Rouge et bleu sur fond blanc. Représentations culturelles et politiques de la France par les élites politiques canadiennes-françaises du Québec à la fin du XIXe siècle (1875-1900)

MARC-ANDRÉ MOREAU
Marc-André Moreau est candidat à la maîtrise en histoire à l’Université de Sherbrooke.

Résumé : Cet article a pour objet d’étude les représentations de la France au sein des élites conservatrices et libérales du Québec entre 1875 et 1900. En s’appuyant notamment sur l’analyse de publications des journaux Le Franco-Canadien et Le Courrier du Canada, cet article a pour objectif de démontrer que la France constitue un référent culturel important pour les deux partis politiques bien que sa représentation politique ne soit pas aussi élogieuse chez les conservateurs que chez les libéraux. Si la représentation de la France varie en fonction des allégeances politiques, l’ancienne métropole est un référent incontournable mettant en lumière l’héritage commun qui unit les conservateurs et les libéraux. Les élites francophones, qu’elles soient conservatrices ou libérales, semblent effectivement vouloir s’approprier l’héritage culturel de la France. Dans les journaux politisés de la fin du XIXe siècle, le visage de la France se trouve au cœur des projets politiques et nationaux de cette époque où elle fait à la fois figure d’exemple et de contre-exemple.

 

Table des matières
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    Dans les années 1830, les dix résolutions Russell émises par Londres en tant que réponse négative aux revendications patriotes ont provoqué une rupture[228] entre la métropole britannique et une partie de la bourgeoisie canadienne-française[229]. Ainsi, le 23 octobre 1837, Louis Joseph-Papineau affirma que la domination britannique n’était pas profitable au peuple canadiens-français et qu’au contraire, elle empêchait son essor ainsi que son développement[230]. Bien que l’influence britannique soit dominante au Canada tout au long du XIXe siècle, le pays s’ouvrit à d’autres influences. Selon Louis-Georges Harvey, les Patriotes étaient inspirés par des valeurs républicaines essentiellement importées des États-Unis, mais aussi de la France[231].  En fait, l’héritage culturel français spécifique des Canadiens français sous-tend la possibilité d’une influence importante de leur ancienne métropole. Face à l’influence américaine jugée par certains comme envahissante, voire dangereuse, la France pouvait représenter une alternative intéressante s’agençant avec le projet d’une survivance du fait français en Amérique[232]. Pourtant, dans la première moitié du XIXe siècle, la France n’avait pas officiellement montré beaucoup d’intérêt pour le Canada français. Ainsi, en 1855, la visite à Québec de la frégate française La Capricieuse, premier contact officiel avec la France depuis la Conquête, engendra de vives célébrations contrastant remarquablement avec l’indifférence française[233]. Paris était par ailleurs demeurée insensible à la cause patriote malgré le passage de Papineau en France[234]. La France aurait oublié les « quelques arpents de neige » qu’elle avait jadis colonisé en Amérique mais ceux qui s’y établirent en son nom auraient conservé pour elle une affection sincère. Les incidences économiques et politiques immédiates de cette visite furent minimes et, pendant tout le XIXe siècle, les relations commerciales franco-canadiennes sont demeurées plutôt médiocres[235]. C’est plutôt sur le plan culturel que les conséquences de cette visite furent très importantes. Si, pendant la première moitié du XIXe siècle, les rares relations entre Canadiens-Français et Français étaient souvent privées, commerciales et limitées aux élites[236], cette prise de contact prépara le raffermissement des liens culturels entre la France et les élites francophones du Canada qui s’opérera au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Selon Gérard Bouchard, les élites canadiennes-françaises de cette période auraient été beaucoup plus réfractaires à la culture américaine que la population en générale; c’est elles qui se seraient d’abord tournées vers la France[237]. Prétendant parler au nom du peuple, les élites canadiennes du XIXe siècles, aussi bien libérales que conservatrices, cherchaient à guider la population sur le plan idéologique[238].  Ainsi, dès 1855, l’homme politique Joseph-Guillaume Barthe écrivit que tous les Canadiens aimaient la France et que tous souhaitaient renouer des relations avec leur mère patrie[239]. Trente-quatre ans plus tard, à l’occasion de la fête de Saint-Jean-Baptiste, le premier ministre conservateur Pierre-Joseph-Olivier Chauveau prononça un discours dans lequel il témoigna d’un attachement inébranlable envers la France[240]. Pour arriver à cerner le paysage culturel, social et politique du Canada français dans le dernier quart du XIXe siècle, il est donc nécessaire d’étudier les influences culturelles et politiques de la France chez les élites canadiennes-françaises de cette époque. 

    Les représentations de la France par les élites canadiennes françaises a été au cœur de plusieurs études mais c’est surtout autour de la relation d’altérité avec les Britanniques que s’est articulée l’étude du sentiment national canadien-français. Avec l’œuvre de Lionel Groulx, au début du XXe siècle, la conquête prend la forme d’un désastre [241]. Opposé à cette idée, l’historien Fernand Ouellet écrivit, dans les années 1950 et 1960, que le XIXe siècle était le siècle d’un envol raté pendant lequel les élites canadiennes françaises n’ont pas été en mesure de s’allier aux Britanniques porteurs du progrès[242]. Selon lui, les élites canadiennes-françaises étaient embourbées dans un conservatisme nationaliste dissimulant une lutte contre le progrès et le libéralisme[243]. Cette vision selon laquelle le libéralisme ne s’accorderait pas avec le nationalisme est aujourd’hui rejetée par les historiens, qui préfèrent une vision plus nuancée. Les branches modérées des conservateurs et des libéraux partageaient, à bien des égards, une vision similaire du libéralisme économique. Bien qu’elle critiquât ouvertement le matérialisme protestant et industriel, l’Église ultramontaine elle-même participait au développement économique du Québec à la fin du XIXe siècle[244].  L’idéologie de la survivance et de la défense de l’identité canadienne-française n’est plus, non plus, strictement réservée au mouvement clérico-conservateur et la pensée des élites libérales est de plus en plus incluse dans le récit nationaliste[245].

    Le libéralisme du XIXe siècle est néanmoins associé encore trop souvent à une force dont la lutte contre le conservatisme aurait conduit, à travers une progression lente, mais continue, le Québec vers la modernité.  Il s’agit d’un récit téléologique et manichéen devant être révisé. À la fin du XXe siècle, le passage d’une histoire politique des mouvements libéraux et conservateurs à une histoire des idéologies attachées à ceux-ci a généré des questionnements qui sont toujours sans réponses[247]. Ainsi, les élites canadiennes-françaises de ces deux partis partagent un héritage français qui, bien qu’ayant été au cœur de l’histoire intellectuelle du Québec depuis plusieurs années, suscite toujours des questionnements. La mixité des élites canadiennes-françaises, de même que leurs représentations de la France dans la littérature ont été, surtout depuis le début du XXIe siècle, l’objet d’études de la part de quelques historiens culturels tels qu’Alex Tremblay et Yvan Lamonde. En continuité avec ce mouvement, cet article propose d’étudier les représentations de la France par les élites libérales et conservatrices. Cette étude permettra de souligner les différences et similitudes existant au point de vue des représentations au sein de ces partis par l’étude d’un héritage commun. À la jonction de l’histoire culturelle et sociale, cet article s’attache à l’histoire des attitudes politiques et des représentations, en particulier à celles des identités collectives puisqu’elle porte sur les processus de construction des identités politiques et nationales[250]. Selon l’historien Alain Corbin, les convictions et croyances constituent « des préalables indispensables à toute tentative d’histoire sociale. [251]». Ces croyances se manifestent notamment dans les représentations politiques. Corbin estime que l’étude historique de ces représentations est possible dans le cadre de recherches portant sur l’élaboration, la diffusion et la réception d’idéologies[252]. Dans ce contexte, les journaux semblent des outils pouvant témoigner des préoccupations d’une collectivité à un moment donné[253]. C’est pour cerner les mentalités des élites canadiennes-françaises que cet article analysera notamment les discours présents dans les journaux libéraux et conservateurs. 

