Quand l’homme devient une machine : de victime à bourreau

ÉMILIE MALENFANT,
Université de Sherbrooke

 

Résumé : Les quelques spécialistes de la violence de guerre soulignent la réticence si répandue face au choix de la violence de guerre comme objet d’étude. Pourtant, cette étude ainsi que celle de la mort en contexte de guerre permettent d’atteindre des spécificités inaccessibles autrement. Au front, l’homme est à la fois ennemi et partenaire, tueur et tué; victime et bourreau. L’analyse de cette double identité a été mise de côté par l’historiographie laissant place, au nom de la conscience mémorielle, au souvenir du soldat victime plutôt qu’agent de souffrance. La coexistence, à l’intérieur du soldat, d’une dualité de victime et de bourreau, n’est pas homogène chez tous les combattants et l’étude de cette dernière permet d’en établir les spécificités, les récurrences et les dissemblances.

 

 

Table des matières
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    Introduction

    Dans 14-18, retrouver la Guerre(2000), Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, spécialistes de la culture de guerre, soulignent la réticence si répandue face au choix de la violence de guerre comme objet d’étude. Une réticence qui, affirment-ils, constitue une erreur, « car la violence spécifique de la guerre est un prisme qui réfracte bien des choses invisibles autrement, […] dans le paroxysme de violence, en effet, tout est à nu […] »[1]. La mort, question indissociable à celle de la violence, trouve aussi écho dans l’étude de la violence de guerre qui, lors des quatre années et demie de la Grande Guerre, tue plus que jamais auparavant. Les « représentations » des soldats au front, c’est-à-dire leurs conceptions personnelles, se reflètent « à travers le sens qu’ils attribuent à la violence de guerre, à travers le résultat qu’ils en escomptent, à travers les motivations qui leur permettent de tuer leurs semblables et d’endurer la terreur de l’affrontement »[2].

    Au front, l’homme est à la fois ennemi et partenaire, chasseur et cible, traqueur et traqué, tueur et tué; victime et bourreau. Cette double identité, la plupart du temps indissociable, celle d’une coexistence individuelle inévitable de la vie et de la mort, a toutefois été mise de côté par l’historiographie laissant place, au nom de la conscience mémorielle, au souvenir du soldat victime plutôt qu’agent de souffrance. Seuls certains spécialistes, dont Audoin-Rouzeau et Becker, précédés par le Britannique John Keegan qui propose, enfin, une anthropologie du combat, se penchent sur la question. Sans compter que « dans la masse de documents écrits par un même soldat. La plupart du temps, on ne trouve pas une ligne qui mentionne le fait de tuer »[3]. Le manque de ressources rend ardue cette recherche historique, mais n’en réduit toutefois pas son importance. C’est ainsi que dans la tendance historique qui se dessine, celle de l’histoire culturelle, certains ouvrages ont été publiés sur le sujet au cours des dernières années. Outre 14-18, retrouver la Guerre (2000) :Combattre et mourir pendant la Grande Guerre 1914-1925( 2001) de Thierry Hardier et Jean-François Jagielski, il y eut égalementLes fables du deuil : la grande guerre : mort et écriture(2001) de Carine Trevisan, La violence de guerre 1914-1918(2002) d’Audoin-Rouzeau et Becker (dir.), entre autres, en plus de la publication de nombreux carnets, lettres et journaux de guerre.

    Les interrogations que soulève cette coexistence interne et externe de l’homme avec la mort sont nombreuses. Le soldat au front est à la fois témoin oculaire, acteur et victime de la violence de guerre qui résulte, plus que jamais, en un atroce bilan du nombre de morts. Face à cette dualité de l’homme victime et de l’homme bourreau, il est pertinent de les dissocier un instant pour mieux saisir l’essence particulière de chacune des situations, en gardant toutefois en tête cette cruelle coexistence. Quelques hypothèses ont été avancées par certains auteurs pour expliquer ce phénomène et ainsi tendre à répondre à ces interrogations. Il convient donc d’analyser à la fois ces hypothèses et les sources primaires, tels que les journaux de tranchées, les carnets de guerre et les lettres de combattants afin de découvrir, dans un premier temps, la situation de l’homme victime, et dans un second temps, celui de l’homme bourreau à travers leurs « représentations ». Il s’agit là d’une entreprise originale puisque quasi absente de l’historiographie.

    L’homme victime

    Bilan

    La Première Guerre mondiale tue énormément et rapidement. Déjà, en 1914, il apparait que le conflit présente une violence jamais atteinte auparavant. Les pratiques militaires sont brutales dès le début des hostilités et la perte d’hommes est vivement ressentie. Il apparaît alors que ce conflit, bien différent des précédents, allait avoir des conséquences à la mesure de son déroulement. Le nombre d’hommes tués durant la Première Guerre mondiale oscille entre 8,5 et 10 millions, en plus des 20 millions de blessés[4]. Au niveau des pertes de soldats, l’Allemagne, la Russie et la France sont les plus touchées avec respectivement 2 040 000, 1 800 000 et 1 390 000 militaires tués. Ces chiffres, appuyés par une autre statistique, témoignent de leur gravité : en moyenne, près de 900 Français et 1300 Allemands sont morts chaque jour entre 1914 et 1918[5].

