Introduction
Les Hommes médiévaux ont manifesté un intérêt profond pour le temps, bien que leurs conceptions de celui-ci diffèrent considérablement de l’Homme moderne ou contemporain[1]. Moins préoccupés par la détermination exacte du temps, ils accordaient néanmoins une grande importance à la chronologie, en préservant la mémoire des événements historiques marquants et des différents règnes[2]. La réflexion sur le temps apporte une interrogation sur l’histoire et sur le traitement de celle-ci par les auteurs de cette longue période.
Le temps du haut Moyen Âge, avec l’effondrement de l’Empire romain d’Occident, ne présente pas les mêmes biais que le temps des villes marchandes du XIVe siècle, où le son des cloches des horloges scandait les heures et créait un nouveau rapport de domination par la régulation du temps[3]. L’utilisation de dates pour évoquer le passage du temps est en elle-même une évolution plus tardive dans l’histoire du Moyen Âge, cette méthode n’ayant pris encrage qu’autour du XIe et XIIe siècle, bien que l’anno domini[4] eût été connu dès le haut Moyen Âge. En effet, la datation d’après le Christ fut développée à partir du VIe siècle par un certain Denys le Petit, puis perfectionnée et popularisée dans une organisation proche de la nôtre par Bède le Vénérable, en 731[5], avant d’être utilisée presque systématiquement au XIIe siècle.
Les méthodes utilisées par les auteurs afin d’exprimer le passage du temps sont donc intrinsèques à la société dont ils sont originaires. Les influences intérieures et extérieures provoquent un temps unique à la société étudiée, créant parfois différentes échelles de lecture inhérentes à la société en question. L’étude de ces temporalités diverses permet d’offrir un nouvel éclairage sur la société médiévale, comme l’illustre les travaux de grands médiévistes comme Marc Bloch, Jacques Le Goff et Jean‑Claude Schmitt qui ont posé sur ce sujet un regard éclairé[6]. Malgré tout, l’étude du temps médiéval comporte toujours quelques lacunes sur différents sujets et différentes périodes, dont le Xe siècle.
Le long Xe siècle, approximativement de la fin de l’Empire carolingien en 888 à l’an mil, est une époque peu connue encore aujourd’hui[7]. Peu de sources sont accessibles sur la période, et celles connues sont généralement empreintes d’une grande subjectivité, ce qui augmente la difficulté de l’étude. Marqué par la fin d’un empire précédemment puissant, l’Empire carolingien, et avant la montée en puissance de l’Empire ottonien, le Xe siècle se présente comme une époque remplie d’instabilités politique et religieuse, ce qui lui a d’ailleurs valu le surnom de saeculum obscurum, le « siècle obscur »[8]. Cette grande instabilité apporte un temps qui est incertain, rempli de doutes et de remises en question. L’étude de la perception de la temporalité permet ainsi d’accéder aux mentalités de l’époque et de jeter un peu de lumière sur cette époque « noire ».
Une source italienne à l’étude, l’Antapodosis
Afin de mieux comprendre la dynamique temporelle qui prend place au Xe siècle, nous proposons l’étude d’une œuvre de cette époque. L’Antapodosis, écrite par Liudprand de Crémone, consiste en un texte particulièrement intéressant pour cette étude. Liudprand, un évêque italien, écrit cette œuvre afin de justifier les temps vécus. Il souhaitait, par ce texte, écrire une histoire de toute l’Europe, comme il l’affirme lui-même dans son œuvre :
Deux années durant, père très cher, j’ai différé du fait de la petitesse de mon talent de me conformer à la demande par laquelle tu me poussais à exposer les faits des empereurs et des rois de toute l’Europe, comme celui qui les savait non de manière vague pour en avoir entendu parler, mais par la certitude de les avoir vus[9].
Il écrit alors pour l’évêque de Grenade, anciennement la ville d’Elvire en Espagne. Finalement, ce n’est pas l’histoire de l’Europe entière qui occupera Liudprand, mais plutôt celle de trois aires géographiques principales ; l’Italie, la Germanie et l’Empire byzantin. Le titre de l’œuvre, Antapodosis, est un terme grec ανταποδοσις qui se traduit par « rétribution ». Liudprand utilise ainsi son œuvre pour condamner les actions des hommes mauvais, mais également pour faire l’apologie des hommes qu’il considérait bons. Le terme prend tout son sens lorsqu’il est replacé dans un contexte biblique[10]. La rétribution divine, voilà ce que cherchait à illustrer l’évêque de la ville de Crémone. Pour ce faire, Liudprand mettait les événements en relation, en les rapprochant de deux manières, soit géographiquement, ou alors temporellement.
L’Antapodosis est une œuvre à teneur historique, mais elle se démarque surtout par son traitement des personnages. Liudprand n’hésite pas à émettre un jugement sur ceux qui l’ont précédé ou qui lui sont contemporains. Il se pose comme l’interprète des signes divins dans le quotidien et présente une histoire où il condamne ses propres ennemis et élève ses amis. Les trois premiers livres de l’œuvre racontent l’histoire de 888 à 935, une époque rapprochée de Liudprand, mais où il n’est pas encore le témoin oculaire des événements qui prennent place, alors que les trois derniers livres présentent une histoire où Liudprand est désormais un acteur à part entière. Le jugement qu’il porte sur ses prédécesseurs et ses contemporains est empreint d’une subjectivité propre à l’auteur. L’expression du temps se trouve intégrée de cette subjectivité, ce qui offre au chercheur une richesse afin d’étudier la manière dont le temps était conçu et écrit dans une source historique.
Étudier le temps au Xe siècle
L’Antapodosis ne porte pas une attention particulière aux dates. Liudprand savait pourtant dater en fonction de l’anno domini, ce qu’il démontre très bien par la mention de l’incendie de sa cité natale, la ville italienne de Pavie :
Elle a brûlé, l’infortunée Pavie, jadis si belle, l’an 924 de l’Incarnation du Seigneur, le 12 mars, douzième indiction, un vendredi, à la troisième heure. Vous, et quiconque lira, je vous supplie instamment de faire mémoire, par le sentiment d’un pieux souvenir, de ceux qui ont été brûlés en ce même lieu[11].
Liudprand connaissait le calendrier romain, il savait dater à partir de l’année de l’incarnation, il connaissait les indictions. C’est donc par un choix délibéré de l’auteur que l’Antapodosis ne présente que des mentions anecdotiques de datation[12]. Les dates ne consistaient pas en une notion importante pour Liudprand lorsqu’il était question d’écrire son œuvre historique, bien que l’évêque de Crémone mentionnât parfois des moments peu précis pour situer les événements, à l’aide de signes astrologiques par exemple. Autrement, le récit de Liudprand ne s’appuyait pas sur des moments précis qui devaient être datés, mais il insistait plutôt sur la mise en relation des événements et des personnages les uns aux autres. Ces mises en relations créent une structure narrative particulière au cœur du récit.
