État de la question sur le néocolonialisme français en Afrique

William Laguë

Candidat à la maiîtrise en histoire à l’Université de Sherbrooke

Résumé

L’état de la question s’interroge sur le traitement du néocolonialisme français en Afrique de l’Ouest tout en considérant le processus et enjeu de décolonisation ainsi que la perspective de personnes résistantes au néocolonialisme. Le néocolonialisme français se définit comme un lieu de rencontre complexe où la dynamique de la relation est guidée par les intérêts et l’influence de la France, en opposition avec l’état de dépendance de ses anciennes colonies. En reposant le tout sur un système d’intérêts mutuels, la collaboration des élites politiques africaines en place assure le succès de la nouvelle « Françafrique ». Afin de voir le traitement du néocolonialisme dans l’historiographie, nous interrogeons d’abord les études sur le cadre de la coopération et les idéologies de décolonisation. Nous questionnons ensuite les études dédiées à l’analyse des manifestations du néocolonialisme, ainsi que celles critiquant sa finalité. Enfin, nous souhaitons voir comment, dans l’historiographie, les chercheurs ont sollicité les visions de Sékou Touré (Guinée) et Kwamé Nkrumah (Ghana) en réaction et en opposition avec le néocolonialisme. À la lumière de l’état de la question, il devient clair que le champ nécessite une revalorisation du concept du néocolonialisme à partir d’une perspective historienne afin d’offrir une analyse plus nuancée que celle fournie par les politologues et militants tiers-mondistes.

Mots-clés : décolonisation, néocolonialisme, coopération, Sékou Touré, Kwamé Nkrumah, socialisme africain, panafricanisme, historiographie

 

Introduction

Au tournant de 1960, l’Afrique noire française est au cœur d’un mouvement de décolonisation important, où plusieurs colonies de la France se voient finalement octroyer l’indépendance de l’Hexagone. Si certains nouveaux États-nations décident de conserver des liens avec l’ex-colonisateur, d’autres préfèrent maintenir une distance avec l’ex-métropole. Ici repose la sensible question de transition d’un régime colonial centenaire à la gestion de l’indépendance nouvellement acquise. Nous entrons dans un nouvel air, celui du néocolonialisme. À la fois comme concept et en tant que cadre général des rapports franco-africains, le néocolonialisme français se comprend d’abord et avant tout à travers les nombreux objectifs traversant la période de décolonisation. Du côté des nouveaux États africains, l’objectif est le développement économique et social, tandis que pour la France, l’objectif est de maintenir son rang de puissance et son influence. C’est de cette manière que se présente l’Afrique devant la France, comme un lieu d’opportunité pour mettre en place sa nouvelle politique néocoloniale afin de ne pas perdre ses acquis.

Par définition, le néocolonialisme français est également un lieu de rencontre infiniment complexe. Concrètement, la naissance du néocolonialisme français en Afrique prend sa source dans le maintien de la relation après l’indépendance. Plus précisément, en raison des objectifs différents des nouveaux États-nations et de l’ex-métropole, le second approche les premiers avec des projets de développement. Le néocolonialisme français, qui structure désormais la relation franco-africaine, ancre la relation dans la structure coloniale. C’est de la sorte que nous voyons alors apparaitre des termes comme « Françafrique », de la « balkanisation » du « pré carré » et « d’influence ». Le néocolonialisme français se résume en une dynamique où les intérêts et l’influence des uns dominent sur l’état de dépendance des autres[1]. Le tout est couronné de succès grâce au système d’intérêts mutuels, nourri et maintenu par la collaboration des élites politiques africaines.

Par sa nature polarisante, il va sans dire que le néocolonialisme s’est retrouvé de nombreuses fois au cœur des études des chercheurs, tant politologues, militants tiers-mondistes, sociologues et historiens. Toutefois, à l’heure actuelle, aucun recensement n’existe sur les études portant directement sur le néocolonialisme français en Afrique. Devant cette absence, et en considérant le regain d’intérêt sur le sujet dans les dernières années, nous souhaitons entamer une première réflexion sur la production scientifique du concept.

Cependant, afin d’ouvrir l’état de la question sur des avenues nouvelles, nous ne sollicitons pas que le néocolonialisme français, mais aussi la perspective des « pères des indépendances » africains ayant tenté de résister, ou de contester à la politique néocoloniale de la France. En raison de la grande quantité d’ouvrages réservés à la critique du néocolonialisme français, nous amenons, dans l’état de la question, la perspective de Sékou Touré et Kwamé Nkrumah. Tout en reconnaissant que d’autres pères des indépendances ont également discuté du néocolonialisme, nous retenons le duo mentionné ci-haut en raison de leur engagement contre les propositions néocoloniales de la France, ce qui rend leurs prises de paroles des plus pertinentes pour comprendre la production scientifique entourant l’interprétation et la critique du néocolonialisme français en Afrique.

Pour diriger l’état de la question, nous nous interrogeons sur le traitement du néocolonialisme français dans l’historiographie, c’est-à-dire de voir à la fois comment le concept est considéré dans le processus de décolonisation et comment le tout est en relation avec les perspectives de Sékou Touré et Kwamé Nkrumah. Aussi, puisqu’étudier le néocolonialisme suppose de se pencher sur ses manifestations, nous souhaitons voir dans l’état de la question les manifestations du néocolonialisme français telles qu’identifiées par les chercheurs. L’importance du développement des jeunes États-nations joue-t-elle un rôle dans les types de sources sollicités par les chercheurs qui analysent le néocolonialisme français? Quelles sont les manifestations du néocolonialisme français selon les études consacrées à son analyse? Le néocolonialisme est-il étudié à travers plusieurs facettes, où l’historiographie s’en tient-elle à une vision centrée sur la perspective de la France, au détriment de la vision africaine du problème?

