Introduction
Les Grandes Explorations européennes du 15e et du 16e siècle constituent un point tournant dans l’histoire européenne, sous plusieurs aspects. Elles permettent, entre autres, la constitution d’empires s’étendant outre-mer et génèrent des réseaux d’échanges mondiaux comme nul n’avait pu les concevoir auparavant. En parallèle des changements géopolitiques et économiques viennent également des changements de perception, de conceptualisation et de mentalité. Il en va ainsi pour la perception du monde en tant qu’espace dans la conscience européenne, qui subit les contrecoups de la prise de conscience d’un Nouveau Monde et, au 16e siècle, d’un nouveau continent.
La notion de monde et la façon dont elle est perçue à la Renaissance sont étudiées depuis la fin des années 1970 et les années 1980. Nous pouvons souligner l’article de Robert Melançon, « Terre de Caïn, âge d’or, prodiges du Saguenay[1] », paru en 1979. Il y défend l’idée que l’Amérique a été invisibilisée par les Européens de la Renaissance[2]. D’autres, comme Alfred A. Cave[3], abordent le sujet à travers l’ethnographie et la vision de propagandistes modernes comme Richard Hakluyt.
Au cours des années 1990 et 2000, l’historiographie et la recherche continuent de s’intéresser aux enjeux que représentent les notions de monde et d’espace pour le 16e siècle européen. Des auteurs comme Frank Lestringant, Tzvetan Todorov ou Paul Zumthor s’intéressent alors à la perception de l’Amérique chez les Européens au 15e et 16e siècle dans une approche plus large englobant une notion large du concept « d’Europe »[4].
C’est également le cas des chercheur(e)s Thomas Gomez et Alban Berson, dont les recherches se concentrent autour des mythes entourant l’Amérique et de leur construction géographique[5]. Gomez s’intéresse surtout à l’imaginaire qui entoure le Nouveau Monde et ceux qui se le sont approprié. Il se concentre sur le cas de l’empire espagnol[6].
Plus récemment, Berson utilise principalement les cartes comme sources pour démontrer l’application d’une « mythologie » au Nouveau Monde[7]. Il convient ici de continuer dans le sens apporté par Gomez, Zumthor, Berson et d’autres, tout en rejetant l’hypothèse d’une Amérique ignorée comme le propose Melançon, ou bien basée sur une approche ethnologique.
Comme le démontre cette riche historiographie, l’apparition d’un élément nouveau dans la conception de l’espace-monde au sein de la conscience européenne mène nécessairement à des questionnements pour toute personne s’intéressant aux dynamiques qu’inclut un tel processus. En effet, l’Europe médiévale a une conscience d’un espace-monde, du moins chez une certaine élite, comme en témoigne la « conscience européenne », ou la conception de « Chrétienté », soit un espace déterminé par son identité majoritairement et fondamentalement chrétienne, qui se concrétise de plus en plus à la fin du Moyen Âge[8]. En prenant comme point de départ les postulats d’une notion définie d’espace-monde chez les Européens modernes et chez les Européens médiévaux, certaines questions apparaissent nécessairement : en quoi ces deux perceptions sont-elles liées ? Comment la perception du monde et de l’espace « périphérique » des Européens change-t-elle lors de la transition entre le Moyen Âge tardif (12e-15e siècles) et la Renaissance (1450-1600) ? Y a-t-il une continuité avec les paradigmes de la fin du Moyen Âge, ou bien une rupture ? Comment le cas français dans les « Terres-Neuves[9] » est-il représentatif de la perception de l’espace mondial et américain de la Renaissance ? De quelle manière celui-ci se démarque-t-il dans le colonialisme qui lui est propre?
Le présent texte a pour objectif de répondre à ces questionnements à travers le cas des explorations et des tentatives coloniales françaises au 16e siècle, qui s’inscrivent d’ailleurs dans des paramètres très semblables à ceux observables chez les Anglais, les Espagnols et d’autres Européens traversant l’Atlantique. Fort est à parier que la perception de l’espace chez les Européens de l’Époque moderne n’est pas en rupture totale avec les modèles observables au Moyen Âge, mais qu’elle découle plutôt de modifications et d’un effritement de la perception médiévale, transformant celle-ci. Loin de représenter un tournant fatidique, l’entrée dans l’époque moderne constitue plutôt une période de transition dans la perception de l’espace chez les Européens, qui se transcrit notamment à travers les efforts exploratoires et coloniaux qui marquent la fin du 15e siècle et l’entièreté du 16e siècle. Le cas français, principalement situé dans les « Terres-Neuves », est représentatif de la colonisation au sens large dans ses structures, mais comporte des particularités qui permettent de le définir.
La présente recherche se base sur le postulat d’une hétérogénéité de la colonisation européenne au 16e siècle. Il serait réducteur de supposer que l’ensemble des colonisations ne se résume qu’à une seule structure commune, oblitérant par le fait même les particularités régionales et nationales. En conservant l’a priori que les relations entre Américains (autochtones) et Européens sont fondamentalement coloniales, paternalistes et patriarcales, le présent texte a pour objectif de faire ressortir les particularités du cas français.
Pour soutenir l’hypothèse présentée ci-dessus, nous utilisons un corpus de source composé de récits de voyage et de cartes du 16e siècle. Comme il s’agit d’une étude d’un cas précis, les sources utilisées sont la première Relation de Jacques Cartier et le récit du voyage de Roberval[10]. Les cartes d’Arnoldi[11], Mercator[12] et Jansson[13] viennent également appuyer la démonstration. Le choix de ces sources s’explique par le fait que nous voulons ici analyser le cas précis des deux explorateurs français. Les textes sont spécifiquement choisis puisqu’il s’agit des premières traces de contact avec le Nouveau Monde attribuées à ceux-ci.
Ainsi, le texte se divise en trois parties. La première se concentre sur la description et la synthèse de l’espace-monde perçu durant le Moyen Âge tardif en Europe. La seconde partie analyse dans son ensemble les impacts des grandes explorations pour saisir le contexte auquel participent les explorateurs français (ou naviguant au nom de la France). La dernière partie s’intéresse au cas des explorateurs et colonisateurs français Jacques Cartier et Jean François de La Rocque, Sieur de Roberval, pour comprendre comment ceux-ci s’inscrivent dans les paradigmes de perception spatiale et de relation à « l’Autre ».
1.L’espace-monde et le Moyen Âge tardif (11e-15e siècles)
Le Moyen Âge n’est pas une période exempte de représentations de l’espace et du monde, et encore moins de perceptions de ceux-ci. Cependant, la conception du monde qui lui est propre diffère grandement de la façon dont elle est envisagée et schématisée en Occident à l’époque moderne. La vision médiévale, qu’il faut s’abstenir d’observer comme erronée, naïve ou irréelle, constitue le fondement incontournable du monde comme les modernes le structurent et le visualisent. Cette vision du monde se concrétise notamment à travers ce qui est déterminé par « l’Autre », occupant à la fois un espace périphérique tout en étant lui-même un espace (voire un non-lieu) d’un point de vue social[14].