    Fondamentalement nébuleux, le concept d’élites privilégié dans cette recherche s’inspire de celui proposé par Richard Bushman et repris par Alex Tremblay[254]. Les élites forment une catégorie d’individus se distinguant par leur mode de vie, leur sociabilité et leurs préoccupations culturelles et sociales et ce, aussi bien au niveau local que national[255]. Ses membres sont caractérisés par les positions prestigieuses et éminentes qu’ils occupent dans leurs milieux et au sein des relations d’interdépendances qui, selon Norbert Elias, sont fondamentales à toutes les sociétés[256]. Défini par des marqueurs sociaux, culturels et relationnels, le concept d’élite privilégié dans le cadre de cette recherche est donc davantage défini par la prééminence et le prestige de ses membres que par leur pouvoir économique. L’élite peut effectivement s’imposer sur le plan culturel et se définir par un ensemble d’affinités et d’intérêts[257]. Le rapport à la France pourrait être, dans le cas étudié dans cet article un marqueur identitaire important de l’élite.

    Cet article a pour objectif d’étudier les représentations de la France chez les élites canadiennes-françaises du Québec entre 1875 et 1900 ainsi que les variations de celles-ci en fonction des allégeances politiques. L’hypothèse défendue est, qu’à cette époque, la France constitue un référent culturel important et positif chez les élites canadiennes-françaises et ce, peu importe leur allégeance politique. Toutefois, la représentation politique de la France est beaucoup plus favorable chez les élites francophones libérales que chez leurs adversaires conservateurs.

    La première section de cet article porte sur la représentation de la France par les élites conservatrices. Cette partie porte d’abord sur la représentation culturelle de la France à travers notamment son héritage historique, linguistique et culturel. Elle est suivie par l’étude de la représentation de la France en tant que référent politique, notamment en ce qui concerne son républicanisme et ses politiques liées à la laïcité et à l’éducation. Elle s’appuie sur des études, des mémoires et des sources.

    La deuxième section consiste en l’analyse de la représentation de la France en tant que référence culturelle et politique chez les élites libérales. Afin de permettre une analyse comparative, elle porte également sur les thèmes présentés ci-dessus et s’appuie aussi sur un corpus comprenant des études, des mémoires de maîtrise et quelques sources.

    La troisième et dernière section de ce texte consiste en une analyse plus spécifique des thèmes soulevés dans les deux sections précédentes. Elle s’appuie sur l’analyse des représentations de la France dans le journal conservateur Le Courrier du Canada de Québecet dans le journal libéral Le Franco-Canadien de Saint-Jean-sur-Richelieu. L’échantillon étudié se limite à six exemplaires de chacun de ces journaux ayant été publiés entre 1880 et 1890. Cette section a pour objectif de nuancer les discours associés aux grandes lignées des discours conservateurs et libéraux et de permettre une analyse plus fine et détaillée.

    Bleu. Représentations de la France par les élites conservatrices 

    Le bleu des lys : Culture et littérature

    À la fin du XIXe siècle, les monuments commémoratifs honorant de grands hommes français ayant marqué l’histoire de la province se multiplient dans les places publiques des milieux urbains du Québec[258]. Ainsi, en 1898, la ville de Québec édifia un monument honorant Samuel de Champlain[259]. La même année à Honfleur en France, Adélard Turgeon affirma que le monument de Champlain à Québec avait pour fonction de célébrer toutes les branches de la famille française[260]. L’apparente volonté d’un rapprochement ne parut pas que dans la pierre taillée des places publiques. Les élites canadiennes-françaises s’appliquaient à parler une langue pure qui puisse être la digne héritière de la finesse de l’auteur de Phèdre et de la pieuse éloquence du célèbre orateur Bossuet[261].  Dès la fin des années 1840, des textes de Victor Hugo, Chateaubriand et Félicité de Lamennais sont enseignés au séminaire de St-Hyacinthe[262]. L’admiration de la culture française engendra de multiples associations littéraires, particulièrement entre 1870 et 1895. En 1881 est fondé le Club de Québec, une association littéraire regroupant notamment le célèbre conservateur Thomas Chapais[264].

    Pour les conservateurs, ce n’est toutefois pas la langue qui constitua l’héritage le plus important de la colonisation française. Au cœur de l’héritage culturel français et du projet national canadien-français siégeait la religion[265]. En 1871 Adolphe-Basil Routhier écrivait, avec l’approbation de l’Église, que les luttes politiques étaient intimement liées aux luttes religieuses et que les confrontations entre les écrivains, miroitant celles des politiciens, impliquaient la confrontation des forces du mal et du bien, celles de Satan et celles du Saint-Esprit[266]. Dans ce combat, la France était susceptible d’incarner à la fois le bien et le mal. Deux auteurs catholiques de ce pays, Félicité Robert de Lamennais et Charles de Montalembert, étaient les principaux théoriciens de l’idéal prôné par les conservateurs et l’Église canadienne-française[267]. Vers 1875, leurs thèses étaient enseignées dans presque tous les collèges[268]. Selon ces auteurs, les nations catholiques devaient s’inspirer de la Révolution française pour prendre conscience de la menace du libéralisme, de l’athéisme et de l’étatisme[269].  La Révolution incarnerait le fruit de l’échec du pouvoir temporel. Pour ces auteurs, il revenait donc à l’Église de former le pilier de la nation et de construire une nation parfaite à l’image de la religion catholique[270]. Leurs propos eurent un impact important. Ainsi, le journal Les Mélanges religieux, institué par Mgr Bourget en 1841, liait explicitement le développement de la nation canadien-française à celui du catholicisme[271]. De même, en 1904, l’abbé Camille Roy affirma que la littérature française avait massacré son esprit chrétien[272]. Les nouvelles lettres françaises semblaient alors empoisonnées. À la fin du XIXe siècle, Hugo a chuté et Routhier écrit que les œuvres de ce « vieillard » caressant le rêve de devenir « président de la République Universelle » sont des « chefs d’œuvre d’incohérence et de folie » accompagnées de « quelques idées où l’on retrouve un reste de génie. [273]»

    Le bleu des cieux : Républicanisme, laïcité et éducation

    L’élite politique conservatrice estimait, tout comme l’Église, que la France avait été corrompue. Au côté de la France ancestrale et idyllique, celle de l’époque de Louis XIV et de la Nouvelle-France, existait la France républicaine, ternie et souillée par l’impiété et le chaos révolutionnaire[274].  Dans un Québec très religieux où le clergé détenait une influence importante, cette conception manichéenne d’une France à deux visages était répandue[275].

    Le langage politique conservateur associa les idées libérales au républicanisme français ayant perverti la noble France d’Ancien Régime. Cette condamnation du républicanisme pouvait s’exprimer à travers un projet national existentiel. Le Canada français avait, dans ce qui s’apparente à une destinée manifeste, le devoir de préserver la civilisation française originale et, par conséquent, de refuser les idées politiques de la France. Pour l’abbé Laflèche, décédé en 1898, la conquête britannique avait été salutaire puisqu’elle aurait sauvé le Canada de la corruption républicaine ayant rongé la France[276].