Notre bilan sera structuré autour de trois champs thématiques. D’abord, puisque la décolonisation suppose pour la France la définition d’un nouveau cadre de relation centrée sur la coopération, Nkrumah et Touré considèrent pour leur part nécessaire de mettre de l’avant des idéologies susceptibles d’assurer le développement de leur État respectif. Il est donc essentiel d’évaluer la production scientifique entourant ces différents enjeux. De plus, Nkrumah et Touré s’entendent aussi pour qualifier la politique française en Afrique de néocoloniale, d’où la pertinence d’évaluer les études portant sur le néocolonialisme et celles qui s’attèlent à critiquer sa finalité. En ce sens, bien que Touré et Nkrumah ont accumulé les écrits, peu de chercheurs ont entrepris d’étudier les positions des deux auteurs face au néocolonialisme. C’est pourquoi la dernière thématique revient sur ces premières études pionnières.

1. Le cadre de la coopération et les idéologies de décolonisation

Les paradigmes de la coopération comme base de la relation entre la France et l’Afrique, de même que les idéologies des indépendances africaines sont au cœur des études de la décolonisation et de la construction des États-nations. La coopération, initiée par la France au moment des accessions à l’indépendance, a été interprétée comme le tremplin des politiques néocoloniales, en institutionnalisant les relations franco-africaines inéquitablement. De plus, les idéologies véhiculées par Touré et Nkrumah évoluent à sens contraire de la coopération. Tant le « socialisme africain » que le panafricanisme, les chercheurs s’entendent sur le fait que ces idéologies représentent des moyens de poursuivre une décolonisation franche à partir d’un cadre contraire de l’esprit de la coopération.

1.1  La coopération comme base des relations entre la France et l’Afrique

Il ne faut guère de temps avant que la coopération, qui prend forme au tournant de 1960, devienne un objet d’étude à la fois historique et politique auprès des chercheurs. Dans la foulée des premières études sur la coopération, l’ancien coopérant français en Afrique du Nord, Yves Fuchs, en 1973, évalue les accords de coopération français. Selon l’auteur, la coopération initiée par la France a d’abord été une politique impérialiste visant la prospérité du capitalisme français bien avant le développement des nouveaux États-nations[2]. Dans une démarche réflexive semblable à Fuchs, le syndicaliste Sally N’Dongo analyse la coopération franco-africaine et ses répercussions chez les Africains dix ans après son entrée en vigueur. Comme Fuchs, N’Dongo croit que la coopération n’a jamais été conçue comme un moyen d’assister les États-nations africains vers le développement, mais plutôt pour assurer la primauté des intérêts français[3]. Puis, dans une démarche proprement juridique, le juriste Albert Bourgi, en 1979, analyse le texte de la coopération de 1960 et 1974 entre le Sénégal et la France afin de comprendre la portée des documents sur la souveraineté du pays sénégalais. Le juriste avance que la coopération représente un subterfuge légal dissimulant les intentions de domination et de perpétuation des rapports coloniaux[4]. Nous pouvons observer que ces premières études sur la coopération, durant les années 1970, sont imprégnées du contexte de l’époque. Après la première décennie des accords, plusieurs décident d’évaluer l’efficacité de ces derniers aussi bien que la réelle intention derrière ceux-ci.

Le contexte de la décennie suivante, celle des années 1980, correspond à l’éclatement des crises économiques dans le Tiers Monde postcolonial. Durant la « troisième décennie des indépendances », nous voyons les premières interventions du Fonds monétaire international (FMI) à travers les politiques d’ajustement structurel (PAS). Par conséquent, les études suivantes témoignent à leurs tours de l’importance de ce contexte, où les politologues semblent se questionner sur la relation entre les problèmes de développement en Afrique et le legs de la coopération de la France. C’est dans cette perspective que le politologue Guy Martin analyse les caractéristiques et mécanismes inhérents à la coopération. Selon Martin, la coopération a institué une politique de statu quo dans lequel la France n’est pas engagée à trouver des solutions, mais simplement à protéger ses intérêts au détriment du développement africain[5].

Lors des nouvelles interventions du FMI en Afrique dans les années 1990, l’objectif est de juguler l’endettement en assistant les États africains, jugés responsables du bilan déficitaire. C’est dans ce contexte de restructuration que la politologue Stéphanie Mesnier analyse l’évolution de la politique française en Afrique entre 1960 et 1990. Dans une démarche analogue à Guy Martin, Mesnier affirme que la coopération ne connait aucun changement significatif, simplement parce qu’au cœur de la politique coopérationniste, l’objectif des dirigeants français a toujours été de conserver et maintenir leur influence et leurs privilèges[6]. Cette idée d’une coopération destinée à figer l’Afrique dans une condition particulière est certainement intéressante. Mesnier, tout comme Guy Martin dans la décennie précédente, proposent des analyses fortement teintées par le contexte économique des États-nations africains, où les difficultés économiques les amènent à considérer la coopération comme un mécanisme fautif dans le développement des nations africaines.

