« The slave went free; stood a brief moment in the sun; then moved back again toward slavery ».[1]
L’aboutissement de la guerre de Sécession met fin non seulement à l’affrontement le plus sanglant de la jeune République, mais aussi à l’esclavage. Les quatre années d’affrontement laissent place à la plus grande révolution sociale du pays. La nation se rapproche de ses devises fondatrices telles que E Pluribus Unum (De plusieurs, un) et « A more perfect union » au moment où les personnes afrodescendantes gagnent non seulement leur liberté, mais aussi la citoyenneté et le droit de vote en vertu du 14e et 15e amendement. La Reconstruction américaine promet ainsi de transformer la nation en une démocratie égalitaire et biraciale. Une brèche s’est ouverte depuis l’ombre et les personnes anciennement esclavisées ont leur instant au soleil. Cependant, la guerre laisse aussi derrière elle plusieurs centaines de milliers de morts, la plus grande économie agraire en ruines et l’espoir d’une nation sudiste distincte résolument impossible. L’ancien Sud antebellum est mort, mais quelle allure prendra le « Nouveau » Sud ?
Dans les pages de la presse, ce nouveau Sud émergeant ne cesse pourtant de rappeler l’ancien, d’une manière, l’ombre du passé persiste à travers ses lignes. Tandis que les anciens confédérés et le Ku Klux Klan maniaient la violence lors de lynchages et massacres, plusieurs presses du Sud s’opposaient à la Reconstruction dans des éditoriaux enflammés où leur papier servait de poudre à canon et où leurs mots agissaient en tant qu’étincelles[2]. D’autre part, les éditeurs du Sud et particulièrement ceux de La Nouvelle-Orléans se sont empressés d’écrire extensivement à propos de leur ville afin d’en dicter eux-mêmes la nature dans le Nouveau Sud. Pour la presse, transformer les événements du quotidien en récits apparemment vraisemblables devient un moyen efficace de s’opposer à la Reconstruction et à ses idéaux égalitaires.
Cet article propose l’analyse d’une série d’avis d’arrestations dans les quotidiens de La Nouvelle-Orléans, plus précisément, les avis d’un seul homme dont le récit est tombé dans l’oubli ; Solomon Thomas. D’abord, le témoignage que Solomon Thomas, un homme noir anciennement esclavisé vivant près de Shreveport, livre à des représentants du Congrès dans le cadre d’investigation concernant la violence durant l’élection de 1868 révèle la violence perpétrée dans le nord-ouest de l’État, mais aussi fait de Thomas son témoin le plus important. Aussi exceptionnel que soit son témoignage, à sa sortie du bureau des U.S. Marshals le 28 juin 1869, Solomon Thomas semble disparaître. Comparativement aux auteurs d’actes de violence, pour certains élus au Congrès pour d’autres en poste auprès des forces de l’ordre, la disparition de Solomon Thomas des sources historiques atteste d’un silence systémique où les Afrodescendants pouvaient difficilement se faire entendre et laisser des traces de leur passé.
Entre l’exceptionnalité et le commun, la reconstitution de l’histoire de Solomon Thomas permet d’aborder 2 grands thèmes. D’abord, le déplacement de Solomon Thomas de Shreveport à La Nouvelle-Orléans permet l’analyse de la métropole louisianaise à la fois comme cadre, contexte et sujet. Puis, la disparition de Thomas laisse place à une réflexion sur la pratique historienne dans l’écriture d’une histoire sans protagoniste pour la raconter.
La reconstitution de l’expérience vécue de Solomon Thomas nécessite un cadre méthodologique particulier. Le sociologue Max Weber mentionnait la différence entre les « Stoffhuber » et « Sinnhuber », respectivement les collecteurs de données et les collecteurs de significations[3]. En étudiant le passé d’une seule personne, plutôt que compiler les données de l’ensemble des arrestations de La Nouvelle-Orléans, notre approche s’inspire des « Sinnhuber », en considérant les articles de la presse non pas en tant qu’acteur impartial, mais plutôt en agent façonnant la compréhension des événements dont elle rapporte à ses lecteurs au moyen d’articles au biais racialisant[4].
L’analyse microscopique étudie des phénomènes considérés comme déjà compris, ces résultats peuvent confirmer une règle ou bien présenter l’« exception type » et « heuristique dès lors que le cas éclaire les conditions de possibilité et d’émergence qui, sans cet effet de loupe, demeureraient floues ou indistincts »[5]. Quant à l’approche narrative, elle sert de vecteur permettant à Solomon Thomas de présenter son récit et son expérience vécue à travers les mêmes sources visant à le faire taire[6]. Après la constitution de son récit, des concepts tels que l’espace, la masculinité et l’honneur sont joints au récit pour présenter son contexte et son analyse. Il est aussi important de noter qu’en raison de la limite du nombre de pages de l’article, l’ensemble des arrestations de Solomon Thomas ne peuvent être présentées. Ainsi, les arrestations les plus conséquentes ont été sélectionnées par l’auteur. Finalement, une section dédiée à l’ensemble des arrestations se trouve à la fin de l’article dans le but d’interpréter l’effort cumulatif de la presse et les effets que les arrestations de Thomas ont les uns sur les autres et surtout les étudier dans leur ensemble.