1.1. Du centre à la périphérie
Comme toute époque, le Moyen Âge, et plus précisément les personnes qui vivent durant la période, perçoivent et interprètent l’espace selon un paradigme qui leur est propre. Le centre en soi, comme le montre Paul Zumthor, se définit nécessairement par ce qui correspond au « nous »[15]. Il en va ainsi dans un micro ou dans un macro système. Pour l’être humain du Moyen Âge composant la masse populaire, le « centre » de son espace est sa terre et sa communauté, c’est-à-dire lui-même, comme l’ont théorisé Jacques Le Goff[16] et Zumthor[17]. Il s’agit surtout d’une généralité applicable à une société presque exclusivement ruralisée, et pour qui la terre est l’unité de base de la subsistance. Ainsi, ce qui est cultivé, ce qui est tenu par le processus d’inféodation et qui est défriché, construit et anthropisé, est le centre de l’espace perçu par les médiévaux. À l’inverse, ce qui est sauvage, intouché ou inchangé par l’Homme est souvent zone périphérique, voire zone d’exclusion ou de non-lieu. L’exemple le plus concret est sans contredit la forêt, véritable monde en dehors de celui des hommes à l’époque médiévale[18]. Ainsi, la forêt est un monde à la fois fabuleux et fascinant, mais également effrayant, craint et dépeint comme un lieu de terreur. Hélène Gallé et Danielle Quéruel, dans leur article « La forêt dans la littérature médiévale[19] », expliquent comment la forêt est présentée, parallèlement aux descriptions qui se veulent encyclopédiques, par des descriptions à la fois emplies de symbolisme et de crainte entourant les espaces forestiers[20]. Gallé et Quéruel expliquent ainsi, à travers la littérature, comment la forêt est perçue en tant « qu’extérieur » au monde des hommes (centre) : « Plus [Yvain] avance et plus il s’enfonce dans une nature sauvage et désertée par l’homme […] La forêt, décrite de façon très sommaire, apparaît donc comme un espace sans horizon, qui circonscrit et emprisonne le voyageur[21] ».
Les deux chercheuses utilisent ici un mot qui résume en grande partie l’espace, ou plutôt les espaces périphériques au Moyen Âge : « sauvage[22] ». La notion de sauvagerie est primordiale pour décrire la forêt, mais également d’autres espaces périphériques, d’exclusion ou non-lieux. Plus important encore, la conception de sauvagerie (mise en parallèle avec celle de civilité) dérivant des perceptions spatiales médiévales entourant la forêt n’est pas étrangère, bien au contraire, aux dynamiques exploratoires et coloniales de la période moderne. Nous y reviendrons plus tard.
1.2. Un monde en trois parties
Au Moyen Âge, l’espace et le monde sont définis en grande partie par la relation au sacré, élément central et omniprésent dans l’imaginaire médiéval[23]. La conception du monde n’échappe pas à cette hégémonie du sacré, mais celle-ci est également comprise à travers sa réalité physique et les limitations géographiques de l’époque. Ainsi, le monde est schématisé en trois parties : l’Europe, l’Afrique et l’Asie (ou l’Orient)[24].
L’Europe médiévale, dans l’imaginaire et la conscience collective qui marquent la fin du Moyen Âge, conceptualise l’Europe comme la délimitation plus ou moins exacte de ce qui est alors appelé « Chrétienté »[25]. Concept géopolitique à tendance arbitraire, celui-ci se définit surtout par rapport à ce que n’est pas l’Occident médiéval plutôt qu’à son identité propre. Ainsi, la Chrétienté s’arrête là où commence l’Autre, l’exclu, avec comme seule séparation une zone tampon, plus ou moins étanche d’un point de vue à la fois géographique et identitaire[26].
Cette zone tampon, qu’on peut considérer comme une marge de l’espace central qu’est l’Europe dans la conceptualisation du monde chez les Occidentaux médiévaux, correspond alors aux territoires chrétiens et populations chrétiennes schismatiques ainsi qu’aux derniers foyers de « paganisme » qui subsistent en Europe[27] (au sens actuel du terme). Par exemple, Byzance et son empire, séparés du catholicisme depuis 1054[28], constituent en grande partie la zone mitoyenne qui sépare la Chrétienté des zones périphériques d’exclusion, donc non chrétiennes.
Un changement important vient cependant à s’opérer vers la fin du Moyen Âge (11e-15e siècles). L’Orient, espace de mystère, d’hérésie et de merveilleux, se concrétise de plus en plus comme une frontière, un espace à conquérir pour repousser les limites de la Chrétienté[29]. Les croisades, événements spatiaux et temporels, témoignent de cette nouvelle vision, qui marque moins une rupture qu’un tournant dans l’interprétation et la relation de l’Occident avec le monde[30]. Le phénomène des croisades devient en quelque sorte l’expression première d’une volonté européenne de conquérir l’espace en dehors des frontières qui prévalent jusqu’au début du second millénaire. N’affectant pas uniquement la fin du Moyen Âge, cette nouvelle vision dynamique du monde constitue le fondement de la formation des grands empires européens d’outre-mer à partir de la Renaissance[31].
2. Les explorations et le « Nouveau » Monde
Les grandes explorations européennes, souvent associées à la chute de Constantinople[32], représentent un tournant majeur dans l’histoire occidentale et, plus largement, dans l’histoire du monde. Il s’agit du point culminant de l’ouverture européenne vers l’extérieur de son espace « vital » ou « fondamental », entamée lors des croisades. Pourtant, les explorations et les colonisations sont intrinsèquement liées à l’espace, qu’il soit utilisé, conquis ou perçu. La compréhension des colonisations passe par celle de l’espace colonial, tout comme la notion d’Amérique se construit à travers des dynamiques spatiales. Elles constituent des entreprises à la fois militaires et privatisées, économiques et territoriales, touchant irrémédiablement à la notion même d’espace.
2.1. Une nouvelle conception du monde
Les Amériques, comme tout espace modelé et conçu, sont avant tout un construit. C’est-à-dire que celles-ci subissent un processus de structuration, de conceptualisation et de matérialisation qui permet, au fil de ce développement, d’arriver au concept « des Amériques » comme le conçoivent les Européens modernes (au pluriel dans ce cas-ci). Pourtant, les Amériques comme espace concret existent bien avant d’entrer dans la conscience des Européens.
Avant même que les Européens ne prennent conscience de l’existence de terres fermes entre l’Europe et l’Asie (qu’on appelle longtemps d’ailleurs « Indes occidentales »), l’espace qui devient les Amériques connaît déjà des réalités qui précèdent la période de contact. Ainsi, le continent est habité par de nombreuses populations ayant leurs propres dynamiques. Au milieu et au sud du continent, le territoire est occupé par de grands ensembles civilisationnels[33]. Plus au nord, la situation est différente. C’est dans cette partie du continent que les Français ont les contacts les plus concrets au 16e siècle.
Le territoire du Canada actuel est déjà grandement peuplé et comporte des dynamiques régionales précises lors des contacts de la fin du 15e siècle et du 16e siècle. Dans la région laurentienne et des Grands Lacs se trouvent alors des populations iroquoiennes[34], seuls autochtones américains de la région à pratiquer l’agriculture[35]. Ailleurs en Amérique, les populations ont un mode de vie basé sur la chasse et la cueillette[36].
D’après le géographe et historien Cole Harris, les populations habitant l’Amérique du Nord n’ont alors pas conscience d’un espace continental américain (du moins dans sa section nord)[37]. Pourtant, ils conceptualisent et perçoivent leur espace de manière régionale. Leur compréhension du territoire et les différents modes de vie prouvent l’adaptabilité des populations à l’espace et aux réalités spatiales qui les entourent. Mais ces adaptations sont fondamentalement régionales[38]. Ceci laisse sous-entendre que les autochtones du nord-est de l’Amérique du Nord n’ont pas de conscience de l’espace continental à proprement parler. Les « Amériques » sont donc un concept fondamentalement européen, qu’il serait anachronique de percevoir sous une quelconque forme avant la période de contact (à l’exception d’une utilisation du terme pour des raisons purement pratiques). Elles sont donc un construit uniquement et purement européen, qui prend ses racines dans les entreprises d’exploration et de colonisation. Mais l’espace continental concret, qui devient, au 16e siècle, les « Amériques », est déjà réalité, notamment parce qu’il est habité et vécu par certaines populations.
