ps/i.d o?id=GALE%7CA56640789&v=2.1&u=crepuq_usherb&it=r&p=LitRC&sw=w&asid=88e5fc9e8ed0af0da2a8379045c9000b. Michel Vovelle, La Révolution française, 1789-1799, 3e édition, Paris, Armand Colin, 2015c (1992), p. 123. [40]Correspondance…, lettre 15, loc. cit., p. 103-104. [41]Burrows, loc. cit. [42]Philippe Bourdin, « Mémoires d’ex -, mémoires d’exil : l’émigrante noblesse auvergnate », Annales historiques de la Révolution française, no343 (2006), p. 10-13. [43]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 2, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 9. [44] Lévrier, op. cit., p. 172. [45]Correspondance…, lettre 2, loc. cit, p. 11. [46] Correspondance…, lettre 1, loc. cit, p. 4. [47]Craveri, op. cit., p. 357. [48]Correspondance…, lettre 4, loc. cit, p. 17-18. [49]Lévrier, op. cit., p. 185. [50]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 8, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 51-62 et Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 13, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 88-94. [51]Correspondance…, lettre 8, loc. cit, p. 54. [52]Correspondance…, lettre 15, loc. cit, p. 103-104 [53]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 18, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 122. [54]Correspondance…, lettre 15, loc. cit, p. 103 [55]À ce sujet, voir notamment l’étude de Gilles Feyel. Gilles Feyel, La « Gazette » en province à travers ses réimpressions, 1631-1752 : une recherche analytique de la diffusion d’un ancien périodique dans toute la France : avec un aperçu général et bibliographique pour chacun des centres de réimpression de la Gazette, Amsterdam, APA : Holland University Press, 1982, 452 p. [56] Christian et Sylvaine Albertan, « Les silences de la presse provinciale en 1788 » dans Pierre Rétat, dir., La Révolution du journal. 1788-1794, Paris, Éditions du Centre national de la recherche scientifique, 1989, p. 25-36. [57] Hugh Gough, « La transformation de la presse provinciale en 1789 » dans Ibid., p. 101-108 [58] Rétat, loc. cit., p. 124-125. [59]Correspondance…, lettre 1, loc. cit, p. 3-8 et Correspondance…, lettre 2, loc. cit, p. 9-10. [60] Gilot, Sgard et al., loc. cit., p. 309. [61]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 11, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 73. [62]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 19, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 129. [63]Lévrier, op. cit., p. 176-177. [64]Lilti, Le monde des salons. Sociabilité et mondanité à Paris au XVIIIe siècle. Paris, Librairie Arthème Fayard, 2005, p. 289. [65]Correspondance…, lettre 19, loc. cit, p. 128-129. [66]Lilti, op. cit., p. 284. [67]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du temps. Second cahier, lettre 40, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 119-120. [68] Correspondance…, lettre 40, loc. cit, p. 120. [69]Michael Keith Baker, « Politique et opinion publique sous l’Ancien Régime », Annales. Économies, sociétés, civilisations, vol. 42, no1 (1987), p. 41-71 et Au tribunal de l’opinion. Essais sur l’imaginaire politique au XVIIIe siècle, trad. de l’ang. par Louis Évrard, Paris, Payot, 1993 (éd. ang. 1990), 319 p. [70]Pour un courant historiographique, notamment porté par Baker, Chartier et Sandro, l’opinion publique nait avec sa conceptualisation. Pour d’autres historiens et historiennes comme Roche, Gunn, Farge et Carrier, la naissance de l’opinion publique dépend de l’émergence de moyen de la construire et de la diffuser. Baker, « Politique et opinion publique sous l’Ancien Régime », loc. cit., p. 41-71 et Au tribunal de l’opinion. Essais sur l’imaginaire politique au XVIIIe siècle, op. cit.; Roger Chartier, Les origines culturelles de la Révolution française, Paris, Éditions du Seuil, 1990, coll. « L’univers historique », p. 32-52; Sandro Landi, Naissance de l’opinion publique dans l’Italie moderne. Sagesse du peuple et savoir du gouvernement de Machiavel aux Lumières, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 2006, 233 p.; Daniel Roche, « L’opinion publique a-t-elle une histoire? », dans Lucien Bély, dir., L’opinion publique en Europe. (1600-1800), Paris, Presses de l’université Paris-Sorbonne, 