Pour étudier le temps de Liudprand, il faut donc s’intéresser à une conception différente de la temporalité. En laissant de côté la datation précise des faits évoqués par l’auteur, le temps s’inscrit plutôt dans une forme stratigraphique d’événements. Ceux-ci s’enchaînent à l’aide de marqueurs de liaisons qui évoquent la temporalité. Ces marqueurs, que nous nommons ici « marqueurs temporels »[13], suggèrent un jeu d’antériorité, de synchronisme ou de postériorité entre les épisodes. Le temps adopte, chez Liudprand, la forme d’un récit narratif, ce qui s’exprime par des marqueurs de relations. Ce temps laisse entrapercevoir un jeu temporel dans le texte. En effet, Liudprand utilise ses connaissances de l’Antiquité pour exprimer ses opinions. Ce jeu d’intertextualité a pour effet de raccourcir le temps médiéval; nous y reviendrons. Il faut ainsi, pour bien comprendre l’élaboration du temps chez Liudprand, observer et analyser les diverses échelles temporelles qui s’inscrivent dans le récit, au sein d’elles-mêmes et entre elles. Le temps antique, le temps présent et la préfiguration ne sont que des exemples de ce jeu temporel orchestré par l’auteur.
L’Antiquité au Moyen Âge
Il a été démontré depuis plusieurs années que cette image sombre d’un Moyen Âge arriéré, situé entre deux périodes d’illumination, n’était plus d’actualité. Cette Renaissance qui redécouvre les grands classiques antiques est une préconception aujourd’hui démystifiée. Si certains textes antiques nous sont en effet parvenus de l’Orient à la fin du Moyen Âge, il reste néanmoins que les auteurs antiques étaient connus des grands penseurs de l’époque médiévale. Une grande collection des textes antiques connus aujourd’hui proviennent de cette période dite « noire et inculte », par le travail de retranscription effectué entre autres dans les monastères. Les textes poétiques de Virgile, d’Ovide et de Catulle étaient accessibles, tout comme les comédies de Térence, les remarques de Cicéron et de Sénèque, ou encore la philosophie de Boèce et d’Augustin d’Hippone. Le cursus d’enseignement, depuis Charlemagne, intégrait l’étude de l’Antiquité par les textes. Térence, par exemple, était connu par les traités de grammaire. La culture populaire était également imprégnée de ces références antiques par la persistance de différents héros troyens et de modèles de vertu provenant de ce passé lointain[14]. Ainsi, cette rupture imaginée entre l’Antiquité et le Moyen Âge s’exprime plutôt comme une lente bifurcation vers un nouveau dogme, sans supprimer complètement le premier.
L’instrumentalisation de l’histoire effectuée par Liudprand ne lui est pas originale, mais s’inscrit plutôt dans une tradition qui le précède. Pour interpréter l’intervention divine dans l’histoire, il présente la Bible comme une préfiguration des événements, le passé comme un indice des choses à venir. Ces rapprochements à des épisodes ou à des modèles antiques permettent de rapprocher les réalités de l’Antiquité et du Moyen Âge. La mémoire de cette Antiquité en devient subjective et l’histoire se déforme temporellement pour créer une continuité historique, rapprochée thématiquement. Le passé se trouve ainsi adapté dans un cadre nouveau qui est défini par le présent et par l’interprétation de l’histoire proposée chez les différents contemporains des événements[15]. Par l’étude de ces références à l’Antiquité qui influent sur le temps du texte, nous proposons une nouvelle perception de la temporalité médiévale causée par l’intégration d’un passé révolu à l’histoire du Xe siècle.
Étudier les références antiques : une méthodologie croisée
L’étude de l’Antapodosis est riche et quelque peu ardue. Nous avons la chance de travailler sur un auteur connu du Xe siècle, dont quelques chercheurs ont déjà effectué un premier travail de repérage dans le texte[16]. Le travail de recherche que ces derniers ont posé nous est fort utile. Bien qu’aucun d’entre eux ne se soit directement penché sur la perception du temps chez Liudprand, ils ont posé des réflexions pertinentes pour l’avancement de notre recherche.
Les méthodologies
Notre méthodologie se concentra d’abord sur une recherche historique plus classique, afin de replacer le texte dans son contexte historique. Le temps médiéval est un sujet particulièrement apprécié des médiévistes, et leurs recherches ont porté notre questionnement. De quelle manière les historiens du Moyen Âge s’étaient‑ils intéressés au temps? Nous avons abordé la question du temps cyclique, présenté par Gourevitch et par Schmitt[17]. La question du temps linéaire, marqué par une avancée inéluctable vers une fin connue, c’est‑à‑dire celle du retour du Christ, a été étudiée par le Goff, Schmitt et Baschet[18]. Une fois ces deux études intégrées à notre grille de lecture, nous avons regardé la manière dont ces temps s’inscrivaient dans l’Antapodosis et la relation qui s’exprimait entre le temps linéaire et le temps cyclique chez Liudprand.
Il nous était ensuite nécessaire, avant d’étudier les références antiques, d’aborder la connaissance de l’Antiquité de l’époque de Liudprand. Nous nous sommes donc intéressés à cette connaissance de l’Antiquité et des auteurs classiques durant le Moyen Âge, ce que nous avons précédemment présenté. Cette connaissance nous permettait de mieux mettre en contexte et de mettre en relation les différentes œuvres antiques qui se trouvaient dans le corps du texte. Il nous fallait cependant identifier ces références à l’Antiquité. Ainsi, un repérage dans le corps du texte de l’Antapodosis des mentions relevant de l’Antiquité était nécessaire. Sur ce point, le travail formidable de dépouillage effectué par François Bougard nous fut des plus utiles. Le chercheur propose des notices présentant les textes insérés directement dans le corps du document sans mention de citation. Bougard propose ainsi les références textuelles bibliques et antiques. Un travail d’indexation des noms et personnages abordés dans les textes de Liudprand permet également une identification plus large dans le cadre du texte. À partir de cette indexation et de notre propre lecture, nous avons ciblé des extraits de l’Antapodosis qui nous semblaient pertinents à l’étude afin de démontrer l’influence de ces références sur la temporalité. Ces références étaient parfois clairement établies et citées dans le texte, et parfois elles étaient plutôt implicites.
Les références explicites
Certaines références antiques présentent un modèle clair et directement précisé dans le texte. Il s’agit des mentions comme « Roza était Junon à cause des querelles et des haines sans fin parce qu’une telle, aux yeux de la chair putrescible, paraissait plus belle que telle autre[19] ». Dans ce texte, la référence utilisée est explicite et claire à la fois pour le lecteur médiéval et celui, aujourd’hui, contemporain. Junon, déesse reine et femme de Jupiter[20], est directement citée et établie dans une comparaison à un individu du Xe siècle[21]. Dans d’autres cas moins évidents, Liudprand cite lui-même la provenance du texte qu’il utilise : « selon le mot du savant Boèce, croyant avoir tout entier l’habit de la philosophie quand ils n’en ont qu’une petite partie, vont me sauter dessus en disant : « Nos prédécesseurs ont déjà tant et tant écrit qu’il manquera bien plus de lecteurs que de livres »[22] ». Pour ces références, il était moins question de les identifier dans le corps du texte, mais bien de chercher la manière dont ils créaient un jeu temporel par leur mention et leur identification dans le texte. Les références aux dieux grecs et romains, par exemple, notent un rétrécissement temporel entre un Empire romain puissant, mais païen, et un peuple chrétien plus faible à la fin de l’Empire carolingien. L’association des empires permet une association de la puissance romaine aux nouveaux porteurs du titre de Romains.