Bien qu’encore ancré dans le même contexte que les autres chercheurs mentionnés, le politologue Franck Petiteville adopte une perspective tout autre pour évaluer la dimension géopolitique inhérente à la politique de coopération afin de déterminer son importance pour les intérêts français et dans la structuration des relations franco-africaines. Selon Petiteville, la priorité derrière la coopération a toujours été de pérenniser la place de la France au niveau international et l’Afrique est au cœur de la démarche[7]. Dans la coopération se trouve une dynamique clientéliste : en échange de l’assistance financière pour les pays africains, la France retire des privilèges et de l’influence[8]. La dimension géopolitique est une avenue très pertinente pour comprendre le néocolonialisme au niveau des relations internationales, et non seulement à l’échelle continentale. Son étude permet de considérer la coopération comme un thème important se dégageant du néocolonialisme.

De 1970 à 1990, les études sur la coopération opèrent sous un angle de révision : les chercheurs évaluent le succès – ou l’insuccès – de la politique de coopération de la France, qui s’interprète plutôt comme l’instauration du néocolonialisme. L’angle d’analyse change au XXIe siècle, notamment avec l’étude de Thomas Deltombe. Ce dernier adopte une position de militant, principalement motivé par le contexte d’instabilité politique en Afrique et des débats sur les termes du néocolonialisme et de la Françafrique en France. En ce sens, le journaliste évalue le rôle que joue la politique de coopération lors des indépendances de 1960 en Afrique afin de comprendre la portée, mais aussi l’impact sur la décolonisation. Deltombe insiste sur le caractère nominal des indépendances, puisque la France conserve les pouvoirs, notamment par le biais d’un réseau d’influence qui permet la prolifération d’accords de coopération, qui sont la clé de voute des relations françaises en Afrique[9].

1.2  Idéologies de décolonisation : « socialisme africain » et panafricanisme

Suivant l’esprit de l’état de la question sur le néocolonialisme français et d’une perspective nouvelle à partir de la vision de « pères des indépendances » ayant critiqué le néocolonialisme, il est primordial de comprendre le positionnement idéologique de ces derniers. En ce sens, pour Touré et Nkrumah, le « socialisme africain » et le panafricanisme deviennent des alternatives pour combattre le néocolonialisme. Si le « socialisme africain » a fait l’objet de plusieurs études, les œuvres des historiens et journalistes Bernard Charles et Yves Benot, bien qu’ayant été écrites dans les années 1960, demeurent des études de références sur le sujet.

Dès 1965, l’historien Bernard Charles entreprend l’analyse des « socialismes africains » afin de saisir les contradictions entre les paroles et les actions des leaders qui s’identifient à cette idéologie. Selon Charles, le « socialisme africain » n’est pas appliqué également partout : plusieurs leaders en font usage à des fins esthétiques pour rassembler le peuple, sans pour autant appliquer ses principes, d’autant plus que ce type de socialisme mute selon le leader qui en fait usage[10]. À l’image de l’étude de Charles, le journaliste Yves Benot offre quant à lui une étude pionnière sur la construction des idéologies en Afrique en période néocoloniale en analysant les variantes des « idéologies africaines ». Pour Yves Benot, le « socialisme africain » est coloré de nuance où certains leaders, comme Touré, revendiquent le « socialisme africain » malgré le fait que ses décisions se rapprochent du capitalisme[11]. En publiant respectivement en 1965 puis 1969 des études sur le sujet, les deux auteurs sont indissociablement liés au contexte de décolonisation. Cela explique notamment le ton sympathique à la cause socialiste – du moins celle qui se construit en opposition avec les puissances impérialistes – et le manque de recul sur l’évaluation d’un tel socialisme qui se crée devant leurs yeux au même moment d’en faire l’analyse.

Les études sur le panafricanisme, dont celle du juriste Samuel Asante publiée en 1998, s’inscrivent dans un contexte quelque peu différent. Participant au collectif Histoire général de l’Afrique, l’objectif de l’ouvrage est surtout de restaurer certains mythes et préjugés sur l’Afrique. En ce sens, Asante s’attèle donc à étudier l’évolution du panafricanisme sous sa dimension de force d’intégration. Selon Asante, le panafricanisme, chez Nkrumah du moins, a été pensé non seulement comme une force d’intégration afin de contrer la « balkanisation » des États africains, mais aussi comme repoussoir du néocolonialisme[12]. L’analyse de Asante offre une entrée en la matière utile sur l’évolution du panafricanisme, tout en ayant un pas de recul pertinent et en évitant de tomber dans une sorte de militantisme pour le mouvement. La même chose pourrait être dite sur l’historien Elikia M’Bokolo dans son étude où il examine les écrits de trois penseurs et activistes majeurs de l’idéal panafricain, en l’occurrence C.L.R. James, George Padmore et Kwamé Nkrumah afin de comprendre l’évolution particulière d’une idéologie à un projet politique culminant vers des actions concrètes. Comme chez Asante, M’Bokolo avance que le panafricanisme n’est pas simplement un dialogue intrarégional, mais un objectif d’union ayant comme objectif de combattre la balkanisation du continent afin de permettre à l’Afrique de se libérer de l’impérialisme et de prendre sa place à l’international[13]. Cependant, notons que M’Bokolo ne cache pas une forme d’admiration pour Kwamé Nkrumah en le qualifiant de Héros du XXe siècle pour le panafricanisme[14].

Dans une démarche similaire avec l’historien M’Bokolo, Patrick Dramé débute une analyse à partir des racines du panafricanisme jusqu’à sa migration vers l’Afrique afin de saisir les enjeux qui rythment le mouvement. Selon l’historien Dramé, l’idéologie panafricaine utilise un « va-et-vient » avec le passé ⁄ présent ⁄ futur afin de légitimer le projet unificateur et rehistoriciser le passé des peuples en Afrique. De même, le panafricanisme tient à « choquer » pour éveiller et faciliter l’acceptation du projet structurant de l’idéologie, celui de l’unité africaine[15]. Cette analyse est du moins intéressante, puisqu’elle ajoute une dimension nouvelle dans l’étude du panafricanisme, en ajoutant la dimension de « l’histoire » qui sert à des fins politiques.

