L’impact environnemental de la draperie sur le paysage médiéval : le cas de Montpellier aux XIIIe – XIVe siècles

Étienne Chevalier

Doctorant en histoire à l’Université de Waterloo

 

Introduction

La richesse et la longévité de l’historiographie de la draperie au Moyen Âge attestent à elles seules de l’intérêt que la communauté historienne lui a prêté au fil des générations[1]. La particularité du travail de la laine est la superposition et l’interdépendance d’activités diversifiées au cours de la production, laquelle mobilisait une vaste main-d’œuvre disséminée aussi bien en ville qu’en campagne[2]. Pour ces raisons, la draperie médiévale constitue un domaine d’étude central pour l’histoire économique, technique et sociale. Elle permet d’examiner des enjeux tels que la réglementation de la fabrication et la commercialisation, le développement d’outils et de machines pour optimiser et diversifier l’effort de production, ainsi que les rapports de force entre travailleurs et employeurs[3]. Une problématique largement négligée par l’historiographie française jusqu’à présent est l’analyse des implications écologiques liées au travail du drap. Cette considération fait écho aux nouvelles perspectives offertes par l’histoire environnementale, en plein essor depuis les années 1990, stimulées par une prise de conscience accrue des défis climatiques et environnementaux qui caractérisent nos sociétés contemporaines[4]. L’une des thématiques phares de l’approche environnementale est l’impact des activités humaines (ou anthropiques) sur l’exploitation et la transformation des « environnements », des « écosystèmes » ou des « milieux naturels », concepts ici utilisés pour désigner des espaces biophysiques qui ont hérité des paysages façonnés par les sociétés.[5]. Les opérations liées au travail du drap, qui incluent les étapes en amont et en aval de la production, telles que l’exploitation des ressources et l’émission des déchets, ont contribué à l’altération des écosystèmes locaux et ont aussi contribué à des changements plus durables dans les paysages urbains et ruraux. Alors que la plupart des enquêtes environnementales portent sur l’anthropisation des écosystèmes sur des échelles temporelles élargies, la draperie, en raison de son dynamisme technologique et de son envergure sur le plan social et économique, apparaît comme un terrain d’enquête fort prometteur pour étudier les interactions entre secteurs productifs et milieux naturels à l’échelle historique[6].

Cet article propose d’examiner l’impact environnemental des activités drapières en prenant pour focale le centre de Montpellier. Le choix du locus n’est pas anodin : les seules historiennes à y avoir porté un intérêt à la fin du XXe siècle, Kathryn Reyerson et Dominique Cardon, ont démontré qu’à l’époque médiévale la draperie montpelliéraine se spécialisait principalement dans l’apprêtage d’étoffes importées d’Europe du Nord. Plus particulièrement, Montpellier était reconnue pour sa teinture écarlate, fabriquée à partir des corps des insectes femelles qui parasitaient les chênes kermès parsemant les garrigues[7]. La spécificité des activités du secteur montpelliérain est significative en ce sens où elle renvoie à une dynamique écologique singulière, ce qui nous permet d’approcher l’empreinte environnementale du travail drapier sous un angle inédit. Ainsi, de quelle manière les activités drapières participent-elles à l’anthropisation du territoire de Montpellier? Quels sont les espaces et les ressources convoités lors de ces interventions? Comment les écosystèmes en place sont-ils modifiés? Quelles sont les conséquences de ces changements environnementaux? Cet article étudie les interactions entre les activités d’une draperie spécialisée et son environnement, au cours d’une période qui s’étend approximativement du XIIIe au XIVe siècle. En premier lieu, nous examinons le l’élevage de mouton, où nous estimons son importance pour l’approvisionnement en laine pour ensuite traiter des conditions environnementales de la transhumance des moutons et des changements que le pâturage entraînait sur l’environnement local. Ensuite, nous évaluons l’exploitation des ressources naturelles et son influence sur la couverture végétale et la faune de la région montpelliéraine, une région fortement caractérisée par un climat méditerranéen. Nous dirigeons ensuite notre attention sur la ville et son réseau fluvial, où nous observons l’impact des activités drapières sur l’anthropisation et la fragilisation de l’écosystème urbain. Préalablement, un arrêt sur les balises conceptuelles et méthodologiques de cette étude est nécessaire.

Cadre conceptuel et méthodologique

D’après les récentes études réalisées pour cibler les conséquences des activités humaines sur les transformations planétaires contemporaines, les concepts d’ « impact environnemental » ou d’ « empreinte environnementale » désignent les effets qu’une action ou un processus humain ou naturel exerce sur les écosystèmes et les ressources de l’environnement. Ces concepts incluent notamment les modifications des sols, des eaux, de l’atmosphère, de la faune et de la flore, ainsi que les changements sociaux, politiques et économiques associés[8]. Au sein de l’historiographie française de l’histoire et de l’archéologie médiévale, inspirée par les sciences naturelles telles que la géologie, la sédimentologie ou l’hydrologie, le concept d’anthropisation, mobilisé à quelques reprises ici, est souvent privilégié pour étudier les changements environnementaux attribuables à l’action humaine. Cependant, tel qu’énoncé plus tôt, ce concept s’applique généralement à des phénomènes globaux se déroulant sur des temporalités qui dépassent le cadre de cette enquête[9]. En 2014, le médiéviste canadien Richard Hoffmann a introduit le concept de « travail » pour décrire les actions transformant les flux matériels et énergétiques des environnements à l’échelle historique[10]. Cet article propose une réflexion sur cet outil pour observer le rôle et l’influence des activités du secteur drapier médiéval sur la transformation et la pollution des milieux naturels en se basant sur une documentation et une méthode historique. L’étude du travail de la draperie sert ici de point de départ pour analyser son impact environnemental sur les écosystèmes de Montpellier et de son arrière-pays. Contrairement au concept d’anthropisation, qui analyse généralement les effets à long terme des transformations environnementales induites par les sociétés humaines, le concept de travail, tel que défini ci-haut, sert ici à évaluer les changements immédiats qu’entraînaient les activités humaines, puis d’en estimer les impacts à court et moyen terme sur l’environnement et sur la gestion du territoire urbain, l’exploitation de ses ressources, l’aménagement et l’organisation de ses rivières et la réglementation de l’espace citadin.

Pour documenter ces impacts, nous nous sommes servis des documents retranscrits contenus dans les inventaires des archives municipales de Montpellier (AMM), tous consultés par voie numérique. Pour trouver des entrées pertinentes sur le sujet à l’étude dans cette documentation considérable (environ 2500 pages de notices archivistiques disséminées dans six tomes d’inventaires), nous avons procédé à un repérage par mots-clés : pour trouver des entrées sur la draperie, des termes comme « drap » « drapier » « laine » et « teinture » ont été utilisés; pour les écosystèmes urbains et ruraux, des termes comme « rivière », « moulin », « mouton », « pâture », « forêt » et « garrigue » ont été employés. Parmi les notices qui offraient des témoignages sur la draperie et l’environnement montpelliérain durant les XIIIe-XIVe siècles, on retrouve entre autres des documents contenus dans les registres notariaux (Inventaires et documents, tome XIII), les chartres seigneuriales enregistrée dans le Grand Thalamus (tome III) ainsi que les articles et ordonnances seigneuriaux et consulaires contenus dans le Grand Chartrier (fonds Louvet, tome I)[11]. Nous avons également mobilisé les documents cartographiques produits par Louise Guiraud (cote 2Fi 441) et Jacques Fabre de Morlhon (Archives départementales de l’Hérault, cote 1Fi 118), qui offrent quant à elles des données topographiques nous permettant de spatialiser les zones d’opérations du secteur drapier. Bien qu’une grande partie des notices retranscrites présentent des traductions complètes des archives, plusieurs ne proposent que des résumés[12]. Il faut donc faire preuve de prudence lors de l’interprétation des documents écrits, en gardant à l’esprit que certains d’entre eux ont une valeur plus descriptive qu’analytique et que le contact indirect avec le corpus de sources limite la portée de l’analyse critique que nous pouvons effectuer sur celui-ci.