Les modèles implicites
Au contraire, Liudprand utilise parfois des références implicites dans le texte, qu’il n’est pas toujours possible, à la première lecture, d’identifier si ce n’était du fastidieux travail effectué par François Bougard[23]. Ces références présentent une forme d’intertextualité. Liudprand reprend des mots, voire des phrases entières pour les intégrer dans le corps du récit de l’Antapodosis :
Entendant cela, les susdits Hermann et Conrad demandèrent [au prêtre] des précisions : avait-il vu Giselbert et Évrard ? « Ils leur ont presque tous fait passer le Rhin avec le butin, répondit-il, eux sont tout seuls avec l’élite de leurs soldats, en train de manger – Ah, que cela ne tourne pas bien pour eux ![24] »
Dans le cadre de cette citation, l’expression qui termine le discours, « Ah, que cela ne tourne pas bien pour eux ! », est une copie des mots de Virgile dans ses Bucoliques, IX, 6. La seule modification proposée dans le texte latin est une inversion de deux termes. Chez Liudprand, le latin se lit quod nec bene vertat ! alors que pour Virgile, le bene intervient après le verbe. L’Antapodosis de Liudprand est parsemé de références à Virgile, un auteur dont l’évêque de Crémone s’inspire particulièrement pour formuler ses propres textes et idées. Cet auteur latin est cependant loin d’être le seul. Il n’est pas rare de voir des citations intervenir directement dans le corps du texte sans mention apparente.
Ces textes cités par un effet d’intertextualité proviennent parfois de l’Antiquité, mais il s’agit souvent d’extraits bibliques insérés dans le cadre du texte. Liudprand, dans son désir d’écrire une rétribution, justifie les événements et les malheurs de son époque par une prédestination des événements, évoqués dans la Bible, due à la perfidie des hommes de son époque. Ces versets sont très souvent glissés dans le cadre du texte sans aucune distinction, comme quoi il est du devoir du lecteur de les trouver et de les comprendre :
Ayant alors fait sienne une bonne idée, il [Basile, empereur byzantin] s’était fait des amis avec les richesses de l’iniquité, pour être délivré du feu de la géhenne éternelle par les prières de ceux qu’il consolait ici par des subsides passagers[25].
Dans ce passage, la mention « il s’était fait des amis avec les richesses de l’iniquité » est une citation directement sortie de l’Évangile de Luc, 16.9, facite vobis amicos de mammona iniquitatis. Nous retrouvons les termes latins de amicos jusqu’à iniquitatis dans le texte de l’Antapodosis.
Enfin, Liudprand cite un seul de ces contemporains[26] en la personne de Rathier de Vérone. Ce dernier est certes contemporain de Liudprand, mais il est plus vieux et écrivit avant Liudprand. Il s’agissait probablement d’un des destinataires prévus de l’Antapodosis. Liudprand ne cache d’ailleurs pas l’admiration qu’il porte à l’homme d’Église :
Une fois celui-ci parti, la cité se rend tout de suite au roi Hugues et Rathier, l’évêque de cette même cité, est capturé par lui et relégué en exil à Pavie, où il entama la composition d’un livre plein d’esprit et d’urbanité sur l’épreuve de son exil. Qui le lira y trouvera bien des choses ciselées à cette occasion, qui pourront plaire à l’intellect des lecteurs, non moins qu’elles leur seront utiles[27].
Quatre œuvres de Rathier se perçoivent dans le texte de l’Antapodosis, avec une prédominance pour ses Praeloquia, suivi de sa Phrenesis, en plus de citations en provenance de deux lettres de sa main.
Ainsi, lire l’Antapodosis de Liudprand revient à effectuer un excursus dans la formation classique du Xe siècle, soit par l’apprentissage du « bon latin classique » qui s’effectuait à l’aide d’auteurs antiques, soit par les recueils de citations dont les auteurs médiévaux se servaient pour augmenter leurs textes[28]. La « renaissance » du Xe siècle, comme le propose Michel Sot, provient d’une prolifération dans les bibliothèques médiévales d’auteurs classiques. Les auteurs connus et étudiés par les serviteurs de l’Église se retrouvent dans le corps du texte, cités parfois à outrance sans mention de l’origine de la citation[29]. Liudprand cite les textes des Anciens sans les mentionner, insère des versets bibliques dans son œuvre sans les distinguer du corps du texte, ou encore utilise les mots de son contemporain Rathier de Vérone pour évoquer et faire passer ses idées. Ces insertions créent des degrés de lecture : à première vue, le texte se lit de manière suivie, sans une nécessité d’interrompre la lecture ; puis, les mentions à même le texte de références explicites supposent un premier niveau d’interrogation chez un lecteur attentif ; enfin, les références implicites observées créent un va-et-vient constant entre l’œuvre de Liudprand et les œuvres antiques et bibliques pour le lecteur plus assidu. La lecture s’effectue en deux ou en trois temps, par la lecture du texte, le repérage des insertions explicites, puis implicites, et la lecture des textes cités afin de mieux comprendre la manière dont les œuvres se trouvent instrumentalisées par Liudprand[30]. Ces niveaux de lecture créent une temporalité croisée entre le temps du récit établi par les marqueurs temporels et celui des références, jouant sur une double échelle temporelle.
Quelques modèles du temps
Le temps de l’Antapodosis agit sur différents plans. Il y a d’abord le temps contemporain de l’auteur, auquel Liudprand se réfère de temps à autre pour mettre en contexte ce qu’il annonce, souvent au moment de l’introduction d’un nouveau personnage :
Il envoie alors Otton, le très puissant duc des Saxons – le grand-père du très glorieux et très invaincu roi Otton, qui vit encore aujourd’hui et règne dans la félicité –, pour la défense de Milan, tandis que lui-même pique droit sur Pavie[31].
Ce temps est celui de l’écriture de l’Antapodosis, un temps donc postérieur aux événements racontés dans l’œuvre. Le deuxième temps est celui du récit historique, le temps des événements, relevé par les marqueurs temporels dans le texte[32]. Puis intervient un troisième temps, plus discret, le temps des références[33], une temporalité qui se trouve donc être antérieure au temps du récit.
Ces prototypes antiques, en intervenant dans le récit, nous permettent de poser l’hypothèse d’une temporalité nouvelle qui révèlent la pensée de l’auteur vis-à-vis le temps et la manière dont il peut être instrumentalisé pour présenter un événement sous une lumière qui lui est favorable ou défavorable, selon le bon vouloir de Liudprand. Deux de ces modèles furent étudiés afin de proposer quelques pistes de réflexion sur ces échelles de la temporalité dans le récit.
Les tableaux chronologiques d’Eusèbe de Césarée
Eusèbe de Césarée, un père de l’Église et évêque à Césarée, est une figure majeure de l’apologétique au début du IVe siècle. Après avoir traversé la persécution au tournant du siècle, il accède à l’épiscopat à l’époque de l’Édit de Milan promulgué par Constantin. C’est à ce moment qu’Eusèbe rédigea une histoire de la chrétienté et de l’histoire de l’Église, le premier à tenter une telle entreprise[34].
Dans ses Canons Chronologiques, Eusèbe proposa des tables synchrones qui permirent d’établir une chronologie bidimensionnelle, par la mise en commun de listes de souverains hébreux, grecs, latins et orientaux, et en s’efforçant d’aligner les dates et les grands événements païens avec les récits bibliques à partir d’Abraham[35]. Le deuxième livre de ses Chroniques présente les tables synchrones, montrant les événements mis en relation les uns par rapport aux autres (figure 1).
Figure 1. Copie carolingienne des Chroniques d’Eusèbe de Césarée, Merton College MS 315, f. 78v et 79r, présentant les tables synchrones.