Plusieurs types de sources composent le corpus de cette étude. D’abord, le témoignage de Solomon Thomas devant des membres du congrès est la source la plus importante du corpus et surtout l’unique document où Thomas s’exprime par lui-même. Il est important de reconnaitre que ces investigations sont marquées par les biais politiques des membres du congrès. La seconde moitié du corpus est surtout formée de journaux de La Nouvelle-Orléans aux thèses souvent racialisantes. Contrairement aux investigations du congrès, les articles des journaux comportent rarement plus de quelques lignes. Conséquemment ils témoignent des difficultés de l’étude des petits crimes et délits[7]. Ces lacunes sont surmontées en joignant les concepts à l’analyse des représentations de Solomon Thomas dans la presse. L’omission de sources provenant des archives de la police de La Nouvelle-Orléans s’explique par leur difficulté d’accès. À l’inverse, l’entièreté du corpus est accessible en ligne à partir de banques de données telles que Chronicling America, Newspapers.com et Ancestry[8].
Somme tout, l’angle d’approche, la méthodologie ainsi que le corpus de sources visent à examiner et reconsidérer les rapports de pouvoirs et les silences des sources de La Nouvelle-Orléans, en explorant les jeux d’échelles propres à la pratique historienne.
Maitre de son récit
Solomon Thomas livre d’abord son témoignage concernant la violence près de Shreveport à un comité législatif de l’État au Mechanic’s Institute sur la rue Canal ou au 12 rue Dryades à La Nouvelle-Orléans lors de la fin de l’année 1868. Le comité instauré par une majorité républicaine avait pour objectif de recenser les actes de violence et d’examiner ses influences sur l’élection présidentielle de novembre 1868, tout juste passée. Dans ces circonstances, le témoignage de Thomas est résumé en près d’une page par le greffier présent et devient la principale source d’information concernant les violences commises dans la paroisse de Caddo:
The murders and outrages practised for some weeks previous to the late presidential election ‘’fully established the supremacy of the white race in this parish’’ as is shown by the fact that on the day of election colored men were forced to vote the Democratic ticket, with pistols pointed at their heads; and only in one single instance did a colored man vote the Republican ticket, and he – James Watson – was shot dead simply because he voted for Grant and Colfax. […]
The facts elicited by this report rival the atrocity and in the exhibition of the basest human passions any thing that can be found in the annals of the darkest age of the Christian era, and the day will come when the relation of their horrors will curdle the blood of whole generations, and men will wonder that monsters who committed such crimes were permitted to live among mankind[9].
Critique de l’intégrité de Solomon Thomas
Une lettre anonyme publiée dans le South-Western de Shreveport, signée « a citizen », s’indigne de la publication de l’enquête et attaque la crédibilité de Solomon Thomas; « One Solomon Thomas, a freedman, charged with every crime known to the decalogue, and who fled from this community to escape the just indignation of his own race, figures extensively in this precious volume as a most reliable witness ».[10] En l’accusant de plusieurs crimes, même s’il n’apparaît dans aucune notice d’arrestation à Shreveport, l’auteur associe à Solomon Thomas la figure du marron et du fugitif, une identité à l’époque inséparable de la criminalité[11].
Enquête sur les élections contestées en Louisiane
L’attaque à la crédibilité de Solomon Thomas depuis la presse de Shreveport ne l’empêche pas de présenter son récit pour la deuxième fois à La Nouvelle-Orléans, cette fois-ci le 28 juin 1869. À cette occasion, Solomon Thomas est convoqué à témoigner devant des représentants du Congrès à Washington dans le cadre de l’enquête concernant les élections de contestés en Louisiane un an plus tôt. Le comité à majorité républicaine enquêtait sur la fraude ou la violence qui aurait pu fausser les résultats électoraux en Louisiane, le deuxième État à avoir le plus voté pour le parti démocrate après le Kentucky. En raison de violence dans le 3e district, où Shreveport est la ville la plus populeuse les républicains convoquent Solomon Thomas afin d’évaluer les conditions électorales et potentiellement remplacer le démocrate élu et siégeant au congrès fédéral par un républicain.
L’essentiel de son témoignage est dirigé par les questions du représentant démocrate Michael Kerr, lequel avait déjà expliqué ne pas reconnaître les faits admis par le comité de la législature, auquel Thomas avait témoigné, parce qu’il est selon lui ; « based wholly on ex parte testimony, taken in the most ex parte manner by an ex parte and partisan committee[12] ». Thomas fait alors face à un démocrate dont l’objectif de son examen servirait à démentir les accusations d’élections illégitimes dans le nord-Ouest de la Louisiane. Au premier abord, ces circonstances devraient empêcher Thomas de présenter la somme des scènes dont il est témoin et de démontrer l’étendue de la violence dans la paroisse. En revanche, Solomon Thomas réussit à contourner les pièges tendus par Kerr dans la formulation de ses questions, motivées par son programme politique. Thomas va au-delà des questions posées par Kerr, au détriment d’une cohérence chronologique. Il se sert des questions de Kerr comme points de départ de micro-récits lesquels il enchaine parfois plusieurs à la suite d’une seule question. Thomas explique ainsi les scènes dont il est l’unique témoin, mais aussi d’autres événements qu’il dit connus de l’ensemble de la population de Shreveport. Ces faits incluent la détermination du docteur Moore à tuer les républicains noirs et les plus de 30 corps flottant dans la rivière Rouge ; « That is no mystery. Everybody in Shreveport knows it[13] ».