    Au Québec, les conservateurs voyaient dans l’Église une alliée solide. Cette alliance est manifeste avec l’annonce du « programme catholique » effectuée le 20 avril 1871 par lequel l’Église invita officiellement les catholiques du Québec à voter pour les conservateurs[277].  Si cette alliance a longtemps été perçue comme une stratégie destinée à étouffer le libéralisme, il n’en demeure pas moins qu’il est possible d’estimer, comme le proposent Jacques Monet et Maxime Raymond-Dufour, que les élites conservatrices et cléricales croyaient sincèrement que bouleverser l’ordre social et laïciser la société étaient moralement reprochables[278].  Ce lien tracé entre le radicalisme, l’immoralité et le libéralisme fit en sorte que les catholiques libéraux accusés d’être « trop » libéraux (donc radicaux) par leurs homologues conservateurs se proclamaient avant tout des adeptes de la modération et de la tolérance et cherchaient à se distinguer du libéralisme classique promu à l’Institut Canadien et surtout, de celui de la Troisième République[279]. L’acceptation de l’autorité politique établie était une tradition bien ancrée dans l’Église catholique au Québec. En 1763, l’Église catholique canadienne a proclamé sa loyauté à la couronne britannique et a contribué, par son influence auprès de la population, à l’acceptation du régime britannique[280]. En 1837-1838, le clergé s’opposa à la rébellion des Patriotes, ce qui lui valut une reconnaissance officielle au Canada par Londres[281]. Vers 1850, Mgr Bourget affirma vouloir faire de Montréal une « petite Rome [282]». Le clergé regardait alors vers Rome et non pas Paris ; le système scolaire du Québec fut catholique avant d’être français [283]. Ainsi, la commission scolaire établie à Montréal en 1867 était basée sur la confession religieuse et non pas la langue[284].  Si au tournant du XXe siècle les mots « Liberté, Égalité et Fraternité » étaient inscrits dans toutes les écoles de France, celles du Québec devaient obligatoirement, dès 1888, être décorées d’un crucifix[285]. Pour Thomas Chapais, la liberté, l’égalité et la fraternité trouvaient leur expression parfaite dans la paix sociale, l’ordre et la foi[286]. La démocratie ne devait pas avoir pour fondement l’autodétermination des peuples, mais bien l’essor de la chrétienté[287]. Au sein d’une destinée manifeste esquissée par Dieu, les fonctions non électives ne constituaient pas des freins à la démocratie, mais permettaient, inversement, d’assurer la stabilité nécessaire au maintien des libertés[288].

    Le contrôle de l’éducation par le clergé contribuait grandement à assurer son influence auprès du parti conservateur. L’intérêt de préserver l’ordre social était étroitement associé à l’ordre politique et les deux institutions s’opposaient au républicanisme et au sécularisme. C’est ce qui explique qu’à la fin du XIXe siècle, l’Église voit sa position renforcée dans le domaine de l’éducation[289]. En 1875, le premier ministre conservateur Charles-Eugène Boucher de Boucherville abolit le ministère de l’Instruction publique et, sous prétexte d’assurer l’éducation morale des enfants et de l’éloigner des convoitises politiques, la confie à l’Église[290]. Entre les années 1880 et 1900, le personnel enseignant du Québec se confessionnalise fortement alors que les tentatives libérales pour ranimer le ministère aboli échouent successivement[291].

    Rouge. Représentations de la France par les élites libérales 

    Le rouge de Stendhal : Culture et littérature

    La France était un référent identitaire pour les élites libérales canadiennes-françaises du dernier quart du XIXe siècle. Le ministre Adélard Turgeon affirma en 1898 que le monument de Champlain à Québec célébrait toutes les branches de la famille française[292]. La littérature française inspire de nombreux écrivains libéraux et fait figure de modèle[293]. Vers 1887, Louis Fréchette, poète et député libéral, s’inspirera grandement de La Légende des siècles de Victor Hugo pour composer son recueil de poèmes intitulé La Légende d’un peuple [294]. Fréchette avait, en 1880, été lauréat du prix Montyon de l’Académie française pour son ouvrage Les fleurs boréales. Oiseaux de neige[295]. 

    Dans la vie politique des élites libérales canadiennes-françaises de la fin du XIXe siècle, les lettres françaises étaient les clefs d’une sociabilité mondaine et dissimulaient des discours subtils échappant au théâtre politique. Pour Raoul Dandurand, dont la première correspondance avec Joséphine Marchand fut au sujet d’un roman français, les lettres ont été la clef de son entrée dans la famille Marchand[296]. Le libéral Félix-Gabriel Marchand, considéré par sa fille comme « un homme de lettres avec un esprit délicat et original[297] », incarne ce réseau et son rôle littéraire n’est dépassé que par celui qu’il occupe dans la politique. Un des fondateurs du Franco-Canadien, il était également un auteur et un dramaturge[298].  Le théâtre français était devenu une des principales occupations des élites politiques, notamment de Montréal[299]  et les pièces de Marchand s’inspirent fortement des œuvres d’Émile Augier, célèbre pendant le règne de Napoléon III. En 1879, ce politicien contribuera à fonder le Club des 21, une association rassemblant des membres de l’élite canadienne-française et même le consul d’Espagne[301]. Il est également un membre de la Société Royale du Canada, fondée en 1882, qui rassemblait plusieurs membres de l’élite politique libérale et qui était inspirée par l’Institut de France[302]. La littérature permettait, par un moyen plus subtil que le discours ouvertement politique, la mise en scène d’idéaux politisés. La présentation de récits français permet, par exemple, de déceler une facette de la représentation française. Ainsi, dans le numéro du vendredi 9 janvier 1885 du journal Le Franco-Canadien, une grande partie de la première page est une histoire intitulée « Histoire d’un conscrit de 1813 » dont le récit est celui d’un soldat de Napoléon[303]. Il est tout à fait significatif que le soldat célébré à Saint-Jean-sur-Richelieu ne soit pas celui qui combattit pour l’Empire britannique en 1813 au bord de la rivière Châteauguay, mais bien celui qui, au même moment, combattait les Anglais sur de multiples fronts. Cette histoire, dont l’importance ne doit pas être diminuée, se poursuit dans plusieurs numéros et suppose un intérêt, voire une sympathie, pour la France même lorsqu’elle lutte contre l’empire dont le Canada est un membre. Il est d’autant plus remarquable que le journal diffuse régulièrement des extraits, comme s’il s’agissait d’une œuvre devant être connue des Canadiens français. Enfin, il s’agit d’une œuvre écrite par Émile Erckmann et Alexandre Chatrian, deux auteurs français alors célébrés chez les élites du Québec comme en témoigne l’acquisition de plusieurs de leurs œuvres à Montréal entre 1870 et 1876[304]. En janvier 1888, un article de la Revue canadienne décrit les œuvres de ces auteurs comme étant caractérisées par un vif patriotisme et une admiration pour le républicanisme[305]. Bien qu’il n’ait pas écrit cet article, Félix-Gabriel Marchand lui-même collaborera avec la Revue Canadienne.

    Étant donné son engagement dans cette revue, il est fort probable que Marchand était conscient de la signification politique associée à la diffusion de ce récit. L’émulation de la littérature française ne doit pas être dissociée de l’admiration de la société dans laquelle l’œuvre a été produite. Lors de la mort de l’écrivain Joseph Marmette, le libéral Hector Fabre a écrit, dans le journal Paris-Canada, que celui-ci a eu la malchance de vivre au Canada et non pas en France[307].

    Rouge de Paris : Républicanisme, éducation et laïcité

    Si l’héritage culturel français semblait unir le Canada français à sa plus ancienne métropole au point où une partie de son élite prennait pour sienne sa littérature, l’influence politique de la République française était également vive et plusieurs les libéraux de la fin du XIXe siècle admiraient et supportaient ouvertement la République française. Les admirateurs les plus fervents étaient alors considérés comme des radicaux et formaient une minorité. Toutefois, un grand nombre d’entre eux voyagaient à Paris et, entre 1882 et 1896, le nombre de Canadiens inscrits au commissariat canadien à Paris passa de 200 à 2000[308]. Toute la première page du journal La Patrie du 25 octobre 1890 est couverte d’une liste de noms d’individus ayant supportés la République française lors du passage du comte de Paris à Montréal[309]. Ceux-ci s’étaient rassemblés en octobre 1890 pour s’opposer au faste avec lequel le comte de Paris et son fils étaient reçus à Montréal[310]. Cette liste de signataire est révélatrice d’un réseau transcendant les limites urbaines et montrant les liens idéologiques, parfois familiaux, unissant les élites libérales canadiennes-françaises à la fin du XIXe siècle. On y trouve le nom de Louis-Joseph-Amédée Papineau, fils de Louis-Joseph Papineau mais aussi des Dorion et des Mercier. Il y a également les signatures de plusieurs membres de la famille Dandurand, dont Raoul, l’époux de Joséphine Marchand. Est également visible la signature de Louis Fréchette, un poète engagé pour la cause libérale qui s’opposait farouchement à l’influence du clergé dans le domaine politique[311]. Un autre signataire est Jean-Omer Marchand, qui s’éduqua à l’École des Beaux-Arts à Paris et importa le style éponyme à Montréal et au Canada. Quand, en 1887, la frégate française La Minerve visita Québec, Félix Gabriel Marchand, alors président de l’Assemblée nationale, ordonna que soient hissés les drapeaux du Parlement, le plus imposant d’entre eux était le drapeau français, ce qui ne manqua pas de scandaliser le gouverneur Lord Stanley[313].