2011, p. 9-36; John Alexander Wilson Gunn, Queen of the World: Public Opinion from the Renaissance to the Revolution, Oxford, The Voltaire Foundation, 1995, 416 p.; Arlette Farge, Dire et mal dire : l’opinion publique au XVIIIe siècle, Paris, Éditions du Seuil, 1992, 317 p.; Hubert Carrier, La presse et la Fronde (1648-1653) : les mazarinades, volume I, La conquête de l’opinion, Genève, Droz, coll. « Histoire et civilisation du livre », 1989, 486 p. [71] Mathieu Brugidou, L’opinion et ses publics. Une approche pragmatiste de l’opinion publique, Paris, Presses de Sciences Po, coll. « Académique », 2008, 216 p. [72]Niklas Luhmann, « Complexité de la société et opinion publique », trad. de l’allemand par Aurélien Berlan, Tracés. Revue de Sciences humaines, vol. 29, 2015 (éd. all., 1990), p. 165-180 et « L’opinion publique », trad. de l’allemand par S. Avril et F. Jobard, Politix, vol. 14, no55, 2001 (éd. all., 2000), p. 25-59. [73]Pierre Rétat, « Le journaliste comme interprète et guide de l’opinion publique en 1789 », dans Alberto Postigliola, dir., Opinione lumi rivoluzione, Rome, Academia Letteraria dell’Arcadia, 1993, p. 43-50. [74]Correspondance…, lettre 4, loc. cit, p. 22. [75]Ce terme est récurrent dans la douzième lettre qui est à propos de décrets votés par l’Assemblée Nationale au courant du mois de janvier. Ibid., p. 22. [76]Correspondance…, lettre 4, loc. cit, p. 24. [77]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 158. [78] Olivier Blanc, « Cercles politiques et “salons” du début de la Révolution (1789-1793) », Anales historiques de la Révolution française, no 344 (2006), p. 63-92. [79]Correspondance…, lettre 1, loc. cit, p. 4. [80]Franco Fido, « From the Spectator to Goldoni: Coffee-house Culture and Wishful Thinking in the Eighteenth Century », dans Leona Rittner, W. Scott Haine et Jeffrey H. Jackson, dirs., The Thinking space: the café as a cultural institution in Paris, Italy and Vienna, Farnham, Ashgate, 2013, p. 83-91. [81]Ouzi Elyada, « La représentation de l’opinion publique populaire dans la presse parisienne révolutionnaire », Annales historiques de la Révolution française, no303 (1996), p. 42-46. [82]Correspondance, tome 1, p. 157. [83]Elyada, loc. cit., p. 37-47 et « L’usage des personnages imaginaires dans la presse et le pamphlet populaire pendant la Révolution française », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 44e, no3 (juillet-septembre 1997), p. 484-503. [84]Correspondance…, op. cit., p. 157. [85]Jacques Guilhaumou, « La “Guerre des mots”. On dit, nouvelles et dialogues dans la presse Révolutionnaire (1791-1793) », dans Michel Biard, Annie Crépin et Bernard Gainot, La plume et le sabre. Hommages offerts à Jean-Paul Bertaud, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002, p. 101-110. [86]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 9, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 64. [87]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 12, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 85. [88]Correspondance…, lettre 4, loc. cit, p. 22. [89]Nous dirions aujourd’hui : déification. Correspondance…, lettre 8, loc. cit, p. 53. [90]Ibid., p. 55-56. [91]Charles Walton, « Introduction », dans Charles Walton, dir., Into Print: Limits and Legacies of the Enlightenment: essays in honor of Robert Darnton, University Park (États-Unis), The Pennsylvania State University Press, 2011, coll. « The Penn State Series in the History of the Book », p. 22-23. [92]Correspondance…, lettre 4, loc. cit, p. 27. [93]Popkin, op. cit., p. 23. [94] Walton, loc. cit., p. 27 [95] Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 22, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 137. [96]Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 10, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 71. [97] Correspondance…, lettre 1, loc. cit, p. 5; Correspondance de quelques gens du monde sur les affaires du tems, lettre 5, Paris, Denné et Garnéry, 1790, p. 31 et Correspondance…, lettre 10, loc. cit, 71. [98] Correspondance…, lettre 1, loc. cit, p. 7. [99]Correspondance…, lettre 4, loc. cit, p. 23. [100] Correspondance…, lettre 3, loc. cit, p. 13. [101] Correspondance…, lettre 11, loc. cit, p. 73-74.