    Le front, lieu de mort

    L’enthousiasme avec lequel les troupes s’engagent dans le conflit révèle une certaine inconscience des soldats face à ce qui les attend au front : « Nous sommes arrivés ici hier à 9h30 et, après le dîner, nous avons gagné la ligne des forts. Le moral est bon, extraordinairement bon […] »[6]. Si bien que, dans le discours de certains, la ligne de feu, qui leur est souvent inconnue, représente une réalité où les hommes peuvent se réaliser. « Ah! Combien la vie nous semblait incomparablement plus belle, maintenant qu’à nouveau la mort nous menaçait de plus près […] »[7], cite Évelyne Desbois dans son article Vivement la guerre qu’on se tue!(1992). Face à cette insouciance, qui tend à disparaître au fil des combats, le premier conflit mondial représente une mutation majeure des façons de mourir à la guerre. Ainsi, non seulement le nombre de morts augmente-t-il considérablement, mais les causes et les circonstances de la mort suivent la même tendance. En plus des armes classiques telles que les couteaux, les baïonnettes et les armes déjà connues dont l’efficacité meurtrière croît sans cesse, telles que les fusils, les mitrailleuses et les grenades, s’ajoutent des armes nouvelles : avions de chasse et avions de bombardement, lance-flammes, gaz, chars d’assaut et mines revues et corrigées[8]. Si les instruments de guerre augmentent en nombre et en efficacité, les circonstances de mort aussi. Le soldat meurt dorénavant dans les tranchées boueuses, dans leno man’s land ou à l’arrière. La mort peut être immédiate ou alors lente et atroce après une longue agonie suite à une blessure mortelle. Dorénavant, la mort peut survenir dans les airs, sur terre, sous terre, sur mer ou sous la mer. Elle peut aussi surprendre lors d’un mouvement héroïque ou d’une manière moins glorieuse et accidentelle. « Échapper au feu devient une simple question de chance, compte tenu de l’intensité nouvelle de celui-ci et de la largeur du terrain balayé par les balles, les obus, les gaz. Les hommes, même enfouis dans le sol, avaient moins d’issue que jamais »[9]. Malgré l’intensité de la mort qui revêt des formes différentes entre 1914 et 1918 et sa présence massive dans les tranchées, elle ne redevient pas une « mort apprivoisée »[10] comme lors de l’Antiquité.

    La perception de la mort qui évolue au fil du conflit semble s’articuler autour de trois axes[11] : la nature du « percevant » (la fonction du combattant à la guerre et sa proximité de la ligne de feu), la géographie de la mort (près ou éloignée des zones de combats; au front ou à l’arrière) et la chronologie. Ce dernier élément, celui de la chronologie, pèse très lourd dans l’évolution de la perception de la mort chez les militaires. Le passage de la guerre de mouvement à celle de position semble effriter significativement la logique du combat. La guerre de mouvement semble posséder une certaine logique puisqu’elle permet, malgré les affrontements et les morts, d’avancer ou de reculer; elle entretient l’espoir du gain. Avec l’entrée en guerre de position, la mort prend toute sa dimension tragique. Les militaires prennent conscience que les pertes humaines s’accumulent alors que la position du front demeure stable. « Désormais, les vivants apprendront à vivre au quotidien avec leurs morts ou ceux de l’ennemi »[12]. En 1914, Romain Rolland écrit : « Cette vie de tranchée est effroyable : on vit sur les cadavres. […] les deux lignes ennemies sont infranchissables »[13], alors qu’en juin 1915, Paul Truffau écrit : « Par endroits, il faut ramper, sous la toiture éboulée, contre les cadavres couverts de mouches vertes, et entassés au milieu des équipements et des armes. Un décapité est assis au milieu du passage […] »[14].

    Prise de conscience et peur

    Les difficiles conditions d’hygiène dans les tranchées provoquent une prise de conscience chez les soldats. Cette situation ardue et exigeante sur les plans moral et physique les confronte à leur nouvelle vie quasi quotidienne.

    Quelle vie! La boue, la terre, la pluie. On en est saturé, teint, pétri. On trouve de la terre partout, dans ses poches, dans son mouchoir, dans ses habits, dans ce qu’on mange. C’est comme une hantise, un cauchemar de terre et de boue, […] mon fusil a l’air d’être vaguement sculpté dans la terre glaise[15].

    Le bruit lourd des obus, les odeurs de putréfaction et d’excréments et la fatigue insoutenable ajoutent à la misère de cette existence. Le 31 mars 1916, un Poilu écrit : « Mes bons chers parents, ma bonne petite sœur, il me devient de plus en plus difficile de vous écrire. Il ne reste pas un moment de libre. Nuit et jour il faut être au travail ou au créneau. De repos jamais.»[16]Mais, véritablement, c’est l’expérience de la mort quotidienne, celle des camarades ou la sienne, qui hante les pensées et avive la fatigue psychologique. « La cohabitation avec les cadavres n’est pas faite pour affaiblir la perception du danger »[17], confirme Évelyne Desbois. Rapidement, les hommes doivent composer avec la dualité de la vie et de la mort qui se matérialise sous leurs yeux, provoquant chez eux, l’éveil d’un sentiment saisissant : la peur.

    Notamment à cause de la censure étatique, mais aussi de l’auto-censure, les écrits personnels des combattants ne relatent que très rarement ce sentiment, laissant place à l’espoir et à la foi, comme si la peur ne pouvait être acceptée en terrain de guerre. Ainsi, Roland Dorgelès écrit le 5 novembre 1914 : « […] Sincèrement, je n’ai jamais eu peur, mais je n’ai jamais eu de crainte. Je ne me sentais [à la ligne de feu] aucunement menacé »[18]. La foi en Dieu et envers la patrie permet aux hommes de tenir le coup. Il semble que le glissement du sentiment de terreur vers celui de l’espoir soit assez rapide, peut-être afin de se protéger psychologiquement. « Ici, la foi qui n’était que tiède chez beaucoup s’est avivée : officiers et soldats jettent leurs regards vers le ciel »[19], écrit C. Vallat, un Poilu. Tué le 16 avril 1917, le lieutenant Déchâtre, alors à la tête de la 1re Compagnie de mitrailleuses du 31e régiment d’infanterie, écrit une lettre à sa mère, quatre jours avant son décès :

    Chère mère, À la veille de partir à l’attaque, je désire te faire mes adieux. Je pars plein de confiance dans mon idée que cette attaque doit réussir; il se peut que j’y laisse mes os; ce sera, en somme, la mort du vieux soldat que je suis. Je souhaite que ma mort soit utile à mon Pays. Je ne désire qu’une chose : savoir que tous les sacrifices des Poilus ne seront pas vains; que nos parlementaires, en signant la paix, auront présents à la mémoire nos sacrifices et nos souffrances et ne saliront pas nos mémoires en acceptant une paix honteuse pour la France. Adieu, petite mère, excuse et pardonne si quelques fois j’ai pu te faire de la peine. Que la volonté de Dieu s’accomplisse. Je t’embrasse bien fort.