    Sur le plan idéologique, les journaux libéraux faisaient souvent la promotion d’idées associées aux programmes du parti libéral telles que la garantie de la liberté de presse, la mise en place d’un système d’instruction obligatoire et la création de bibliothèques publiques[314]. Les libéraux estimaient que l’enseignement dispensé par l’Église dans les collèges au Québec maintenait la population plongée dans un conservatisme[315]. Selon eux, l’enseignement dans les collèges était défavorable aux idées démocratiques et responsable de la corruption dans la vie politique[316]. C’est pour remédier à ce manque de patriotisme qu’à partir des années 1880, les libéraux ont tenté d’uniformiser les manuels scolaires[317].  En mai 1897, ils ont prit le pouvoir au Québec avec Félix-Gabriel Marchand pour chef et proposé le rétablissement du ministère de l’Éducation publique qui avait été aboli en 1875[318]. Cependant, Wilfrid Laurier, premier ministre libéral canadien, demanda à Marchand de renoncer à son projet pour éviter de provoquer le clergé et ruiner l’image du parti dans la province[319].  En fait, parce que les projets des libéraux qui admiraient le plus la République française menaçaient de réduire l’influence du clergé dans la société, la diffusion de leurs journaux embêta de nombreux libéraux, dont certains chefs du parti[320].  En fait, les élus du parti libéral étaient rarement radicaux et partageaient souvent des idées avec les conservateurs dont un certain scepticisme face au républicanisme français[321]. Quand, en 1877, Laurier affirma que le parlementarisme canadien est d’inspiration anglaise et non pas française[322], il parla au nom de la majorité libérale modérée qui tentait de concilier le libéralisme avec l’Église. Il faut donc éviter de peindre un paysage politique du Québec en se limitant aux teintes vives de rouge et de bleu car, autrement, les nuances nous seraient imperceptibles et le portrait des mentalités nous serait insaisissable. L’étude de journaux conservateurs et libéraux peuventpermettre une étude de la diffusion de ces idéaux en tenant compte des nuances qui leur sont intrinsèques.

    Blanc : Représentations de la France dans la presse des années 1880

    Pages blanches ? Le journal de la fin du XIXe siècle 

    Au tournant du XXe siècle, la majorité des jeunes Montréalais âgés de sept à quatorze ans fréquentaient une école de façon relativement assidue[323]. Entre 1850 et 1900, neuf collèges d’enseignement secondaire sont fondés et s’ajoutent aux onze qui avaient été créés depuis la Conquête[324]. Conséquente à la scolarisation croissante de la population, l’alphabétisation a élargi considérablement le lectorat des journaux et la diffusion des idées qu’ils véhiculaient[325]. Alors qu’en 1839, seulement 43% des individus âgés d’au moins 15 ans étaient capables de lire, en 1891, cette proportion passa à 70,4% chez ceux âgés de 20 ans ou plus[326]. L’élargissement de la clientèle provoqua l’émergence de multiples journaux qui participaient à la vitalité du débat politique[327]. C’est dans ce contexte que le journal devint un précieux outil utilisé par les partis politiques pour influencer l’opinion des élites, mais aussi, de plus en plus, l’ensemble de la population[328]. L’univers de la presse était alors devenu le vecteur d’un nouvel espace de discussions et de luttes politiques articulé autour de la notion identitaire[329]. Déjà, entre 1835 et 1845, Louis-Joseph-Amédée Papineau, fils de Louis-Joseph, souhaitait mobiliser, par l’utilisation de la presse, tous les francophones d’Amérique et ceux de France à la cause du Bas-Canada[330].


     Les journaux avaient un lectorat conditionné par la langue et à Montréal, où, en 1881, 55,9 % des habitants avaient le français pour langue maternelle, les disputes étaient fréquentes[331].  À Montréal, la Gazette défendait les idées des conservateurs anglophones et La Minerve celle des conservateurs francophones et en 1864, ceux-ci se disputèrent avec virulence au sujet de la Confédération, qui n’était alors qu’un projet[332]. Cette dispute témoignait d’un clivage orienté par les différences culturelles et ethniques. Cette tension culturelle, mêlée au politique, telle une étincelle dans un baril de poudre, mena à des hostilités parfois ouvertes. Ainsi, dans le Montreal Daily Star, une caricature montrait Wilfrid Laurier comme un troubadour ridicule chantant dans un patois canadien-français[333]. Ces violences journalistiques ont certainement résonné hors de Montréal. Dans Le Franco-Canadien de Saint-Jean-sur-Richelieu, l’agressivité des anglophones vis-à-vis des francophones est soulignée et alimente en soi le débat politique[334]. Incarné par le Richelieu, le lien fort unissant Montréal à St-Jean n’était pas que commercial; il était aussi porteur d’idées qui, par la voie journalistique, y circulaient et bien souvent s’y s’installaient.

    La politique était au cœur du journalisme et nombreux sont les politiciens qui ont d’abord été journalistes. Entre 1884 et 1914, la Chambre des communes et l’Assemblée législative du Québec ont chacune accueilli une trentaine de députés et conseillers ayant été journalistes[335]. Parmi eux, certains, tels que Thomas Chapais, rédacteur du Courrier du Canada, étaient conservateurs alors que d’autres, comme Félix-Gabriel Marchand, rédacteur et fondateur du Franco-Canadien, étaient libéraux[336].  L’étude de ces deux journaux dont les rédacteurs sont des hommes littéraires et des politiciens permet de tracer deux visages différents de la France. Pour arriver à dresser un portrait culturel et idéologique propre à une communauté choisie, l’analyse historique des journaux locaux semble appropriée puisqu’ils témoignent des préoccupations d’une collectivité à un moment donné[337].

    Blanchir la France : Le Courrier du Canada et la France victime

    Dans le discours conservateur traditionaliste canadien-français, le refus du républicanisme n’empêchait pas l’amour de la France. Cette affection est manifeste dans Le Courrier du Canada. Cet amour pour l’ancienne civilisation française persistait chez les Canadiens-français puisque le sang coulant dans leurs veines était celui de la France et faisait d’eux des Français et ce, par la grâce de Dieu[338].  L’identité française était un présent de Dieu, un héritage sacré devant absolument être conservé[339]. Par conséquent, le devoir de préserver la civilisation de l’ancienne France s’ancrait au cœur de leur identité[340]. Il y avait donc un réel devoir patriotique à s’opposer au républicanisme et à la laïcité. Le sang de la race canadienne-française est celui de l’ancienne France, mais au sein de son cœur se trouve également une loyauté naturelle pour la monarchie[341]. Le sang français est un sang loyal, celui du Canadien français l’est tout autant, même lorsque ce n’est plus le lys qu’il doit servir. En fait, dans le Courrier du Canada, l’idéologie républicaine et athée était présentée comme étrangère à la France, comme un mal lui étant imposé de l’extérieur, et ce, par des étrangers francs-maçons. Responsables des troubles sociaux et religieux en France, ceux-ci seraient regroupés en une secte internationale ayant pour but de détruire la foi chrétienne dans le monde[342]. Ces élites auraient imposé à la nation française un athéisme qui ne lui était pas naturel[343]. La France, mère patrie, semblait donc assiégée par des forces extérieures et le Canadien français se devait d’éprouver pour elle la plus vive sympathie.