Le cas des pêcheurs de morue dans les eaux entourant Terre-Neuve démontre également comment les Amériques pensées se construisent et apparaissent bien après les Amériques comme espace réel pour les Européens. Comme l’a démontré récemment Laurier Turgeon, la pêche à la morue est l’une des activités économiques les plus importantes du Nouveau Monde au 16e siècle[39] et elle précède même les « découvertes » et les expéditions[40]. Pourtant, cette activité s’enracine dans les pratiques maritimes et commerciales européennes « sans que l’on se doutât encore de l’existence d’un continent tout proche[41] ». Ainsi, l’espace réel ou utilitaire précède inévitablement la construction même d’un espace américain imaginé.
L’exemple de la célèbre arrivée de Christophe Colomb sur l’île d’Hispaniola (aujourd’hui Haïti) est encore plus éloquent sur ce point. Elle lui vaut autrefois la réputation de « découvreur » de l’Amérique, bien qu’elle n’ait en rien l’apparence d’une découverte complètement nouvelle pour le principal intéressé. Colomb débarque dans les Caraïbes avec la certitude d’être arrivé en Asie[42]. Le navigateur n’a donc aucune notion ni conceptualisation de l’Amérique lorsque celui-ci met les pieds dans le Nouveau-Monde.
Il est donc important de partir du principe que les « Amériques » ne sont pas un phénomène objectif, qui émane de quelconques dynamiques naturelles (à l’exception de l’espace concret, mais qui n’est alors pas conceptualisé comme « Amériques »). Il s’agit d’une construction basée sur des perceptions et des interprétations, dont la structure s’édifie parallèlement au développement du colonialisme européen.
Si les Amériques sont l’espace construit que nous venons d’exposer précédemment, il est possible de croire que celles-ci se calquent parfaitement aux phénomènes perceptifs et spatiaux du Moyen Âge. Pourtant, certains éléments subissent des changements, marqueurs d’une nouvelle réalité spatiale, tout en démontrant l’héritage médiéval indiscutable qui fait office de fondation.
La différence la plus importante provient d’un changement dans les perceptions d’espace périphérique des Européens. Alors que l’éveil des croisades de la fin du Moyen Âge fait de l’Orient, autrefois lieu mythique, empli de monstres et de créatures étranges menant au paradis[43], une frontière à conquérir, cette frontière se voit remplacée. La volonté européenne et chrétienne de conquérir l’espace, d’extérioriser l’espace-monde chrétien s’axe, pour l’ensemble de la fin du Moyen Âge, autour de l’Orient[44]. Les explorations démontrent un détournement de cette frontière pour étendre la conquête territoriale dans l’Atlantique. Paul Zumthor exprime habilement, dans un langage très littéral, il faut le souligner, le phénomène soulevé ici :
« [L’esprit européen] découvrait un « Nouveau Monde » de terre sans fin, regardant vers l’intérieur, enfermé dans son destin de solitude. Tout s’y absorbe et rien ne se synthétise, en un vertige de mouvement centripète, une dissolution du corps propre, une négation des racines et des lieux nourriciers. Espace, pour l’Européen, de rencontre, non d’origine. D’où l’absorption, la propension au métissage, mais l’individualisme en même temps que l’hétérogénéité de chacun. Le Moyen Âge d’avant 1492 n’avait rien connu de tel[45] ».
Ainsi, ce nouvel axe de conquête prend forme d’abord à travers la Reconquista espagnole, qui prend fin avec la chute de Grenade en 1492[46]. Lorsque les Amériques se transforment irréfutablement en frontière, les mêmes fabulations qui affligent, quelques siècles auparavant, l’Orient et les forêts « désertes[47] » de l’Europe médiévale, s’y installent
Les Amériques sont donc, tout au long du 16e siècle, associées aux monstres. En témoigne la carte des Italiens Arnoldo di Arnoldi et Florimi Matteo (Figure 1) (environ 1600)[48] ainsi que celle de Gerhard Mercator (Figure 2) (1569)[49]. La première représente notamment ce qui s’apparente à deux « monstres marins » dans les eaux entourant le continent américain[50]. La seconde montre la vice-royauté du Pérou, montre celle-ci comme habitée par une créature difficilement identifiable, sorte de rongeur à tête humaine, alors que les eaux au large de la vice-royauté sont représentées comme habitées par un poisson à tête de dragon, sans oublier les êtres « gigantesques[51] » qui peuplent, selon la croyance de l’époque, la Patagonie[52].
Alban Berson, dans son ouvrage L’île aux démons et autres mirages cartographiques de l’Amérique du Nord, fait un constat semblable. En plus de nombreuses autres cartes et mythes, il analyse les représentations des « îles aux démons[53] » sur différentes cartographies de l’Amérique du Nord daté du 16e siècle[54]. L’auteur parvient ainsi à la même observation que nous permettent de faire les cartes mentionnées précédemment. Les monstres attribués au continent américain ne sont donc pas des cas isolés.
Représentation malhabile ou imaginée d’êtres réels, ces figures reprennent pourtant les éléments de périphérie présents au Moyen Âge, comme la sauvagerie et le paganisme. Ce n’est ainsi plus uniquement l’Orient ou les forêts européennes qui font office de frontières, peuplées d’inconnus, mais surtout les Amériques, nouvelles frontières périphériques du monde européen.
La notion « d’Autre » est également chamboulée par l’entrée des Amériques dans la conscience européenne. Alors que « l’Autre » est incarné par le sarrasin, le juif et le païen au Moyen Âge[55], ceux-ci sont lentement remplacés (sans disparaître pour autant) par le mythe du « sauvage[56] » et « les peuples éloignés, d’apparence inhabituelle ou de culture mal compréhensible, que l’on découvre en Afrique et en Amérique deviennent les Autres par excellence… [57]». Le « sauvage » n’est pourtant pas une rupture plus qu’une évolution dans la relation à l’autre, à l’exclu. En ce sens, le « sauvage » n’est pas nécessairement un hérétique, s’éloignant ainsi de « l’Autre » le plus important du Moyen Âge : le musulman[58]. Il se rapproche plutôt de l’idée de sauvagerie, qui caractérise l’espace et les éléments périphériques immédiats, comme la forêt[59], ou bien le païen[60]. Cet élément, comme nous le verrons, est particulièrement vrai chez les Français. Il s’agit là de l’une des particularités mêmes de la relation entre la France et les Amériques.
2.2. L’appropriation de l’espace
La conceptualisation de l’espace et la notion « d’Amérique », au-delà du processus de construction qu’elles représentent, subissent une appropriation réelle parallèlement à celui-ci. Ainsi, les Amériques sont à la fois espace perçu et espace réel. En tant qu’espace, les Amériques subissent un processus d’appropriation par les Européens, qui cherchent à concrétiser l’espace en l’occupant. Cependant, les méthodes d’appropriation sont multiples et propres, en proportion, à chaque participant dans l’exploration, la colonisation et la conquête du nouveau continent. Il importe donc de prendre conscience des différentes dynamiques d’appropriation de l’espace applicable aux Amériques.
2.2.1. L’appropriation de l’espace par la conquête
L’une des méthodes les plus célèbres est la conquête au sens militaire du terme. Il s’agit alors d’une conquête totale et expéditive de l’espace, dont la conquête militaire est en quelque sorte la porte d’entrée. L’empire espagnol est probablement l’État-empire le plus représentatif à ce niveau. Royaume grandement militarisé après de nombreux siècles de Reconquista, l’Espagne a à sa disposition les moyens et les mentalités nécessaires pour une telle conquête[61]. Ainsi, dans le premier tiers du 16e siècle, les Espagnols passent par la conquête de l’empire aztèque puis inca avant d’établir des occupations durables sur le continent américain[62]. La conquête prend de l’importance surtout dans les régions comportant de grands ensembles, comme en Mésoamérique.