Une autre difficulté émane du fait que les documents écrits n’ont pas été produits dans une perspective environnementale telle que nous l’entendons aujourd’hui. Si certaines données offrent des témoignages sur les écosystèmes montpelliérains, elles ne présentent pas les caractéristiques biologiques, organiques et morphologiques de ces derniers. Pour appréhender les problématiques environnementales par le discours historique en palliant les limites de la documentation écrite, laquelle est objectivement mince, nous effectuerons une analyse des données retranscrites en engageant un dialogue multidisciplinaire, en se tournant vers des études issues de disciplines variées, telles que l’histoire, l’archéologie, la climatologie, et l’hydrologie[13]. Cette documentation secondaire habilite l’examen des facteurs climatiques et anthropiques ayant conditionné l’évolution biophysique des milieux naturels en France méditerranéenne[14]. Elle permet surtout d’interroger différemment les sources écrites, faisant émerger de nouvelles interrogations pour étudier l’environnement à partir d’une échelle d’analyse historique[15].

C’est pourquoi cet article prend la forme d’une reconstitution historiographique qui procède à la formulation de postulats sur ce qu’auraient pu être les impacts environnementaux de la draperie montpelliéraine aux XIIIe-XIVe siècles sur la base d’une vaste bibliographie savante et interdisciplinaire ancrée, lorsque faire se peut, dans une documentation historique. Il constitue en ce sens une proposition exploratoire, nécessairement appelée à être dépassée, mais qui invite à se saisir pleinement des enjeux de l’histoire environnementale et à les intégrer au questionnaire de l’historien.ne.

1.      Des montagnes aux vallées : transhumance et pâturages des moutons

L’enquête doit d’abord s’arrêter sur les moutons, dont la laine constituait la base de la chaîne de production[16]. Les registres notariés ne conservent que très peu de témoignages sur le commerce des laines[17] et il est de la sorte difficile d’apprécier le rôle de la draperie dans le travail lié à l’élevage et à la commercialisation des moutons à la fin du XIIIe siècle[18]. Reyerson a toutefois identifié des commandes de laine exécutées par des marchands ruraux, ce qui suggère que des réseaux d’échange locaux et régionaux existaient. Un examen plus approfondi des fonds conservés aux Archives départementales de l’Hérault permettrait vraisemblablement d’obtenir une vision plus complète du commerce ovin en Languedoc[19]. La boucherie, fournissant non seulement les marchés locaux en viande et en peaux, mais contribuait également à l’apprivoisement en laine,[20], constituait sans doute un débouché majeur pour les drapiers[21].  Le rôle de l’élevage local dans la production textile montpelliéraine était donc non-négligeable. Il est dès lors pertinent d’examiner les changements environnementaux générés par le pastoralisme ovin, d’autant plus que les populations de moutons étaient particulièrement nombreuses en France méridionale[22].

À Montpellier, les moutons étaient en transhumance tout l’année : présents dans l’arrière-pays riche en garrigue de l’hiver au printemps, les moutons migraient vers la fraîcheur des alpages septentrionaux, les Cévennes, pour y passer l’été. Ils redescendaient en automne et rejoignaient les vallées pour la tonte[23]. Le pâturage ovin était également usité dans les marécages salins à l’ouest, près de la Montagne de Sète[24]. Le bois de Valène, une forêt située à 20 km au nord-est de la cité[25], était visité par certains éleveurs détenant des droits de pacage[26]. Ces déplacements cycliques étaient en partie programmés pour assurer une alimentation diversifiée aux moutons : le brachypode rameux (brachypodium retusum) qui pousse dans les garrigues[27], la salicorne foisonnant dans les paluds près de Lattes[28] et les herbacées de Valène sont quelques exemples de ressources végétales qui optimisaient l’apport calorique des moutons, ce qui aurait eu des retombées bénéfiques sur la finesse et la consistance de leur laine et pouvait aussi aider à prévenir certaines maladies comme la douve du foie et le piétin[29].

La couverture végétale, présentant une flore dégradée sur un sol calcaire et siliceux, était en outre principalement vouée à la dépaissance du bétail. Selon l’océanographe Maurice Aubert, le caractère diminué de la végétation en France méridionale serait le résultat de deux phénomènes écologiques qui se sont déployés sur des échelles temporelles distinctes. Le premier phénomène, s’étendant sur la longue durée, est le climat méditerranéen : la longue sécheresse estivale fragilise les plantes, et les fortes précipitations à l’automne et au printemps les rendent vulnérables à l’érosion provoquée par les dénivellements de terrain. Seules les plantes xérophiles (qui apprécient les milieux secs) prolifèrent à longueur d’année, tandis que les autres végétaux entrent dans une période dormante à l’arrivée de la saison chaude. Le deuxième phénomène, inscrit dans une temporalité historique, est l’anthropisation : les coupes de bois et les incendies volontaires ont accéléré la dégradation de la forêt au fil des millénaires. Celle-ci est devenue discontinue, laissant les sols dénudés être desséchés et fendillés par l’aridité et les pluies équinoxiales. Le maquis et la garrigue sont les formations végétales qui succèdent à la forêt, offrant de nouvelles opportunités pour le pâturage[30]. L’analyse anthracologique et palynologique effectuée par Aline Durand sur les paysages médiévaux du Languedoc confirme une recrudescence dans le défrichement forestier et une extension de la garrigue et du maquis aux Xe-XIIe siècles, ce qu’elle attribue à une augmentation du bétail[31]. Ainsi, la dégradation des espaces forestiers aurait été accompagnée d’une intensification du travail pastoral, sans doute pour maximiser l’utilisation du saltus (espaces non cultivés). Il doit cependant être dit que la mobilité des troupeaux ovins permettait de limiter le surpâturage des sols, réduisant ainsi l’impact de cette pratique sur la déperdition végétale. De plus, certaines espèces végétales, comme les plantes xérophiles, se reproduisent par la dissémination de leurs noyaux. Ce processus est facilité par le pâturage puisque les moutons, après avoir consommé ces plantes, dispersaient les graines par leurs déjections sur le sol[32].

Or au début du XIVe siècle, plusieurs ordonnances émises par le consulat, corps administratif responsable de la gouvernance de Montpellier depuis 1204, visaient à réglementer le pâturage des moutons. Ces actes suggèrent que ce travail exerçait une pression croissante sur les réserves végétales du terroir montpelliérain[33]. Après avoir tenté d’interdire complètement la dépaissance de bétail au terroir entre 1301 et 1323[34], les consuls, mis sous pression par les bouchers, firent une exception pour les moutons de la boucherie en 1333, en prenant soin de désigner les lieux où le pâturage permis et ceux où il est proscrit :

 […] pour ce qui des brebis et moutons, ils pourroient paistre dans les champs de restouble et garats, après que le bled en auroit esté osté […] comm’aussy dans les vignes […] s’il n’y avait des choux plantés ou du bled ou autre chose semée où ils peussent porter domage, avec ceste condition que si les vignes bourgeonnoient devant le mois de mars, ils s’en retiroient […] aussy que le bétail n’entreroit point aux lieux où il y auroit des jeunes oliviers plantés, où ils pourroient atteindre aux feuilles, ny aussi où il y auroit des arbres fruiticiers, jusqu’à ce que les fruits en fussent ceuillis, et qu’il n’entreroit point aussy dans les vignes fossoïées et cultivées […][35].

La mise en place de ce règlement laisse présager que la pression écologique engendrée par le pâturage du bétail était reconnue comme un risque pour l’approvisionnement en denrées alimentaires destinées à la population urbaine. Cette ordonnance permet d’entrevoir les mécanismes de préservation mis en place par les autorités urbaines afin d’empêcher la dépaissance d’animaux domestiques dans les zones cultivables, sauf lorsque ces dernières entraient dans la période de six mois (octobre à mars/avril) définie comme la « vaine pâture », où les moissons étaient déjà recueillies ou n’étaient pas en gestation[36].

2.      Exploitation du couvert végétal : la cochenille et le bois de chauffage

La cochenille

L’une des exploitations les plus notables du secteur drapier était certainement la cochenille, un insecte qui parasite les branches du chêne kermès dans les garrigues bas-languedociennes[37]. Le rouge feu tirant sur l’orange qu’on obtenait grâce au suc de ce coccidé était une couleur fort primée, convoitée pour la richesse et le prestige qu’on lui attribuait[38]. Seules les femelles adultes faisaient l’objet d’une exploitation : celles-ci sont collectées vers la fin avril, après avoir pondu jusqu’à 6500 œufs. La cueillette, un travail effectué par des femmes et des enfants, consistait à délicatement retirer les insectes avec les ongles. Après la récolte, les larves étaient séchées au soleil, ce qui leur donnait la forme d’une graine rouge foncé (d’où l’appellation de « teinture en graine »)[39]. Les cochenilles étaient enfin pilées et réduites en poudre pour faire la substance tinctoriale[40].