Lorsqu’il livre son témoignage, Solomon Thomas ne fait pas que présenter des faits et des scènes violentes ; il revendique sa voix et sa capacité de constituer des récits lesquels marqueront les sources imprimées de l’enquête dans une société où les Blancs cherchaient à empêcher les Afrodescendants de raconter leur propre histoire. Dans son récit, Solomon Thomas explique avoir vu des hommes noirs se faire tuer en raison de leur affiliation politique, des femmes pendues parce qu’elles fuyaient la violence des champs de la paroisse voisine durant le massacre de Bossier. Lui-même a aussi été menacé par une arme à feu devant l’adjoint shérif de Shreveport, resté passif puisqu’il était aussi l’un des pourvoyeurs de haine et violence dans la ville. Un jour Solomon Thomas a vu l’adjoint Sturgess et d’autres hommes blancs rassembler quatre hommes noirs et enfoncer leurs couteaux à travers les mains de 4 hommes noirs et y passer une corde les reliant tous. La scène s’est déroulée à la briqueterie de Johnson, en périphérie de la ville, sous le regard des soldats stationnés à 200 mètres de là. Par la suite, le groupe s’est déplacé environ trois quarts de mile vers le sud où les 4 hommes noirs ont été fusillés et leurs corps ont flotté peu de temps avant de s’échouer sur une accumulation de sable au milieu de la rivière[14].
Vers la fin de l’examen de Thomas, Kerr lui demande pourquoi il n’a pas fait part de la violence à l’armée, surtout après l’incident de la briqueterie. Ce à quoi Thomas a répondu : « I did not have any more use for soldiers than I had for rattlesnakes. They had done me enough, and everybody else[15] ». Thomas reconnait ainsi les dangers de son témoignage et le partage seulement lorsqu’il juge sécuritaire de le faire.
Post-testimonum
À sa sortie du bureau des U.S. Marshals le 28 juin 1869, tout porte à croire que Solomon Thomas a disparu. Il est absent des deux recensements de La Nouvelle-Orléans de 1870 et 1880. Comment expliquer cette disparition soudaine après être apparu dans le journal The South-Western, et extensivement dans les enquêtes de législature de la Louisiane et du Congrès ? Solomon Thomas aurait peut-être adopté un nouveau nom afin de protéger son anonymat. Il est aussi possible que Solomon Thomas habitait un quartier improvisé près des marécages et trop pauvre pour la collecte de noms par les agents du recensement puisque le recensement de 1870 sous-représentait de manière disproportionnée les Afrodescendants[16]. Ou Thomas aurait même pu avoir quitté La Nouvelle-Orléans.
La réponse à cette question est tout autre. Thomas ne disparait pas complètement à l’été 1869. Il est victime des efforts des Blancs de La Nouvelle-Orléans pour rendre invisible la population afrodescendante.
La Reconstruction à La Nouvelle-Orléans se trouvait à la croisée de la guerre de Sécession et de l’intégration de l’ère Jim Crow et la ville était surtout divisée entre la réconciliation et l’affirmation d’un pouvoir blanc. Après la guerre, plusieurs anciens soldats confédérés rejoignent La Nouvelle-Orléans[17]. Un homme de la Caroline du Nord expliquait : « I had figured to myself N.O. [New Orleans] as a perfect pandemonium, at least to good old Confederates […] I am glad to know there is one place at least where a Confederate gentleman can live as he desires to do[18] ».
Habitée par de nombreux vétérans confédérés, à plusieurs occasions, la ville se transforme en champ de bataille d’une « guerre non civile[19] ». En 1866, 1872, 1873, 1874 et 1877, des anciens confédérés et des groupes paramilitaires racistes s’organisent et attaquent les institutions de pouvoir de la ville. Le plus conséquent de ces affrontements est le coup d’État de 1874, orchestré par la Ligue blanche composée de plusieurs vétérans confédérés, une organisation paramilitaire qui, contrairement au Ku Klux Klan, agit publiquement et organise même des exercices militaires en public. Le 14 septembre 1874, plusieurs centaines de ses membres prennent contrôle de bâtiments importants de la ville. En l’espace d’une journée, la milice de l’État de la Louisiane est dissoute et l’organisation paramilitaire occupe tous les bâtiments de pouvoir de la ville à l’exception du bureau de douane fédéral[20].
L’émergence tardive d’une identité du Sud confédérée est une réponse symptomatique à l’occupation fédérale et aux mesures de Reconstruction. Par ce fait même, les Blancs de la ville ont réaffirmé par la prise d’armes leur virilité, leur masculinité et leur courage tout en reléguant aux marges les Créoles français, alors composante indésirée dans une soi-disant société à deux classes; les Blancs et les Noirs[21]. De plus, la mise à l’écart de la population noire était aussi dépendante de la réforme carcérale de la ville. Au-delà des Black Codes, les Blancs ont cherché à étendre et réviser les méthodes de contrôle déjà employées, en fusionnant le contrôle des marrons et des vagabonds en un seul paradigme juridique[22].
Ceci était La Nouvelle-Orléans de Solomon Thomas. En fait, Thomas était absent du recensement de 1870 parce qu’il se trouvait en prison au moment où les employés du recensement parcouraient son quartier[23]. D’une certaine manière, Thomas devient victime de l’effort d’invisibiliser les Noirs et tombe dans un anonymat imparfait, dicté par l’insensibilité de la ville envers les Afrodescendants. Après sa sortie du bureau des U.S. Marshals, Solomon Thomas n’est plus l’auteur de sa propre histoire. Son récit doit être assemblé à partir de sources contraignantes, souvent sans contexte, mais surtout rédigé par des acteurs historiques voulant effacer les voix des Afrodescendants. Les silences entourant les deux séjours de Solomon Thomas à La Nouvelle-Orléans forment tout de même une partie intégrante de son histoire. Avant d’assister à certaines scènes du massacre de Bossier et Caddo, Solomon Thomas avait peu de chances de laisser des traces de son passé. Une fois cette histoire racontée devant les membres de la législature, son histoire tombe entre les mains des éditeurs de journaux de la ville.