2.2.2. L’appropriation économique
La colonisation et la conquête des Amériques sont avant tout des entreprises économiques, qui ont pour objectif de mettre en place un système d’enrichissement de la métropole, nommé le plus souvent mercantilisme[63]. Le colonialisme de l’époque moderne est directement lié à l’essor du capitalisme, qui s’exprime longtemps sous des formes d’économie mercantile, moteur fondamental des dynamiques et des empires coloniaux[64]. Cependant, certains colonialismes du 16e siècle sont principalement marqués par des dynamiques à fondement économiques. Les Français (au sens large), en dehors des tentatives d’implantation de population, s’ancrent dans le Nouveau Monde dès le 16e siècle à partir d’une conquête de l’espace économique américain. Cette appropriation économique se traduit par des activités commerciales comme la pêche à la morue, le commerce des fourrures ou bien la chasse à la baleine[65].
2.2.3. L’appropriation de l’espace par le « bâti » et le « construit »
La dernière forme d’appropriation de l’espace, cette fois répandue à l’ensemble des puissances coloniales, est celle accomplie par le « bâti » et le « construit » au sens le plus large de ces termes. Cette appropriation inclut l’installation de constructions physiques quelconques, tout comme la mise en place de l’identité d’un espace. Cette appropriation s’accomplit ainsi à travers l’édification de forts, de ports de pêche, de villes (comme le fort improvisé construit par Colomb lors de son premier voyage[66]), mais également par des éléments identitaires, comme les toponymes. Par exemple, les toponymes généraux comme « Terres-Neuves » ou bien « Nouvelle-Espagne » contribuent à cette appropriation par le construit.
3. Le cas colonial français
Historiquement, la couronne française entre dans la course coloniale tardivement, comme c’est également le cas pour l’Angleterre[67]. Pourtant, les explorations et les tentatives coloniales françaises reprennent des dynamiques économique et toponymique qui leur donnent une importance dans les entreprises coloniales dès le 16e siècle. Le cas français comporte cependant ses propres spécificités, qui sont exposées à travers divers exemples dans cette section.
3.1. Un retard français ?
L’historiographie entourant le colonialisme français au 16e siècle a souvent pris le parti d’un échec colonial. On supposait ainsi que le colonialisme français n’avait été qu’une série d’échecs, sans implantation réelle dans les Amériques. La colonisation française serait alors devenue un élément concret seulement à partir du 17e siècle[68], avec notamment l’implantation durable de systèmes urbains et seigneuriaux dans la vallée du Saint-Laurent[69].
Cette impression d’échec s’explique de différentes manières. Premièrement, elle prend racine dans l’échec d’implantation durable de l’éphémère colonie de Cartier et Roberval, installée au début des années 1540. La tentative coloniale subit alors un double échec : d’abord celui de Cartier, lors de la première année, puis celui de Roberval, qui reprend les installations de Cartier avant de quitter quelques mois plus tard[70]. La finalité des ambitions coloniales de Cartier et Roberval s’interprète donc majoritairement comme un échec.
Deuxièmement, les ambitions coloniales et de peuplement français, notamment portées par les huguenots, sont également écourtées en Floride et au Brésil. L’illusoire rêve de la « France antarctique[71] » se trouve écourté par des échecs et des attaques, et les tentatives en Floride, lors de la décennie 1560, subissent à la fois des problèmes géopolitiques français et de la convoitise des Espagnols[72]. Ces deux autres échecs signent en effet la fin des tentatives d’installation de peuplement dans le Nouveau Monde pour le 16e siècle. Il faut attendre le début du 17e siècle avant que la France ne s’engage sur une voie de peuplement dans la région laurentienne et les Terres-Neuves.
Cependant, il est erroné de croire que les échecs d’installation de population française signifient l’échec du colonialisme français au 16e siècle. En effet, si l’installation permanente de populations ne fonctionne pas pour l’ensemble du siècle, l’implantation et l’appropriation économiques du territoire sont de puissants vecteurs du développement colonial français. En témoignent notamment la pêche et le commerce de morue. Devenue l’activité économique la plus importante dès la moitié du 16e siècle, la pêche mène à l’implantation durable des Français et autres Européens (administrativement et au niveau des navires)[73]. Il en va de même pour le commerce des fourrures[74], ou encore la chasse à la baleine vers le milieu et la fin du 16e siècle[75]. Ces différentes activités économiques institueront une présence permanente, diversifiée et étendue dans les Terres-Neuves et la région laurentienne.
À partir de cette optique, en considérant l’espace colonial économique que représente le Canada à l’époque, il serait anachronique d’affirmer que le colonialisme français est un échec avant le 17e siècle. L’instauration du régime seigneurial dans la vallée du Saint-Laurent (et en Acadie)[76] n’est probablement qu’une seconde étape dans le développement du système colonial français en Amérique du Nord.
3.2. La morue : un exemple d’appropriation économique du territoire
Les méthodes d’appropriation coloniale du territoire sont diverses en Amérique. Toute nation pratiquant le colonialisme les applique dans une certaine mesure. Ainsi, les nations ont tendance à pencher, lors des débuts du colonialisme, vers l’une ou l’autre des méthodes de manière plus importante, sans pour autant ignorer les autres. Il en va ainsi des efforts coloniaux français (privés ou étatisés).
Comme mentionné précédemment, aucune des tentatives d’implantation de population menées par la France au 16e siècle n’est un succès. Elle ne participe pas non plus à une conquête militaire majeure, comme ce c’est le cas, plus au sud, pour les Espagnols[77]. Cependant, la France accomplit une colonisation de l’espace économique très efficace, et donc de l’espace réel.
L’exemple le plus frappant est celui de la pêche et du commerce de la morue. Commençant au tout début du 16e siècle, cette activité économique connaît son apogée au autour de 1550[78], pour éventuellement être graduellement dépassée par le commerce des fourrures, alimenté par la mode des chapeaux de feutre[79]. Pourtant, ce commerce lucratif permet l’établissement d’une présence quasi permanente des Européens aux Terres-Neuves, surtout par les Français (Normands, Bretons, Basques…). Laurier Turgeon évalue qu’à son apogée au 16e siècle, la pêche à la morue mobilise environ 500 navires partant de la France (non unifiée) chaque année, sans compter les 200 à 250 autres navires provenant du reste de l’Europe[80]. La morue représente un élément de dynamisme spatial tellement important qu’on n’hésite pas à faire des bancs de morue des éléments territoriaux et spatiaux, voire des lieux en eux-mêmes, puisqu’ils sont à la fois représentés et utilisés[81]. Dans cette optique, « […] le Banc devient un « lieu pratiqué », dans le sens que Michel de Certeau a donné à ce terme, c’est-à-dire un lieu où se déploie une stratégie d’appropriation de l’espace[82]. » En témoignent certaines cartes de l’époque, notamment celle de Jan Jansson, parue autour de 1652. Dans sa représentation de l’Amérique du Nord septentrionale, Jansson intègre ouvertement les bancs de morue comme de véritables lieus qui s’intègrent à l’espace continental qu’il décrit (Figure 3)[83]. Celui-ci va jusqu’à nommer les bancs. Cette pratique s’insère aussi dans le processus d’appropriation de l’espace et de conception du lieu[84].
L’industrie de la morue participe à faire des Terres-Neuves un espace colonial économique. De plus, à travers cet axe principal d’appropriation de l’espace américain (ou plutôt d’une partie de celui-ci), d’autres éléments ressortent comme les conséquences logiques de ce déploiement d’une conquête économique de l’espace. Par exemple, les entreprises morutières nécessitent des installations rudimentaires, mais qui permettent tout de même une appropriation du territoire par le bâti. Jacques Cartier lui-même, dans sa première relation de voyage dans le golfe du Saint-Laurent, mentionne à de nombreuses reprises la présence d’hâbles, sortes de constructions portuaires semi-permanentes[85]. Ainsi, à travers une colonisation qui passe en premier lieu par une appropriation de l’espace économique, s’accomplit également une appropriation de l’espace concret par le bâti (même si limité). Ces installations prennent la forme de petits camps de pêche, composés de structures légères, surtout utiles pour la pêche saisonnière à la morue sèche[86].