    – Octave

    Malgré tout, le sentiment naturel de la peur est parfois évoqué : « Nos visages sont livides sous la couche de poussières qui les recouvre; nous sommes pourtant familiarisés avec la mort, […] nous avons une peine inouïe à dominer la sensation hideuse qui vient de nous étreindre brutalement et qui ressemble fort à ce qu’on appelle la Peur »[20]. Tourmentés par cette crainte de mourir, les hommes doivent vivre en compagnie des cadavres de leurs camarades et de leurs ennemis, ce qui les anéantit encore davantage et les dégoûte inévitablement :

    Des hommes aux visages blêmes grouillent sur les parois visqueuses, avec des gestes sans contours, des rampements de lémures ou de larves. […] Sous sa main quelque chose vient de glisser, […] je regarde de près l’aspect réel de la viande d’homme, on ne pourrait la reconnaître à rien, si l’on ne savait que « ça en est »[21].

    La mort devenant si fréquente et intime, l’acceptation de celle-ci semble prendre le dessus dans la majorité des esprits. Les soldats s’en remettent au hasard de Dieu et acceptent avec fatalisme leur nouvelle réalité. Ainsi s’entrecroisent les moments de peur et les moments de plénitudes où les combattants réalisent la valeur de leur vie. À chaque menace, ils doivent fournir les efforts nécessaires à leur survie et par conséquent, assurer leur victoire. Ainsi, le contexte de guerre des tranchées, surtout dans les secteurs de grande proximité des lignes ennemies, entraîne une attitude de combat rappelant explicitement la loi du Talion. Face à l’ennemi, il ne peut y avoir qu’un survivant, s’impose alors le choix : tuer ou être tué? Or, le paradoxe de la mort opposant le meurtre et le risque de mort, présente une fatalité : « pour tuer, il faut risquer d’être tué »[22]. En contexte de guerre, le risque de mort se présente davantage comme une mort subie aveuglément du fait, principalement, de l’exaltation animale du combat. Au front, les instincts de protection individuelle échouent souvent face aux forces du désir d’autodéterminer l’issue de la lutte. Sous la pression de la peur, le déserteur refuse le combat, alors que le combattant qui ne veut pas être un lâche risque sa vie pour éliminer celle d’un autre. S’impose alors les questions de la capacité de tuer et des motifs de cette action indélébile.

    L’homme bourreau

    Le portrait de l’Autre à travers les passions nationalistes

    Dans toute l’Europe du XIXe siècle, des vieux États-nations aux jeunes nationalités à peine « réveillées », les programmes se multiplient qui tendent à inculquer un sentiment d’appartenance à une langue, à une histoire, à une « nation » commune[23]. Dans la plupart des États, la population conquiert l’alphabétisation en même temps que la nation, et en ce sens l’effort scolaire et la nationalisation sont imbriqués. C’est par l’enseignement de la langue nationale, encore très souvent méconnue par la masse populaire dans la seconde moitié du XIXe siècle, que se dessine et se propage la culture « nationale », que ce soit la littérature, l’iconographie ou le symbolisme. Dans plusieurs cas, le sentiment d’appartenance s’acquiert par la lecture et l’imaginaire qui s’y rattache, permettant à la population d’être en contact avec les gloires et les valeurs « nationales » véhiculées par la littérature. « Le XIXsiècle est celui des grandes histoires nationales, en plusieurs volumes […] »[24], qui permettent non seulement la construction en masse d’une identité nationale, mais aussi la différenciation avec l’Autre. L’Autre apparaît alors comme nocif, menaçant et hostile; les nations sont sur leurs gardes. Pour les futurs alliés, l’Allemagne en pleine expansion industrielle et démographique, avide de territoires et de marchés, représente une menace. En Allemagne, dans Notre politique extérieure[25]
    publiée en 1912, Albrecht Wirth, privat-docent à l’Université de Munich, propage l’idée d’une Allemagne encerclée d’États hostiles, à l’exception de l’Autriche-Hongrie. En 1914, Ernst zu Reventlow, rassemblant ses articles dans un colligé qu’il intitule La politique extérieure de l’Allemagne[26], dénonce l’hostilité de l’Angleterre qui interdit toute initiative au Reich. Déjà, en 1906, Klaus Wagner, un juriste de profession, proclamait dans son essaiGuerre: « La guerre est le seul jugement équitable; elle est sélection naturelle dans laquelle les peuples germaniques parfaits triomphent des peuples de médiocre valeur […] »[27]. La guerre apparaît de plus en plus inévitable depuis le début du XXesiècle et lorsqu’elle s’entame, c’est avec une grande méfiance et parfois même une haine envers l’ennemi que les troupes partent au front dans l’espoir ou la certitude d’écraser cet ennemi nuisible à la grandeur de leur nation.