Liudprand semble procéder à une entreprise similaire en tentant de lier les événements marquants de différentes régions géographiques par leur simultanéité. Dans son récit, au livre deux, il raconte 25 années d’histoire de la Francie orientale, puis un deuxième cycle de 25 ans sur la Germanie, avant d’offrir un panorama d’un dernier quart de siècle pour l’Italie[36]. Ces cycles concernent tous les années 899 à 924. Cependant, ses efforts sont entravés par des informations inégales qui déséquilibrent son récit, donnant finalement une prédominance à l’Italie, sa terre natale. Il aborde en 6 chapitres la Francie, en 25 chapitres la Germanie, et finalement en 43 chapitres l’histoire italienne[37]. Néanmoins, sa tentative de suivre le modèle eusébien révèle une volonté d’inscrire l’histoire dans un récit linéaire, où les événements se succèdent, se coordonnent et se juxtaposent selon les régions. Le désir de s’inscrire dans un modèle antique est révélateur de la pensée de Liudprand et sur sa conception du temps. En suivant le modèle d’Eusèbe, Liudprand se positionne en héritier de sa pensée d’une histoire synchrone dans laquelle intervient le divin. Cette volonté de s’inscrire dans une tradition des pères de l’Église et de l’Antiquité classique permet également à l’auteur de présenter une histoire fortement appuyée sur les successions séculières ou ecclésiastiques, tout comme le suppose le modèle eusébien[38].
Dans le cas de l’Antapodosis, le passage des différents règnes marque une progression certaine, alors que le retour des Hongrois crée un sentiment de perpétuel retour. L’établissement d’une chronologie à partir des règnes et souverains, tout comme à partir de la succession, est une tradition bien ancrée chez les auteurs antiques. Les diadochai, « successions », étaient un genre connu et important dans l’historiographie antique. Liudprand s’inscrivait certainement dans la continuité de cette tradition, à l’instar de grands noms de l’histoire de l’Église[39]. Ainsi, la chronologie, marquée par le passage des successions, provient d’un héritage antique. La conception médiévale du temps de l’histoire s’inspire de la tradition antique, entre autres celle qu’Eusèbe de Césarée lui-même perpétuait[40].
Il faut donc voir chez Liudprand une écriture de l’histoire inspirée de l’Antiquité. Le mode de pensée temporel développé par Eusèbe, qui présente l’histoire de manière chronologique et géographique, permet à l’auteur de l’Antapodosis de faire de même. En écrivant l’histoire de toute l’Europe, à tout le moins ce qu’il considère comme toute l’Europe en fonction de ses voyages, de ses intérêts et de l’influence portée sur la péninsule italienne, Liudprand raconte une histoire qui se déroule sur plusieurs fronts, mais qui se trouve liée dans une seule histoire, celle du Salut[41].
Les Puniques et les Argiens de Liudprand
Un autre exemple parlant de l’utilisation des références antiques par Liudprand de Crémone se trouve dans un épisode du livre deux. Liudprand établit une comparaison entre les Sarrasins, ces ennemis du peuple chrétien au Xe siècle, et les Puniques[42], ces ennemis féroces du peuple romain. Pour y arriver, il raconte un épisode de bataille entre les Sarrasins et le peuple italien, mais utilise plutôt, pour appuyer son propos, les termes de Puniques et de Romains pour parler des protagonistes et des antagonistes :
Telle est donc la manière dont celui-ci [Jean X] avait été institué vicaire des saints apôtres, quand les Puniques, comme je l’ai dit, taillaient misérablement en pièces Bénévent et les villes romaines. […] Au retour des Puniques qui saccageaient à l’envi les alentours, les voici qui jaillissent à l’improviste […] et les Puniques n’arrivaient pas à savoir qui c’était, ou quoi, avant que les fers des Romains ne s’attachent à leurs corps. Pour finir, encouragés par la nouvelle de ce fait d’armes, plusieurs Romains tuèrent les Puniques en de nombreux endroits […][43]
Il s’agit, dans cet extrait, de la première mention des Puniques par Liudprand. L’utilisation des termes « comme je l’ai dit » permet d’effectuer le lien entre les Sarrasins d’Afrique mentionnés précédemment et les Puniques de l’extrait. L’historiographie latine antique présente les Puniques comme les pires ennemis des Romains, avec les Gaulois[44]. Il n’est pas difficile, alors, de comprendre l’association suggérée par Liudprand, entre les Sarrasins et les Carthaginois. Les deux s’entrecoupent sur un même territoire, l’Afrique du Nord, en plus d’être l’opposition la plus féroce de leur époque respective.
D’un autre côté, les chrétiens d’Italie se trouvent associés au peuple romain de la République. Il s’agit d’une association nouvelle dans le livre deux. En effet, dans le premier livre, les Romains correspondent aux habitants de la ville de Rome : « Quoi d’étonnant alors, si même la reine de toutes les cités, la grande Rome, n’a pu contenir son assaut ? De fait, tandis qu’un accès confiant à la ville lui était nié par les Romains, il convoqua ses soldats […][45] ». Or, dans le deuxième livre, cette référence s’étend aux « cités romaines ». Il n’est plus seulement question de la cité de Rome, mais bien des villes de la péninsule italienne. Les Romains deviennent par le fait même les habitants de ces villes, et donc les habitants de l’Italie.
Ces associations viennent créer une double échelle temporelle dans l’œuvre de l’Antapodosis, soit celle des faits racontés et celle des guerres puniques, qui se trouvent désormais unifiés. L’évêque de Crémone, en associant son époque à la gloire passée de la République romaine à travers ce jeu d’association avec les guerres puniques, établit un lien temporel qui semble transcender la linéarité du temps. Les guerres puniques, éloignées dans le passé, sont ainsi ramenées à la réalité du Xe siècle italien, créant une temporalité nouvelle où le passé et le présent se trouvent intimement liés. Cette absence de distinction temporelle rapproche les deux références, permettant ainsi à l’auteur de s’approprier la gloire passée dans le présent, et de créer une vision temporelle plus fluide et intégrée.
Dans un même ordre d’idées, Liudprand mentionne une ambassade envoyée auprès des Argiens, c’est-à-dire une ambassade à Constantinople : « Envoie donc une ambassade auprès de l’empereur des Argiens, dont les Puniques ne cessent de saccager la terre de l’autre côté de la mer, tout comme la nôtre[46] ». Or, il est bien question ici de l’Empire byzantin et de la ville de Constantinople. L’Empire byzantin est généralement qualifié par le terme de « grec », entre autres dû au refus d’y voir la continuité de l’Empire romain, et puisqu’il s’agit de la langue qui y est parlée[47]. Les habitants de l’Empire, par le fait même, en prennent le toponyme, et ce dès le premier livre[48]. La langue correspond alors à une forme métonymique qui identifie tout le peuple pour Liudprand.
Moins travaillée que la référence aux Puniques, la mention des Argiens crée une unité lexicale dans le texte. Il est ainsi question des Argiens, des Puniques et des Romains, peuples antiques qui correspondent aux Grecs byzantins, aux Sarrasins et aux chrétiens d’Italie, peuples contemporains à Liudprand. Il est intéressant de noter que l’Empire byzantin, aussi appelé d’Empire romain d’Orient, pouvait se positionner comme l’héritier de Rome, ayant survécu à l’effondrement de l’Empire romain d’Occident en 476. Les Grecs byzantins s’identifiaient en effet en tant que Romains, ce qui continua jusqu’à la chute de Constantinople en 1453[49]. Or, bien qu’ils se considérassent comme des Romains, cette association ne semble pas avoir été reconnue à l’extérieur de l’Empire, justifiant ainsi l’association des chrétiens d’Italie aux Romains sans créer de dissonance dans les propos de Liudprand, pour qui Constantinople possède un héritage grec plutôt que romain.