Finalement, pour conclure sur le « socialisme africain », le récent collectif mené par les historiennes Françoise Blum et Céline Pauthier est une contribution majeure dans le champ d’études. En profitant de l’ouverture de nouveaux fonds d’archives, l’ouvrage paru en 2021 vise à positionner le socialisme africain à travers les nombreux autres types de socialisme dans l’histoire. Parmi les études intéressantes, nous notons celle de l’historien Antoine de Boyer qui étudie l’expérience socialiste du Ghana sous Kwamé Nkrumah à partir de l’analyse de son essai populaire Le consciencisme. Selon de Boyer, il importe de regarder le rôle du prolétariat chez Nkrumah : cette classe se retrouve déchirée dans le combat entre le « socialisme africain » révolutionnaire de Nkrumah et le néocolonialisme qui promet lui aussi des conditions intéressantes pour la population[16].

 

2. Études sur le néocolonialisme en Afrique

Nous explorons ici les études consacrées à l’identification des manifestations du néocolonialisme français en Afrique et à la critique de sa finalité. Le premier constat de notre seconde thématique est qu’à l’aube de 1960, la majorité des auteurs affirment que le néocolonialisme va s’immiscer dans la décolonisation pour en dicter le futur. De plus, le néocolonialisme constitue l’achèvement de la politique étrangère interventionniste française et son succès, selon les auteurs, s’explique par la reconduction des anciens rapports coloniaux.

2.1 Les manifestations politique, militaire et économique du néocolonialisme

Les études consacrées à l’analyse des manifestations du néocolonialisme sont nombreuses, d’autant plus que nous pouvons reculer tôt dans la période de décolonisation pour y retrouver des critiques de renoms[17]. Dans une étude de 1980, le sociologue Jean Ziegler examine les difficultés du continent africain en lien avec l’omniprésence de l’impérialisme qui, depuis la période coloniale, ne cesse de régir les aléas du développement du continent. Ziegler innove par son concept de proto-nation, c’est-à-dire que les États africains ne sont ni des États achevés ni des États en construction : ils sont une création de l’impérialisme, asservis aux besoins de ceux qui l’organisent de l’extérieur[18]. À la même époque, le politologue Edouard Bustin adopte plutôt une perspective militaire[19], pour étudier la posture de la France, en Afrique, à travers ses nombreuses interventions militaires depuis 1960. Contrairement aux propos de Ziegler qui laissent croire à une forme de néocolonialisme subtile, l’étude de Bustin avance le contraire. Selon Bustin, le néocolonialisme français est l’un des moins subtils[20], car il repose sur une politique active d’intervention, cependant légal grâce aux ententes bilatérales[21]. Ces deux études témoignent déjà de l’intérêt, tôt dans l’historiographie, d’identifier les variantes du néocolonialisme français en Afrique. De la dimension politique à militaire, une tendance s’établit dans l’historiographie, comme quoi le néocolonialisme peut revêtir différents habits.

À la fin des années 1990, l’économiste François-Xavier Verschave innove avec l’apparition du terme « Françafrique » pour qualifier le néocolonialisme français en Afrique. En jumelant les dimensions de l’économie et la politique, Verschave étudie le rôle de la politique étrangère française en Afrique afin de saisir son emprise sur le développement social et économique africain. Selon lui, la Françafrique est un système de prédation néocolonial qui conserve l’Afrique dans une position de pauvreté en visant son exploitation sans modération à travers les dimensions politiques, militaires et pétrolières[22]. Le concept de la Françafrique est une véritable innovation dans l’historiographie sur le néocolonialisme et ce concept sera par la suite réutilisé par de nombreux spécialistes afin de mieux saisir l’emprise de la France en Afrique.

Dans la même lignée historico-politique, l’historien Jean-Pierre Bat analyse les actions politiques de la France après les indépendances en Afrique. À travers l’examen du système Foccart[23], Bat affirme que le rôle des services de renseignement, l’omniprésence militaire et la mise sur pied de la coopération représentent les trois piliers par lesquels la France a maintenu le lien colonial et son statut de grandeur[24].

Ces différentes manifestations du néocolonialisme, économique, militaire et politique, sont aussi au cœur de l’étude du docteur en patristique et militant tiers-mondiste Pierre Ndoumaï, qui analyse les dégâts économiques et politiques de la présence du néocolonialisme en Afrique entre 1960 et 2010. Il assimile le néocolonialisme à « une maladie » dans le continent africain[25]. La portée scientifique de l’étude est certainement appréciable par la rigueur dont fait preuve l’auteur. Cependant, écrivant dans un contexte du cinquantenaire de la décolonisation française en Afrique, la thèse de Ndoumaï trahit son activisme pour la « libération » de l’Afrique. Loin de faire preuve du même militantisme, l’historien Patrick Dramé analyse la création de la base stratégique française de Dakar au Sénégal et l’évolution de ses fonctions militaires entre 1942 et 1962. Dramé avance que, dans le contexte de décolonisation qui risquait d’hypothéquer son existence, le général de Gaulle a réussi, en négociant avec les dirigeants politiques sénégalais, à maintenir la présence militaire stratégique française, incarnée par la base navale conçue comme un outil de puissance[26]. Cette perspective d’analyse sur le néocolonialisme français ne manque pas de marquer l’historiographie, puisque Dramé prend soin de tenir compte des intérêts de la France dans le dessein néocolonial.