Les activités de pêcherie participent également à générer des contacts entre Autochtones et Européens. Un double processus s’accomplit par ces contacts : une rencontre de l’Autre, et une appropriation de l’Autre et du territoire. Ainsi, en plus d’exploiter le territoire pour ses ressources, les échanges participent à établir les fondements de ce que deviendra le colonialisme français au 17e siècle.
3.3. Les textes de Cartier et Roberval : perception, représentation et interprétation
Pour bien comprendre la relation qui existe entre le colonisateur et l’espace qu’il perçoit, il convient d’étudier des cas français précis. Cette dernière section vise à analyser le discours spatial à travers les voyages de Jacques Cartier et de Jean-François de La Rocque de Roberval, deux personnages qui participent activement aux explorations des Terres-Neuves et du Saint-Laurent ainsi qu’aux efforts coloniaux français dans la première moitié du 16e siècle[87].
3.3.1. Cartier et les « Sauvages »
Jacques Cartier, navigateur malouin expérimenté, dirige 3 expéditions au Canada de 1534 à 1543[88]. Ces expéditions ne sont d’ailleurs pas ses premières dans les eaux nord-américaines. Cartier participe à l’expédition de Verazzano en 1524[89], alors que le navigateur italien longe la côte est de l’Amérique du Nord[90]. On lui attribue ainsi, à tort, le titre de « découvreur du Canada[91] ». Malgré tout, Cartier est en soi un personnage et un élément incontournable du colonialisme français au 16e siècle. Celui-ci laisse également à la postérité des récits de voyages[92] qu’il convient d’explorer et d’exploiter ici.
Lors de son premier voyage de 1534, Cartier laisse une description du territoire américain qu’il explore et découvre. Celui-ci donne, de prime abord, un exemple très concret d’appropriation de l’espace. Cartier a le réflexe très colonial de nommer les endroits et les choses qu’il observe. Il nomme ainsi une baie qu’il découvre au sud de l’embouchure du Saint-Laurent « Baie des Chaleurs[93] » (toponyme toujours utilisé aujourd’hui). Il en fait de même avec d’autres lieux, comme le « Cap Double », qu’il nomme lors du même voyage. Ce type de toponymes français peut sembler anodin à première vue. Pourtant, ils participent au processus d’appropriation de l’espace et du territoire, en changeant la façon dont ceux-ci sont perçus. L’utilisation de nouveaux toponymes, parfois décidés de manière spontanée et expéditive, permet alors de « franciser » l’espace, notamment en l’identifiant et en le délimitant. Ce qui était un non-lieu (terre inconnue) se transforme en un espace reconnaissable approprié, donc un lieu en soi. Plus encore, ceci permet de modifier et de diminuer la relation d’altérité entre l’explorateur et l’espace qu’il « découvre ». En réduisant les tensions d’altérité de la sorte, un processus de repoussement de l’espace périphérique est mis en place. Les Amériques, qui représentaient une frontière dans leur ensemble, se voient elles-mêmes, par ce processus, devenir un espace divisé entre lieu et non-lieu, centre et périphérie.
Ce même processus s’accomplit également chez Cartier lorsque celui-ci ramène le territoire à des conceptions européennes, erronées, mais typiques de l’homme de son temps qu’est l’explorateur malouin. Dans ce sens, il présente un réflexe d’association biblique des éléments qu’il perçoit. L’une des terres qu’il visite est alors interprétée comme la terre donnée à Caïn, notamment à cause de son aridité et de son improductivité supposée :
« Si la terre estoit aussi bonne qu’il y a bon hables se seroit ung bien, mais elle ne se doibt nonmer Terre-Neuffve, mais pierres et rochiers effarables et mal rabottez car en toute ladite coste de nort je n’y vy une charetée de terre et si descendy en plusseurs lieux. Fors à Blanc Sablon il n’y a que de la mousse et de petiz bouays avortez. Fin j’estime mieulx que autlrement que c’est la terre que Dieu donna à Cayn. Il y a des gens à ladite terre qui sont assez de belle corpulance mais ilz sont gens effarables et sauvaiges[94] ».
Par la comparaison théologique que fait Cartier, celui-ci participe au déplacement de la perception du monde par les Européens à la Renaissance. Alors que monde et théologie se rencontrent en Orient lors du Moyen Âge, ce même phénomène a tendance à se déplacer à l’ouest avec la période de contact Europe-Amérique[95]. Cartier démontre ici à quel point ce transfert de perception est un élément probant des explorations et du colonialisme de la Renaissance. Il s’agit donc d’un processus à la fois de changement dans la perception de l’espace-monde, mais également dans l’appropriation d’un lieu périphérique dans ce même espace-monde.
Cartier n’est d’ailleurs pas le seul à faire une analogie de la sorte. Marie-Christine Pioffet, dans un article intitulé « Gaulois et Souriquois à travers les mailles de la généalogie lescarbotienne[96] », démontre comment, même au 17e siècle, ces analogies sont monnaie courante dans l’analyse des populations et de l’espace américains[97]. L’auteure a, entre autres, une forte tendance à associer les Américains (autochtones) aux différentes tribus bibliques. Par exemple, les Gaulois sont mis en rapport avec les populations des Terres-Neuves, retraçant les origines des deux groupes à la même tribu de l’Ancien Testament[98].
Ces référents bibliques, présents chez Cartier[99] comme chez d’autres[100], ont leur importance dans le cas français. Ils démontrent une tendance à réduire l’altérité entre le territoire, ses résidants et les Français, participant par le fait même à la volonté des Français d’établir un rapprochement et des échanges avec « l’Autre ». Cette conception biblique, conjuguée avec une attitude axée sur les échanges et le commerce présentée précédemment, se veut pacifique, voire cordiale, auprès des autochtones.
Mais les traces les plus pertinentes que nous laisse derrière lui Cartier concernent surtout le rapport à « l’Autre ». En effet, les régions visitées par Cartier sont peuplées par les autochtones nord-américains, notamment les Béothuk, les populations d’origines algonquiennes et les Iroquoiens du Saint-Laurent (notamment ceux originaires de Stadaconné, étant en expédition saisonnière loin du territoire qu’ils habitent normalement)[101]. L’explorateur entre en contact avec eux à plusieurs reprises au cours de ses voyages. Il en fait d’ailleurs un témoignage fort intéressant lors de sa présence dans la Baie des Chaleurs :
« Le jeudi VIIIe dudit moys [de juin] pour ce que le vant n’estoict bon pour sortir o* nos navires esquippames nosdites barcques pour aller descouvriz ladite baye et courimes celuy jour dedans environ XXV lieues. Et le landemain au matin eumes bon temps et fysmes porter jusques environ dix heures du matin à laquelle heure eusmes congnoissance du font de ladite baye dont fusmes dollans et masriz. Au font de laquelle baye y advoict par dessur les bassez terres des terres à montaignes moult haultes. Et en voyant qu’il n’y abvoict passaige commanczames à nous en retournez. Et faisant nostre chemyn le long de la coste vismes lesdits sauvaiges sur l’oree d’un estanc et basses terres queulx fessoint plusieurs feuz et fumees. Nous allames audit lieu et trouvames qu’il luy abvoict une antree de mer qui entroict oudit estanc et mysme nosdites barcques d’un côté de ladite entree[102] ».