    Étranger, le républicanisme athée s’opposait donc radicalement au tempérament français[344] et était perçu, à l’image d’une entité pathogène, comme un agent corrupteur. Si les francs-maçons ont d’abord attaqué la nation française, c’est parce qu’elle serait le cœur de la chrétienté et sa gardienne naturelle[345]. Elle serait la première à subir l’assaut des organisations athéistes et révolutionnaires parce qu’elle constituerait le rempart de la foi et la plus apte à lui résister[346]. L’idée révolutionnaire serait donc contraire à la nation française et les Canadiens français, branche intacte d’un arbre attaqué par des parasites, auraient pour devoir de veiller à ce que la réputation française ne soit pas ternie[347]. Paris serait encore le centre d’une ferveur que seul Rome peut surpasser[348]. En fait, la civilisation française aurait le plus contribué à l’essor de la civilisation occidentale et à la propagation du christianisme[349].  La mission de la France doit être poursuivi par le Canada français dont la mère patrie est occupée à lutter contre l’athéisme menaçant l’entièreté de la civilisation chrétienne. La fille de la France devait prier pour celle de l’Église qui, en proie à la maladie, se faisait martyr au nom de la chrétienté.  

    Présentée comme une défenderesse de la civilisation chrétienne et une incarnation des valeurs canadiennes-françaises assiégée par des étrangers, la France s’incarnait à travers le paradigme de la survivance. Au cœur de l’idéologie clérico-conservatrice de la fin du XIXe siècle, l’idéologie de la survivance présentait l’étranger comme un ennemi menaçant de détruire les valeurs et la religion de la nation canadienne-française[350]. Victime de forces extérieures, la France était une figure d’autoreprésentation et d’idéalisation tout en constituant avertissement pour les Canadiens-français.

    Blanchir la République : le républicanisme modéré du Franco-Canadien

    L’idée de la survie du fait français se trouve tout autant chez les libéraux. Bien qu’il soit le dépositaire d’un projet de réforme de l’éducation, Félix-Gabriel Marchand était un libéral modéré. L’étude de son journal, Le Franco-Canadien, permet de constater le fait que la France était pour lui une référence politique indéniable mais mitigée. Le gouvernement québécois devrait s’inspirer de la France, mais il devrait s’assurer d’adapter ses emprunts à la société québécoise. En fait, Le Franco-Canadien estime que l’Église a sa place dans la société, refuse catégoriquement de retirer le droit de vote au clergé[351] et affirme même que tout bon premier ministre du Québec devrait épouser les valeurs catholiques[352].  Le journal critique les relations entretenues par la France avec la papauté, affirmant, suite à une rencontre de Jules Ferry avec le Saint-Siège, que le président français n’a pas tenu compte de l’importance de l’Église au sein de l’État[353]. Dans Le Franco-Canadien, le libéralisme est présenté comme un parti adhérant aux valeurs chrétiennes, mais détaché des institutions religieuses et respectueux de la liberté de pensée[354]. Ce que critique le journal, c’est la trop grande influence du clergé dans le vote des citoyens ; une influence qui se faisait bien souvent au détriment du parti libéral[355]. C’est dans ce contexte que dans le numéro du 16 janvier 1883, un extrait d’une encyclique émise par le pape Léon XIII est cité pour expliciter la nécessité d’une distinction entre le politique et religieux[356].

     Cette idée de la séparation du politique et de l’Église a pour cœur la lutte libérale pour l’affirmation nationale. Pour que la république et la démocratie soient viables, Marchand estimait qu’elles devaient être alimentées par un patriotisme ardent. Il voyait dans la prise du pouvoir par Napoléon III en 1852 une importante leçon qui devrait, selon lui, inspirer les Canadiens français et leur faire prendre conscience de l’importance d’une participation active dans le processus démocratique[357]. Le Franco-Canadien est un journal où abonde la glorification du patriotisme qui est décrit comme un sentiment intemporel et indépendant de la forme du gouvernement et nécessaire à l’éducation et la formation du citoyen. Ce n’est donc pas une opposition au catholicisme ou un élan purement laïcisant qui mena Félix-Gabriel Marchand et les libéraux à demander un contrôle de l’éducation par l’État. Les libéraux centristes de la fin du XIXe siècle reconnaissaient l’importance du catholicisme. Plusieurs d’entre eux adhéraient à des aspects du traditionalisme canadien-français reposant sur le catholicisme, l’héritage français, le parlementarisme, la famille, la solidarité nationale et la valorisation des élites[358].

    Les propos du Franco-Canadien révèlent une reconnaissance de l’importance des valeurs chrétiennes, un amour pour la culture française, une valorisation de la démocratie et du nationalisme de même qu’un respect des élites cléricales. La francophilie de l’élite libérale canadienne-française du dernier quart du XIXe siècle n’entretenait pas une corrélation directe avec un républicanisme laïcisant. La France, certes, était exemplaire, mais le modèle politique qu’elle avait choisi ne correspondait pas parfaitement au républicanisme idéalisé dans le Franco-Canadien. La laïcité, perçue comme une attaque à la religion, était perçue comme une menace à l’identité canadienne-français. Si la représentation de la France dans le Franco-Canadien est élogieuse, il n’en demeure pas moins que le journal se garde de présenter la Troisième République comme modèle. 

    Bilan et conclusion

    Au dernier quart du XIXe siècle, la France était donc un référent culturel d’une importance considérable chez les élites canadiennes-françaises. Toutefois, les conservateurs rejetaient complètement le républicanisme français qui, inversement, bénéficiait d’une meilleure représentation auprès des élites libérales. 

    Pour les conservateurs, la religion catholique était au cœur de l’héritage français et d’un projet national. Une partie de l’élite politique conservatrice considérait que la France avait été corrompue par la République et que le Canada Français était l’héritier de la glorieuse civilisation de la France du Grand Siècle. Alliée à l’Église, cette élite conservatrice percevait le mouvement républicain laïc comme une dangereuse menace à l’ordre social. Le contrôle de l’éducation par les religieux était une stratégie permettant de maintenir les idéologies matérialistes et dangereuses hors du Québec.  

    Pour une partie de l’élite politique libérale, la culture française était un référent culturel d’une grande importance. La littérature française permettait parfois la mise en scène d’idéaux politisés. L’admiration de la France par ces membres de l’élite libérale ne se limitait pas toujours à la littérature. L’idéologie républicaine avait aussi une grande influence auprès de nombreux libéraux. Multiforme, cette influence était surtout apparente chez les libéraux plus radicaux. Majoritaires, les libéraux modérés étaient toutefois moins enclins à supporter le républicanisme français et cherchaient à effectuer, à la manière de Laurier, des compromis avec l’Église. Les idées libérales circulaient dans une presse fortement politisée, où étaient présentés des projets sociaux cherchant notamment, en s’inspirant parfois de la France, à réformer le milieu de l’éducation.

    Suite à l’essor remarquable de l’alphabétisation à la fin du XIXe siècle, la presse est devenue un véritable outil politique utilisé par les partis politiques à des fins de diffusion idéologique. Les élites libérales et conservatrices semblent toutes deux s’être approprié l’héritage de la France. À bien des égards, les conservateurs et les libéraux modérés avaient une représentation similaire de ce pays. Il est toutefois possible de cerner quelques traits particuliers variant en fonction des allégeances et préoccupations politiques. Pour les élites conservatrices soucieuses de concilier leur héritage français avec le catholicisme, la France est la victime d’un mauvais gouvernement. Pour les libéraux, le problème de la mauvaise gouvernance s’applique au Québec et se manifeste par des appels à des réformes parfois inspirées par le modèle français. Au cœur de ces deux récits, la France s’incarne à la fois dans la nostalgie d’un souvenir idyllique et l’ambition d’un projet national. 