La dimension économique du néocolonialisme[27] est au cœur de l’étude de l’économiste Demba Moussa Dembélé, qui se concentre sur le rôle du franc CFA[28] en Afrique. Selon lui, la monnaie est la forme la plus simple de souveraineté pour un pays – en ce sens, le franc CFA, par son caractère néocolonial, est un frein au développement de l’Afrique en « ligotant » le progrès au profit du maintien d’un statut « en tutelle »[29]. Ce constat est partagé par le sociologue Saïd Bouamama qui analyse la présence active de la France dans ses dernières ex-colonies, et ce, même après les indépendances. L’auteur avance que la France n’a jamais renoncé à son caractère colonial et qu’à travers la monnaie, l’Hexagone poursuit des politiques comme l’expropriation terrienne, l’extraversion économique et le traitement d’exception, tous des mécanismes de domination néocoloniale[30]. Toutefois, comme Bouamama le souligne au début de son ouvrage, son contexte de création est fortement influencé par les événements récents, en 2018, lors du référendum en Kanaky. Il est difficile de ne pas voir une certaine intention, derrière l’analyse de Bouamama, de tenter une certaine rectification politique afin de brosser la France comme l’ultime « vilain » dans l’histoire de l’Afrique, en ignorant le rôle que certains Africains peuvent jouer dans la création du néocolonialisme français en Afrique.

2.2 Les critiques du néocolonialisme

Si les études vues ci-haut se concentrent sur l’identification de différentes manifestations du néocolonialisme, récemment, plusieurs études s’attèlent à critiquer la finalité du néocolonialisme. Nous retenons d’abord deux articles de l’historien Alexander Keese. L’historien a d’abord étudié la manière dont la France a consolidé son rôle néocolonial en Afrique française durant la période de décolonisation. Selon Keese, le déploiement du néocolonialisme français repose sur les structures coloniales, dont le réseau d’administrateurs coloniaux français qui, lors de la décolonisation, deviennent des ambassadeurs. À partir de ces fonctions, ces agents influenceront les élites africaines à agir dans le sens des intérêts français[31]. L’importance des « réseaux » n’est pas sans faire écho au concept de la « Françafrique » de Verschave. Keese poursuit d’ailleurs sa réflexion dans une seconde étude où il analyse la réaction de la France face à sa perte d’influence en Guinée et au Togo et comment cela influence sa politique étrangère. L’auteur avance que la France, en s’adaptant à la nouvelle réalité de la décolonisation, a procédé à un « quadrillage » du continent africain en fonction des États « amis » et « voyous » : les premiers qui acceptent l’aide néocoloniale, les seconds considérés comme des traitres et des communistes qui refusent l’assistance[32]. Ces deux études de Keese, respectivement en 2007 puis 2008, s’inscrivent dans un contexte particulier où les débats sur la notion du néocolonialisme français dominent l’historiographie post-coloniale. En profitant de sources françaises nouvellement accessibles, Keese participe à ce débat en établissant le lien entre la création du réseau néocoloniale de la France en Afrique, tout en reconnaissant la participation d’une élite africaine mise en place par la France.

Toujours orienté sur la critique de la finalité du néocolonialisme, le récent ouvrage collectif Un Empire qui ne veut pas mourir présente une analyse complète des rapports entre la France et les pays d’Afrique de l’Ouest sous l’égide de la « Françafrique », de l’origine coloniale à sa réalité néocoloniale du XXe siècle. Les auteurs y défendent que celle-ci se veut un système où les connexions militaires, économiques, coopératives et le paternalisme dictent la relation franco-africaine de manière inégale, visant toujours la prospérité de la France sans égard aux conséquences en Afrique[33]. Cette étude, codirigée par Deltombe, est constituée de plusieurs articles[34] et son apport à l’historiographie est considérable, puisqu’il s’agit du premier collectif qui étudie avec une perspective historique la relation franco-africaine depuis les indépendances, et ce, sous l’angle du néocolonialisme. À nouveau, soulignons comment ce collectif emprunte le concept de la « Françafrique » créé par Verschave deux décennies plus tôt, un testament de la force de son concept.

3. Kwamé Nkrumah, Sékou Touré et le néocolonialisme

Comme nous l’avons mentionné dans l’introduction de l’état de la question, nous souhaitons voir les contributions scientifiques entourant le concept du néocolonialisme, tout en tenant compte de la parole de ceux ayant vécu et observé le déploiement de la politique néocoloniale de la France. Ainsi, à la question sur la perspective africaine sur le néocolonialisme français, nous constatons un certain vide. Peu d’études considèrent la prise de parole des acteurs africains qui critiquent le néocolonialisme et sa finalité. En effet, à l’exception de Mark Langan, du collectif L’Empire qui ne veut pas mourir et de William Laguë, peu d’études tiennent compte à la fois du néocolonialisme et de l’un de Sékou Touré et Kwamé Nkrumah. Bien que les études soient peu nombreuses, cette dernière thématique tend à démontrer un portrait intéressant sur l’usage de la parole des « résistants».Nous voyons qu’aux yeux de Nkrumah, il faut combattre activement le néocolonialisme. Du côté de Touré, le néocolonialisme occupe une place déterminante dans la conception de son régime autoritaire.