La quantité d’insectes qu’il faut amasser pour teindre un drap était colossale : d’après les estimations de Dominique Cardon, il aurait fallu utiliser environ 60 à 80 cochenilles séchées pour obtenir un gramme de pigmentation. Or la quantité de colorant requise pour remplir un bain de teinture ne se compte pas en grammes, mais bien en kilogrammes. En 1353, une famille marchande de Florence, les Alberti, achetait 937 livres (426 kg) de teinture à Montpellier; selon Cardon, cette quantité comprenait entre 19 et 25,5 millions d’insectes[41]. Le notaire Jean Grimaud enregistre une transaction, effectuée le 25 septembre 1293, qui implique « 6 balles de graine dont 2 balles pèsent 3 quintaux » envoyées aux foires de Champagne[42]. Si l’on estime que les six balles pesaient 3 quintaux chaque (donc au total 18 quintaux), on se retrouve, d’après les calculs de Cardon, avec près de 1644 livres (746 kg) de graines, soit environ 44,7 à 59,7 millions de cochenilles[43]. Si l’on revoit à la baisse le poids des quatre balles inconnues à un quintal chaque (au total 10 quintaux), on obtient entre 24,9 et 33,2 millions d’insectes. Tous ces scénarios tendent à corroborer une exploitation massive des cochenilles à Montpellier.

Ces exportations, isolées dans le corpus de sources, ne représentaient d’ailleurs qu’une fraction du travail lié à l’exploitation des cochenilles. Ainsi, si l’on prend en compte les commandes de draps écarlates disséminées dans les registres notariés et les registres de comptes pour lesquelles on ne connaît pas la quantité de colorant utilisée[44], il est probable qu’entre 1250 et 1350, le nombre d’insectes recueillis ait approché – voire dépassé – 100 à 200 millions par année[45]. Loin d’être univoque, cette estimation propose néanmoins un ordre de grandeur pour mesurer l’ampleur des exploitations de garrigues à Montpellier. Ces activités ont certainement joué un rôle important dans la raréfaction du Kermes vermilio, qui est aujourd’hui une espèce en voie d’extinction[46].

L’autorisation émise en 1297 par le seigneur-roi Jacques II de Majorque, souverain de la branche cadette de la royauté d’Aragon ayant hérité en 1276 de Majorque, du Roussillon ainsi que des territoires languedociens de Montpellier, Aumelas et le Carladès, permettant l’usage de la garance (une plante servant de substitut aux cochenilles) pour teindre les draps en écarlate, une pratique jusque-là strictement interdite, suggère que les autorités ont peut-être cherché à encadrer plus strictement l’exploitation du kermès à l’orée du XIVe siècle[47]. Cette autorisation ne s’appliquait certes pas à tous les tissus indistinctement, les étoffes de luxe devant encore être impérativement teintes avec les parasites du chêne kermès :

La teinture de graine, depuis longtemps usitée à Montpellier, étant universellement prisée, comme supérieure en élégance et en perfection à toutes les autres teintures analogues du monde entier, nous voulons, dit-il, lui maintenir inaltérablement et à jamais sa pureté, source de sa réputation. Afin donc de prévenir toute fraude et tout soupçon de fraude par suite de la ressemblance des couleurs, nous ordonnons que les draps rouges teints avec la graine soient fins et à l’abri de tout mélange de laine ou de teinture, en vertu de l’habitude immémorialement suivie […][48].

Ce passage insinue que le roi de Majorque, patron de la teinturerie vermeille tout comme son père Jacques d’Aragon, légiférait avant tout pour réserver l’usage du colorant aux produits de qualité jugée supérieure[49]. On pourrait aussi interpréter, à l’instar de Kathryn Reyerson, que l’autorisation d’employer la garance correspondait au déclin de la teinture montpelliéraine sur le marché international vers la fin du XIIIe siècle. De fait, cette dernière rencontrait de la compétition avec l’émergence de teintureries écarlates à Alès, en Provence et en Italie. La rareté des mentions de draps vermeils dans les actes notariés à partir de 1293 et la concession du monopole sur le rouge kermès en 1340 pourrait corroborer la dégénérescence de ce secteur d’activité[50]. La période fut également marquée par le développement d’une production de draps de qualité moyenne en Languedoc sous l’impulsion du roi de Majorque, désireux de rivaliser avec la pression économique exercée par les rois de France en Aragon et en Catalogne[51]. La coexistence de différentes qualités d’étoffes rendait assurément le monopole sur la teinture kermès contraignant, la valeur marchande des gammes de tissus moyens et modestes ne justifiant pas l’usage d’une substance qui s’acquérait à un prix d’or[52]. Ce serait donc par pragmatisme commercial que Jacques II de Majorque aurait levé l’interdit sur la garance.

On pourrait toutefois soutenir que toute mesure commerciale engendre ou reflète des changements dans l’exploitation des milieux naturels. En effet, l’ouverture à de nouvelles techniques de teinture, telles que l’emploi de la garance, modifiait non seulement les pratiques d’échange, mais également les modalités d’acquisition des ressources[53]. On doit aussi souligner qu’en parallèle à l’essor démographique à Montpellier, l’affaiblissement du monopole des Montpelliérains sur l’utilisation et la vente de teintures écarlates a créé de nouveaux enjeux pour l’exploitation des cochenilles. Cette dernière, réservée aux habitants depuis 1204[54], fut graduellement admise aux étrangers au courant du XIIIe siècle[55]. Il n’est pas difficile de concevoir que cette ouverture ait pu favoriser une augmentation du nombre de consommateurs de cochenilles, engendrant une exploitation plus intensive des garrigues[56]. Ainsi, sans contester le déclin de la teinture écarlate, attestée dans les sources, l’ordonnance pourrait-elle être également attribuée à une volonté de prévenir un essoufflement de la chaîne d’approvisionnement en cochenilles? Étant donné la quantité d’insectes nécessaire pour teindre les étoffes et le travail considérable qui était nécessaire pour les extraire des chênes kermès (une personne pouvait récolter jusqu’à un maximum de 2 livres de cochenilles par jour, soit un peu moins de 1 kg), il apparaît logique que les rois majorquins aient cherché à protéger les activités tinctoriales d’éventuelles pénuries de ravitaillement[57]. On peut également se demander si le gain de productivité obtenu par l’augmentation de la main-d’œuvre pour la cueillette – en assumant que celle-ci a accru à un rythme similaire au reste de la population – a été en mesure de combler les exigences nouvelles d’un bassin de consommation en pleine croissance. Serait-il donc possible que Jacques II ait permis l’usage de la garance afin de rationaliser l’exploitation de la cochenille? Force est d’admettre que la dispense sur la garance permettait, d’une part, de teindre en rouge des draps de qualité moyenne ou domestique sans avoir à se procurer de coûteuses graines. D’autre part, l’exploitation de la cochenille se retrouvait réservée à la teinture des tissus haut de gamme, réduisant par le fait même le nombre de consommateurs potentiels pour cette ressource[58]. Il convient de reconnaître que l’analyse réalisée repose sur une documentation limitée, dont les logiques d’écriture échappent aux réflexions contemporaines sur la gestion de l’environnement. On peut espérer qu’à l’avenir, des études sur l’évolution biologique, morphologique, écologique et historique des garrigues bas-languedociennes permettront de préciser ou d’invalider l’hypothèse avancée.

Le bois de chauffage

Le bois de chauffage, nécessaire durant les procédés de lavage, de foulage et de teinture, était une autre ressource primordiale pour le secteur drapier. Le bois de Valène était le lieu d’approvisionnement principal pour la communauté de Montpellier[59]. Les archives documentant les coupes des bois ne permettent pas de cerner précisément le rôle du centre textile dans ce travail d’exploitation. Ce silence est en grande partie dû au fait que la juridiction du bois de Valène est partagée entre l’évêque de Maguelone et le consulat de la ville depuis 1215[60]. Ce dernier était doté du droit de basse justice, qui leur octroyait les revenus liés à l’affermage du bois : certains achetaient les coupes une fois qu’elles étaient acheminées en ville[61], tandis que d’autres payaient des droits d’usage afin de s’approvisionner à même la forêt[62]. En 1380, le drapier Domergue Pascal recevait une indemnité du consulat parce qu’il n’avait pu jouir du droit de percevoir des redevances sur l’exploitation du bois qu’il avait acheté auprès des consuls, ce qui atteste des prérogatives que pouvaient acquérir certains trafiquants prospères sur les ressources sylvicoles[63]. Les coupes pour le bois de chauffage se limitaient la plupart du temps au bois mort et aux branches. Cette méthode d’exploitation s’inscrivait dans les stratégies de préservation des espaces forestiers adoptées par les consuls à partir du XIIIe siècle, soucieux de pérenniser l’accès aux ressources de l’arrière-pays[64].