Solomon Thomas, citoyen
Solomon Thomas faisait partie des nombreuses personnes issues de la migration rurale vers La Nouvelle-Orléans. Entre 1860 et 1870, la population noire de la ville a plus que doublé et s’est surtout établie dans la section plus marécageuse et à l’écart de la ville, aussi connue sous le nom de « back of town[24] ». L’architecte Thomas Wharton décrivait cette section comme suit;
After dinner I walked out to the Rail Road Depot at the corner of Clio and Solis Streets. It is quite in the swamp, […] no less than 18 squares, or 1 and a half miles back from the river…The streets as far as the Depot are all opened and the building lots filling up rapidly, but after you pass Hercules Street, the improvements are of the cheapest character, altogether for the poorer sorts of people. Plank roads at intervals are pushed far into the swamp, but banquettes cease and wooden gunwales and planks take their place. The gutters filled with green stagnant ooze[25].
Malgré ces conditions, la vie urbaine était jugée plus sécuritaire que les campagnes où les organisations paramilitaires telles que le Ku Klux Klan sévissaient. La ville apportait aussi des avantages économiques. Dans les champs, les hommes pouvaient s’attendre à un salaire mensuel de dix dollars alors qu’en ville ils pouvaient gagner deux dollars par jour, payé dans l’immédiat et à l’abri des prix gonflés des magasins de plantations où les propriétaires contrôlaient à la fois les salaires et les prix des biens. De plus, se déplacer représentait une forme d’émancipation, d’auto-libération et de contrôle de leur propre corps[26]. La population blanche reconnaissait le besoin de l’immigration pour combler le plus d’emplois possible et la nouvelle politisation de la population afrodescendante ; « the often insolent bearing of the politically metamorphosed negro element », mais n’appréciait pas le caractère hétérogène de celle-ci ; « the true well-wishers of the state, and of their race, cannot but look with regret at this threatened influx of mongrel races[27] ».
Durant son témoignage au bureau des Marshals, Solomon Thomas a présenté un aperçu de sa vie quotidienne en expliquant avoir travaillé dans un café, puis avoir accepté plusieurs emplois tels que nettoyer des tapis et réparer des fenêtres[28]. S’il avait été présent dans le recensement de 1870, Solomon Thomas aurait probablement été décrit en tant que « laborer », titre attrape-tout pour les personnes aux emplois changeants, souvent saisonniers ou de courts termes. Cet enchaînement de moyens de subsistance atteste de la précarité des emplois des personnes noires à La Nouvelle-Orléans. Ces engagements de courte durée, qui ne procuraient aucune stabilité d’emploi, fournissaient rarement des contrats de travail et font de ces travailleurs des cibles de prédilection pour les policiers cherchant à incarcérer lesdits vagabonds ; personnes sans moyens permettant de se supporter financièrement ou sans manière de le prouver[29].
Solomon Thomas n’apparaît pas dans les recensements de 1870 et 1880, mais il est présent dans un autre document plus rarement utilisé par les historiens; l’annuaire de La Nouvelle-Orléans. Ce dernier relaye beaucoup moins d’informations que les recensements. L’annuaire ne présente que le nom et l’adresse, mais dans le cas de Solomon Thomas, il présente aussi son métier : fabricant de matelas[30]. Durant la décennie 1870, le nom de Solomon Thomas se retrouve dans les annuaires de 1871, 1876 et 1877. Dans ce premier, Solomon Thomas, en déboursant fort probablement des frais, figure dans la liste des fabricants de matelas et travaille probablement depuis son logement au 265 Gravier Street en 1871 et au 259 en 1876 et 1877.
L’apparition dans l’annuaire peut paraître anodine. Seulement, en payant pour une place de prédilection dans l’annuaire, Solomon Thomas ne fait pas uniquement la promotion de son commerce de matelas, il se nomme et se dit citoyen de la ville. Il affirme investir l’espace social, décrit par Henri Lefebvre; « Il comprend leurs relations dans leur coexistence et leur simultanéité; ordre (relatif) et ou/ désordre (relatif). Il résulte d’une suite et d’un ensemble d’opérations, et ne peut se réduire à un simple objet ».[31] La Nouvelle-Orléans, métropole de la Louisiane, en plus de se transformer périodiquement en champ de bataille devient également un lieu de démonstration de pouvoir à son sens d’« Opération mentale qui établit une vérité […] Action de montrer le fonctionnement d’un appareil » ainsi que « Manœuvre […] destinée à intimider[32] ». Or, la démonstration implique aussi la perception; « Le fait de subir une action, d’y réagir[33] ». Dans l’ordre et les désordres de La Nouvelle-Orléans, dans ses opérations et réactions, se trouvent des corps et des pratiques visant à les contrôler autant qu’à résister. Le récit de Solomon Thomas, même entre les mains de la presse raciste de La Nouvelle-Orléans, révèle un ensemble de moyens dont les éditeurs emploient afin de préserver le soi-disant ordre de la ville. Examinons alors les quatre apparitions les plus conséquentes de Solomon Thomas dans les quotidiens de la ville, plus précisément, ses notices d’arrestations.