3.1 Kwamé Nkrumah et le néocolonialisme

Plusieurs auteur.e.s se sont intéressé.e.s à la pensée politique de Kwamé Nkrumah. Onze ans après sa chute, Barbara Monfils, alors doctorante en communication, offre une étude pionnière, en 1977, consacrée à l’analyse du changement de la mentalité coloniale à la divination de Nkrumah en période de décolonisation. Selon elle, Nkrumah crée sa propre divination comme moyen de contrer la possibilité de voir une mentalité « néocoloniale » apparaitre[35]. Cette première étude offre un aperçu, « à chaud », de la manière dont le néocolonialisme influence le mode de pensée de Nkrumah. Puis, dans le cadre du cinquantenaire des décolonisations en Afrique en 2010, l’historienne Ama Biney étudie l’évolution des idées politiques de Nkrumah durant son exil politique entre 1966 et 1972. Biney soutient que, lors de cette période, Nkrumah est de plus en plus engagé dans sa cause pour l’unité africaine et contre la présence du néocolonialisme en Afrique, au point de considérer la nécessité d’armer le mouvement révolutionnaire pour combattre la présence néocoloniale[36]. Tout récemment, le politologue Mark Langan étudie la vision de Nkrumah sur le néocolonialisme afin de comprendre les problèmes de sous-développement en Afrique, qui sont encore d’actualité au moment de son étude en 2018. Selon Langan, le néocolonialisme, tel qu’identifié par Nkrumah en 1965, perpétue une dynamique profitant aux intérêts étrangers, au détriment du développement en Afrique[37]. Bien que l’analyse de Langan soit fort appréciable, notons que l’auteur, à quelques reprises, fait usage d’anachronismes dans son argumentaire. L’historien Victor Picquet sollicite de manière similaire les études de Nkrumah sans toutefois tomber dans le piège des anachronismes. C’est lui qui entame la première étude dans l’historiographie en français sur l’analyse de propositions et conceptions de Nkrumah en vue de la mise sur pied de l’unité africaine. Picquet explique que, selon Nkrumah, le néocolonialisme représente le plus grand obstacle au projet d’unité africaine[38].

3.2 Sékou Touré et le néocolonialisme

Le contexte d’écriture sur Sékou Touré est considérablement différent de Kwamé Nkrumah. Au même moment où Touré construit son pouvoir, plusieurs s’attèlent à critiquer son régime autoritaire. Dans les années 1970, des intellectuels guinéens en exil contribuent à mieux comprendre le régime de Sékou Touré. Empruntant le pseudonyme de Claude Diakité, le chirurgien et activiste politique Charles Diané, condamné par contumace par le régime de Touré et exilé, étudie les sources du « mal guinéen », c’est-à-dire les problèmes de développement et de la question de la dictature dans le pays. Selon Diané, l’indépendance guinéenne a été accompagnée d’espoir et d’une promesse de développement, mais la prise de pouvoir autoritaire par Sékou Touré a corrompu les promesses de l’indépendance, tant par sa dictature violente, sa mal-gouvernance et son rôle en tant qu’agent du néocolonialisme[39]. Ces critiques de Diané permettent d’explorer la possibilité de voir si Touré est à la fois pourfendeur et agent du néocolonialisme. Le constat de Diané est aussi partagé par son compatriote Alpha Condé, un activiste et opposant politique de Touré également condamné en Guinée et exilé en France. Condé propose l’évaluation du régime de Sékou Touré afin de déterminer l’ampleur de l’emprise néocoloniale sur la Guinée. Selon Condé, Touré est en réalité lui-même un émissaire du néocolonialisme, car, bien que son discours dit le contraire, ses nombreuses actions politiques prouvent son inclinaison pour la prolifération des intérêts privés étrangers en Guinée[40].

Il va sans dire que les études mettant en lien le néocolonialisme et Sékou Touré sont peu nombreuses. Notons finalement notre étude de 2022 qui permet de mieux saisir le néocolonialisme dans la pensée de Sékou Touré. Lors de notre étude, nous avions analysé la fonction et la portée de la « cinquième colonne[41] » chez Sékou Touré. La thèse que nous avions défendue était que, pour Touré, le néocolonialisme représentait le plus grand danger pour l’Afrique et la présence d’une « cinquième colonne » était l’ultime témoignage de la perversité du néocolonialisme en Afrique et du besoin d’actions immédiates[42].

Conclusion

À la lumière de l’état de la question, constatons d’abord la présence imposante de politologues et militants tiers-mondistes. Une perspective historienne est souhaitée pour revaloriser la conception du néocolonialisme comme champ historique et éloigner le concept des débats et discours démagogiques. En effet, bien que cet état de la question prouve la scientificité du concept du néocolonialisme, la meilleure méthode d’analyse sur le sous-développement en Afrique demeure une source de discussion. Il y a d’abord l’école de la théorie de dépendance, où l’argumentaire repose sur la structure économique mondiale qui empêche les nouveaux États de s’industrialiser et réaliser un progrès économique[43]. Quant à l’approche du néo-patrimonialisme, le problème de développement serait inhérent aux élites africaines, qui ont développé une culture de corruption, au détriment du développement national[44].

Or, la perspective néocoloniale répond aux lacunes des courants ci-haut. D’abord, l’approche du néocolonialisme évite tout « déterminisme économique » en démontrant le rôle important des élites africaines. Et contrairement à l’approche du néo-patrimonialisme, l’approche néocolonialiste favorise une vision où l’État peut se gérer elle-même tout en étant assujettie aux politiques néocoloniales d’une autre puissance. C’est ce que l’état de la question ci-présent démontre notamment. À travers les nombreuses études analysées, nous voyons les nombreux liens qui existent, au tournant de la décolonisation, et qui façonneront l’avenir de l’Afrique

Références

[1] Mark Langan, Neo-colonialism and the Poverty of « Development » in Africa, Cham, Springer Publishing Company, 2018, 253 p.