3.      La draperie sur le Lez et ses affluents : aménagements et pollution

Avant d’examiner l’aménagement des fleuves par le secteur drapier, il convient de rappeler quelques éléments hydrogéologiques essentiels. Montpellier est traversée par le Lez, delta principal, ainsi que ses affluents, le Verdanson (appelé Merdanson au Moyen Âge), l’Aiguerelle noire et la Mosson[65]. La source du Lez est une résurgence karstique, c’est-à-dire que la nappe phréatique parcourt un réseau de conduits souterrains avant de ressurgir en surface[66]. Soumis au climat méditerranéen et donc à la variabilité du module annuel des précipitations, le débit moyen du Lez connaît de très fortes fluctuations : celui-ci peut atteindre un maximum de 900 m3/s lors de crues violentes entre septembre et mai et peut descendre jusqu’à 0,05 m3/s durant les épisodes d’étiage entre l’été et l’automne[67].

Figure 1. Le réseau hydrographique de Montpellier

 

Ces précisions sont importantes, car elles modélisent le déploiement des activités drapières sur les cours d’eau, en particulier le foulage des draps. En effet, Coralie Naze a montré que les moulins à foulon, majoritairement réunis sur le Merdanson au XIIe siècle, ont tendance à se concentrer sur le bras principal du Lez à partir des XIIIe-XVe siècles. Naze postule que ce déplacement a été motivé par le traitement souterrain que subit la nappe phréatique du Lez, ce qui le rend moins torrentiel que les deux autres fleuves et donc plus adapté pour une utilisation permanente des moulins, et ce, malgré les tribulations de son débit[68].

Pour régulariser l’énergie hydraulique reçue par les moulins, des barrages (paxeria ou pessière) et des canalisations étaient aménagés pour contrôler le débit et rediriger l’eau vers les roues moulinières[69]. L’espace riverain le plus densément occupé par la draperie était le parc de moulins situé entre le pont du Gué-Juvénal et le pont de Castelnau[70]. Outre les machines à fouler et leurs dispositifs d’alimentation pour faciliter le travail du foulage, des lavoirs (plateformes en bois ou en pierre) et des bains étaient construits sur les rives pour accommoder le lavage des laines et des draps, qu’on faisait ensuite sécher sur les abords du lit fluvial[71]. L’aménagement d’infrastructures drapières intensifiait l’anthropisation des cours d’eau et entraînait des déséquilibres écologiques. L’installation de moulins, de lavoirs et de barrages avait entre autres pour effet d’engorger la nappe phréatique, ce qui pouvait altérer le débit fluvial et perturber le transport des sédiments[72]. L’eau était de surcroît une ressource rare et les étapes liées au foulage et au lavage en nécessitaient une quantité considérable, limitant son accès pour la consommation domestique[73].

Un aspect fondamental de la relation entre la draperie montpelliéraine et son réseau hydrographique était la pollution. Comme l’a montré Jean-Pierre Leguay, la pollution recouvre des réalités multiformes et ses effets se font surtout ressentir en ville[74]. L’évacuation des matières résiduelles après la production, particulièrement néfaste, avait pour conséquence de modifier l’équilibre hydrique des affluents du Lez. En effet, le déversement de solides amplifiait l’activité hydro-sédimentaire, ce qui ralentissait l’écoulement et limitait le transport des déchets dans les cours d’eau. Les fluctuations du débit aggravaient la situation, car les blocages engendrés par l’entassement d’ordures éternisaient l’étiage estival et provoquaient des débordements lorsque le niveau des rivières grimpait entre l’automne et le printemps[75]. Par ailleurs, certaines matières, comme les laines et les eaux de lavage chargées de suint, de débris et de graisses, ne s’autodétruisaient pas nécessairement sous l’effet du courant hydraulique[76]. Plus conséquente est la teinturerie qui, avec la tannerie, était considérée comme l’un des principaux vecteurs de pollution au Moyen Âge[77]. De fait, en plus des matières colorantes à base de plantes ou d’animaux, les résidus des bains de mordançage croupissaient également dans les bras du Lez. Geneviève Dumas et Catherine Dubé ont repéré un document daté de 1126 signalant la présence de teinturiers sur la rivière de l’Aiguerelle noire, mais il est également possible que des activités tinctoriales étaient situées sur les rives du Lez et du Merdanson au cours des XIIIe-XIVe siècles[78].

Dumas, spécialiste de l’histoire de la médecine à Montpellier, a dénoncé le caractère « très toxique » des effluents tinctoriaux[79]. Il est vrai que le rejet de certaines pigmentations à base d’oxydes, le redoul ou encore le tartre pouvait poser un risque pour la santé des individus[80]. En revanche, le déversement de la plupart des produits tinctoriaux engendrait des effets ambigus sur l’environnement[81]. Par exemple, la décharge de solides comme l’alun, un sel métallique composé d’un sulfate double d’aluminium et de potassium[82], pouvait avoir une action régulatrice sur l’équilibre hydrique des rivières : « En précipitant sous forme de flocons des particules colloïdales en suspension (la floculation), le mordant […] est emporté dans les résidus liquides de teinture et accroît, du même coup, une agressivité hydrique favorable au traitement des peaux[83] ». Cette utilité pratique était une des raisons pour lesquelles les tanneurs avaient pris l’habitude de s’installer en aval des teinturiers[84]. L’agrégation des particules accélérait cependant l’activité hydro-sédimentaire du réseau hydraulique, contribuant ainsi au ralentissement du débit. De plus, la présence de fer dans l’alun était néfaste pour la vie aquatique[85].

À cette pollution chimique s’ajoutait la pollution atmosphérique, laquelle était vivement dénoncée par les habitants et les municipalités. De fait, la puanteur associée aux vapeurs acidifiées, aux particules de suie dégagées par les cuves chauffées et aux matières colorantes en fermentation avait la réputation de rendre l’air infect et corrompu. La fétidité de l’eau et de l’air était aggravée lorsque les canicules estivales asséchaient les canalisations, favorisant la stagnation des eaux malodorantes et stimulant la décomposition des immondices[86]. Le nouveau règlement émis par le roi Jacques d’Aragon le 3 juin 1265 sur l’utilisation des bains de teinture, dont seul le résumé est disponible, a potentiellement exaspéré les odeurs nauséabondes émanant des ateliers de teinture à Montpellier :

 Le roy Jacques d’Arragon ayant entendu que les Statuts de Mompelier portoient que, dès qu’une teinture estoit faite et que le drap estoit osté de la chaudière et n’y teindre davantage, et parce que, dans la teinture d’écarlate qui s’y faict, on y met moins de graine qu’à Gênes, Luques et Marseille, pour ce que les draps de Mompelier ne sont à si haut prix, – il permet que, durant cinq ans, ils puissent teindre dans les mesmes eaux, en y mettant un peu plus de graine[87].

L’historiographie a déjà ciblé qu’en établissant ce règlement, le roi d’Aragon a probablement cherché à augmenter l’usage de la teinture écarlate[88]. La science moderne a par ailleurs avéré la possibilité de réutiliser les bains de teintures naturelles pour obtenir des colorations moins saturées[89]. Cardon a d’ailleurs rapporté que cette technique était employée bien avant d’être promulguée par le roi-seigneur[90].