     

     

    Références

    [228]Louis-Georges Harvey, « Le mouvement patriote comme projet de rupture (1805-1837) », dans Yvan Lamonde et Gérard Bouchard, éd., Québecois et Américains :la culture québécoise au XIXe et XXe siècles , Montréal, Fides, 1995, p. 87-112.
    [229] Yvan Lamonde, « La France puis l’Angleterre, les États-Unis et le Vatican devant l’opinion québécoise », dans Yvan Lamonde et Gilles Gallichan, éd., L’histoire de la culture et de l’imprimé : hommages à Claude Galarneau, Québec, Presses de l’Université Laval, 1996, p. 53-54.
    [230] « Nous ne paraissons plus tenir à l’Empire britannique pour notre bonheur et notre prospérité, nos libertés et l’honneur du peuple (…), mais en vue seulement d’engraisser une horde inutile d’officiels » dans Louis-Joseph Papineau, « Adresse de la Confédération des Six Comtés au peuple du Canada », dans Yvan Lamonde et Claude Corbo, éd., Le rouge et le bleu: une anthologie de la pensée politique au Québec de la Conquête à la Révolution tranquille, Montréal, Les Presses de l’Université de Montréal, 1999, p. 110-112.
    [231]Harvey, « Le mouvement patriote », p. 87-112.
    [232] Yvan Lamonde, « L’ambivalence historique de du Québec à l’égard de sa continentalité : circonstances, raisons et significations », dans Lamonde et Bouchard, éd. Québécois et Américains, p. 61-86.
    [233] Françoise Le Jeune, « Les relations France-Bas-Canada entre 1837 et 1855 : Le Canada reconquis par la France ou la France reconquise par le Canada », dans Yvan Lamonde et Didier Poton, éd., La Capricieuse (1855) : poupe et proue : les relations France-Québec (1760-1914), Québec, Presses de l’Université Laval, 2006, p.130-132.
    [234]van Lamonde, « L’exil dans l’exil : le séjour de Louis-Joseph Papineau à Paris (1839-1845) », dans Ibid., p.176.
    [235] Bruno Marnot, « Les relations commerciales entre la France et l’Amérique du Nord au XIXe siècle », dans Ibid., p.15; Didier Poton, « Le pays perdu : le négoce rochelais et le Canada (1763-1820) », dans Ibid., p.34.
    [236]Anthony Grolleau-Fricard, « Le réseau Bossange dans trois récits de voyage », dans Ibid., p.67; François Labonté, « La famille Bossange dans la correspondance de la famille Papineau », dans Ibid., p.96.
    [237]Gérard Bouchard, « Le Québec comme collectivité neuve. Le refus de l’américanité dans le discours de survivance », dans Lamonde et Bouchard, éd. Québécois et Américains, p. 15-60.
    [238]Marie Couillard et Patrick Imbert, « Parler au nom du peuple au XIXe siècle au Canada français : arguments et décontextualisation », Voix et images, vol. 26, no.1, (2000), p. 125-127.
    [239] Le Jeune, « Les relations France-Bas-Canada », p.128-129.
    [240]« Le Saint-Laurent remontrera son cours et refoulera les flots de ses cataractes avant que nous ayons cessé d’aimer notre ancienne mère patrie. » dans Pierre-Joseph-Olivier Chauveau, Discours prononcé lors de l’inauguration du monument Cartier-Brébeuf le 24 juin 1889 & Donnacona, Montréal, C.O. Beauchemin, 1889, p. 19.
    [241]Thomas Wien, « Note de lecture : Quarante fois la conquête », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 66, no.3 (2013), p. 450.
    [242] Daniel Poitras, « L’impossible oubli : Fernand Ouellet, la Révolution tranquille et la république contrefactuelle des Patriotes », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 66, n°3-4 (2013), p. 355.
    [243] Ronald Rudin, Making History in Twentieth-century Quebec, Toronto, University of Toronto Press, 1997, p. 150.
    [244]Jean-François Laniel, « L’Église-nation canadienne-française au siècle des nationalités : regard croisé sur l’ultramontanisme et le nationalisme », Études d’histoire religieuse, vol. 81, n° 1-2 (2015), p. 34.
    [245]Maxime Raymond-Dufour, « Le Canada français face à sa destinée : La survivance confrontée au discours nationaliste des manuels scolaires, 1870-1880 », mémoire de maîtrise (histoire), Université de Montréal, 2008, p.106-107.
    [246] Éric Bédard, « De la difficulté à penser le conservatisme canadien-français », Recherches sociographiques, vol. 46, n°3 (2005). p. 456.
    [247]Yvan Lamonde, « L’histoire culturelle comme domaine historiographique au Québec », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol.51, no.2, (1997), p. 295-296.
    [248] Le sujet est traité depuis plusieurs années. Depuis le début des années 1990, Yvan Lamonde a dirigé plusieurs ouvrages collectifs portant sur les relations entre la France et le Québec. Il a étudié l’influence politique et culturelle de la France au Québec, notamment à travers l’imprimé mais aussi la pensée politique. Plus récemment, Alex Tremblay a aussi abordé ce sujet. Cet article est redevable à ces études.
    [249] Le mémoire de maîtrise déposé à l’Université Laval en 2014 par Alex Tremblay a un objet d’étude près de celui de cet article. Voir Alex Tremblay, « La mixité culturelle au sein des élites québécoises au XIXe siècle : l’exemple de la famille Marchand », mémoire de maîtrise (histoire), Université Laval, 2014, 136 p. Moins directement, les mémoires suivants touchent également à la problématique de cet article : Maxime Raymond-Dufour, « Le Canada français face à sa destinée : La survivance confrontée au discours nationaliste des manuels scolaires, 1870-1880 », mémoire de maîtrise (histoire), Université de Montréal, 2008, 115 p.; François Simard, « Le libéralisme du journal L’Électeur, 1880-1896 », mémoire de maîtrise (histoire), Université Laval, 2007, 135 p. ; et Colette Pomerleau, « L’idéologie de la pauvreté chez l’élite canadienne-française du XIXe siècle (1850-1900) », mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 2006, 138 p.
    [250]Sylvain Venayre, « L’invention de l’invention : l’histoire des représentations en France depuis 1980 », dans Laurent Martin et Sylvain Venayre, éd., L’histoire culturelle du contemporain : actes du colloque de Cerisy, 23-30 août 2004, Paris, Nouveau-Monde, 2005, p. 42.
    [251]Alain Corbin, Yves Déloye et Florence Haegel, « De l’histoire des représentations à l’histoire sans nom. Entretien avec Alain Corbin », Politix, vol. 6, n°21 (1993), p. 13-14.
    [252]Ibid. p.9.
    [253]Yvan Lamonde, « La culture urbaine au Canada et les formes de la culture de l’imprimé aux XVIIIe et XIXe siècles », Urban History Review /Revue d’histoire urbaine, vol. 33, n°1 (2004), p. 46.
    [254]Alex Tremblay, « La mixité culturelle au sein des élites québécoises au XIXe siècle : l’exemple de la famille Marchand », mémoire de maîtrise (histoire), Université Laval, 2014, p. 9-10.
    [255]Ibid.
    [256] Stéphanie Chouinard, « L’élite en francophonie canadienne comme catégorie sociale persistante : la gouvernance communautaire en perspective », Francophonies d’Amérique, n°37 (2014), p. 67.
    [257]Ibid., p.66-67.
    [258]Lamonde, « La France puis l’Angleterre, les États-Unis et le Vatican », p.50.
    [259]Ronald Rudin, Founding Fathers: The Celebration of Champlain and Laval in the Streets of Quebec, 1878-1908, Toronto, University of Toronto Press, 2003, p. 72.
    [260]Ibid.
    [261]Lamonde, « La France puis l’Angleterre, les États-Unis et le Vatican », p.49.
    [262]Sébastien Lecompte-Ducharme, « Louis Veuillot au collège classique : un enseignement littéraire et religieux », Études d’histoire religieuse, vol. 82, n°1-2 (2016), p.43.
    [263]Pierre Rajotte, « Les associations littéraires au Québec (1870-1895) : de la dépendance à l’autonomie », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 50, n°3 (1997), p.392.