Le présent extrait permet de comprendre comment « l’Autre » qu’est l’autochtone s’inscrit dans la perception de l’espace. Il fait partie intégrante de l’espace et est donc intrinsèquement lié à celui-ci dans le discours entourant les éléments spatiaux[103]. Mais « l’Autre » est aussi et surtout altérité. Cartier, de nouveau, en témoigne dans ses écrits :
« [Les sauvaiges] ont leurs cheveulx liez sur liez leurs testes en faczon d’une pongnye de fain teurczé et ung clou passé par my ou aultre chosse et y lient aulcunes plumes de ouaiseaulx. Ilz se voistent de peaulx de bestes tant hommes que femmes, mais les femmes sont plus closes et serres en leursdites peaux et sçaintes par le corps. Ilz se paingnent de certaines couleurs tannees. Ilz ont des barques en quoy ilz vont par la mer qui sont faictes d’escorche de bouays de boul o quoy ilz peschent force loups marins. Dempuis les avoir veuz j’ay seu que là n’est pas leur demeurance et qu’ilz viennent des terres plus chaulde pour prandre desditz loups marins [phoques] et aultres choses pour leur vie[104] ».
La description que fait Cartier dans l’extrait présenté ici est très révélatrice. D’entrée de jeu, celui-ci se permet une description précise et pointue de l’apparence et des comportements des populations américaines. En procédant de la sorte, Cartier ne se contente pas de simplement ramener les autochtones à des êtres semblables aux Européens. Bien au contraire, Cartier porte une attention particulière aux éléments d’altérité[105], démontrant par le fait même que celui-ci les perçoit comme des « Autres ».
Pourtant, un double discours s’inscrit ici dans la perception européenne. Il y a une volonté claire d’identifier l’altérité qu’est l’autre, mais on tente également de réduire celle-ci, justifiant une appropriation d’un espace défini par l’altérité même. Cette situation à la fois paradoxale et presque contradictoire est pourtant bien présente dans le cas français, comme les sources présentées jusqu’à présent permettent de le constater[106].
Mais l’élément le plus important est l’utilisation répétée que Cartier fait du terme « sauvage[107]» pour désigner les populations et les individus autochtones d’Amérique du Nord. Cette utilisation révèle en grande partie comment l’espace périphérique que représentent les Amériques et la marginalité que constituent ces populations pour les Européens se traduisent par une dichotomie entre civilité et sauvagerie. Cette conception, héritée en partie du Moyen Âge, concorde majoritairement avec la conception d’espace périphérique immédiat, représenté par la forêt, non-lieu fondamentalement sauvage[108].
Pourtant, cette appellation témoigne d’un changement important par rapport au Moyen Âge. Le « sauvage » n’est pas à proprement parler un hérétique, comme l’est le sarrasin. Comme le fait remarquer Olive Patricia Dickason en étudiant le cas des relations entre anglais et autochtones, le « sauvage », dans la conception des Européens modernes, se rapporte davantage au païen médiéval qu’au musulman[109].
La notion d’un « Autre » « sauvage » tire toute son importance lorsqu’elle est mise en relation avec les liens bibliques exposés précédemment. Cette relation semble expliquer en grande partie les raisons d’un colonialisme principalement économique de la part de la France au 16e siècle. Dans ce sens, on approche les autochtones comme des descendants des tributs d’Israël, qui ont leur civilité et deviennent ainsi des « sauvages »[110]. Les penseurs et explorateurs français, en ce sens, semblent identifier les autochtones comme des êtres proches d’eux, différents de manière superflue[111].
Comme le montre le philosophe Giuliano Gliozzi, cette interprétation judéo-chrétienne est un élément fondamental répandu dans les premières interprétations du Nouveau-Monde[112]. Elle ne sert cependant pas les mêmes ambitions ni les mêmes approches d’une situation à l’autre. Lescarbot, mentionné précédemment, produit pour sa part des hypothèses qui soutiennent, à travers une forme de propagande, l’idée d’une colonisation avancée des Terres-Neuves par les Français[113]. Cette approche, juxtaposant volonté de colonisation et rapprochement entre des populations différentes, peut difficilement déboucher sur un colonialisme principalement militarisé. Ceci peut expliquer une approche relativement pacifique (sans pour autant présumer l’absence totale de conflit) propre aux Français. En découle donc également un colonialisme basé sur les échanges commerciaux et une appropriation de l’espace par des modèles économiques.
Le cas anglais constitue un contre-exemple frappant. Dickason explique comment les Anglais, lors de leurs efforts coloniaux au 17e et au 18e siècle, utilisent la notion de « sauvage » pour faire des autochtones des ennemis et justifier leur élimination, notamment pour obtenir des terres[114]. Cette situation n’est pas non plus comparable à la conquête des grands empires méso-américains par les Espagnols plus au sud[115]. Un constat très semblable pourra être fait, dans la prochaine section, sur le cas du voyage auquel participe le Sieur de Roberval.
3.3.2. Roberval et le Canada
Suite à ses deux premiers voyages, Cartier est rejoint, lors du troisième, par Jean François de La Rocque, Sieur de Roberval. Roberval est d’ailleurs « nommé lieutenant du Canada[116] » à l’époque, et a pour objectif de s’implanter de manière permanente sur les côtes du Saint-Laurent[117]. Les documents utilisés ici ne sont pas rédigés par Roberval lui-même, mais par des contemporains et des témoins, comme Jacques Noël, qui fournissent de brefs, mais pertinents témoignages du voyage de Roberval[118].
Dans ces témoignages, des toponymes français apparaissent pour le Nouveau Monde, comme c’est le cas également pour Cartier. On mentionne ainsi être entré « au havre de Saint-Jean [où se trouvaient] dix-sept bateaux de pêcheurs[119] ». Roberval nomme d’ailleurs sa fortification « fort de France-Roy[120] », signe encore d’une toponymie française appliquée à un espace nouveau. La présence de pêcheurs[121], également mentionnée, démontre que la présence européenne et française dans les Terres-Neuves est bien implantée et intriquée à l’espace.
Les passages précédents démontrent comment, au même titre que Jacques Cartier, le Sieur de Roberval présente une volonté d’appropriation de l’espace, notamment par les toponymes. Leur utilisation, et notamment celle de nouveaux toponymes comme « France-Roy[122] », exprime à quel point l’espace américain est une frontière, un espace périphérique qu’il convient, dans les paradigmes européens de l’époque, de transformer en lieu défini et investi.
En ce qui concerne le contact avec les autochtones, la description ne déroge pas des dynamiques mises de l’avant précédemment. Leur description s’inscrit dans le schème de pensée des Européens et de Cartier :
« Pour vous décrire la condition des sauvages, il faut dire à ce sujet que ces peuples sont de bonne stature et bien proportionné, ils sont très blancs, mais vont tout nus […] Au lieu de vêtement, ils portent sur eux des peaux à la manière de manteaux, ils ont de petits pagnes qui leur servent à couvrir leurs parties naturelles, les hommes comme les femmes. Ils ont des bas et des chaussures de cuir proprement façonnés. Ils ne portent point de chemises, et ne se couvrent point la tête, mais leurs cheveux sont relevés en haut de la tête, et tortillé ou tressés […] Ils n’ont aucune demeure arrêtée mais vont d’un lieu à l’autre, là où ils croient qu’ils pourront mieux trouver leur nourriture[123]… »
La description présente encore une fois les éléments d’altérités qui subsistent entre les différentes identités. Cependant, les autochtones sont toujours identifiés sous le nom de « sauvage[124] » et, plus important encore, comme des hommes « blancs[125] ». Le qualificatif de « blanc » utilisé ici démontre une dynamique de réduction de l’altérité. En ce sens, le « sauvage » est alors plus proche de l’Européen (dans sa conscience) que ne l’est le sarrasin hérétique du Moyen Âge.