L’autorisation de préserver les eaux tinctoriales jusqu’à 5 ans mérite toutefois une attention particulière. En effet, étant donné l’accumulation de résidus acides résultant de la macération des mordants et des colorants, le maintien d’une telle mixture pour une période aussi prolongée aurait certainement provoqué une putréfaction odieuse pour les citadins[91]. Aussi peut-on supposer que ce décret, fort astucieux en théorie, a très rarement été appliqué dans toute sa latitude en pratique. Cependant, il ne fait aucun doute que certains entrepreneurs, désirant optimiser les maigres ressources en eau disponibles, ont profité de ce règlement pour préserver les cuves tinctoriales pendant des périodes prolongées, au grand dam du voisinage qui recevait les exhalaisons des polluants en décomposition[92]. Les émanations de putréfaction et de moisissure pouvaient parfois engendrer des problèmes de santé, tels qu’une recrudescence de fièvre ou des troubles intestinaux[93]. Ce risque pouvait s’escalader lors d’une tempête ou d’une inondation, étant donné que les eaux souillées qui jaillissaient des rivières submergeaient certains quartiers et emprisonnaient les immondices dans les rues[94].

4.      Les métiers dans l’espace urbain

L’étalement des métiers de la draperie était une composante clé de l’organisation spatiale de Montpellier. Celle-ci présentait une spécialisation professionnelle des quartiers intra-muros dès le XIIe siècle[95]. Les recherches de Louise Guiraud rapportent que la plupart des artères occupées par la draperie étaient situées dans les quartiers de Saint-Firmin et de la Condamine. Les boutiques et les ateliers sur les rues de la draperie St-Firmin et de la draperie Sainte-Croix[96] formaient un axe transversal discontinu entre le portail de Lattes et le portail du Peyrou, tandis que la Flocaria (1126), rue consacrée à la préparation des laines, longeait la muraille près du portail de Lattes[97].

La teinturerie écarlate, la Vermeilaria (1183) n’a à ce jour pas encore été localisée, mais plusieurs hypothèses coexistent à ce sujet. Thierry Lochard et Ghislaine Fabre ont postulé que la Vermeilaria était située aux alentours de la porte de Lattes, à côté de la Flocaria[98]. Une autre rue nommée d’après la draperie, située en plein cœur de Saint-Firmin, concentrait probablement les magasins de la draperie vermeille[99]. La rue Teinturarié, qui devenait la rue de la Blanquerie à mesure qu’on s’approchait du Merdanson, est également une option envisageable[100]. On ne peut pas non plus exclure la rue Teinturarié vieille à Sainte-Croix, aussi bien mentionnée par Louise Guiraud que par Jacques Fabre de Morlhon[101].

Figure 2. La spatialité de la draperie montpelliéraine

Figure 2. La spatialité de la draperie montpelliéraine

Source : carte de Louise Guiraud, « La vile de Montpellier : ses enceintes et ses faubourgs au Moyen Âge ». 1895, cote 2 Fi 441 (modifiée)

 

La spatialisation des activités drapières semble avoir été programmée en fonction de considérations techniques et commerciales. La proximité du portail d’Obilion, qui donnait sur la Condamine, offrait un accès direct pour rejoindre la mer par voie terrestre[102]. Surtout, les rues de la draperie environnent l’église Notre-Dame-des-Tables, le noyau marchand de la ville. Cet espace concentrait les professions les plus valorisées, telles que les changeurs, les épiciers-apothicaires et les argentiers[103]. Le rapprochement de ces secteurs avait des retombées bénéfiques sur le flux des transactions commerciales : « In any era buyers and sellers need to connect […] Proximity led to interaction, creation and maintenance of contacts, and the facilitation of business deals[104] ».

L’occupation d’une partie de la ville engendrait toutefois certains problèmes pour la gestion de la voirie. L’exiguïté des rues, combinée à la promiscuité suscitée par l’activité des boutiques et des ateliers, favorisait l’accumulation de déchets dans un réseau viaire déjà engorgé par la circulation des habitants, de leur bétail et de leurs cargaisons[105]. La pluie et la décharge de débris avaient tôt fait de transformer les rues en véritables cloaques à ciel ouvert[106]. En 1292, les consuls émettaient l’interdiction de jeter du fumier et des effluents dans les chaussées, puis ordonnaient de faire aplanir celles-ci afin d’éviter la rétention des eaux stagnantes[107]. Catherine Dubé a pourtant remis en cause l’efficacité de ce règlement en raison de ses fréquentes apparitions dans la documentation médiévale des villes françaises. Ce règlement pourrait dès lors signaler que l’évacuation des ordures dans la voirie persistait, et ce, malgré les sanctions appliquées pour les contrevenants[108].

Conclusion

En résumé, les observations formulées sur l’impact environnemental du travail drapier à Montpellier suggèrent que celui-ci entraînait des conséquences variées qui se faisaient principalement ressentir localement. Les hypothèses proposées rencontrent certaines limites en raison des difficultés de recueillement, de traitement et d’interprétation de données inhérente à notre recherche; elles nécessitent certainement d’être approfondies par des recherches plus empiriques. Cela dit, les éléments examinés révèlent que les effets à court et moyen terme du travail spécialisé de la draperie montpelliéraine constituent une fenêtre sur les enjeux liés à l’exploitation des ressources animales et végétales ainsi qu’à l’utilisation et la pollution des rivières et du réseau viaire auxquels faisaient face les communautés urbaines au Moyen Âge. Le pastoralisme ovin, programmé pour limiter le surpâturage et pour diversifier l’alimentation des moutons, contribuait néanmoins à la déperdition des espaces forestiers au profit de l’extension de la garrigue et du maquis. Les collectes massives de cochenilles engendraient pour leur part une raréfaction progressive des réserves animales présentes dans les garrigues bas-languedociennes, un problème que le roi Jacques II a peut-être tenté de résoudre en autorisant l’emploi de la garance comme substitut du kermès pour fabriquer la teinture écarlate. L’impact environnemental de la draperie sur le réseau fluvial et sur l’espace intra-muros était quant à lui matérialisé par l’aménagement de machines et d’infrastructures pour faciliter le travail de transformation des draps. Ces installations participaient à l’engorgement des cours d’eau et de la voirie urbaine, générant des complications pour le débit hydraulique ainsi que pour la circulation des personnes et des marchandises. La pollution émise par les activités drapières, et notamment les déchets tinctoriaux, portait de surcroît atteinte à la salubrité de l’eau et de l’air.

Plusieurs ordonnances visant à limiter les activités d’exploitation et la promiscuité urbaine ont été érigées par les autorités de la ville au tournant du XIVe siècle. Il ne fait pas de doute qu’une partie de l’explication réside dans l’amplification des problèmes liés à la déperdition de ressources et à la pollution causée par l’explosion démographique de Montpellier, qui atteint une population d’environ 30 000 à 40 000 habitants avant la peste noire[109]. Une autre partie de la réponse, qui doit ici retenir notre attention, se situe dans les changements climatiques qui font surface à la fin du XIIIe siècle et qui sont à l’origine de disettes qui affectèrent l’approvisionnement en blé dans les pays de l’Europe méditerranéenne, amorçant une période transitoire mieux connue sous l’expression de « crise de 1300 »[110]. Le travail de la draperie montpelliéraine, dont l’impact environnemental a été mise en lumière pour les XIIIe-XIVe siècles, invite également à réfléchir à sa vulnérabilité face aux bouleversements environnementaux des XIVe-XVe siècles, notamment l’intensification des aléas météorologiques extrêmes et l’impact de la peste. Quels ont été les effets de ces changements sur le secteur drapier à Montpellier ? Quels éléments doivent être pris en compte pour évaluer la fragilité de son travail face aux dynamiques environnementales ? Ces évènements et ces causalités offrent peu de prise à l’archéologue et au géologue qui s’intéressent aux dynamiques d’anthropisation des sociétés humaines sur plusieurs millénaires. S’interroger sur ces questions reste pourtant nécessaire pour renouveler nos perspectives sur l’interdépendance des rapports entre économies, sociétés, cultures et environnements à l’échelle historique.

Références

[1] Quelques études ayant marqué l’historiographie depuis le XXe siècle : Georges Espinas et Henri Pirenne, Recueil de documents relatifs à l’histoire de l’industrie drapière en Flandre, Bruxelles, Kiessling & cie, 1906, 710 p.; Henri Laurent, La draperie dans les Pays-Bas, en France et dans les pays méditerranéens, Brionne, Gérard Montfort, 1935, 313 p.; Robert Delort, « Note sur les achats de draps et d’étoffes effectués par la Chambre apostolique des papes d’Avignon (1316-1417) », Mélanges de l’école française de Rome, vol. 74, n° 1, 1962, p. 215‑288; Guido Pampaloni, dir., Produzione commercio e consumo del panni di lana (nei secoli XII-XVIII), a cura di Marco Spallanzani, Florence, Leo. S. Olschki, 1976, 714 p.; Dominique Cardon, La draperie au Moyen Âge: essor d’une grande industrie européenne, Paris, CRNS, 1999, 575 p.; Jean-Louis Roch, Un autre monde du travail : La draperie en Normandie au Moyen Âge, Mont-Saint-Aignan, Presses universitaires de Rouen et du Havre, 2013, 336 p.