    Rapidement, une image et un vocabulaire se constituent pour définir l’Autre, notamment entre les Français et les Allemands, ennemis avoués depuis la guerre de 1870. Dans un journal de tranchées français, Le Gafouilleur, il est écrit :

    Voilà bientôt deux ans qu’il habite en face de chez nous et pourtant nous ne savons à peu près rien sur son compte. Quand cet étranger vint s’installer dans le pays, sa mauvaise réputation l’avait précédé. Depuis, ce que nous avons pu connaître de ses mœurs et de ses habitudes ne nous donne pas bien haute opinion de sa personne. Quelques-uns l’appellent casse-noisettes, ou encore marron glacé, mais il répond plus généralement au nom de Fritz. […] C’est un gourmand […] C’est un sauvage. Il ne se montre jamais pendant le jour. […] Quelques-uns se vantent d’avoir aperçu sa grosse tête ronde aux cheveux roux […] Le plus souvent, il demeure caché. […] il a l’habitude de se promener toutes les nuits. C’est un noctambule, toujours en vadrouille. Nous en avons conclu que ses mœurs étaient légères. Il manque d’éducation […].[28]

    Plus souvent, l’Allemand est surnommé Boche, surnom existant dans le langage populaire d’avant-guerre. Selon Maurice Donnay de l’Académie française[29], il s’agirait de l’abréviation de la contraction de Allemandetcaboche, donnant Alboche. Le motif de cette contraction étant de désigner les Allemands comme des gens à la tête carrée et dure. DansLe Pays de France, un journal de tranchées datant du 15 novembre 1917, il est écrit : « C’est l’adversaire auquel on ne peut serrer la main après le match. […] s’il est un rude ennemi, il n’est pas magnanime. Il ne comprendra jamais l’esprit chevaleresque du Franzman, son voisin de tranchée »[30]. C’est donc en nommant l’adversaire, en le réduisant à une définition et à un vocabulaire, qu’on lui inflige la première violence.

    Dans la mentalité allemande, la haine de l’Autre repose sur un double sentiment d’injustice, celui de voir son épanouissement retenu par les autres grandes puissances et son orgueil exalté. Croyant porter l’avenir du monde en elle, la nation allemande croit devoir développer son dynamisme au-delà se ses frontières. L’idée d’appartenir à une race supérieure discrédite alors tout mérite de l’Autre apparaissant comme une race inférieure et passive. Woltmann, inspiré par Vacher de Lapouge, théoricien de la race d’origine française, explique la dégénérescence de la nation française par « l’extinction des éléments germaniques »[31] en elle. Posant souvent une vision stéréotypée des Français, les Allemands les perçoivent aussi, souvent, comme efféminés.

    La déshumanisation de l’Autre : animalisation

    Quand l’adversaire est un gibier

    S’il est possible de restreindre l’Autre à des termes précis, il est aussi possible de le réduire à une représentation animale. En effet, c’est par l’utilisation répétée et régulière d’une animalisation sémantique que se cristallise l’idée d’un ennemi réduit à l’état animal. S’appuyant d’abord sur la violation de la neutralité belge par les Allemands, « l’équation « Allemand » égal « sauvage » est mise en place dans les pays de l’Entente […] dès l’été 1914 »[32]. S’en suit alors une radicalisation des sentiments xénophobes à l’égard de ceux dont l’on dénonce la barbarie. Dans son article L’œil du chasseur(2003), André Loez avance l’idée d’une animalisation de l’Autre, dans le cadre d’une continuité des pratiques de la chasse du temps de paix, au contexte de guerre. Par cette animalisation, l’ennemi devient une proie, une cible. Loez écrit : « Dans les gestes précis du chasseur qui repère et abat son gibier dans la tranchée adverse, on peut lire à la fois la nouveauté radicale que constituent l’animalisation de l’adversaire et la levée de l’interdit sur le meurtre, ainsi que la grande continuité des actes avec des habitudes d’avant-guerre »[33]. La transformation de l’Autre en sauvage est explicite dans les termes employés au front; les Allemands sont fréquemment nommés singes ou cochons[34]. Loez cite Genevoix, un poilu : « J’avance de quelque pas, debout, sans précaution. Je parie que ces cochons-là se coulent dans leurs fourrés, et qu’ils vont nous tomber dessus à vingt mètres. […] Je te vois, toi, rat vert, derrière ce gros arbre, et toi aussi à gauche; ton uniforme est plus terne que les feuilles »[35].

    L’emploi du terme “gibier” et l’évidente utilisation des gestes de la chasse aux tranchées, tels que l’affût, l’attente, la précision, le silence et le tir confirment la banalisation du geste meurtrier. Chez les soldats, « les gestes de la chasse sont une manière de retrouver une fierté de guerrier, à travers leur habileté de viser »[36], souligne Loez. Les soldats, derrière la neutralité de ces pratiques, en viennent à banaliser l’acte de tuer. Devenant une simple action routinière, les tirs sur l’ennemi donnent parfois lieu à une compétition entre tireurs. Le tableau de chasse devenant garant de fierté, la violence des actions s’estompe dans l’organisation de l’activité de chasse et l’entrain qu’elle provoque. Dans ses Souvenirs de Guerre(1952), Alain écrit : « Je veux que l’on sache qu’il n’y a aucune méchanceté dans ces jeux-là. L’ardeur de la chasse y fait tout »[37]. Pourtant, il apparaît évident, selon certains écrits, que plusieurs hommes désirent la violence et ressentent un plaisir à l’acte meurtrier.

    L’homme à l’affût : le plaisir de tuer

    Face à la mort, le cheminement moral des combattants présente une évolution particulière : de la peur à l’acceptation, puis à la banalisation et pour certains, au plaisir de tuer. Le phénomène du plaisir qu’éprouvent certains soldats à tuer l’ennemi, s’explique par plusieurs facteurs. Ceux-ci seront ici divisés en deux catégories : les facteurs internes au combattant et les facteurs qui lui sont externes.