Deuxième arrestation, 1870
Solomon Thomas est arrêté pour la deuxième fois le 2 mai 1870, sous prétexte d’avoir atteint une femme blanche nommée Mary Jane Davis, d’un lancer de brique et cassé deux vitrines par le lancer d’autres projectiles[34]. À ce moment, Thomas n’est pas simplement accusé de voie de fait armée, il lui est reproché une attaque envers l’intouchable, les femmes et la féminité du Sud, ce qui, par alliance, s’avère à la fois une attaque à la masculinité en raison de l’incapacité des hommes à protéger madame Davis[35]. Les citoyens du Sud et surtout de La Nouvelle-Orléans avaient déjà fait face à cette attaque envers les femmes quand l’ordre général no. 28, émis lors de l’occupation fédérale de la ville, stipulait que les femmes manquant de respect aux soldats de l’Union seraient ; « regarded and held liable to be treated as a woman of the town plying her avocation ». Les journaux de la ville et du Sud se sont empressés de critiquer le général Butler en présentant les femmes comme des victimes devant être protégées[36]. Pour sa prétendue offense envers Mary Jane Davis et la féminité du Sud, Thomas est incarcéré jusqu’à son procès le 6 juillet. Son innocence semble prouvée par sa prochaine accusation moins d’un mois après son apparition à la cour.
Quatrième arrestation, 1870
L’arrestation suivante de Thomas souligne les difficultés auxquelles les Afrodescendants de La Nouvelle-Orléans font face en tant que main-d’œuvre mobile et parfois incarcérée. À la fin du mois d’octobre 1870, Thomas est arrêté au 265 rue Gravier où il est accusé d’intrusion et de l’occupation illégale de la demeure de Fergus Fuselier durant son absence[37]. Sans préalablement connaître l’adresse où habite Solomon Thomas en 1871, l’accusation semble habituelle. En revanche, l’endroit que Solomon Thomas est accusé d’occuper illégalement est en fait son adresse l’année suivante. Comment expliquer cette anomalie ?
Fergus Fuselier était un avocat, membre reconnu du Barreau de La Nouvelle-Orléans et résident de longue date, mais il était aussi un soldat confédéré durant la guerre en plus d’être un démocrate ayant participé au Returning Board de 1874, un comité électoral controversé devant certifier le vainqueur des élections, ou plus souvent nommé son candidat favori, lequel déclarait le démocrate McEnery gouverneur légitime de la Louisiane après une élection contestée[38]. Or, Fuselier incarnait le profil type des citoyens blancs voulant refuser l’accès à la ville à Solomon Thomas. De nouveau, ces informations ne peuvent pas expliquer en détail le conflit ayant eu lieu au 265 Gravier Street à la fin du mois d’octobre 1870. L’option la plus probable est l’incapacité de Solomon Thomas de payer son loyer après son dernier séjour en prison. Pourtant, la situation met en lumière une nouvelle dimension à l’affirmation de sa résidence à la même adresse tel qu’indiqué dans l’annuaire de 1871 : malgré l’accusation d’intrusion Solomon Thomas se revendique tout de même résident du 265 Gravier Street et plus largement de La Nouvelle-Orléans.
Sixième arrestation, 1873
Solomon Thomas a peut-être été incarcéré plus longtemps pour sa dernière offense en 1871, puisque sa prochaine mention dans les journaux est en date de novembre 1873[39]. À ce moment, Thomas est encore une fois incarcéré, cette fois-ci pour avoir gardé son logement en désordre ; « kept a disorderly house » ce qui veut dire un salon de jeux, une maison close, une salle de danse ou bien les trois. De plus, il est accusé d’avoir prononcé des insultes envers les représentants de l’ordre venus l’arrêter[40].
Les regroupements et la proximité des Afrodescendants dérangent la ville. « Negro Gambling Hells; […] The gambling dens are in full blasts, and fairly reeking with negro profanity, and smelling to high heaven with negro perspiration ».[41] Les policiers ne ciblent pas uniquement les salons de jeux, mais aussi les maisons de danse d’Afrodescendants du « back of town ». Par exemple, le 3 février 1875, une trentaine de policiers arrêtent 91 Afrodesendants dans un établissement de jeux et de danse au 89 rue Dryades. En plus de décrire ces personnes détenues comme la plus basse classe sociale, les policiers affirment avoir trouvé des armes dites de guerre en leur possession ; « Last night about 11h30 P.M., Sergeant Vankirk, seeing the necessity of breaking up the negro gambling and dance houses in the back of town, detailed about thirty men and proceeded to the notorious den, 89 Dryades Street, […] The audience was composed of the lowest class of negroes both male and female. […] When brought to the station various implements of war were found upon them, such as razors, knives and sticks[42] ».
L’article de l’arrestation ne précise pas si Solomon Thomas entretenait un salon de jeux, une maison close, ou bien un plancher de danse. Toutefois, selon les policiers, les règlements de la ville et les éditeurs de journaux, le logement de Solomon Thomas représentait le désordre. Solomon Thomas est ainsi arrêté pour un crime, a priori sans victime ou plaignant[43]. Seulement, la ville devait empêcher ce qu’elle appelait le désordre, les jeux, la dance et la prostitution et surtout le rassemblement d’Afrodescendants : une peur et un malaise réitéré depuis la période antebellum.