Une brève tentative d’élaboration temporelle
Tout au long de son récit, Liudprand cherchait à imbriquer les évènements dans une chaîne de causalité. Ainsi, la défaite dans une guerre pouvait être interprétée comme une punition divine pour l’impiété du roi ou du peuple. Cela s’exprime dans cet extrait : « Si nous gagnons, que la victoire ne soit pas imputée au grand nombre mais à Dieu ; si la victoire va au contraire aux Puniques, qu’elle soit attribuée à nos péchés et non à notre inertie[50] ». Il est intéressant ici de noter que ce même passage fait référence à 1 Maccabées 3.17-19, dans le récit des premières victoires de Judas Maccabée. Il s’agit donc d’une autre référence antique qui intervenait sur le temps du récit, mais sur laquelle nous ne nous attarderons pas.
Par l’association entre les Sarrasins et les Puniques, Liudprand était en mesure de présenter le royaume d’Italie comme la continuité directe de la République romaine[51] et, par le fait même, il semble écrire dans son Antapodosis l’histoire de la quatrième guerre punique. En positionnant le royaume d’Italie et les Sarrasins d’Afrique comme héritiers des Romains et des Puniques, Liudprand raccourcissait le temps entre l’Antiquité de la République romaine et celle de son siècle. La réalité des deux événements se trouvait de cette manière rapprochée et liée par le vocabulaire. Les protagonistes étaient les mêmes, tout comme les antagonistes. La gloire romaine n’était plus du passé, mais elle était toujours présente et transférée dans les nouveaux représentants au titre, c’est-à-dire le peuple chrétien[52]. L’espace-temps ne faisait alors plus qu’un ; si les trois premières guerres puniques eurent lieu entre Rome et un peuple originaire d’Afrique, tout comme cette nouvelle guerre, alors la distance temporelle entre chacune de ces guerres est sans importance. Du moins est-ce le pari que semble prendre Liudprand dans son Antapodosis. Le passé romain agissait ainsi comme une préfiguration, la victoire des Romains sur les Puniques annonçait la victoire des chrétiens sur les Sarrasins. Les conclusions se transposent aux Grecs de Constantinople. Ce jeu de référence, aux Grecs cette fois-ci, permet à nouveau de rapprocher les réalités de l’Antiquité et du Xe siècle sur une temporalité modifiée. La référence aux Argiens porte un effet similaire à celle des Romains, en mettant en lumière un peuple héritier d’une longue histoire digne, dont les événements païens éclairaient l’histoire chrétienne de ce peuple, une histoire qui se trouvait glorifiée par l’intervention de la main divine dans les affaires profanes. Nous proposons ainsi l’hypothèse d’une utilisation de références antiques qui permettait à Liudprand de rapprocher deux événements historiques éloignés dans le temps afin de les comparer et de les associer. Cette association produisait ensuite un rétrécissement de l’espace temporel[53].
Liudprand considérait le passé comme une clé permettant de discerner la préfiguration des événements qui lui furent contemporains. Le rapprochement des événements antiques aux événements contemporains de l’auteur crée un rétrécissement de l’espace temporel perçu, la linéarité du temps se trouve ainsi transcendée pour rapprocher divers moments de l’histoire entre eux. Ces références permettaient également d’établir un jugement rapide par une association positive, négative ou inversée, qui révèle la pensée de l’évêque de Crémone. L’Antiquité, bien plus qu’une période révolue, intervenait encore dans le quotidien de Liudprand et agissait comme un élément révélateur, en plus de renforcer l’idée de la rétribution divine exprimée tout au long du récit[54].
Conclusion
L’étude de l’Antapodosis permet d’atteindre une nouvelle compréhension de la temporalité exprimée dans une œuvre à volonté historique. Dans un désir de se rattacher à une Antiquité forte, glorieuse, mais devant néanmoins être placée en deçà la période chrétienne, Liudprand utilisait différents types de références antiques pour exemplifier son récit. Ces références créent un rétrécissement de l’espace temporel perçu dans l’œuvre et procurent ainsi plusieurs échelles de lecture temporelle. Les références antiques, qu’elles soient bibliques ou antiques, illustrent une volonté d’inscription de l’histoire dans un temps long. L’Empire romain est présenté comme un idéal à conserver et à revendiquer, alors même que la chute de l’Empire carolingien semblait mettre fin aux espoirs de refonder un empire puissant, héritier de la gloire romaine. Liudprand réfute la fin de cet espoir en proposant plutôt de nouveaux héritiers au titre de Romains.
Il faut donc lire la temporalité de l’Antapodosis sur plusieurs échelles. Il y a le temps du récit, puis le temps contemporain de l’auteur. Le temps des tables synchrones, à la manière d’Eusèbe de Césarée, propose une deuxième lecture, avant d’aborder le temps des autres références antiques. Ce jeu entre les auteurs classiques et les événements contemporains nécessite un public averti et formé aux lettres classiques, qui comprend les références de Liudprand. La temporalité des événements rapportés est rapprochée à celle de l’Antiquité citée par l’évêque de Crémone. Ces temps se trouvent ainsi unifiés dans différents niveaux de lecture au sein d’une œuvre unique. L’Antapodosis se présente comme un texte riche dans ses temporalités multiples qui offrent divers degrés de lecture, et constitue un témoin pertinent afin d’étudier la compréhension et la transmission du temps chez un auteur médiéval. Le Xe siècle, période de trouble politique et religieux, trouve une certaine stabilité dans un temps complexe qui le relie à des institutions puissantes qui semblent autrement avoir disparues.
Références
[1] La différence est marquée de différentes manières, avec une organisation autour d’un temps divisé depuis l’apparition des horloges (à l’époque médiévale certes), et de leur synchronisation entre elles. La division des heures en minutes, puis en secondes, selon un temps toujours plus précis, inscrit un changement dans notre rapport au temps. L’être humain devient un être marqué par la temporalité et la conscience constante du temps qui passe. Cela se présente, bien entendu, dans un contexte occidental ; certaines civilisations échappent encore à la mainmise qu’exerce le temps sur notre époque.
[2] Plusieurs sources à teneur historique prétendent conserver en mémoire les événements ou les règnes importants de l’histoire, et ce avant l’époque médiévale. La période médiévale présente diverses sources telles les Chroniques, les Annales et les Histoires, plus directement liées à ce que nous considérons aujourd’hui des sources historiques, mais également les hagiographies, les chartes et autres documents qui nous renseignent sur l’histoire locale, chrétienne ou séculière de la région d’où elles proviennent. Ces sources ont été étudiées par différents historiens, nous relevons entre autres deux ouvrages sur les Chroniques et les Histoires avec Bernard Guenée, Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier-Montaigne, 1980, 446 p. ; et Hervé Inglebert, Le monde, l’histoire : essai sur les histoires universelles, Paris, Presses universitaires de France, 2014, 1236 p.