    Facteurs internes

    La réalité des tranchées, au-delà des horreurs qu’elle présente, constitue une vision particulière : le paysage d’un champ de bataille où la visibilité est telle que les soldats vivent dans leurs tranchées souvent sans apercevoir un mouvement pendant une très longue période de temps. De là « l’intense plaisir visuel à voir enfin un ennemi, une cible […] »[38], souligne Loez. Cette vision stimulante amène les soldats à comprendre de manière plus concrète leur rôle et la réalité de la guerre, car ils matérialisent l’ennemi. Il appartient ensuite au soldat de faire de cette situation un enfer ou un lieu de bravoure. Ainsi, la nature même de l’homme en tant qu’individu joue un rôle dans la décision qu’il prend face à cette situation, mais c’est pour diverses raisons que les valeurs morales du temps de paix semblent s’effacer au profit des valeurs guerrières. Évelyne Desbois, dans son article Vivement la guerre qu’on se tue!(1992) écrit que pour les soldats : « […] cette ligne [la ligne de feu] […] a tous les attributs d’une Terre promise où l’homme enfin se réalise »[39].

    L’attente dans les tranchées est parfois longue et les soldats sont impatients de se battre. Robert Hertz, le 28 août 1914 écrit à sa femme : « Je t’écris du fond de ma tranchée, dans les bois. Nous attendons, nous attendons, comme depuis bientôt quatre semaines. Vont-ils venir par ici? Verrons-nous les uhlans? Aurons-nous l’occasion de nous servir de nos fusils et d’éprouver notre courage? […] »[40] . La bravoure, en effet, est l’un des motifs des soldats à commettre l’acte meurtrier sans remords. C’est en prouvant son habileté et son talent de tireur que le soldat trouve sa place dans le contexte de guerre. Il prouve alors à lui-même et aux autres qu’il est un élément essentiel à la patrie et que c’est grâce à son courage qu’elle remportera victoire. Aussi, l’instinct de compétition, tel que décrit par Loez, banalise l’acte pour en faire un élément de fierté; celle de bien viser et d’atteindre sa cible. C’est ainsi que le soldat prend plaisir à contrôler la situation grâce à son pouvoir de tuer. Évelyne Desbois cite Jean Daguillon, sous-lieutenant dans l’artillerie alors âgé de dix-huit ans en 1915 : « Quel plaisir d’être artilleur et de pouvoir faire une bouillie de ces animaux-là! »[41] Le plaisir ressenti est parfois assez explicite: « À ce moment-là, j’ai eu le fol espoir que nous étions attaqués, qu’il allait s’en suivre quelque chose, et qu’enfin nous allions nous battre. J’ai serré contre moi mon fusil avec amour »[42]. Enfin, le sentiment de toute-puissance ressentie en tirant sur l’ennemi procure un sentiment de sécurité au soldat dont la réflexion réside en une simple équation : il faut tuer pour survivre.

    Facteurs externes

    Le contexte de guerre est particulier : n’est-il pas un lieu de mort? Si Évelyne Desbois écrit « Être soldat à la guerre, c’est d’abord être là pour tuer […] »[43], il apparaît que la levée de l’interdit sur le meurtre libère certains bas instincts. Sigmund Freud dans Considérations actuelles sur la guerre et sur la mort(1966) confirme en effet que dans des circonstances exceptionnelles où les lois morales du temps de paix sont abolies, l’homme peut laisser libre cours à ses pulsions agressives les plus primitives[44]. L’ensauvagement de l’homme à la guerre causé par la pratique de gestes cruels devenant habituels et parfois plaisants, qui auraient été condamnés dans tout autre contexte, fait tomber toutes les barrières. Le soldat laisse derrière lui ses valeurs, ses conceptions, ses idéaux et ses interdits. L’acte de tuer n’est pas seulement considéré comme normal, il est encouragé. La déclaration de guerre ouvre la chasse à l’homme et donc « les jeunes gens, non seulement peuvent, mais doivent tuer »[45]. Ils doivent tuer notamment parce qu’on le leur ordonne, mais, dans certains cas, la guerre devient une affaire personnelle et les actes meurtriers devancent les ordres des supérieurs. Desbois cite Émile Goubert qui tue pour son propre plaisir : « […] je n’ai qu’un plaisir, c’est quand j’aperçois un Boche, je le vise bien et je ne le rate pas souvent »[46]. Non seulement ces pratiques sont encouragées par les officiers, mais elles sont récompensées par les institutions avec des médailles de bravoures. Entre aussi en ligne de compte le devoir patriotique. L’homme devient une machine à tuer notamment parce qu’il est conditionné par ce devoir que lui impose sa patrie. Les chants militaires patriotiques démontrent bien cet engagement.Verdun, est un chant poilu, composé vers 1915-1916 :

    Un aigle noir a plané sur la ville,

    Il a juré d’être victorieux,

    De tous côtés, les corbeaux se faufilent

    Dans les sillons et dans les chemins creux.

    Mais tout à coup, le coq gaulois claironne :

    Cocorico, debout petits soldats !

    Le soleil luit, partout le canon tonne,

    Jeunes héros, voici le grand combat.

    […]

    Halte là ! On ne passe pas… Plus de morgue, plus d’arrogance, Fuyez barbares et laquais, C’est ici la porte de France, Et vous ne passerez jamais.

    […]

    Les vils corbeaux devant l’âme française Tombent sanglants, c’est le dernier combat Pendant que nous chantons la Marseillaise, Les assassins fuient devant les soldats.[47]

    Comme le soulève ce chant, le patriotisme de la Première Guerre mondiale est un patriotisme défensif. « […] dans tous les camps, on se défend : on défend le sol de sa patrie, on défend sa « civilisation», on défend sa famille »[48], écrivent Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker. Les soldats, persuadés d’être encerclés par des nations hostiles menaçant l’existence de leur nation, se battent corps et âme. Cette motivation hors du commun en vient parfois à conditionner les soldats au point qu’ils prennent plaisir à effectuer leur besogne. Ce plaisir soulève la question des valeurs et du consentement des soldats. Le sacrifice de soi et de ses valeurs au nom de la patrie engage une certaine réflexion.

