Le problème politique de l’environnement

Simon Guertin-Armstrong

Université de Montréal

Résumé : La dégradation de l’environnement naturel menace l’autonomie, la sécurité et la prospérité des personnes et des nations. À terme, cette destruction met en péril la possibilité de la vie complexe sur Terre et a fortiori de toute forme d’organisation sociale complexe. Bien qu’il s’agisse du problème moral et politique le plus important de l’humanité, les gouvernements demeurent paralysés et incapables d’action décisive. Cette recherche explore l’importance morale de l’environnement naturel ainsi que deux solutions institutionnelles à l’inaction politique, c’est-à-dire au problème politique de l’environnement.

 

Table des matières
    Add a header to begin generating the table of contents

    La crise environnementale mondiale s’aggrave d’année en année plutôt que de rencontrer une opposition capable de la reléguer, par une action concertée et décisive, à un lointain souvenir en l’espace de quelques décennies. Alors que cet état de fait peut être pour certains un banal constat, il constitue pour d’autres une véritable source d’étonnement. Cette perplexité a deux sources. D’abord, il faut convenir que la crise environnementale n’est pas un problème épistémique : nous sommes en mesure de décrire ses éléments et d’identifier ses causes. Puis, il faut à nouveau convenir que la crise environnementale n’est pas davantage un problème technique puisque nous sommes également en mesure d’orchestrer un ensemble de solutions légales et réglementaires, arrimées à des politiques publiques conséquentes et à un usage intelligent des meilleures technologies disponibles pour mettre un terme à la destruction de l’environnement naturel. La crise environnementale doit plutôt son aggravation à une forme de paralysie politique, c’est-à-dire à l’inaction de l’autorité politique. Cette absence d’action gouvernementale concertée et décisive est surprenante dans la mesure où l’environnement naturel constitue un bien politique, c’est-à-dire un bien dont tous ont à cœur la protection en vue de garantir leurs intérêts les plus fondamentaux.

    Dans le texte qui suit, ces considérations seront traitées de manière à rendre explicite la nature politique du problème de la dégradation de l’environnement naturel. Dans un premier temps, l’activité économique sera identifiée comme cause première de la crise environnementale. Dans un deuxième temps, des solutions de natures variées, susceptibles de permettre un dépassement de la crise environnementale, seront décrites. Dans un troisième temps, les causes probables de la paralysie politique seront explicitées. Ensuite, dans un quatrième temps, le lien entre l’environnement naturel et la légitimité de l’autorité politique sera exploré en interprétant la tradition de la philosophie politique libérale. Enfin, dans un cinquième et dernier temps, il s’agira de formuler deux propositions pour dépasser la paralysie politique, lesquelles ont pour caractéristiques essentielles de s’accorder avec la conception libérale de la légitimité politique et de rendre possible une protection efficace de l’environnement naturel.

    Une activité économique destructrice

    L’activité économique découle de l’ensemble des activités sociales qui sont liées à la production de biens et de services, à savoir : l’extraction des ressources naturelles, leurs transformations successives, leur commercialisation, leur transport, leur usage ou leur consommation, ainsi qu’à toutes les étapes de ce parcours, la gestion des matières résiduelles. Les ressources tirées de la nature sont à la base de ce processus social complexe en raison d’une caractéristique essentielle : les processus naturels, que sont la croissance génétiquement déterminée des êtres vivants et l’accrétion aléatoire de divers minerais en concentrations exploitables, génèrent des matériaux dont l’organisation physique est utile. Par exemple, le bois est utile et acquiert par là une valeur d’usage parce que la croissance des arbres organise la matière – les éléments atomiques en molécules, et les molécules individuelles en structures et tissus végétaux – de telle manière qu’elle acquiert des propriétés utiles – pour poursuivre avec l’exemple, le bois est notamment dense, résilient, flexible, durable et isolant. C’est à cette matière de valeur que l’activité de transformation ajoute un supplément de valeur en modifiant sa forme, sa teneur en eau, sa densité ou autres caractéristiques de manière à mieux satisfaire une pluralité de besoins.

    De manière plus générale, l’activité économique dépend tout autant du capital naturel que du capital manufacturé pour assurer la production de biens et services [1]. Le capital naturel désigne non seulement l’ensemble des écosystèmes qui produisent la biomasse utile à l’activité économique, mais également l’ensemble des processus biophysiques qui régulent le climat, le cycle de l’eau et les cycles élémentaires (carbone, azote et phosphore, entre autres) nécessaires à la stabilité de l’environnement naturel et, par là, nécessaires également tant à l’existence qu’à l’épanouissement des êtres vivants. Le capital manufacturé désigne les instruments et les installations qui permettent de transformer la matière. Ces types de capital sont tous deux nécessaires à l’activité économique : il serait impossible de se passer de l’un ou de l’autre pour maintenir les niveaux de prospérité que l’on connaît aujourd’hui [2]. En effet, sans reproduction constante de biomasse, on épuiserait rapidement et de manière permanente l’ensemble de nos ressources naturelles renouvelables; et de la même manière, sans installations ni outils, on serait dans l’impossibilité d’ajouter un surcroît de valeur d’usage à la matière par la transformation, lequel est souvent considérable – il suffit de comparer la valeur d’usage d’un ordinateur à la valeur d’usage des matériaux qui le composent, sans l’assemblage complexe qui les constitue en un tout fonctionnel.