[3] Nous recommandons l’excellent article de Jacques Le Goff sur le développement du temps du marchand comme une première approche de la temporalité médiévale et de ses problèmes. Pour les plus curieux, l’article de Emmanuel Poulle présente une histoire de l’horlogerie astronomique à l’époque médiévale qui se révèle fort intéressant. Jacques Le Goff, « Au Moyen Age: Temps de l’Église et temps du marchand », Pour un autre Moyen Age, Paris, Gallimard, 1977, p. 46‑65 ; Emmanuel Poulle, « Pour une typologie de l’horlogerie astronomique médiévale », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, N. 2, 1997. p. 635-662.
[4] L’anno domini est une forme abrégée de l’expression Anno Domini Notri Iesu Christi, littéralement « en l’année de notre Seigneur Jésus-Christ ».
[5] Au sujet de la datation par l’anno domini, nous recommandons l’article de Joshua J. Mark, traduit par Babeth Étiève‑Cartwright, qui offre un panorama de la question et de l’évolution de la datation. Joshua J. Mark, « Origine et histoire du système de datation AEC/EC », World History Encyclopedia en français, publié le 27 mars 2017, accessible en ligne au https://www.worldhistory.org/trans/fr/2-1041/origine-et-histoire-du-systeme-de-datation-aecec/.
[6] Sur le temps dans les travaux des historiens, il est possible de citer notamment Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, éd. critique préparée par Etienne Bloch, Paris, Armand Colin, 1993, 290 p. ; Jacques Le Goff, « Au Moyen Age: Temps de l’Église et temps du marchand », Pour un autre Moyen Age, Paris, Gallimard, 1977, p. 46‑65 ; Jean Claude Schmitt, « Le Temps. « Impensé » de l’histoire ou double objet de l’historien ? », Cahiers de Civilisation Médiévale, 2005, p. 31‑52.
[7] À ce sujet, il est possible de regarder le traitement du Xe siècle proposé dans La civilisation féodale de Jérôme Baschet. Le Xe siècle n’y est mentionné qu’au passage dans le traitement des événements. Jérôme Baschet, La civilisation féodale : de l’an mil à la colonisation de l’Amérique, 4e éd. corrigée et mise à jour, augmentée d’une postface inédite, Paris, Éditions Flammarion, 2018, p. 94-95, 121-124 et 161-163.
[8] L’idée est abordée par plusieurs auteurs. Nous retenons ici la préface du traducteur de Living in the Tenth Century: Mentalities and Social Orders, de Heinrich Fichtenau, écrite par Patrick J. Geary. Geary, « Translator’s Foreword », Heinrich Fichtenau, Living in the Tenth Century: Mentalities and Social Orders, edition illustrée, réimprimée, 1991, Université de Chicago, 472 p., ici p. xii.
[9] Biennio ingenii parvitate petitionem tuam, pater karissime, distuli, qua totius me imperatorum regumque facta, sicut is qui non auditu dubius, sed visione certus, ponere compellebas. Ant., I, 1. Il convient de noter que les traductions françaises proposées pour nos citations proviennent toutes du fantastique travail de traduction et d’édition du corpus des œuvres de Liudprand effectué par François Bougard. François Bougard, Liudprand de Crémone Œuvres, Paris, CNRS éditions, 2015, 654 p., disponible en ligne https://www.persee.fr/doc/sohim_0398-3811_2015_edc_41_1.
[10] Le TLG propose 108 résultats dans la Septante pour la famille de mots ανταποδ*, avec trois références directes au terme antapodosis, soit un dans juges 9.16, dans Psaumes 18.12 et Psaumes 130.2, pour lesquelles la signification du mot semble surtout positive, dans le sens de récompense. Les autres mots de la même famille proposent un terme avec la nuance bonne et mauvaise, soit la rétribution ou la récompense. articles « ανταποδ* » et « ανταποδοσις » dans le TLG en ligne.
[11] Usta est infelix olim formonsa Papia anno dominicae incarnationis DCCCC°XXIIII, IIII° Idus Martii, indictione XII, sexta feria, hora tertia. Quorum memoriam piae recordationis affectu, qui eodem combusti sunt, vos et quicumque legeritis faciatis, vehementer exoro. Ant., III, 3.
[12] Outre la date de l’incendie de Pavie, nous avons relevé une ou deux mentions de moment plus ou moins précisément datées, et quelques mentions qui permettent d’offrir une hypothèse de datation, par exemple avec les mentions de signes astrologiques, comme il est mentionné ensuite.
[13] Un marqueur temporel peut être défini comme un mot ou un groupe de mots qui établit une certaine chronologie entre les événements. Le français se porte bien à l’exercice, présentant des mots-clés comme « avant/pendant/après », qui établissent un ordre chronologique certain, tout en restant vague sur le moment exact du déroulement. D’autres expressions illustrent ce temps imprécis, souvent sous l’aspect du conte ou de la légende, comme « il y a très longtemps » ou « au commencement ». Les marqueurs temporels peuvent apporter également un élément de précision, par exemple « dix ans plus tard » ou « au même moment ».
[14] Si de nombreux auteurs se sont penchés sur la question, nous retenons deux articles particulièrement intéressants pour soutenir notre propos. Jean-Marie Aubert, « Moyen Âge et Culture antique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n°2, 1960, p. 250-264, ici 250‑252, et Serge Bouchet, « L’Antiquité dans la culture et l’imaginaire du Moyen Âge », Travaux & documents, 2007, 30, p. 51-71, ici p. 60‑61.
[15] Trois articles du recueil Mémoire de l’Antiquité présentent ces idées. Ils se développent plutôt à la fin de l’Antiquité tardive dans la majorité des cas, à l’exception de l’article de Michel Sot qui fait intervenir Flodoard de Reims au Xe siècle. Michel Sot, « Mémoire, Antiquité, Renaissances, vus des IXe et Xe siècles », p. 7‑13 ; Claude Lepelley, « La mémoire de l’Antiquité classique à l’époque romaine tardive (du IVe au VIe siècle », p. 15‑22 ; et Claire Sotinel, « La mémoire de la ville : Aquilée et son passé à la fin de l’Antiquité », p. 25‑36 dans Michel Sot (dir.), La mémoire de l’Antiquité dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, Centre de recherches sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, Maison René Ginouvès – archéologie et ethnologie, cahier VIII, Nanterre, 2000, 160 p.
[16] Nous pensons notamment à des chercheurs comme François Bougard, Œuvres, 654 p. ; Philippe Buc, Dangereux rituel. De l’histoire médiévales aux sciences sociales, Paris, Presses Universitaires de France, 2003, 372 p. ; et Jon N. Sutherland, Liudprand of Cremona, bishop, diplomat, historian : studies of the man and his age, Spoleto, Centro italiano di studi sull’Alto Medioevo, 1988, 119 p.
[17] L’idée du temps cyclique est généralement débattue dans le cadre chrétien de l’histoire médiévale. Ces deux auteurs ont su présenter des bilans intéressants pour traiter de la question. Aaron J. Gourevitch, Les catégories de la culture médiévale, Paris, gallimard, 1983, 340 p., coll. bibliothèque des histoires ; et Jean Claude Schmitt, Les rythmes au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2016, 718 p. coll. bibliothèque des histoires.