    L’homme victime et l’homme bourreau : la coexistence d’une dualité

    Valeurs et consentement : les réflexions du combattant

    De tout temps, la guerre s’est payée chèrement en morts ainsi qu’en blessures physiques et morales. Le 28 mars 1919, à son retour à Paris, Paul Truffau écrit : « La vie reprend, les choses sont les mêmes, nous seuls avons changé… »[49]. En effet, les conditions de vie et les tâches à effectuer au front en secouent plus d’un. Romain Rolland écrit en 1914 : « Les tueries, incessantes, n’aboutissent à rien. Les officiers les plus braves sont déprimés par l’horreur de leur besogne; ils plaignent les Allemands, comme nous, et n’en disent aucun mal. Adieu, je suis anéanti. Je ne sais pas ce que je trouverai en moi, quand je me reconnaîtrai »[50]. Le 18 avril 1915, Marcel, un Poilu, écrit : « On se demande comment les hommes peuvent s’entre-tuer par des journées aussi merveilleuses, où tous ne pensent qu’à vivre, […] on regrette l’incurie de nos gouvernants qui sans empêcher cette guerre auraient pu l’écourter, en nous préparant, et sauver ainsi combien de vies »[51]. Le soldat est donc tiraillé entre ses valeurs personnelles du temps de paix et les nouvelles valeurs guerrières qui s’imposent à lui. Il apparaît que le soldat, quoique conditionné par la cause nationale, réfléchit sur son sort et sur les conséquences de ses actes. Si certains ne font que se résoudre à l’exécution des ordres, puisqu’ils se sentent investies d’une mission, d’autres sont confrontés à une prise de conscience quant à leur consentement personnel de prendre part à cette guerre. Le 9 mai 1916, Fernand, un Poilu, écrit :

    Il est inutile que vous cherchiez à me réconforter avec des histoires de patriotisme, d’héroïsme ou choses semblables. Pauvres parents! Vous cherchez à me remettre en tête mes illusions d’autrefois. Mais j’ai pressenti, j’ai vu et j’ai compris. Ici-bas tout n’est que mensonge […] À présent je me fiche de tout, je récrimine, je tempête, mais dans le fond cela m’est complètement égal.52

    Le médecin Lucien Laby, quant à lui, voit dans la guerre une source de plaisir et d’accomplissement : « Je serais tellement vexé d’arriver à la fin de la guerre sans avoir tué un Prussien au moins […] Je ne démordrai pas et je mettrai irrévocablement mon projet à exécution »[53]. Il est à se demander si ce désir lui appartient et s’il se manifeste en contexte de guerre, ou si ce désir de violence est inhérent au conflit. François Lagrange, dans son article « Les combattants de la « mort certaine ». Les sens du sacrifice à l’horizon de la Grande Guerre » (2006), soulève l’importance du sacrifice de soi dans la détermination du vainqueur de la guerre. Serait-ce dire que les comportements violents sans remords et le mépris du danger se justifient par l’inhibition de soi au profit de la cause nationale.

    Sacrifice de soi

    « […] que le moteur soit la religion ou le patriotisme (ils ne sont pas exclusifs l’un de l’autre), la caractéristique d’une bonne troupe est son aptitude à aller au sacrifice […] La victoire va à l’armée préparée à l’effort le plus extrême, à celle qui compte le plus de combattants prêts à sacrifier leur vie »[54], écrit Lagrange. Ce sacrifice, c’est celui d’être à la fois une victime et un bourreau, c’est d’être prêt à mourir et à tuer. Sacrifier sa vie, c’est mettre de côté ses valeurs et ses ambitions, c’est de devenir acteur d’un évènement hors de son contrôle et c’est de laisser son corps et son âme être dirigés par une force externe. Mais, ce sacrifice est essentiel et dans une mesure plus large, il détermine le vainqueur du combat. Au front, le soldat s’abandonne au nom de la victoire de la patrie et en vient à développer une seconde nature. Cette seconde nature, propre au contexte de guerre, lui permet certainement de se distancier des actes subits et commis et ainsi lui permettre d’entrevoir dans tout ce chaos un objectif, un but, une motivation. « La supériorité morale donne la victoire, l’obtention de la première et de la seconde implique une acceptation enthousiaste du sacrifice de soi »[55], souligne Lagrange. Cet enthousiasme est non seulement encouragé par le sens du devoir patriotique inculqué par la nation, il est aussi nécessaire afin de passer à travers les épreuves morales et psychologiques de la guerre. Le doute et la réticence témoignent d’une faiblesse menaçant la victoire. La mobilisation des esprits dans la vision d’une guerre civilisatrice, pour un monde meilleur, entraîne un sacrifice de soi quasi naturel au nom de cette mission. Robert Hertz, au front, le 25 septembre 1914, écrit :

    Il me semble que la France ne peut plus être vaincue à cause de la victoire qu’elle a remportée sur elle-même et de la foi qu’elle a retrouvée en soi. […] je vis dans l’espoir d’une France renouvelée dans une Europe nouvelle. […] ce ne sera plus jamais la même chose qu’avant la guerre, notre guerre.[56]

    Toutefois, il semble que le soldat n’est pas une victime passive, ni un combattant endoctriné, il est un homme désillusionné, mais habitué à exécuter ses tâches :