[2] Yves Fuchs, La coopération : aide ou néo-colonialisme?, Paris, Éditions sociales, 1973, p. 182‑184.

[3] Sally N’Dongo, Coopération et néo-colonialisme, Paris, François Maspero, 1976, p. 7‑9.

[4] Ajoutons que le néocolonialisme s’est pérennisé en Afrique de façon légale, en raison de la coopération. L’analyse juridique de Bourgi est essentielle afin de comprendre ces mécanismes légaux. Albert Bourgi, La politique française de coopération en Afrique: le cas du Sénégal, Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1979, p. 1‑5.

[5] Guy Martin, « The Historical, Economic, and Political Bases of France’s African Policy », The Journal of Modern African Studies, vol. 23, n° 2, 1985, p. 189.

[6] Stéphanie Mesnier, « Note sur l’élaboration de la politique africaine », La Revue administrative, vol. 44, n° 263, 1991, p. 394.

[7] Franck Petiteville, « Quatre décennies de “coopération franco-africaine” : usages et usure d’un clientélisme », Études internationales, vol. 27, n° 3, 1996, p. 571‑572.

[8] Franck Petiteville, « Quatre décennies de “coopération franco-africaine” », p. 571-572.

[9] Thomas Deltombe, « La souveraineté minée par la coopération : quand la France verrouille les indépendances africaines », dans Thomas Borrel et al., dir., L’Empire qui ne veut pas mourir: une histoire de la Françafrique, Paris, Seuil, 2021, p. 259‑260.

[10] Bernard Charles, « Le socialisme africain : mythes et réalités », Revue française de science politique, vol. 15, n° 5, 1965, p. 884.

[11] Yves Benot, Idéologies des indépendances africaines, Paris, François Maspero, 1969, 427 p.

[12] Asante souligne que malgré tout, plusieurs dirigeants africains ne voient pas le danger du néocolonialisme au point d’aller de l’avant avec des mesures « draconiennes » comme de donner les pouvoirs à une unité politique centrale. Samuel K. B. Asante, « Le panafricanisme et l’intégration régionale », dans Ali Al Amin Mazrui et Christophe Wondji, dir., Histoire générale de l’Afrique, Paris, Éditions UNESCO, 1998, p. 759.

[13] Elikia M’Bokolo, George Padmore, Kwame Nkrumah, Cyril L. James et l’idéologie de la lutte panafricaine, Paris, CODESRIA, 2003, p. 1.

[14] M’Bokolo, George Padmore, Kwame Nkrumah, Cyril L. James, p. 2.

[15] Patrick Dramé, L’Afrique postcoloniale en quête d’intégration : s’unir pour survivre et renaitre, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2017, p. 167‑169.

[16] Antoine deBoyer, « Consciencisme et islam : un essai de synthèse dans l’expérience socialiste ghanéenne », dans Socialismes en Afrique, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2021, p. 43‑64.

[17] Nous pensons ici à l’étude de Franz Fanon dans laquelle il avance que les pratiques néocolonialistes minent les fondements de l’indépendance africaine. Également, le recueil cumulant treize essais du philosophe Jean-Paul Sartre sur le colonialisme et sa nouvelle forme néocoloniale. Dans Franz Fanon, Les damnés de la terre, Paris, François Maspero, 1961, 311 p. ; dans Jean-Paul Sartre, Colonialism and Neocolonialism, Londres, Routledge, 2006 (1964), 223 p.

[18] Jean Ziegler, Main basse sur l’Afrique : la recolonisation, Paris, Éditions du Seuil, 1980, p. 7.

[19] Ajoutons que pour la dimension militaire du néocolonialisme, nous aurions pu considérer les études suivantes : Shaun Gregory, « The French Military in Africa: Past and Present », African Affairs, vol. 99, n° 396, 2000, p. 435‑448 ; Stephen Burgess, « L’intervention militaire en Afrique. Analyse comparée de la France et des États-Unis », ASPJ Afrique & Francophonie, n° 2, 2018, p. 5‑25.

[20] « If the essence of successful neo-colonialism is the ability to assume a low visibility and to maintain control […] then France has been one of the least effective of neo-colonialist powers since its power in Africa has consistently been based on a far more explicit […] set of deliberate linkages ». Dans Edouard Bustin, « The Limits of French Intervention in Africa: A Study in Applied Neo-colonialism », African Studies Center, n° 54, 1982, p.10.

[21] Bustin, « The limits of French intervention in Africa », p. 10‑12.

[22] François-Xavier Verschave, La Françafrique : le plus long scandale de la République, Paris, Éditions Stock, 1998, p. 55‑73.

[23] Le système Foccart est en réalité un réseau. Comme le remarque David Servenay, le réseau développé par Jean Foccart alias « Monsieur Afrique », consiste en une véritable toile d’araignée de relations interpersonnelles gravitant autour de la France et de lui-même. Il réussit donc, avec son système, à tirer profit sous toutes les dimensions possibles, ce qui explique en partie l’omniprésence des agents français en Afrique. Dans David Servenay, « Le système Foccart », dans Borrel et al., dir., L’Empire qui ne veut pas mourir: une histoire de la Françafrique, p. 275‑284.

[24] Jean-Pierre Bat, « Le rôle de la France après les indépendances Jacques Foccart et la pax gallica », Afrique contemporaine, vol. 235, n° 3, 2010, p. 43.

[25] Pierre Ndoumaï, Indépendance et néocolonialisme en Afrique : bilan d’un courant dévastateur, Paris,

L’Harmattan, 2011, p. 26.