[2] Robert Fossier, Le travail au Moyen âge, Paris, Pluriel, 2012, p. 232.

[3] Mathieu Arnoux et Jacques Bottin, « Autour de Rouen et Paris: modalités d’intégration d’un espace drapier (XIIIe-XVIe siècles) », Revue d’histoire moderne et contemporaine, vol. 48, n° 2/3, 2001, p. 162.

[4] Fabien Locher et Grégory Quenet, « L’histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d’un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne contemporaine, vol. 564, n° 4, 2009, p. 7‑38; Stéphane Frioux, « L’histoire environnementale, hier, aujourd’hui… et demain ! », Natures Sciences Sociétés, vol. 28, n° 1, 2020, p. 51‑57.

[5] François Clément, dir., Histoire et nature: pour une histoire écologique des sociétés méditerranéennes, Antiquité et Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 9-11; Thomas Labbé, « Transformation des milieux naturels et conscience environnementale à la fin du Moyen Âge : une esthétique du paysage manquante ? », Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, vol. 135, n° 7, 2012, p. 17-18.

[6] Marcel Jollivet, dir., Sciences de la nature, sciences de la société : Les passeurs de frontières, Paris, CNRS Éditions, 2013, 589 p.; Steven Bednarski, « Changing Landscapes: A Call for Renewed Approaches to Social History, Natural Environment, and Historical Climate in Late Medieval Provence », Memini. Travaux et documents, n° 1920, 2016, p. 426-427.

[7] Kathryn Reyerson, « Le rôle de Montpellier dans le commerce des draps de laine avant 1350 », Annales du Midi : revue archéologique, historique et philologique de la France méridionale, vol. 94, n° 156, 1982, p. 17-24; Cardon, La draperie au Moyen Âge, p. 17-18; Dominique Cardon, Natural dyes : sources, tradition, technology and science, London, Archetype Publications, 2007, p. 610-612.

[8] Musaida Mercy Manyuchi et al., Environmental impact assessments and mitigation, Boca Raton, CRC Press, 2020, p. 2-3.

[9] Philippe Leveau, « L’archéologie des paysages et les époques historiques: les grands aménagements agraires et leur signature dans le paysage (anthropisation des milieux et complexité des sociétés) », dans Élizabeth Mornet et Franco Morenzoni, dir. Milieux naturels, espaces sociaux, Paris, Sorbonne, 1997, p. 74-76; Robert Delort et François Walter, Histoire de l’environnement européen, Paris, Presses Universitaires de France, 2001, p. 21; Labbé, « Transformation des milieux naturels », p. 17; Lucie Galano, « Montpellier et sa lagune. Histoire sociale et culturelle d’un milieu naturel (XIe-XVe siècles) », Thèse de doctorat (histoire), Université de Sherbrooke – Université Paul Valéry Montpellier 3, 2017, p. 23.

[10] Hoffmann, An Environmental History, p. 10.

[11] Le Grand Thalamus, le manuscrit le plus volumineux du corpus des grands thalami (terme signifiant « livres urbains » à partir de la décennie 1340), est un cartulaire seigneurial contenant les actes et les contrats entre particuliers dont le contenu regarde les droits seigneuriaux de la ville depuis sa fondation par les Guilhems. Les rois d’Aragon puis de Majorque, nouveaux seigneurs de la ville après les Guilhems, se sont approprié ce manuscrit jusqu’en 1349, où Montpellier est achetée par le roi de France Jean II. Un monument archivistique et mémoriel de l’histoire seigneuriale de la ville, le document concerne principalement la gestion des droits seigneuriaux et féodaux du souverain de la ville. Le Grand Chartrier désigne quant à lui une collection d’archives administratives, principalement composé de copies notariées et de documents légaux, visant à conserver et garantir la continuité juridique et administrative des droits et des actes du gouvernement consulaire. Pierre Chastang, La ville, le gouvernement et l’écrit à Montpellier (XIIe-XIVe siècle) : Essai d’histoire sociale, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2013, p. 127-129, 185-186.

[12] Christine Feuillas, « Les Archives de la ville de Montpellier », Bulletin historique de la ville de Montpellier, n° 28, 2004, p. 13.

[13] Joëlle Burnouf et al., « Sociétés, milieux, ressources : un nouveau paradigme pour les médiévistes », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, vol. 38, n° 1, 2007, p. 105.

[14] Aline Durand, Les paysages médiévaux du Languedoc : Xe-XIIe siècles, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2003, 480 p.; Alfred Thomas Grove et Oliver Rackham, The Nature of Mediterranean Europe : An Ecological History, Connecticut, Yale University Press, 2001, 366 p.; Maurice Aubert, La Méditerranée : la mer et les hommes, Paris, Éd. de l’Environnement ; 1994, 488 p. Les années 2010 ont par ailleurs amorcé une période de renouvellements historiographiques sur l’histoire environnementale de Montpellier, notamment du côté de la recherche historique. Voir par exemple Lucie Galano, « Montpellier et sa lagune », p. 17; Catherine Dubé, « L’apport des sources comptables à l’étude du réseau viaire de Montpellier à la fin du Moyen Âge », Comptabilités. Revue d’histoire des comptabilités, n° 12, 2019, p. 1-12; Coralie Naze, « Les cours d’eau et les moulins de Montpellier aux XIIIe-XVe siècles », mémoire de maîtrise (histoire), Montpellier, Université Paul Valéry 3, 2020, 120 p. Geneviève Dumas, « Santé publique et gestion des effluents urbains à Montpellier », Bulletin historique de la ville de Montpellier, vol. 42, 2020, p. 82‑99.

[15] Burnouf et al., « Sociétés, milieux, ressources », p. 105.

[16] Susan Rose, The Wealth of England: The Medieval Wool trade and Its Political Importance 1100–1600, Oxford, Oxbow Books, 2018, p. 17.

[17] Les registres notariés mentionnent seulement une transaction impliquant 2000 peaux d’agneaux et une autre où un blanquier se procure des peaux de chèvres. AMM, Notes du notaire Jean Grimaud, BB 1, f. 4 r˚, 13 r˚. Inventaires et documents, tome XIII, Inventaire analytique, p. 2, 7.

[18] Cela s’explique en grande partie par le fait que la plupart des transactions lainières étaient réalisées par contrat oral. Voir Xavier Soldevila i Temporal, « L’élevage ovin et la transhumance en Catalogne nord-occidentale (XIIIe-XIVe siècles) », dans Pierre-Yves Laffont, dir., Transhumance et estivage en Occident : Des origines aux enjeux actuels, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2006, p. 114-115.

[19] Reyerson, « Le rôle de Montpellier », p. 23.

[20] Lucie Galano, « Montpellier et sa lagune », p. 315

[21] On retrouve, dans un document tardif (1482), la quantité de viande vendue mensuellement par les mazeliers de moutons. Les quantités vendues suggèrent que plusieurs bouchers de moutons possédaient des troupeaux comptant des milliers de têtes AMM, Livre du denier de la chair, [n.a], 1482, f. 2 v˚, 3 v˚, 4 v˚, 5v˚. M. Oudot de Dainville, Inventaires et documents, tome XI, Documents comptables, Montpellier, Imprimerie « L’Abeille », 1959, p. 145.

[22] Les moutons auraient constitué près du 2/3 du bétail en Languedoc, proportion qui varie selon les localités observées. Frédérique Audoin-Rouzeau, « Élevage et alimentation dans l’espace européen au Moyen âge : Cartographie des ossements animaux », dans Franco Morenzoni et Élisabeth Mornet, dir., Milieux naturels, espaces sociaux : Études offertes à Robert Delort, Paris, Éditions de la Sorbonne, 1997, p. 149-151.

[23] Matthieu Scherman, « Un acteur de la transhumance », dans Pierre-Yves Laffont, dir., Transhumance et estivage en Occident : Des origines aux enjeux actuels, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2006, p. 227.