    Au début, l’enthousiasme passait à travers les âmes. Maintenant [mars 1916] tout s’est refroidi, et le devoir s’accomplit sans le vernis brillant que lui donnait la jeunesse de la guerre. Les désillusions, la lassitude, la difficulté de savoir comment cela finira pèsent sur tout. Il s’agit de tenir un quart d’heure de plus…[57]

    La coexistence, à l’intérieur du soldat, d’une dualité de victime et de bourreau, n’est pas homogène chez tous les combattants. Chacun vit cette coexistence à sa manière et selon sa propre représentation de la guerre. Chez l’un, la réalité de victime est plus apparente et, chez l’autre, celle de bourreau l’est davantage. Toutefois, dans tous les cas, chaque combattant évolue selon cette réalité : l’homme au front est à la fois victime et bourreau, témoin et acteur de la Grande Guerre. Par le sacrifice de soi, volontaire ou obligé, le combattant se libère en quelque sorte de cette lourde dualité, car il abandonne son sort à la nation, au front, à la guerre.

    Conclusion

    « Si la guerre est une expérience aussi marquante, dans la vie d’un homme, c’est qu’elle est une mise à l’épreuve de soi-même; chacun se trouve tenu de faire ses preuves, de juger de sa véritable valeur »[58], écrit Antoine Prost dans Les anciens combattants et la société française 1914-1939(1977). En effet, les combattants découvrent en eux-mêmes une nouvelle nature : celle de l’homme au front. Cette nouvelle nature, double dans sa composition (victime et bourreau), lui impose une vision changée, non seulement de la vie et de la mort, mais aussi du courage et de la fierté. Les valeurs du temps de paix revêtent de nouvelles formes dans la réalité de la guerre. Le courage ne signifie plus d’affronter la peur, de la dominer et de la vaincre, il s’agit plutôt de la capacité de vivre avec la peur et de ne pas se laisser paralyser par elle. La fierté, quant à elle, si elle prend forme chez certains soldats suite à des accomplissements guerriers, elle est davantage reliée au sentiment personnel de ne pas être un lâche et d’avoir survécu. Le combattant évolue au fil du conflit, il comprend rapidement que la guerre n’épargne personne et qu’il est, comme tout le monde, une victime. Par conséquent, il comprend qu’il doit tuer pour survivre et parce qu’il s’agit de la tâche qui lui est assignée au sein de l’entreprise nationale qu’est celle de vaincre l’Autre.

    Face à sa propre mort, le combattant est désarçonné. Il prend conscience de la gravité de la situation et des éventuelles conséquences mortelles qu’elle implique. Après avoir affronté la peur de mourir et avoir accepté cette éventualité, il s’en remet au hasard de Dieu et exécute ce pour quoi il est là. Face à la mort de l’Autre, le combattant réfléchit et craint souvent de devoir accomplir sa lourde tâche meurtrière. Toutefois, l’homme devient une machine et tue. Il devient ainsi non seulement car il est conditionné par son devoir patriotique, mais aussi pour protéger sa propre existence et parce qu’il devient un automate habitué à exercer sa besogne, quelle qu’elle soit. La vision du meurtre est « normalisée » ou banalisée entraînant une « brutalisation » des sociétés européennes. George L. Mosse, dans son ouvrage phare De la Grande Guerre au totalitarisme(2003)[59], décrit cette vision de la mort transformée suite à la Première Guerre mondiale. Dans le cadre d’une recherche ultérieure, l’analyse de l’évolution de la vision de la mort par les combattants, du contexte des tranchées aux phénomènes des commémorations d’après-guerre, serait un prolongement pertinent. Puis, l’application de cette étude dans le cadre spatio-temporel de la Seconde Guerre mondiale serait pertinente pour en déceler les continuités et les ruptures. Dans le cadre de cette recherche, l’ouvrageL’Armée d’Hitler. La Wehrmacht, les nazis et la guerre(1990) d’Omer Bartov serait essentiel.

    Cette recherche n’est pas exhaustive puisqu’elle ne repose pas sur un corpus lui-même exhaustif. Afin de faire de cette recherche une étude plus complète, il serait nécessaire d’avoir accès à un nombre plus important de sources primaires. Aussi, ces sources ne sont pas garantes de vérités, elles sont notamment caractérisées par l’auto-censure des auteurs et celle des nations. Ce sont donc des sources subjectives, parfois romancées et souvent manipulées. Toutefois, la nature humaine de ces sources permet une étude approfondie de l’état moral des combattants, élément essentiel de l’analyse de leur perception de la mort. L’étude de ces sources est indispensable dans le cadre de la pratique historique, notamment l’histoire culturelle, puisqu’elles regorgent d’indices et de traces essentielles au développement d’une analyse.

    Références

    [1] Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, 14-18, retrouver la Guerre, Paris, Galimard, 2000, coll. « Folio Histoire », p. 32.

    [2] Id.

    [3] Évelyne Desbois, « Vivement la guerre qu’on se tue! Sur la ligne de feu en 14-18 », Terrain revue d’ethnologie de l’Europe, 19 (1992) : 65-80, [En Ligne], terrain.revues.org/index3046.html, [consulté le 15 septembre 2009].

    [4] H. P. Willmott, Première Guerre Mondiale, Paris, Sélection du Rearder’s Digest, 2004, p. 307.

    [5] S. Audoin-Rouzeau et A. Becker, 14-18, retrouver la Guerre, p. 40.

    [6] H. P. Willmott, Première Guerre Mondiale, p. 31.

    [7] É. Desbois, « Vivement la guerre… », terrain.revues.org/index3046.html.

    [8] Thierry Hardier et Jean-François Jagielski. Combattre et mourir pendant la Grande Guerre : 1914-1925, Paris, Imago, 2001, p.41.

    [9] S. Audoin-Rouzeau et A. Becker, 14-18, retrouver la Guerre, p. 47.