L’approche qu’a Roberval avec les autochtones s’inscrit dans les mêmes paramètres décrits précédemment. En effet, en utilisant la même approche qui consiste à établir un rapport entre les autochtones et les Européens (alors qu’ils sont a priori fondamentalement différents[126]), on tente de réduire l’altérité qui existe entre les deux éléments spatiaux : « Nous » et « l’Autre ». Le double discours mentionné précédemment s’observe également dans les écrits entourant le voyage de Roberval. Ceci fait dire à Cartier qu’il « [estime] mielx que aultrement que les gens [des Terres Neuves] seroint facilles à conyertir à notre saincte foy[127]. » Cette vision s’inscrit en contraction avec celle d’un explorateur comme Colomb, qui voit en les autochtones un potentiel d’esclavisation[128].
Conclusion
Le présent texte permet, à travers les éléments soulevés, de parvenir à plusieurs conclusions. Il est clair que la Renaissance et les Grandes Explorations amènent des changements tout comme elles perpétuent et transfigurent certaines dynamiques médiévales. Alors que la frontière de l’espace européen au Moyen Âge se limite à l’Orient et à l’Océan, celle-ci se déplace à l’ouest, dans les Amériques, à partir du 16e siècle. Ce déplacement à la fois d’intérêt et d’espace périphérique se concrétise à travers la conquête de l’espace américain, qui prend des formes diverses, tout comme la représentation et les perceptions qui lui sont associées. Ces différents phénomènes sont visibles dans les cas français, notamment ceux aux Terres-Neuves, ainsi qu’à travers les expéditions de Jacques Cartier et du Sieur de Roberval. Même si les cas français comportent certaines spécificités, ceux-ci s’inscrivent tout de même, dans une dynamique plus globale, dans les mêmes cadres que l’ensemble des structures d’espace qui caractérisent la Renaissance et les Grandes Explorations.
Il est cependant important de considérer que les éléments soulevés sont applicables pour la période du 16e siècle, mais ceux-ci subissent des changements au fur et à mesure que le colonialisme et la colonisation s’implantent de plus en plus profondément dans l’espace américain. Il y aurait un grand intérêt à mettre en relation le 16e siècle avec les siècles qui lui succèdent pour prendre la mesure de l’évolution des perceptions.
Annexes
Figure 1
Library of Congress, Geography and Map Division, G3290 1600.A7, Arnoldo di Arnoldi et Matteo Florimi, « America », S.E., c.1600.
Figure 2
Library of Congress, Geography and Map Division, G5200 1569 .M2, Gerhard Mercator et André Thevet, « Map of western South America », S.E., c.1569.
Figure 3
Library of Congress, Geography and Map Division, G3300 1652.J2, Jan Jansson, « America Septentrionalis », S.E., Amstelodami, 1652.
Références
[1] Robert Melançon, « Terre de Caïn, âge d’or, prodiges du Saguenay : le Nouveau Monde dans les Voyages de Jacques Cartier », Voix et images, vol. 5, no 1, 1979, p. 51-63.
[2] Melançon, « Terre de Caïn, âge d’or, prodiges du Saguenay », p. 51-63.
[3] Alfred A. Cave, « Richard Hakluyt’s Savages: The Influence of 16th Century Travel Narratives on English Indian Policy in North America », International Social Science Review, vol. 60, n° 1, 1985, p. 3‑24.
[4] Frank Lestringant, L’atelier du cosmographe, ou L’image du monde à la Renaissance, Paris, A. Michel, 1991, 270 p.; Tzvetan Todorov, La conquête de l’Amérique: la question de l’autre, Paris, Seuil, 1991, 339 p.; Paul Zumthor, La mesure du monde: représentation de l’espace au Moyen âge, Paris, Édition du Seuil, 2014, 456 p.
[5] Thomas Gomez, L’Invention de l’Amérique : rêve et réalités de la conquête, Paris, Aubier, 1992, 333 p.; Alban Berson, L’île aux démons : Et autres mirages cartographiques de l’Amérique du Nord 1507-1647, Québec, Éditions du Septentrion, 2022, 150 p.
[6] Thomas Gomez, L’Invention de l’Amérique, 333 p.
[7] Alban Berson, L’île aux démons, 150 p.
[8] Jacques Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, Paris, Flammarion, 2008, p. 115‑119.
[9] Le terme « Terres-Neuves » au pluriel est très courant à l’époque. Il fait référence, la plupart du temps, au territoire comprenant la côte est du Canada actuel et les Maritimes. Les « Terres-Neuves » ne doivent donc pas être confondues avec la province de Terre-Neuve-et-Labrador actuelle, même si celle-ci en fait partie à l’époque.
[10] Jacques Cartier et Jean François de La Roque Roberval, Voyages au Canada : suivis du Voyage de Roberval : texte intégral, Montréal, Agone, 2000, 172 p.
[11] Library of Congress, Geography and Map Division, G3290 1600.A7, Arnoldo di Arnoldi et Matteo Florimi, “America”, S.E., c.1600.
[12] Library of Congress, Geography and Map Division, G5200 1569. M2, Gerhard Mercator et André Thevet, “Map of western South America”, S.E., c.1569.
[13] Library of Congress, Geography and Map Division, G3300 1652.J2, Jan Jansson, “America Septentrionalis”, S.E., Amstelodami, 1652.
[14] Zumthor, La mesure du monde, p. 261‑283.
[15] Zumthor, La mesure du monde, p. 13‑30.
[16] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 106‑107, p.152 suiv.
[17] Zumthor, La mesure du monde, p. 51‑90.
[18] Sylvie Bépoix, Hervé Richard et Vincent Balland, dir., La forêt au Moyen Âge, Paris, Les Belles Lettres, 2019, p. 25‑83.
[19] Bépoix et al., La forêt au Moyen Âge, p. 25-85.
[20] Bépoix et al., La forêt au Moyen Âge, p. 41‑74.
[21] Bépoix et al., La forêt au Moyen Âge, p. 38.
[22] Bépoix et al., La forêt au Moyen Âge, p. 38..
[23] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 135‑148 ; Zumthor, La mesure du monde, p. 55‑58.
[24] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 115.
[25] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 115‑119.
[26] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 115-119.
[27] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 122‑125.
[28] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 115‑116.
[29] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 115‑119.
[30] Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 136‑137.
[31] Zumthor, La mesure du monde, p. 244‑260.
[32] Léon Gérin, « La première tentative de colonisation française en Amérique », Report of the Annual Meeting, vol. 10, n° 1, 1931, p. 50.
[33] Bernard Lavallé, L’Amérique espagnole: de Colomb à Bolivar, Paris, Belin éducation, 2018, p. 28‑35 ; Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 245‑270.
[34] Olive Patricia Dickason, Les premières nations du Canada, traduit par Jude Des Chênes, Sillery (Québec), Septentrion, 1996, p. 117‑119 ; Richard Colebrook Harris, Le pays revêche: société, espace et environnement au Canada avant la Confédération, Québec, Presses de l’Université Laval, 2012, p. 12‑17.
[35] Harris, Le pays revêche, p. 5.
[36] Harris, Le pays revêche, p. 5‑12.
[37] Harris, Le pays revêche, p. 1.
[38] Harris, Le pays revêche, p. 1‑18.
[39] Laurier Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France: Français et Amérindiens au XVIe siècle, Paris, Belin, 2019, p. 21‑88.
[40] Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 38‑39.
[41] Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 39.
[42] Howard Zinn, Une histoire populaire des États-Unis de 1492 à nos jours, Montréal, Lux, 2006, p. 5‑10.
[43] Zumthor, La mesure du monde, p. 269‑275 ; Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 114.
[44] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 114‑119.
[45] Zumthor, La mesure du monde, p. 263.
[46] Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 135‑138.
[47] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 106‑109.