Neuvième arrestation, 1875
Pendant les ides de janvier 1875, Solomon Thomas apparaît une dernière fois dans une altercation dans les rues de La Nouvelle-Orléans. Le journal The New Orleans Bulletin fait part d’insultes que « The notorious negro Sol Thomas », après s’être échappé de la prison paroissiale, aurait dirigées à répétition à l’égard de Mrs. O’Harra, une femme blanche à l’intersection des rues Perdido et Rampart. Une fois au courant de ces insultes, M. O’Kelly s’arme d’un fouet et part à la recherche de Thomas près de son logement et le trouve armé d’un couteau.[44] O’Kelly désarme Thomas, aussi nommé « black villain » par le journal, en le poussant à l’aide du manche de son fouet et se sert ensuite de l’autre extrémité pour fouetter Thomas. Le New Orleans Bulletin écrivait « administered to his black hide a sound chastisement, which he so justly deserved ».[45] Le New Orleans Times-Picayune, quant à lui, rapporte : « The lashes fell thick and fast, and on the whole it was a very healthy piece of castigation[46] ». Cette confrontation, mais surtout sa résolution représente l’effort le plus manifeste des Blancs de conserver « l’ordre » des rues.
Après l’événement et la punition corporelle, la demoiselle O’Harra formule une plainte au service de police de la ville et Solomon Thomas est arrêté pour atteinte à l’ordre public[47]. Cette accusation, mais plus encore le soutien et la justification des sévices corporels par la presse, corrobore l’emploi d’anciennes mesures antebellum de contrôle mises en place pour conserver « l’ordre » blanc de la ville. Outre les motivations raciales, O’Kelly affirmait également sa masculinité. Depuis la défaite du Sud lors de la guerre de Sécession, l’image de la masculinité chevaleresque dépendante du contrôle de personnes esclavisées et du monopole de la participation politique était menacée. En venant au secours de O’Harra, O’Kelly tente de démontrer les vieux cadres du pouvoir masculin en défendant une femme à l’aube de revendications de droits politiques des femmes[48]. Plutôt que le déploiement et les craquements d’un fouet dans les rues de La Nouvelle-Orléans, démonstration la plus apparente du contrôle sur les corps par les anciens propriétaires d’esclaves, ce sont les paroles de Solomon Thomas qui contreviennent à l’ordre public.
8 années et 9 arrestations
Que faut-il retenir des apparitions de Solomon Thomas dans les quotidiens de La Nouvelle-Orléans [49]? Prendre au pied de la lettre les articles des journaux de La Nouvelle-Orléans ne ferait que reproduire les thèses racistes des journaux. Et s’il y a une once de vérité dans ces quelques phrases, elle devrait être comprise comme résistance. Son commerce de matelas n’était peut-être qu’une façade, cachant un lieu de rencontre d’Afrodescendants. Il n’est d’ailleurs pas impossible que Solomon Thomas fût réellement un homme violent et manquant de respect. Ou peut-être sa seule présence dans les rues et sur les trottoirs, particulièrement auprès des femmes blanches, était considérée comme une attaque à la masculinité des Blancs et une entrave à la ville se voulant blanche. Cette dernière option parait la plus plausible. Il semble improbable que Solomon Thomas et tous ses compagnons de cellules, lesquels remplissaient constamment les prisons, aient tous été coupables des crimes leur étant reprochés. De plus, les annonces des journaux indiquent rarement dans quelles prisons ou institutions Solomon Thomas se retrouve, mais annoncent l’information la plus importante pour leurs lecteurs; Solomon Thomas ne se trouve plus dans les rues de la ville.
Les efforts de La Nouvelle-Orléans pour faire les premiers pas vers l’ordre Jim Crow semblent efficaces. Au cours des huit dernières années de sa vie, Solomon Thomas a probablement passé plus d’un an derrière les barreaux. Plus important encore, la ville a réussi à effacer sa voix des annales de l’histoire. Ou l’a-t-elle réellement supprimée?
D’une certaine manière, l’histoire de Solomon Thomas tombe entre les mains de la presse de La Nouvelle-Orléans. Mais, en transgressant les normes sociales, Solomon Thomas réagit et résiste à l’ordre mis de l’avant par les Blancs. Par sa proximité avec les Blancs et aussi les Noirs dans la création d’espaces afrodescendants tels que les maisons de jeux, ou encore quand il s’évade de la prison, Thomas participe au « désordre » et démontre qu’en fait, La Nouvelle-Orléans n’est pas la ville que les Blancs prétendent. Non seulement Thomas est arrêté, mais la présence même de son corps se traduit par la publication d’avis d’arrestation et devient maintenant un témoin efficace du retrait de La Nouvelle-Orléans des valeurs égalitaires de la Reconstruction et de ses premiers pas vers Jim Crow.
Conclusion
Si l’histoire est un jeu d’échelles, en ignorant le témoignage de Solomon Thomas, les historiens se sont appuyés sur les échafaudages et les rapports de pouvoir constitués par les mêmes acteurs historiques ayant effacé la voix de Thomas à La Nouvelle-Orléans. Ainsi, ils ont assemblé une échelle où les voix afrodescendantes resteraient au bas.
Quand il se trouvait à la barre des témoins à La Nouvelle-Orléans et exerçait son droit de témoigner, Solomon Thomas, comme l’expliquait Du Bois, s’est tenu un bref instant au soleil. Par la suite, les éditeurs de journaux de La Nouvelle-Orléans ont utilisé leurs presses afin que Solomon Thomas et plusieurs autres personnes afrodescendantes restent dans l’ombre au lieu d’atteindre la lumière.