    [264]Ibid., p. 393.
    [265]Laniel, « L’Église-nation canadienne-française », p.20.
    [266]« Le domaine littéraire, comme le domaine religieux, subit constamment l’influence puissante de ce duel effrayant engagé entre Lucifer et le St-Esprit. (…) Pour apprécier justement la littérature d’un siècle, il ne faut pas perdre de vue cette vérité qui domine toute l’histoire, l’histoire littéraire comme l’histoire politique et religieuse de chaque peuple. » dans Adolphe-Basil Routhier, Causeries du dimanche, Montréal, C.O. Beauchemin & Valois, 1871, p.141.
    [267]Laniel, « L’Église-nation canadienne-française », p.29.
    [268]Ibid.
    [269]Ibid.
    [270]Ibid., p.30.
    [271]Ibid., p.27.
    [272]Lamonde, « La France puis l’Angleterre, les États-Unis et le Vatican », p.50.
    [273]Routhier, Causeries, p.201.
    [274]Lamonde, « La France puis l’Angleterre, les États-Unis et le Vatican », p.49.
    [275]Ibid.
    [276] Ramsay Cook, Watching Quebec: Selected Essays, Montréal, Mc-Gill-Queen’s University Press, 2005, p.85.
    [277]« Le programme catholique : 20 avril 1871», dans Lamonde et Corbo, éd. Le rouge et le bleu, Montréal, les Presses et l’Université de Montréal, 1999, p. 227-236.
    [278]Raymond-Dufour, « Le Canada français face à sa destinée », p.17
    [279]René Hardy, « Libéralisme catholique et ultramontanisme au Québec : éléments de définition », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 25, n° 2 (1971), p .247-248.
    [280]Lamonde, « La France puis l’Angleterre, les États-Unis et le Vatican », p.53.
    [281]Yvan Lamonde, Histoire sociale des idées au Québec : 1760-1896, Montréal, Fides, 2000, p. 287-288.
    [282]Gilles Chaussée, « Les Jésuites et le projet de société de Mgr Bourget », Sessions d’étude – Société canadienne d’histoire de l’Église catholique, vol. 53 (1986), p. 48.
    [283]Lamonde, « La France puis l’Angleterre, les États-Unis et le Vatican », p.56.
    [284]Ibid.
    [285]Brigitte Caulier, « Developing Christians, Catholics, and Citizens: Quebec Churches and School Religion from the Turn of the Twentieth Century to 1960 », dans Michael Gauvreau et Olivier Hubert, éd., Churches and Social Order in Nineteenth- and Twentieth-Century Canada, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 2006, p. 179.
    [286]Colette Pomerleau, « L’idéologie de la pauvreté chez l’élite canadienne-française du XIXe siècle (1850-1900) », mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 2006, p. 43.
    [287]Laniel, « L’Église-nation canadienne-française », p.31.
    [288]Damien-Claude Bélanger, « Thomas Chapais, loyaliste », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 65, n° 4 (2012), p.457.
    [289] Raymond-Dufour, « Le Canada français face à sa destinée », p.3.
    [290]Ibid., p.4.
    [291]Yvan Lamonde, « Les « intellectuels » francophones au Québec au XIXe siècle : questions préalables », Revue d’histoire de l’Amérique française, vol. 48, n° 2, (1994), p. 166.
    [292]Rudin, Founding Fathers, p. 72.
    [293] Alex Tremblay, « Les effets de la francophilie sur les élites politiques canadiennes-françaises : l’exemple de la famille Marchand (1855-1942) », Revue d’études des Cantons de l’Est, n°41 (2013), p.105.
    [294] Marie-Andrée Beaudet et Denis Saint-Jacques, « Lectures et critiques de la littérature française contemporaine au Québec à la fin du XIXe siècle », Études françaises, vol. 32, n° 3 (1996), p. 8.
    [295]Philippe Garneau, « Les relations entre la France et le Canada à la fin du XIXe siècle : La revue Paris-Canada (1884-1909) », mémoire de maîtrise (histoire), Université du Québec à Montréal, 2008, p.74-75.
    [296]Sophie Montreuil, « (Se) lire et (se) dire : Joséphine Marchand-Dandurand et la lecture (1879-1886) », dans Yvan Lamonde et Sophie Montreuil, éd., Lire au Québec au XIXe siècle, Montréal, Fides, 2003, p. 126.
    [297]Ibid.
    [298]Ibid.
    [299]Rajotte, « Les associations littéraires », p. 393.
    [300]Tremblay, « Les effets de la francophilie », p.105.
    [301]Rajotte, « Les associations littéraires », p. 393.
    [302]Ibid., p.384-385.
    [303]Le Franco-Canadien, vol. 25, n° 32 (9 janvier 1885), p. 1.
    [304] Isabelle Ducharme, « L’offre de titres littéraires dans les catalogues et bibliothèques de collectivités à Montréal (1797-1898) », dans Lamonde et Montreuil, éd., Lire au Québec au XIXe siècle, p.257.
    [305]Joseph Desrosiers, « Naturalisme et réalisme : étude sur le roman en France au XIXe siècle », Revue canadienne, vol. 24 (1888), p. 170.
    [306]Bibliothèque de l’Assemblée nationale, Dictionnaire des parlementaires du Québec, 1792-1992, Québec, Presses de l’Université Laval, 1993, p.500.
    [307]Garneau, « Les relations entre la France et le Canada », p.82.
    [308] Ibid., p.75-76.
    [309]« Les soussignés, canadiens-français, choisissent l’occasion du passage de M. le Comte de Paris, à Montréal, pour (…) réitérer leur sympathique adhésion aux institutions républicaines que la France s’est librement données. Vive la France ! Vive la République ! » dans La Patrie, vol. 12, n°204 (25 octobre 1890), p. 1.
    [310]Tremblay, « Les effets de la francophilie », p.104.
    [311]Yvan Lamonde, « Le libéralisme et le passage dans le XXe siècle », dans Yvan Lamonde, éd., Combats libéraux au tournant du XXe siècle, Montréal, Fides, 1995, p. 13.
    [312]Jean-Claude Marsan, Montreal in Evolution, Montréal, McGill-Queen’s University Press, 1981 (1974), p. 219.
    [313]Tremblay, « La mixité culturelle », p. 94.
    [314]Lamonde, « Le libéralisme et le passage dans le XXe siècle », p. 16.
    [315]Ibid., p. 14.
    [316]Ibid.
    [317]Ibid.
    [318]Ruby Heap, « Les relations Église-État dans le domaine de l’enseignement primaire public au Québec : 1867-1899 », Sessions d’étude — Société canadienne d’histoire de l’Église catholique, vol. 50, n°1 (1983), p.196-197.
    [319]Ruby Heap, « Libéralisme et éducation au Québec à la fin du XIXe et au début du XXe siècles », dans Lamonde, éd., Combats libéraux, p.109.
    [320]Lamonde, « Le libéralisme et le passage dans le XXe siècle », p. 16.
    [321]Pierre Trépanier, « Rameau de Saint-Père, la France et la vie intellectuelle en Amérique française », dans Lamonde et Poton, éd., La Capricieuse (1855), p. 297.
    [322]Lamonde, « La France puis l’Angleterre, les États-Unis et le Vatican », p.54.
    [323]Danielle Gauvreau, « Population, identités sociales et vie quotidienne », dans Dany Fougères, éd., Histoire de Montréal et de sa région. Tome 1 : Des origines à 1930, Québec, Presses de l’Université Laval, 2012, p. 666.
    [324] Lamonde, « Les « intellectuels » francophones », p. 165-166.
    [325]Ibid., p. 167-168.
    [326]Allan Greer, « The Pattern of Literacy in Quebec, 1745-1899 », Histoire sociale/Social History, vol.11, n°22 (1978), p. 227.
    [327]Merrill Distad, « Les journaux et les magazines », dans Yvan Lamonde, Patricia Fleming et Fiona A. Black, éd., Histoire du livre et de l’imprimé au Canada: de 1840 à 1918, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 2005, p.317.
    [328]Gilles Gallichan, « La presse au Québec : du journal partisan à la presse commerciale », dans Ibid., p.320-321.
    [329]Alexander J. Willis, « Frontières mouvantes : les journaux et le débat sur la Confédération », dans Ibid., p. 323.