[48] Arnoldi et Florimi, « America », c.1600.
[49] Mercator et Thevet, « Map of western South America », c.1569.
[50] Anorldi et Florimi, « America », c.1600.
[51] Mercator et Thevet, « Map of western South America », c.1569
[52] Mercator et Thevet, « Map of western South America », c.1569
[53] Berson, L’ île aux démons, p. 15‑22.
[54] Berson, L’île aux démons, p. 15‑22.
[55] Zumthor, La mesure du monde, p. 275‑283 ; Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 120‑124.
[56] Dickason, Les premières nations du Canada, p. 85 suiv.
[57] Zumthor, La mesure du monde, p. 262.
[58] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 120‑122.
[59] Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 108‑109 ; Bépoix et al., La forêt au Moyen Âge, p. 41‑54.
[60] Dickason, Les premières nations du Canada, p. 85.
[61] Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 135‑138.
[62] Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 245‑266, p.135 suiv.
[63] Fabrice Mazerolle, Histoire des faits économiques: de la Révolution industrielle à nos jours, Louvain-la-Neuve (Belgique), De Boeck supérieur, 2020, p. 28‑45.
[64] Mazerolle, Histoire des faits économiques, p. 27‑63.
[65] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 21‑158.
[66] Zinn, Une histoire populaire des États-Unis, p. 7‑8.
[67] Bertrand Van Ruymbeke, L’Amérique avant les États-Unis: une histoire de l’Amérique anglaise, 1497-1776, Paris, Flammarion, 2016, 2e éd, p. 86‑141.
[68] Gilles Havard et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française, Paris, Flammarion, 2019, Éd. revue, p. 37‑50 et p.68-95.
[69] Benoît Grenier, Brève histoire du régime seigneurial, Montréal, Boréal, 2012, p. 54‑60.
[70] Havard et Vidal, Histoire de l’Amérique française, p. 37‑41 ; Jacques Cartier et Jean François de La Roque Roberval, Voyages au Canada: suivis du Voyage de Roberval: texte intégral, Montréal, Agone, 2000, p. 145‑152.
[71] Le terme France antarctique fut utilisé jusqu’à aujourd’hui pour désigner la tentative coloniale française sur les côtes du Brésil actuel au 16e siècle.
[72] Havard et Vidal, Histoire de l’Amérique française, p. 39‑51.
[73] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 21‑88.
[74] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 89‑158.
[75] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 44‑45.
[76] Grenier, Brève histoire du régime seigneurial, p. 54‑60.
[77] Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 245‑265 ; Lavallé, L’Amérique espagnole, p. 27‑37.
[78] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 34‑40.
[79] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 89‑93.
[80] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 36‑37.
[81] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 69‑72.
[82] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 70.
[83] Library of Congress, Geography and Map Division, G3300 1652.J2, Jan Jansson, « America Septentrionalis », S.E., Amstelodami, 1652
[84] Jansson, « America Septentrionalis », 1652.
[85] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 25‑54.
[86] Turgeon, Une histoire de la Nouvelle-France, p. 40‑43.
[87] Gérin, « La première tentative de colonisation française en Amérique », p. 49-60.
[88] Havard et Vidal, Histoire de l’Amérique française, p. 31‑41.
[89] Gustave Lanctot, « Cartier au Canada en 1524 », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 7, n° 3, 1953, p. 413.
[90] John L. Allen, « From Cabot to Cartier: The Early Exploration of Eastern North America, 1497-1543 », Annals of the Association of American Geographers, vol. 82, n° 3, 1992, p. 513‑516.
[91] Cartier est souvent présenté comme le découvreur du Canada dans la mémoire collective et populaire. La recherche a, depuis longtemps, abandonné l’idée d’un Canada « découvert » par Cartier. Il est admis, désormais, que de nombreux explorateurs lui ont précédé, notamment Jean Cabot et Giovanni da Verrazzano.
[92] Cartier et Roberval, Voyages au Canada.
[93] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 43‑44.
[94] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 31.
[95] Giuliano Gliozzi et al., Adam et le nouveau monde: la naissance de l’anthropologie comme idéologie coloniale des généalogies bibliques aux théories raciales, 1500-1700, Lecques, Théétète éd, 2000, p. 23‑99.
[96] Marie-Christine Pioffet, « Gaulois et Souriquois à travers les mailles de la généalogie lescarbotienne », 2007, p.23-42, dans Pierre Guillaume et Laurier Turgeon (dir.), Regards croisés sur le Canada et la France : Voyages et relations du XVIe au XXe siècle, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, les Presses de l’Université Laval, 2007, 395 p.
[97] Pioffet, « Gaulois et Souriquois à travers les mailles de la généalogie lescarbotienne », p.23-42, dans Guillaume et Turgeon (dir.), Regards croisés sur le Canada et la France, 395 p.
[98] Pioffet, « Gaulois et Souriquois à travers les mailles de la généalogie lescarbotienne », p.23-42, dans Guillaume et Turgeon (dir.), Regards croisés sur le Canada et la France, 395 p.
[99] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 31.
[100] Gliozzi et al., Adam et le nouveau monde, p. 23‑99; Pioffet, « Gaulois et Souriquois à travers les mailles de la généalogie lescarbotienne », p.23-42, dans Guillaume et Turgeon (dir.), Regards croisés sur le Canada et la France, 395 p.
[101] Dickason, Les premières nations du Canada, p. 80‑106 ; Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 46‑48.
[102] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 43‑44.
[103] Tzvetan Todorov, La conquête de l’Amérique: la question de l’autre, Paris, Seuil, 1991, p. 48 suiv.
[104] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 31.
[105] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 54.
[106] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 25‑54.
[107] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 25‑54.
[108] Bépoix et al., La forêt au Moyen Âge, p. 38‑47 ; Le Goff, La civilisation de l’Occident médiéval, p. 108‑109.
[109] Dickason, Les premières nations du Canada, p. 85.
[110] Pioffet, « Gaulois et Souriquois à travers les mailles de la généalogie lescarbotienne », p.23-42, dans Guillaume et Turgeon (dir.), Regards croisés sur le Canada et la France, 395 p.
[111] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 25‑54. Voir également Gliozzi et al., Adam et le nouveau monde, p. 31‑35. Et Pioffet, « Gaulois et Souriquois à travers les mailles de la généalogie lescarbotienne », p.23-42, dans Guillaume et Turgeon (dir.), Regards croisés sur le Canada et la France, 395 p. Cette volonté ne semble jamais clairement indiquée. Cependant, il est possible de déceler des tentatives d’éliminer les éléments d’altérités entre blanc et autochtone dans les textes, présentes dans le but de justifier la colonisation.
[112] Gliozzi et al., Adam et le nouveau monde, p. 23‑99.
[113] Gliozzi et al., Adam et le nouveau monde, p. 33‑35.
[114] Dickason, Les premières nations du Canada, p. 85‑86.
[115] Gomez, L’Invention de l’Amérique, p. 245‑270 ; Lavallé, L’Amérique espagnole, p. 28‑41.
[116] Havard et Vidal, Histoire de l’Amérique française, p. 38.
[117] Charles de La Roncière, « Notre première tentative de colonisation au Canada », Bibliothèque de l’École des chartes, vol. 73, 1912, p. 283‑289 ; Gilles Havard et Cécile Vidal, Histoire de l’Amérique française, op. cit., p. 38‑39.
[118] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 129‑152.
[119] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 146.
[120] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 147‑149.
[121] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 146.
[122] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 147‑149.
[123] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 150.
[124] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 150‑151.
[125] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 150‑151.
[126] Cartier et Roberval, Voyages au Canada, p. 25‑54, p. 145-152.
[127] Cartier et Roberval, Voyages au Canada , p. 44.
[128] Zinn, Une histoire populaire des États-Unis, p. 5‑29.