En somme, la seule analyse du témoignage de Solomon Thomas nous en apprend énormément sur l’importance de prendre en compte les voix ignorées et mises sous silence des Afrodescendants. Solomon Thomas n’est qu’une des personnes afrodescendantes incarcérées durant la Reconstruction. Une étude prenant en compte tous les témoins de ces actes permettrait d’éclairer plusieurs événements dont l’approfondissement de nos connaissances a été jugé impossible.
Références
[1] W.E.B. Du Bois, Black Reconstruction: An Essay Toward a History of the Part Which Black Folk Played in the Attempt to Reconstruct Democracy in America, 1860-1880, New York, Harcourt, Brace and Company, 1935, p. 30.
[2] Hodding Carter, Their Words Were Bullets: The Southern Press in War, Reconstruction, and Peace, Athens, University of Georgia Press, 1969, p. 2.
[3] Max Weber, Gesammelte Aufsätze zur Wissenschaftslehre, cité dans Gerd Schwerhoff, « Early Modern Violence and the Honor Code: From Social Integration to Social Distinction? », Crime, History and Societies, vol. 17, no 2, 2013, p. 1
[4] Carter, Their Words Were Bullets, p. 2.
[5] Yvan Ermakoff, « La microhistoire au prisme de l’exception », Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 139, 2018, p. 194. Voir aussi: Matti Peltonen, « Clues Margins and Monads : The Micro-Marco Link in Historical Research », History and Theory, vol. 40, no 3, 2001, p. 347-359 ; Carlo Ginzburg, « Clues : Morelli, Freud, and Sherlock Holmes », dans Umberto Eco et Thomas A. Sebeok, dir., The Sign of Three Dupin, Holmes, Peirce, Bloomington, Indiana University Press, 1983, p. 81-118 ; Giovanni Levi, « On Microhistory », dans Peter Burke, dir., New Perspectives on Historical Writing, Cambridge, Polity Press, 1991, p. 93-113 ; Clifford Geertz, The Interpretation of Cultures, Selected Essays by Clifford Geertz, New York, Basic Books, 1973, p. 5-33.
[6] Lawrence Stone, « The Revival of Narrative », dans Lawrence Stone, The Past and the Present Revisited, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1987, p. 74-96 ; L. B. Cebik, « Understanding Narrative Theory », History and Theory, vol. 25, no 4, 1986, p. 60 ; A. R. Louch, « History as a Narrative », History and Theory, vol. 8, no 1, 1969, p. 58.
[7] Gilles Vandal, « ‘‘Bloody Caddo’’: White Violence against Blacks in a Louisiana Parish, 1865-1876 », Journal of Social History, vol. 25, no, 2, 1991, p. 381-382.
[8] Sur ces plateformes le nom de Solomon Thomas et quelques variations comme Sol. Thomas, Soloman et Saloman sont entrés dans les moteurs de recherche.
[9] Louisiana Legislature, Supplemental report of joint committee of the General assembly of Louisiana on the conduct of the late elections, and the condition of peace and good order in the state, New Orleans, A. Lee State Printer, p. iv-v et xvi-xvii.
[10] The South-Western, 31 mars 1869, p. 2.
[11] Jean-Pierre Le Glaunec, Esclaves mais résistants : Dans le monde des annonces pour esclaves en fuite, Louisiane, Jamaïque, Caroline du Sud, Paris, Éditions Khartala et CIRESC, 2021, p. 90.
[12] 41st Congress, 2nd sess. Doc. 154, pt. 1, p. 160.
[13] 41st Congress, 2nd sess. Doc. 154, pt. 2, p. 444.
[14] 41st Congress, 2nd session, Doc. No. 154, pt. 2, p. 441 et 444.
[15] 41st Congress, 2nd sess. Doc. 154, pt. 2, p. 444.
[16] Richard Reid, « The 1870 United States Census and Black Underenumeration: A Test Case from North Carolina », Social History, vol. 28, no 56, 1995, p. 488-489.
[17] G. Howard Hunter, « Late to the Dance: New Orleans and the Emergence of a Confederate City », Louisiana History: The Journal of the Louisiana Historical Association, vol. 57, no 3, 2016, p. 306.
[18] Hunter, « Late to the Dance », p. 306 ; Lettre de William Gordon à W. Porcher Miles, 21 juin, 1873, dans Joe Gray Taylor, « New Orleans and Reconstruction », Louisiana History: The Journal of the Louisiana Historical Association, vol. 9, no 3, 1968, p. 197.
[19] Voir James K. Hogue Uncivil War: Five New Orleans Street Battles and the Rise and Fall of Radical Reconstruction, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2006, 248 p.
[20] Hogue, Uncivil War, p. 135-137.
[21] Hunter, « Late to the Dance », p. 322.
[22] James K. Bardes, The Carceral City: Slavery and the Making of Mass Incarceration in New Orleans, 1803-1930, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2024, p. 181 et 206.
[23] U.S. Census Bureau, Population Schedule of the United States, NARA microfilm publication M593, roll, 520, p. 403.
[24] K. Stephen Prince, The Ballad of Robert Charles: Searching for the New Orleans Riot of 1900, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2021, p. 40.
[25] Thomas Wharton, journal 12 juin 1854, dans D. Ryan Gray, « Incorrigible Vagabonds and Suspicious Spaces on Nineteenth-Century New Orleans », Historical Archaeology, vol. 45, no 3, 2011, p. 55.
[26] Bardes, The Carceral City, p. 182 ; Joe Gray Taylor, Louisiana Reconstructed : 1863-1877, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1974, p. 328 ; Eric Foner, Reconstruction : America’s Unfinished Revolution, 1863-1877, New York, Harper Perennial, 2014 (1988), p. 81-82 ; Leon F. Litwack, Been in the Storm So Long : The Aftermath of Slavery, New York, Vintage Books, 1980, p. 310-322.