[18] Jacques le Goff, « Au Moyen Age: Temps de l’Église et temps du marchand », Pour un autre Moyen Age, Paris, gallimard, 1977, coll. bibliothèque des histoires, 181 ; Jean Claude Schmitt, Le corps, les rites, les rêves, le temps : essais d’anthropologie médiévale, Paris, Gallimard, 2001, 446 p., Coll. bibliothèque des histoires ; et Jérôme Baschet, La civilisation féodale : de l’an mil à la colonisation de l’Amérique, 4e éd. corrigée et mise à jour, augmentée d’une postface inédite, Paris, Éditions Flammarion, 2018, p. 419‑474.
[19] Rozam Iunonem ob simultatem et perpetuum odium, quoniam quidem ea secundum carnis putredinem hac spetiosor videbatur. Ant., IV, 14.
[20] Junon est plus souvent connue sous son patronyme grec, Héra, à laquelle elle fut associée. Les récits de la colère d’Héra sont nombreux. De son coté, Junon, par étymologie, désigne la déesse de la jeunesse et de la force vitale, puis celle du mariage par son association à la déesse Héra. Plusieurs épisodes relatent de querelles dans lesquelles Junon se trouvait impliquée, par exemple dans les Métamorphoses d’Ovide, en III, 253-256, avec le récit de Sémèlé, la mère de Bacchus. Ce récit est disponible en ligne sur la Bibliotheca Classica Selecta, avec la traduction et notes de A.-M. Boxus et J. Poucet, Bruxelles, 2006, au http://bcs.fltr.ucl.ac.be/METAM/Met03/M03-253-338.html.
[21] À noter que nous proposons cet exemple, mais qu’il s’agit ici de propos relaté par l’auteur. S’agissait-il vraiment d’une comparaison proposée dans le discours, ou est-ce un ajout de Liudprand pour évoquer ce qu’il souhaitait? Il serait difficile de le déterminer. Cependant, dans l’un ou l’autre cas, il est significatif que Liudprand le mentionne dans son œuvre.
[22] […] secundum eruditi viri sententiam Boetii, philosophyae vestis particulam habentes totamque se habere putantes, haec mihi sunt insultantes dicturi : « Tanta decessores nostri scriptitarunt, quod multo amplius lectores quam lectiones deficient », Ant., I, 1.
[23] Bougard, Œuvres, p. 591‑645 présente un index scripturaire, un index des auteurs et des œuvres cités, ainsi qu’un index des noms présent dans les textes de Liudprand.
[24] Quod cum praefati Huto ac Chuonradus audirent, si Gislebertum atque Heverardum viderit, examussim sunt sciscitati. Quo respondente, quoniam « Cum praeda cunctis poene trans Rhenum missis, ipsi soli cum eorum electis militibus – quod nec bene vertat ! – capiunt cibum », Ant., Iv, 29.
[25] Bono autem consilio accepto amicos sibi de mamona iniquitatis effecerat, ut, quos hic temporalibus subsidiis consolaretur, eorum precibus ab aeterno gehennae incendio liberaretur. Ant., I, 10.
[26] À nouveau, nous remercions le travail de François Bougard qui nous permet de proposer ces informations qu’il a lui‑même d’abord relevées. Bougard, Œuvres, p. 47.
[27] Quo discedente, Hugoni regi mox civitas redditur, et Raterius eiusdem civitatis episcopus ab eo captus Papiae exilio religatur ; in quo faceta satis urbanitate de exilii sui erumna librum componere coepit. Quem si legerit, nonnullas ibi hac sub occasione res expolitas inveniet, quae legentium intellectibus non minus placere poterunt quam prodesse. Ant., III, 52.
[28] L’idée du « bon latin » et de l’étude d’auteurs provenant de l’Antiquité romaine est développée dans un recueil sur La mémoire de l’Antiquité dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, dirigé par Michel Sot. Trois articles soutiennent nos propositions, soit Michel Sot, « Mémoire, Antiquité, Renaissances, vus des IXe et Xe siècles », p. 7‑13, ici p. 9‑10 ; Claude Lepelley, « La mémoire de l’Antiquité classique à l’époque romaine tardive (du IVe au VIe siècle », p. 15‑22, ici p. 18‑19 ; et Claire Sotinel, « La mémoire de la ville : Aquilée et son passé à la fin de l’Antiquité », p. 25‑36, ici p. 25 dans Michel Sot (dir.), La mémoire de l’Antiquité dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, Centre de recherches sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, Maison René Ginouvès – archéologie et ethnologie, cahier VIII, Nanterre, 2000, 160 p.
[29] Michel Sot, « Mémoire, Antiquité, Renaissances, vus des IXe et Xe siècles », p. 10‑12.
[30] Cette utilisation des auteurs antiques n’est pas unique à Liudprand. Son contemporain, Flodoard de Reims, cite également des auteurs classiques et de l’Antiquité chrétienne pour faire l’histoire de son église. Michel Sot le mentionne dans son article « Mémoire, Antiquité, Renaissances, vus des IXe et Xe siècles », p. 12‑13, mais également dans son oeuvre sur l’historien médiéval, Michel Sot, Un historien et son Église : Flodoard de Reims, Paris, Fayard, 1993, 832 p.
[31] Ottonem itaque, Saxonum potentissimum ducem – huius gloriosissimi atque invictissimi regis Ottonis, qui nunc superest et feliciter regnat, avus –, Mediolanium defensionis gratia dirigit ; recta ipse Ticinum tendit. Ant., I, 24.
[32] Emmanuèle Baumgartner et Laurence Harf-Lancner, Dire et penser le temps au Moyen Âge : frontières de l’histoire et du roman, Paris, Presses Sorbonne nouvelle, 2005, p. 63.
[33] Cette idée de temporalités multiples dans une œuvre est peu développée pour l’histoire médiévale, mais il s’agit d’un concept en littérature contemporaine, entre autres développé dans Daniel Letendre, « Passer Le Temps: L’intertextualité Comme Anamnèse. » Pratiques Du Présent: Le Récit Français Contemporain et La Construction Narrative Du Temps, Presses de l’Université de Montréal, 2018, p. 141‑192, ici p. 141‑142, disponible sur JSTOR, https://doi.org/10.2307/j.ctv69t7gj.7.
[34] Les informations sur la vie d’Eusèbe de Césarée proviennent de l’Encyclopædia Britannica et de l’Encyclopædia Universalis. « Eusebius of Caesarea » (n.d.), Britannica Academic, mise à jour le 29 février 2024, accessible en ligne au https://academic-eb-com.acces.bibl.ulaval.ca/levels/collegiate/article/Eusebius-of-Caesarea/33282 et Richard Goulet, « Eusèbe de Césarée (265 env.-av. 341) », Encyclopædia Universalis, accessible en ligne sur https://www-universalis-edu-com.acces.bibl.ulaval.ca/encyclopedie/eusebe-de-cesaree/.
[35] La réflexion sur les tables synchrones d’Eusèbe de Césarée fut entamée par la lecture de l’hypothèse selon François Bougard Œuvres, p. 25. Différents articles ont par la suite étayé la réflexion, dont l’essai de Frederic Kaplan, directeur du collège des Humanités de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, intitulé « Eusèbe de Césarée, inventeur de l’Histoire en deux dimensions », publié le 22 juin 2012 sur fkaplan.worldpress.com. Finalement, des recherches scientifiques sont venues soutenir le propos. Émile Grapin, « Introduction », Eusèbe de Césarée. Histoire Ecclésiastique. Livres IX‑X, Paris, Auguste Picard, 1913, p. VII‑XXIII ; Sébastien Morlet, « Écrire l’Histoire selon Eusèbe de Césarée », L’information littéraire, 57, 3 (2005), p. 3‑15 ; Lorenzo Perrone, « Eusèbe de Césarée face à l’essor de la littérature chrétienne au IIe siècle: Propos pour un commentaire du IVe livre de l’Histoire Ecclésiastique », Zeitschrift für Antikes Christentum, 11, 2 (2007), p. 311‑334 ; Frederick Kaplan, « Eusèbe de Césarée, inventeur de l’Histoire en deux dimensions » ; Henri Crouzel, « La théologie de l’histoire selon Eusèbe de Césarée », Anuario de Historia de la Iglesia, 5, (2018), p. 75‑97.