    [330]« Il faut aussi que notre voix se fasse entendre aux oreilles de nombreux Français et Canadiens (…). Il faut qu’elle se fasse entendre parmi nos frères de la Louisiane et que traversant les mers, elle trouve de l’écho chez la grande nation d’où sont venus nos frères. » dans Yvan Lamonde, « La lecture et “’le livre de l’histoire” chez Amédée Papineau (1835-1845) », dans Lamonde et Montreuil, éd., Lire au Québec au XIXe siècle, p. 74.
    [331]Gaston Dulong, « Histoire du français en Amérique du Nord », dans Noël Corbett, éd., Langue et identité : le français et les francophones d’Amérique du Nord, Québec, Presses de l’Université Laval, 1990, p.212.
    [332]Willis, « Frontières mouvantes », p. 323-324.
    [333]Ibid., p.328.
    [334]« Le (…) News (…) possède une manière d’exprimer sa pensée, tout à fait nouvelle. (…) Voici les défauts qu’il reproche à M. Mercier : “il est trop français et par conséquent trop étroit d’esprit”. Et puis encore : — il n’est pas protestant. – Décidément, M. Smith, votre correspondant est un de ces fanatiques et prétentieux crevés d’Anglais qui disent en parlant des Canadiens français : “blasted frenchmen” », dans Le Franco-Canadien, vol. 23, n°90 (27 janvier 1883), p. 3.
    [335]Jean de Bonville, La presse québécoise de 1884 à 1914 : genèse d’un média de masse, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1988, p.161.
    [336]Ibid.
    [337]Lamonde, « La culture urbaine au Canada », p.46.
    [338] « Lorsque la Providence a fait ouvrir les yeux de mes compatriotes à la lumière, le sang français les animait et lorsqu’ils ont pu parler, ils parlèrent français. » dans Le Courrier du Canada, vol. 34, n° 195 (21 février 1890), p. 1.
    [339] « Nous entendons conserver notre langue comme un héritage sacré » dans Ibid.
    [340]« Comme tous les catholiques canadiens-français, M. Chapais voit dans les destinées de notre peuple une mission providentielle, celle de renouveler la vieille France dans le monde. » dans L’Oiseau-Mouche, vol. 6, n° 8 (9 avril 1898), p. 2.
    [341] « Nous ne nous vantons point de notre loyauté comme Canadien français, puisqu’elle est dans nos cœurs et dans nos veines. Cette loyauté devient un devoir pour nous puisque nous sommes bien gouvernés et protégés par les lois de l’Angleterre. » dans Le Courrier du Canada, vol. 34, n°195 (21 février 1890), p. 1.
    [342]« Depuis l’arrivée au pouvoir public de la secte maçonnique en France, tout ce qui appartient à la religion (…) a été l’objet de mesures provocantes, d’exécutions illégales dont le but était, et est encore de torturer les consciences, d’affaiblir la foi pour la détruire ensuite, et cela au nom de l’infernale devise maçonnique. » dans Le Courrier du Canada, vol. 29, n°285 (27 mai 1885), p.1.
    [343]« L’Orient d’Italie a pour satellite l’Orient français (…) C’est là que les politiciens qui tyrannisent et exploitent la France vont prendre les ordres. Ainsi la France aux abois gémit sous la tyrannie des maçons de toute origine. Jusqu’à quand leur abandonnera-t-elle sa Religion, son honneur, sa fortune et son sang. » dans Le Courrier du Canada, vol. 25, n°156 (13 décembre 1881), p.1.
    [344] « Les sociétés secrètes ne sont point nées en France ; elles ne sont point du tempérament français dont la signification est franchise, loyauté. Non, le Français ne travaille point aux œuvres de ténèbres contre la société » dans Le Courrier du Canada, vol. 29, n° 284 (13 mai 1885), p.1.
    [345]« La France est la fille aînée de l’Église, son plus beau fleuron (…) c’est ce qui explique l’acharnement des ennemis de l’Église contre la France. » dans Ibid.
    [346] « La France est plus en sécurité publique qu’aucune autre nation de l’univers, encore actuellement. C’est que ce pays (…) renferme dans sa population tous les éléments, toutes les ressources les plus propres à résister à la révolution. » dans Ibid.
    [347]« Ceux qui (…) prétendent que la France est un foyer de révolution, font preuve, ou d’ignorance historique, ou d’antipathie brutale contre le pays le plus généreux de l’univers. (…) Enfants de la France, soyons les gardiens de son honneur. » dans Ibid.
    [348] « Paris (…) est, de toutes les villes du monde, après Rome, celle qui donne le plus édifiant spectacle de piété à toute heure de la journée » dans Ibid.
    [349] « Aucune nation du monde n’a, jusqu’à présent, osé disputer le premier rang à la France pour les œuvres du Catholicisme. (…) Quelle est la nation qui a travaillé aussi activement et aussi généreusement a la civilisation universelle ? » dans Ibid.
    [350]Raymond-Dufour, « Le Canada français face à sa destinée », p.6-11.
    [351]« Je ne vois pas pourquoi le curé n’aurait pas le droit comme les autres hommes instruits de sa paroisse, de donner son avis sur la politique (…) Laissons aux prêtres cette liberté raisonnable qui est son droit et soyez persuadés que les cas seront très rares où il dépassera les bornes convenables. » dans Le Franco-Canadien, vol. 25, n° 32 (9 janvier 1885), p. 4.
    [352]« Dans un pays catholique, mais libre, on est bien maître de professer des idées anticatholiques (…) mais il faut renoncer à diriger un peuple. » dans Ibid.
    [353]« M. le président du Conseil a envisagé cette grave question des rapports entre l’Église et de l’État (…) sans parler de la nécessité qu’il y a pour l’État (…) de travailler au maintien de ses bons rapports avec l’Église et le Vatican. (…) Au point de vue des principes, il y a là une défaillance regrettable. » dans Ibid., p. 2.
    [354]« Le parti libéral canadien (…) n’a jamais prêché des doctrines impies ou révolutionnaires ; et aujourd’hui loin de répudier les idées chrétiennes, il les cultive avec amour (…) Le parti libéral est un parti politique qui ne demande compte à personne de ses croyances religieuses (…) et affirme hautement que dans ce pays tous les citoyens ont droit à une part égale d’estime et de protection » dans Le Franco-Canadien, vol. 25, n°31 (2 janvier 1885), p. 1.
    [355]« Supposez que des membres du clergé (…) aient des torts envers un parti politique, cela ne justifie pas celui-ci de s’en venger sur le clergé universel (…) Demandons plus de respect pour l’opinion publique et moins de présomptueuse confiance de la part de quelques hommes (…) et le libéralisme local n’effrayera plus personne. » dans Le Franco-Canadien, vol. 25, n°32 (9 janvier 1885), p. 4.
    [356]« Faire entrer à tort les factions politiques dans le champ auguste de la religion : c’est vouloir supprimer la concorde fraternelle et ouvrir la porte à une multitude funeste d’inconvénients. Il importe donc que la religion et la politique, qui sont distinctes par genre et par nature, soient dans l’opinion et le jugement l’objet de la même distinction. » dans Le Franco-Canadien, vol. 23, n°85 (16 janvier 1883), p. 2.
    [357]« L’élu (…) oubliant son serment de fidélité à la République l’étrangla. Il s’ensuivit un règne de prodigalité inouïe, de corruption, de favoritisme et d’arbitraire (…) Cet exemple des malheurs de notre mère patrie ne nous fournit-il pas la matière de sérieuses réflexions ? (…) Avouons-le en toute sincérité, le scrutin n’a pas toujours été exercé, chez nous, avec l’indépendance, le désintéressement et le patriotisme qui sont les conditions nécessaires à son efficacité. » dans Félix-Gabriel Marchand, Mélanges poétiques et littéraires, Montréal, C.O. Beauchemin & fils, 1899, p. 345-346.
    [358] Trépanier, « Rameau de Saint-Père », p. 298.