[27] The Daily Times Picayune, 3 avril 1870, p. 2.
[28] 41st Congress, 2nd sess. Doc. 154, pt. 2, p. 441.
[29] John K. Bardes, « Redefining Vagrancy: Policing Freedom and Disorder in Reconstruction New Orleans, 1862-1868 », The Journal of Southern History, vol. 84, no 1, 2018, p. 74.
[30] Edwards & Co., Edwards’ Annual Director to the Inhabitants, Institutions, Incorporated Companies, Manufacturing Establishments, Business, Business Firms, etc., etc., in the City of New Orleans for 1871, St-Louis et New York, Southern Publishing Co., 1871, p. 728; Soard, New Orleans City Directory for 1876 Being a complete Record of the Residents of the Entire City and a classified Business Directory, to which is Added an Appendix Containing Useful Information of the Churches, Societies, Incorporated Companies, etc. Also an Improved Street Guide, and Map of the City, La Nouvelle-Orléans, L. Soards & Co. publishers, 1876, p. 651.
[31] Henri Lefebvre, La production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974, p. 88.
[32] « Démonstration », Le petit Robert, Paris, Nouvelle édition milléisme, 2023, p. 674.
[33] « Perception », Le petit Robert, p. 1854.
[34] The Daily Times Picayune, 22 juin 1870, p. 2 ; The New Orleans Republican, 4 juin, 1870, p. 5.
[35] Pour plus d’information à propos du statut et de la protection des femmes, voir Crystal N. Feimster, Southern Horrors: Women and the Politics of Rape and Lynching, Cambridge, Harvard University Press, 2011, 336 p. ; Michelle Y. Gordon, « Midnight Scenes and Orgies : Public Narratives of Voodoo in New Orleans and Nineteeth-Century Discourses of White Supremacy », American Quarterly, vol. 64, no 4, 2012, p. 770.
[36] General Order No. 28, 15 mai, 1862; Jacqueline G. Campbell, « The Unmeaning Twaddle about Order 28: Benjamin F. Butler and Confederate Women in Occupied New Orleans », Journal of the Civil War Era, vol. 2, no 1, 2012, p. 25.
[37] New Orleans Republican, 29 octobre 1870, p. 5.
[38] United States Navy Department, Official Records of the Union and Confederate Navies in the War of the Rebellion, General Index, p. 143 ; Francis X. Reuss, « Original Documents Relating to the Civil War (1863-1867) Extracts from Letters of Rev. F. Benausse, S. J., President of St. Charles College, Grand Coteau, La., to the Military Authorities of the U. S. A., and the C. S. A., During the Civil War », Records of the American Catholic Historical Society of Philadelphia, vol. 11, no 3, 1900, p. 318 ; The New Orleans Bulletin, 13 novembre, 1874, p. 1.
[39] New Orleans Republican, 6 octobre 1871, p. 3.
[40] The Daily Picayune, 9 novembre 1873, p. 4.
[41] The New Orleans Bulletin, 13 août, 1875, p. 1.
[42] The New Orleans Bulletin, 4 février, 1875, p. 1 ; New Orleans Republican, 4 février, 1875, p. 3.
[43] Eric H. Monkkonen, « A Disorderly People? Urban Order in the Nineteenth and Twentieth Centuries », The Journal of American History, vol. 68, no 3, 1981, p. 540
[44] L’absence du prénom de O’Kelly dans les journaux, rend son identification précise difficile. Toutefois, son nom de famille suggère, comme Mrs. O’Harra, une origine irlandaise. Peut-être étaient-ils des voisins dans le quartier irlandais, nommé Irish Channel, ou même entretenaient-ils des liens plus intimes.
[45] The New Orleans Bulletin, 22 janvier 1875, p. 1.
[46] The Times-Picayune, 22 janvier 1875, p. 8.
[47] The Times Picayune, 17 janvier, 1875, p. 8. Ce journal écrit plutôt son nom sous la formulation « O’Hare ».
[48] Laura Mogel, « The Historic Collapse of Patriarchal Power : Investigating the Aristocracy’s crisis of Masculinity at Mid-Century », mémoire de maîtrise (histoire), Clemson University, 2013, p. 3-4 ; Michael S. Kimmel, The Contemporary ‘Crisis’ of Masculinity in Historical Perspective, in The Making of Masculinities : The New Men’s Studies, Boston, Allen & Unwin, 1987, p. 143-144 ; Anne Sarah Rubin, A Shattered Nation : The Rise and Fall of the Confederacy, 1861-1868, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2005, p. 173. Crystal N. Feimster, Southern Horrors, 336 p. ; Michelle Y. Gordon, « Midnight Scenes and Orgies », p. 770.
[49] Pour les autres annonces concernant Solomon Thomas voir ; The Daily Times Picayune, 22 juin 1870, p. 2 ; The New Orleans Republican, 4 juin, 1870, p. 5 ; The New Orleans Times, 14 août p. 14 ; The Daily Picayune, 14 août, 1870 p. 2 et 6 juin, 1880, p. 8 ; New Orleans Republican, 6 octobre, 1871, p. 3 ; The New Orleans Republican, 28 janvier, 1874, p. 5 ; The New Orleans Bulletin, 1 décembre, 1874, p. 2 ; New Orleans Republican, 9 août, 1872, p. 6.