    [10] Philippe Ariès, Essais sur l’histoire de la mort en Occident du Moyen-âge à nos jours, Paris, Éditions du Seuil, 1975, p. 21.

    [11] Selon: T. Hardier et J-F Jagielski, Combattre et mourir…, p. 123-124.

    [12] Ibid., p.128.

    [13] Romain Rolland, Journal des années de guerre, 1914-1919 : notes et documents pour servir à l’histoire morale de l’Europe de ce temps, Paris, A. Michel, 1958, p.37.

    [14] Paul Truffau., 1914-1918, quatre années sur le front : carnets d’un combattant, Paris : Imago, 1998, p. 89.

    [15] Henri Barbusse, Lettres à sa femme, 1914-1917 : précédé de son Carnet de notes du front ; suivi d’un choix de poèmes extraits de son recueil Pleureuses, Paris, Buchet/Chastel, 2006, coll. « Domaine public », p. 51.

    [16] Jean-Pierre Guéno, dir., Paroles de Poilus : Lettres et carnets du front, 1914-1918, Paris, Librio, 2003, coll « Librio-Documents », no 245, p. 75.

    [17] É. Desbois, « Vivement la guerre… », terrain.revues.org/index3046.html

    [18] Roland Dorgelès, Je t’écris de la tranchée : correspondance de guerre, 1914-1917, Paris, Albin Michel, 2003, p. 95.

    [19] J.-P. Guéno, dir., Paroles de Poilus… p. 123.

    [21] É. Desbois, « Vivement la guerre… », terrain.revues.org/index3046.html.

    [21] Maurice Genevoix, Ceux de 14, Paris, Flammarion, 1955, p. 561.

    [22] Edgar Morin, L’homme et la mort, Paris, Éditions du Seuil, 1970, p. 67.

    [23] Stéphane Audoin-Rouzeau et Jean-Jacques Becker, dir., Encyclopédie de la Grande Guerre 1914-1918, Paris, Bayard, 2004, p. 35.

    [24] Ibid., p. 40-41.

    [25] Michel Winock, « Au nom de la patrie… », dans 14-18 : Mourir pour la patrie, Paris, Éditions du Seuil, coll « Point/Histoire » 1992, p. 13.

    [26] Id.

    [27] Ibid., p. 15.

    [28] Jean-Pierre Tubergue, Les journaux de tranchées, 1914-1918, Paris, Éditions Italiques, 1999, p. 81.

    [29] Maurice Donnay, « « Poilu » et « Boche ». La différence entre Eux et Nous », Bulletin des armées, 9, [En Ligne], www.greatwardifferent.com, [consulté le 1er décembre 2009].

    [30] J.-P. Tubergue., Les journaux de tranchées…, p. 84.

    [31] M. Winock, « Au nom de la patrie… » dans 14-18 : Mourir pour la patrie, p. 14.

    [32] André Loez, « L’œil du chasseur. Violence de guerre et sensibilité en 1914-1918 », Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 31 (2003), [En Ligne], ccrh.revues.org/index303.html, [consulté le 15 septembre 2009].

    [33] Id.

    [34] Id.

    [35] Id.

    [36] Id.

    [37] Alain, Souvenirs de guerre, Paris, Hartmann, 1952, p. 225.

    [38] A. Loez, « L’œil du chasseur… », ccrh.revues.org/index303.html.

    [39] É. Desbois, « Vivement la guerre… », terrain.revues.org/index3046.html.

    [40] Robert Hertz, (Présenté par Alexander Riley et Philippe Besnard). Un ethnologue dans les tranchées août 1914-avril 1915 lettres de Robert Hertz à sa femme Alice, Paris, CNRS Éditions, 2002, p. 46.

    [41] É. Desbois, « Vivement la guerre… », terrain.revues.org/index3046.html.

    [42] Id.

    [43] Id.

    [44] Régis Meyran, « Les effets de l’idéologie. La violence des soldats allemands en URSS », L’Homme, 152 (1999) : 173-180 [En Ligne], www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hom_0439-4216_1999_num_39_152_453669, [consulté le 28 novembre 2009].

    [45] É. Desbois, « Vivement la guerre… », terrain.revues.org/index3046.html.

    [46] Id.

    [47] FORCENÉ (webmaster), « Verdun », [En Ligne], créé le 8 mars 2007, musique-militaire.fr/Verdun.html, [consulté le 1er décembre 2009].

    [48] Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, La Grande Guerre 1914-1918, Paris, Gallimard, 1998, coll « Découvertes Gallimard Histoire », no 357, p. 43.

    [49] P. Truffau., 1914-1918, quatre années sur le front…, p. 239.

    [50] R. Rolland, Journal des années de guerre…, p. 137.

    [51] J-P. Guéno, dir., Paroles de Poilus…, p. 123.

    [52] Ibid., p. 121.

    [53] A. Loez, « L’œil du chasseur… », ccrh.revues.org/index303.html.

    [54] François Lagrange, « Les combattants de le « mort certaine ». Les sens du sacrifice à l’horizon de la Grande Guerre », Cultures & Conflits, 63 (2006) : 63-81, [En Ligne], www.conflits.org/index2113.html, [consulté le 15 septembre 2009].

    [55] Id.

    [56] R. Hertz, (Présenté par Alexander Riley et Philippe Besnard). Un ethnologue dans les tranchées…, p.65.

    [57] Carine Trevisan, Les fables du deuil : la grande guerre : mort et écriture, Paris, Presses universitaires de France, 2001, coll « Perspectives littéraires », p. 29.

    [58] Antoine Prost, Les anciens combattants et la société française, 1914-1939, vol. 3, Paris, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1977, p. 17.

    [59] George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme, la brutalisation des sociétés européennes, Paris, Hachette Littératures, 1999, coll. « Pluriel Histoire », 291 p.