[24] Reyerson, « Le rôle de Montpellier », p. 23.

[25] Charlotte Britton et al., « Approche interdisciplinaire d’un bois méditerranéen entre la fin de l’antiquité et la fin du Moyen Âge, Saugras et Aniane, Valène et Montpellier », Médiévales. Langues, Textes, Histoire, n° 53, 2007, p. 72-73.

[26] « [L]e 30 janvier 1299, Guillemette, femme de Pons de Liron, des Matelles, de la volonté et commandement de son mari, à Pons de Cairol, de la paroisse de St-Gilles-de-Fise, avec le consentement et le lods deu aux seigneurs consuls de Montpellier, sçavoir est toute pièce de garrigues ou pasturages et de bois, sise au Bois de Valène et tènement de Taurier, pour le prix de 50 sous melgorois et deux deniers melgorois d’usage aux Consuls de Montpellier tous les ans au jour St-Michel ». AMM, Louvet 2628. Inventaires et documents, tome I, Notice sur les anciens inventaires, p. 216-217.

[27] Lucie Galano, « Au-delà de la commune clôture : perspectives de recherche sur la juridiction montpelliéraine et les ressources territoriales languedociennes », dans Montpellier au Moyen âge: bilan et approches nouvelles, Turnhout, Brepols, 2017, p. 24 (note 47).

[28] AMM, Notes du notaire Pierre Gilles, BB 15, f. 3 r˚. Inventaires et documents, tome XIII, Inventaire analytique, p. 170.

[29] Stephen Rippon, The Transformation of Coastal Wetlands: Exploitation and Management of Marshland Landscapes in North West Europe during the Roman and Medieval Periods, Oxford, Oxford University Press, 2000, p. 39-40; Christine Rendu, « Transhumance » : prélude à l’histoire d’un mot voyageur », dans Laffont, dir., Transhumance et estivage en Occident, p. 13. Rose, The Wealth of England, p. 19. La douve du foie (Fasciola hepatica) est un trématode parasite qui infecte le foie et les canaux biliaires, provoquant une maladie appelée fasciolose. L’infection survient lorsque les moutons ingèrent de l’eau ou du fourrage contaminés contenant des larves infestantes. Une fois à l’intérieur de l’hôte, le parasite migre vers le foie, ce qui cause une perte de poids, une anémie, une diminution dans la production de viande, de lait et de laine, et dans les cas graves, la mort. Nicolas J. Beesley et al., « Fasciola and fasciolosis in ruminants in Europe: Identifying research needs », Transboundary and Emerging Diseases, vol. 65, n° S1, 2018, p. 199‑200. Le piétin est une maladie bactérienne hautement contagieuse qui affecte les sabots du mouton, entraînant des boiteries et des douleurs. Il est principalement causé par la bactérie Dichelobacter nodosus. L’infection débute par une inflammation de la peau interdigitale et progresse jusqu’à la séparation de la corne du sabot du tissu sous-jacent, provoquant un inconfort sévère et des problèmes de mobilité. Le piétin réduit le taux de croissance, la production de laine et la performance reproductive du mouton. Julia Storms et al., « Risk factors associated with the infection of sheep with Dichelobacter nodosus », Scientific Reports, vol. 12, 2022, p. 10032.

[30] Maurice Aubert, La Méditerranée la mer et les hommes, Paris, Éditions de l’Environnement, 1994, p. 231-235.

[31] Durand, Les paysages médiévaux du Languedoc, p. 359-362.

[32] Alfred Thomas Grove et Oliver Rackham, The Nature of Mediterranean Europe: An Ecological History, Connecticut, Yale University Press, 2001, p. 69-71.

[33] Durand, Les paysages médiévaux du Languedoc, p. 359-362.

[34] AMM, Louvet 8-12. Inventaires et documents, tome I, Inventaire du Grand Chartrier, p. 2.

[35] AMM, Louvet 22. Inventaires et documents, tome I, Inventaire du Grand Chartrier, p. 4.

[36] Corinne Beck, « Techniques et modes d’exploitation des prés dans le Val de Saône aux XIVe et XVe siècles », dans Francis Brumont, dir., Prés et pâtures en Europe occidentale, Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2008, p. 75.

[37] Galano, « Au-delà de la commune clôture », p. 23.

[38] Dominique Cardon, Le monde des teintures naturelles, Paris, Belin, 2003, p. 480.

[39] Cardon, Le monde des teintures naturelles, p. 477-478.

[40] Cardon, « La garrigue », p. 35.

[41] Cardon, Natural dyes, p. 614-615.

[42] AMM, Notes du notaire Jean Grimaud, BB 1, f. 5 v˚. Inventaires et documents, tome XIII, Inventaire analytique, p. 3.

[43] Cardon précise qu’un quintal équivalait à 41,46 kg, soit environ 91,40 lbs. Cardon, Natural dyes, p. 615.

[44] La plupart des commandes ne mentionnent que le prix des draps teints à la graine, ne permettant pas de déterminer la quantité d’insectes utilisés. Voir par exemple cette commande de draps rouges effectuée par Jacques Parensos en 1301. AMM, Notes du notaire Jean Grimaud (second manuscrit), 1301-1302, cote BB 2, f. 38 r˚. Inventaires et documents, tome XIII, Inventaire analytique, p. 45.

[45] En 1744, un inspecteur de la production lainière en Languedoc juge qu’en raison de l’abondance des garrigues dans la région, la récolte annuelle pouvait facilement dépasser plus de 100 quintaux (9140 lbs ou 4146 kg), c’est-à-dire entre 248,7 à 331,7 millions de cochenilles. Cardon, Natural dyes, p. 613.

[46] Cardon, Natural dyes, p. 611. Il est dès lors impératif de souligner que les cochenilles en Languedoc ne doivent pas être exploitées, que ce soit pour fabriquer la teinture ou pour toute autre pratique économique ou culturelle.

[47] Guy Romestan, « Sous les rois d’Aragon et de Majorque (1204-1349) », dans Gérard Cholvy, dir., Histoire de Montpellier, Toulouse, Privat, 1984, p. 42; AMM, Grand Thalamus, AA 4, f. 67 r˚ (article 105). Inventaires et documents, tome III, Inventaire des cartulaires de Montpellier, p. 119.

[48] Passage traduit en intégralité par Germain, Histoire du commerce de Montpellier, tome 1, p. 23-24.

[49] Germain, Histoire du commerce de Montpellier, tome I, p. 25.

[50] Reyerson, « Le rôle de Montpellier », p. 20-21.

[51] Cardon, La draperie au Moyen Âge, p. 18-20. La croisade albigeoise au XIIe siècle a d’ailleurs grandement contribué à l’essor du textile en France méridionale. Anthony Pinto, « Le trafic de cabotage entre le comté d’Empúries et le Languedoc de la fin du XIIe siècle au milieu du XIVe siècle », Actes des congrès nationaux des sociétés historiques et scientifiques, vol. 128, n° 18, 2008, p. 222-223.

[52] Caldéran-Giacchetti, « L’exportation de la draperie languedocienne », p. 142.

[53] Deléage et Hémery, « L’écologie », p. 73.

[54] AMM, AA 4, f. 67 r° (article 104). Inventaires et documents, tome III, Inventaire des cartulaires, p. 119.

[55] En 1226, les étrangers qui ont séjourné plus de 5 ans dans la ville et qui ont marié une Montpelliéraine peuvent utiliser la teinture rouge; en 1251 la période de séjour est réduite à 2 ans et la condition maritale est révoquée, sous la promesse de séjourner au moins 10 ans dans la ville. Germain, Histoire du commerce de Montpellier, tome I, p. 21.

[56] Bourin, « Un projet d’enquête », p. 2-3.

[57] Cardon, Natural dyes, p. 612.

[58] Cardon, Natural dyes, p. 616-617.

[59] Britton et al., « Approche interdisciplinaire », p. 74.

[60] AMM, Grand Thalamus, [1204-1210], AA4, f. 7-8 rº. Inventaires et documents, tome III, Inventaire des cartulaires de Montpellier, p. 115.

[61] AMM, Louvet 2534, 1287. Inventaires et documents, tome I, Inventaire du Grand Chartrier, p. 204. Des échanges entre particuliers ont également eu lieu, comme Jean du Mas et son fils, habitants de Mauguio, qui doivent 200 quintaux de chêne vert à Berthomieu Roard, drapier. AMM, Notes du notaire Pierre Gilles, 1364-1365, cote BB 5 f. 25 rº. Inventaires et documents, tome XIII, Inventaire analytique, p. 91

[62] Britton et al., « Approche interdisciplinaire », p. 73.