[36] Il faut ici noter qu’il s’agit de nos propres observations, établies par la datation acceptée aujourd’hui des événements mentionnés chez Liudprand. Ces dates, déterminés par les historiens modernes, révèlent un cycle d’environ 25 ans, qui recommence lorsqu’une nouvelle aire géographique est abordée, créant une forme écrite des tableaux synchrones proposés par Eusèbe et relevé chez Liudprand par François Bougard, Œuvres, p. 25.
[37] Cette division en aires géographiques inégales fut également relevée par Bougard, puis étayée par nos réflexions et nos remarques. Bougard, Œuvres, p. 23.
[38] La succession des règnes séculiers est tirée des tables synoptiques, alors que les règnes épiscopaux sont principalement développés dans l’Histoire Ecclésiastique d’Eusèbe. La pensée n’est pas originale à Eusèbe cependant, nous proposons simplement le lien en fonction de celui préétabli des tableaux synchrones.
[39] Les successions comme genre littéraire antique est brièvement abordé par Sébastien Morlet dans Sébastien Morlet, « Écrire l’Histoire selon Eusèbe de Césarée », L’information littéraire, 57, 3 (2005), p. 3‑15 ; ici p. 8.
[40] Comme susmentionné, certaines informations importantes relevées sur les tables synchrones proviennent de Morlet, « Écrire l’Histoire selon Eusèbe », p. 8.
[41] Pour les Médiévaux, l’histoire du Salut était une histoire universelle qui continuait de s’écrire et commençait parfois même avant l’arrivée du Christ. Certains auteurs voyaient par exemple dans l’histoire de Rome une forme de préambule à l’histoire chrétienne. Ce sujet se voit surtout par l’appropriation des victoires romaines païennes comme des victoires pour la chrétienté. Cette idée est développée chez des historiens comme Pierre Courroux, « Interprétation, réception et recréation des désastres militaires romains au Moyen Âge », Pallas, 110 (2019), p. 383‑400 ; Pierre Courroux et Mathieu Engerbeaud, « Mémoires de la première guerre punique à l’époque impériale et au Moyen Âge », Interférences, 2023, p. 1‑15.
[42] Du terme Poenus en latin, les Puniques sont également appelés les Carthaginois, les habitants de la ville de Carthage, situé en Afrique du Nord.
[43] Hoc igitur sanctorum apostolorum taliter vicario constituto Poeni, ut praefatus sum, Beneventum Romanasque urbes misere laniabant. […] Cumque circumcirca saepius et iterum Poeni depopulantes redirent, clangore cum maximo ex improviso […] enim Poeni, qui, quidve esset, prius scire poterant, quam istorum spicula horum corporibus inhererent. Hac denique fama hocque exercitio nonnulli Romanorum acciti plurimos Poenos in locis prostraverant. Ant., II, 48 et 50.
[44] Georgios Vassiliades, La res publica et sa décadence : De Salluste à Tite-Live. Nouvelle édition en ligne, Bordeaux, Éditions Ausonius, 2020, 692 p., ici p. 343-394.
[45] Quid autem mirum, cum ipsa civitatum omnium regina, magna scilicet Roma, huius impetum ferre nequiverit ? Enimvero dum a Romanis ingrediendi urbem huic fidutia negaretur, convocatos ad sese milites […]. Ant., I, 25.
[46] Mittito denique ad Argorum imperatorem, cuius et ipsi eam quae cis mare est terram, sicut et nostram, depopulare non cessant. Ant., II, 51.
[47] La question est plus complexe et fait intervenir les notions de renovatio imperii et translatio imperii. La question, sans être directement abordée à l’aide des termes susmentionnés, peut être approchée par les articles de dictionnaires spécialisés, un par Michel Kaplan, « Byzance et l’Occident », Claude Gauvard et al (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 2002, p. 202‑203 et Michel Balard, « Byzance vue de l’Occident », Jacques Le Goff et al. (dir.), Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, A. Fayard, 1999, p. 126‑135.
[48] Liudprand réfère aux Grecs dès les capitula du premier livre : « Qui, comme empereur, était alors à la tête des Grecs ; qui, comme rois, étaient à la tête des Bulgares, des Bavarois, des Francs, des Saxons, des Souabes, des Italiens, et qui était pape à Rome ».
[49] Michel Kaplan, « L’Empire byzantin : une quintessence d’Empire ? », Monde(s), vol. 2, no 2 (2012), p. 167-174, ici p. 168.
[50] Si vincimus, non multitidini, sed Deo victoria imputetur ; si vero vicerint Poeni, peccatis nostris et non inherciae deputetur. Ant., II, 51.
[51] L’utilisation de l’histoire militaire romaine à l’époque médiévale fut notamment développée par Pierre Courroux, « Interprétation, réception et recréation des désastres militaires romains au Moyen Âge », Pallas, 110 (2019), p. 383‑400 ; Pierre Courroux et Mathieu Engerbeaud, « Mémoires de la première guerre punique à l’époque impériale et au Moyen Âge », Interférences, 2023, p. 1‑15.
[52] La question de la continuité impériale et de l’empire romain au Moyen Âge suppose une forme de lutte entre ce que nous connaissons aujourd’hui comme l’Empire romain d’Orient et les prétendants occidentaux au titre d’empereur des Romains. Ces questions peuvent être abordées par les articles de dictionnaires spécialisés précédemment cité, ou encore par celui de Jacques Krynen, « Souveraineté », », Claude Gauvard, Alain de Libera, et Michel Zink (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, Presses universitaires de France, 2002, p. 1349‑1350 et Michel Parisse, « Empire », Jacques Le Goff et al. (dir.), Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, A. Fayard, 1999, p. 346‑359.
[53] Bougard développe légèrement sur cette idée dans son introduction, de même que Serge Bouchet dans un de ces articles sur la présence de l’Antiquité dans la pensée médiévale. Bougard, Œuvres, p. 30‑31 et Serge Bouchet, « L’Antiquité dans la culture et l’imaginaire du Moyen Âge », Travaux & documents, 2007, 30, p. 55‑56.
[54] Les études sur les liens entre Antiquité et Moyen Âge sont nombreuses, nous retenons ici quelques articles qui ont développés notre réflexion sur le sujet pour en arriver à proposer de telles hypothèses. Jean-Marie Aubert, « Moyen Âge et Culture antique », Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n°2, 1960, p. 250-264, ici 250‑252 ; Serge Bouchet, « L’Antiquité dans la culture et l’imaginaire du Moyen Âge », Travaux & documents, 2007, 30, p. 51-71, ici p. 60‑61 et Michel Sot (dir.), La mémoire de l’Antiquité dans l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, Centre de recherches sur l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, Maison René Ginouvès – archéologie et ethnologie, cahier VIII, Nanterre, 2000, 160 p.