[26] Patrick Dramé, « La base stratégique de Dakar, de l’aménagement au maintien (1942-1962) », Guerres mondiales et conflits contemporains, vol. 264, n° 4, 2016, p. 112.

[27] Nous pensons aussi aux études de Sylviane Guillaumont Jeanneney et Patrick Guillaumont, « Quel avenir pour les francs CFA ? », FERDI, n° 188, 2017, p. 1‑25 ; Demba Moussa Dembélé, Kako Nubukpo et Martial Ze Belinga, « Franc CFA : les termes nouveaux d’une question ancienne », Présence Africaine, n° 191, 2015, p. 237‑250.

[28] Le franc CFA a été créé en 1945 et signifie « franc des colonies françaises d’Afrique ». Sa portée est cependant bien plus qu’une simple « monnaie ». Dans la conclusion de l’ouvrage, l’économiste Bruno Tinel précise que le franc CFA crée un espace où les intérêts français prolifèrent au détriment du développement de l’Afrique, une conséquence directe de la relation inégale à cause du système qui maintient les Africains dans une position de dépendance économique. Cité dans Bruno Tinel, « Conclusion », dans Kako Nubukpo et al., dir., Sortir l’Afrique de la servitude monétaire : à qui profite le franc CFA?, Paris, La Dispute, 2016, p. 231-233.

[29] Demba Moussa Dembélé, « De la nécessité de la souveraineté monétaire dans les pays africains de la zone franc », dans Nubukpo et al., dir., Sortir l’Afrique de la servitude monétaire, p. 135‑136.

[30] Saïd Bouamama, « Planter du blanc »: chroniques du (néo)colonialisme français, Paris, Éditions Syllepse, 2019, p. 8‑17.

[31] Alexander Keese, « First Lessons in Neo-Colonialism: The Personalisation of Relations between African Politicians and French Officials in sub-Saharan Africa, 1956–66 », The Journal of Imperial and Commonwealth History, vol. 35, n° 4, décembre 2007, p. 594.

[32] Alexander Keese, « Building a New Image of Africa. “Dissident States” and the Emergence of French Neo-Colonialism in the Aftermath of Decolonization », Cahiers d’Études Africaines, vol. 48, n° 191, 2008, p. 513‑530.

[33] Borrel et al., dir., L’Empire qui ne veut pas mourir: une histoire de la Françafrique, p. 20.

[34] Notamment les articles suivants : Coralie Pierret et Laurent Correau, « Déstabiliser la Guinée pour défendre le pré carré », dans Borrel et al., dir., L’Empire qui ne veut pas mourir: une histoire de la Franc̜afrique, p. 245‑255 ; Ndongo Samba Sylla, « La laisse monétaire: contestation et consolidation du système CFA », dans Borrel et al., dir., L’Empire qui ne veut pas mourir: une histoire de la Françafrique, p. 383‑392 ; Fanny Pigeaud et Kalidou Sy, « Les écrivains africains défient le néocolonialisme français », dans Borrel et al., dir., L’Empire qui ne veut pas mourir: une histoire de la Françafrique, p. 441‑450 ; Maurin Picard, « Les mercenaires français à l’assaut du continent africain », dans Borrel et al., dir., L’Empire qui ne veut pas mourir: une histoire de la Françafrique, p. 407‑416 ; Borrel et al., dir., « Sous les “indépendance” Un néocolonialisme contre-subversif », dans Borrel et al., dir., L’Empire qui ne veut pas mourir: une histoire de la Françafrique, p. 183‑214.

[35] Barbara S. Monfils, « A Multifaceted Image: Kwame Nkrumah’s Extrinsic Rhetorical Strategies », Journal of Black Studies, vol. 7, n° 3, 1977, p. 313‑314.

[36] Ama Biney, « The Development of Kwame Nkrumah’s Political Thought in Exile, 1966-1972 », The Journal of African History, vol. 50, n° 1, 2009, p. 81‑85.

[37] Mark Langan, Neo-colonialism and the Poverty of « Development » in Africa, Cham, Springer Publishing Company, 2018, p. 231‑232.

[38] Victor Picquet, « La pensée panafricaniste de Kwamé Nkrumah à travers son ouvrage majeur : Africa Must Unite », Mémoire de maîtrise (histoire), Université de Sherbrooke, 2019, p. 107‑110.

[39] Claude Diakité (Charles Diané), Guinée enchainée ou le livre noir de Sékou Touré, Paris, D.A.C, 1972, p. 1‑20.

[40] Alpha Condé, Guinée : Albanie d’Afrique ou néo-colonie américaine?, Paris, Git le Coeur, 1972, 270 p.

[41] « Extension de l’impérialisme, outil du néocolonialisme et dissidents internes : la cinquième colonne dans la pensée de Touré regroupe plusieurs éléments se traduisant, comme il le dit, par un complot interne. Dans William Laguë, « Position déchirante et paroles coupantes : Sékou Touré, la cinquième colonne et le néocolonialisme », dans Patrick Dramé et Boris Lukic, dir., Commandement colonial, résistances et décolonisation : Une histoire de l’Afrique contemporaine, Sherbrooke, ÉDUS, 2022, p.194.

[42] Laguë, « Position déchirante et paroles coupantes », p. 205‑206.

[43] Mark Langan, Neo-colonialism and the poverty of « development » in Africa, Cham, Springer Publishing Company, 2018, p. 13-19.

[44] Langan, Neo-colonialism and the poverty of « development » in Africa, p. 13-19.