[63] Archives départementales de l’Hérault (ADH), Notes du notaire Pierre Gilles, 1380-1381, cote A.D. II. E 95/396, f. 2 rº. Inventaires et documents, tome XIII, Inventaire analytique, p. 217.

[64] Galano, « Montpellier et sa lagune », p. 268.

[65] Galano, « Au-delà de la commune clôture », p. 21 (note 29).

[66] Gilles Marjolet et José Salado, « Le système karstique de la source du Lez (Hérault) », Méditerranée, vol. 32, n° 1, 1978, p. 71-72. Naze, « Les cours d’eau », p. 17.

[67] Données du SYBLE (Syndicat du Bassin du Lez). http://www.syble.fr/papi/le-bassin-versant-et-les-inondations/

[68] Naze, « Les cours d’eau et les moulins de Montpellier », p. 17.

[69] Dans le Midi français, ce sont les roues horizontales qui étaient répandues en majorité, bien que des roues verticales ont été retrouvées. Karine Sylvain-Touche, « Description du mécanisme interne d’un moulin à eau à roue horizontale, en utilisant l’ex-voto de Notre-Dame des Lumières », dans Aline Durand, dir., Jeux d’eau: moulins, meuniers et machines hydrauliques, XI-XXe siècles: études offertes à Georges Comet, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2008, p. 261-264. Sylvie Caucanas, Moulins et irrigation en Roussillon du IXe au XVe siècle, Paris, CNRS, 1995, p. 123-124. Naze, « Les cours d’eau », p. 13-14.

[70] Naze, « Les cours d’eau » (Annexes), p. 2.

[71] « Dans les rivières et patus, tous peuvent […] laver et sècher leurs draps […] à cause de l’acquisition faite sur cela ou à cause du long usage ». AMM, AA 4, f. 66 r°. Inventaires et documents, tome III, Inventaire des cartulaires, p. 115.

[72] Philippe Blanchemanche, « La gestion sociale des eaux dans le delta du Lez (Hérault) du XIIe au XIXe siècle », dans Corinne Beck, dir., Temps et espaces des crises de l’environnement, Versailles, Éditions Quæ, 2006, p. 24.

[73] Jean-Pierre Leguay, L’eau dans la ville au Moyen Âge, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2002, p. 111; Catherine Dubé et Geneviève Dumas, « Muddy Waters in Medieval Montpellier », dans Carole Rawcliffe et Claire Weeda, dir., Policing the Urban Environment in Premodern Europe, Amsterdam, Amsterdam University Press, 2019, p. 181.

[74] Leguay, La pollution au Moyen Âge, p. 12-15.

[75] Leguay, L’eau dans la ville, p. 125.

[76] Leguay, La pollution au Moyen Âge, p. 24.

[77] Leguay, L’eau dans la ville, p. 125.

[78] Geneviève Dumas, « Santé publique et gestion des effluents urbains à Montpellier », Bulletin historique de la ville de Montpellier, vol. 42, 2020, p. 84-85.

[79] Dumas, « Santé publique », p. 85.

[80] Leguay, La pollution au Moyen Âge, p. 25-27. Soulignons que la toxicité du redoul (ou corroyère) concerne seulement la consommation. Dominique Cardon et Anthony Pinto, « Le redoul, herbe des tanneurs et des teinturiers. Collecte, commercialisation et utilisations d’une plante sauvage dans l’espace méridional (XIIIe-XVe siècles) », Médiévales. Langues, Textes, Histoire, n° 53, décembre 2007, p. 51‑52.

[81] Du moins par rapport aux teintures synthétiques utilisées dans nos industries contemporaines. Voir Riza Atav et al., « Comparison of Wool Fabric Dyeing with Natural and Synthetic Dyes in View of Ecology and Treatability », AATCC Journal of Research, vol. 7, n° 6, 2020, p. 15-22.

[82] François Delamare et Bernard Monasse, « Le rôle de l’alun comme mordant en teinture. Une approche par la simulation numérique », dans Philippe Borgard, Jean-Pierre Brun et Maurice Picon, dir., L’alun de Méditerranée, Naples, 2005, Publications du Centre Jean Bérard, p. 277.

[83] Leguay, L’eau dans la ville, p. 126.

[84] Leguay, L’eau dans la ville, p. 126. Les indices conservés sur le Merdanson ne signalent pas la présence de teinturiers aux XIIIe-XIVe siècles. Toutefois, la fontaine Putanelle, dont la construction fut cautionnée par Jacques Cœur pour faciliter le travail des teinturiers sur le Merdanson, se situait bien en amont des tanneurs. Voir Chapitre 3, p. 107-108.

[85] Atav et al., « Comparison of Wool Fabric », p. 15. Maurice Picon, « Des aluns naturels aux aluns artificiels et aux aluns de synthèse : matières premières, gisements et procédés », dans Borgard, Brun et Picon, dir., L’alun de Méditerranée, p. 13-14.

[86] Leguay, La pollution au Moyen Âge, p. 27-45.

[87] AMM, Louvet 2534, 1287. Inventaires et documents, tome I, Inventaire du Grand Chartrier, p. 204.

[88] Germain, Histoire du commerce de Montpellier, tome 1, p. 22; Reyerson, « Le rôle de Montpellier », p. 20.

[89] Cette pratique économisait d’ailleurs beaucoup d’eau. Atav et al., « Comparison of Wool Fabric », p. 18-20.

[90] Cardon, Natural dyes, p. 6-8.

[91] Leguay, L’eau dans la ville, p. 127.

[92] Dumas et Galano, « Un cours d’eau », (en cours de publication).

[93] Dumas, « Santé publique », p. 84-85.

[94] Leguay, La pollution au Moyen Âge, p. 38-40. Dumas et Galano, « Un cours d’eau » (en cours de publication). En 1309, une inondation du Merdanson est si forte qu’elle détruit des maisons au Legassieu et à la Trinité et on peut supposer que ce choc destructeur fut accompagné d’une propagation des ordures. Voir Le Petit Thalamus, f. 84 r°. http://thalamus.huma-num.fr/index.html

[95] Fabre et Lochard, Montpellier: la ville médiévale, p. 94.

[96] AMM, BB 355, 1355, f. 1. Inventaires et documents, tome VI, Archives du Greffe, p. 7-9.

[97] Dumas, « Santé publique », p. 83.

[98] Fabre et Lochard, Montpellier: la ville médiévale, p. 255.

[99] AMM, Guiraud, « La ville de Montpellier », 2 Fi 441.

[100] AMM, Guiraud, « La ville de Montpellier », 2 Fi 441.

[101] A.D. Hérault, Jacques Fabre de Morlhon, Le Montpellier médiéval, [1950-1980], cote 1 Fi 118.

[102] Fabre et Lochard, Montpellier: la ville médiévale, p. 95.

[103] Louise Guiraud, Recherches topographiques sur Montpellier au Moyen Âge, Montpellier, Libraire de l’Université, 1895, p. 104.

[104] Traduction : « À chaque époque les acheteurs et les vendeurs ont besoin de connecter […] La proximité menait à l’interaction, la création et le maintien des contacts, ainsi qu’à la facilitation des affaires commerciales ». Reyerson, The Art of the Deal, p. 65.

[105] Leguay, La rue au Moyen Âge, p. 57-59.

[106] Dubé, « L’apport des sources comptables », p. 239. Leguay, La rue au Moyen Âge, p. 53.

[107] AMM, Louvet 938. Inventaires et documents, tome I, Inventaire du Grand Chartrier, p. 80.

[108] Une amende de cinq sous était réservée aux fautifs. Dubé, « L’apport des sources comptables », p. 242.

[109] Russell, « L’évolution démographique de Montpellier », p. 354-359.

[110] Monique Bourin, « Un projet d’enquête : « la crise de 1300 » dans les pays de la Méditerranée occidentale », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre | BUCEMA, janvier 2008, p. 1‑12; Monique Bourin et al., « Les campagnes de la Méditerranée occidentale autour de 1300 : tensions destructrices, tensions novatrices », Annales. Histoire, Sciences Sociales, n° 3, 2011, p. 663‑704.