    L’activité économique est la principale cause de la crise environnementale, car elle croît au détriment de l’équilibre entre le capital naturel et le capital manufacturé [3]. Pour satisfaire toujours plus de besoins, les activités sociales à caractère économique procèdent à l’extraction de toujours plus de ressources naturelles et au rejet de toujours plus de matières résiduelles. L’extraction sans limites mène à la dégradation et à la destruction d’écosystèmes entiers, au détriment de la capacité productive de ces écosystèmes, qui, année après année, produisent moins de biomasse et sont de moins en moins résilients aux chocs de natures diverses [4]. Quant au rejet de matières résiduelles sans limites, il mène à des taux de pollution dangereux pour la santé des personnes, des espèces et des écosystèmes. Parmi les éléments constitutifs les plus importants de la crise environnementale, on dénombre le réchauffement climatique et les changements climatiques [5], l’acidification des océans, le changement de fonction des sols, la perte de terres arables, la pollution chimique, l’amincissement de la couche d’ozone ainsi que la perturbation des cycles d’azote et de phosphore, inter alia [6]. L’activité économique cause la crise environnementale parce qu’elle ne reconnaît pas le fondement écologique de toute activité économique, et parce qu’elle ignore les limites biophysiques à la croissance des taux d’extraction de biomasse et des taux de pollution [7].

    Des solutions à portée de main

    Des solutions sont pourtant à portée de main. Il s’agit simplement de les mettre en œuvre de manière concertée et décisive pour que la crise environnementale soit une importante leçon historique plutôt que la catastrophe indicible qu’elle promet d’être si l’inaction est préférée à l’action. Dans un premier temps, il faut réformer la science économique orthodoxe, celle que l’on continue à enseigner aux aspirants économistes qui deviennent l’élite décisionnelle de demain. En effet, la science économique néoclassique ne reconnaît ni les limites biophysiques de la croissance ni le caractère complémentaire du capital naturel et du capital manufacturé. Les politiques publiques ne devraient pas être fondées sur une conception erronée de l’apport de l’environnement naturel à l’activité économique. La science économique devrait déterminer l’optimum non seulement au niveau micro des décisions des consommateurs et des firmes, mais également au niveau macro du volume total de l’activité économique : lorsque les coûts marginaux sont supérieurs aux bénéfices marginaux, il est temps de mettre fin à la croissance puisqu’elle ne sert plus la fin qui est sienne [8].

    Dans un deuxième temps, il faut également réformer la comptabilité économique nationale. Il est de notoriété commune pour les spécialistes des sciences sociales que le PIB est un très mauvais indicateur de la performance économique et du bien-être social, ne mesurant ni l’un ni l’autre adéquatement [9]. Or, pour le citoyen lambda, la croissance économique est conçue comme une panacée qui permet à la fois d’améliorer les services sociaux et d’assurer la « création » d’emploi. Les gouvernements sont donc évalués à l’aune de leur performance économique : sont-ils capables ou non de faire croître l’économie? Telle est l’une des principales questions qui animent les électeurs au moment du scrutin. C’est pourquoi il faut remplacer le PIB par un ou plusieurs indicateurs sophistiqués et fiables, capables de rendre compte de la performance économique, de l’état des écosystèmes et du niveau de bien-être, inter alia.

    Dans un troisième temps, on doit procéder à la réforme du cadre légal et réglementaire ainsi qu’à des politiques publiques de manière à modifier les structures d’incitatifs régionale, nationale et internationale. Cette réforme a pour but de changer les pratiques économiques en créant notamment des mécanismes de plafonnement, d’émission de droits et d’échange de droits efficaces pour limiter l’extraction des ressources et la production de pollution. L’objectif général est d’instituer les règles nécessaires à une économie durable, notamment par l’égalisation du taux d’extraction de ressources renouvelables et du taux de régénération de la biomasse, l’égalisation du taux de pollution et du taux de dégradation des polluants par les écosystèmes, ainsi que l’égalisation du taux d’épuisement des ressources non renouvelables avec le développement de substituts renouvelables. Avec de telles règles, les technologies les plus économes en ressources auront un net avantage concurrentiel, si bien que l’économie « verte » pourra prendre son envol sans subventions particulières : il sera avantageux pour tous de consommer des biens et services écologiques puisqu’ils seront moins chers. Rendre l’activité économique durable n’exige donc pas une intervention gouvernementale de nature micro. Il suffit de changer les paramètres qui orientent les décisions des acteurs, et d’ajuster ponctuellement la calibration de ces paramètres afin d’atteindre les objectifs voulus.

    Dans un quatrième temps, il importe d’améliorer la coordination internationale relative aux enjeux environnementaux et économiques puisque les efforts nationaux ne sont pas suffisants pour mettre un terme à la crise environnementale : si la consommation de charbon des colosses démographiques que sont la Chine et l’Inde continue de croître au taux actuel, la contribution totale des économies occidentales aux émissions humaines de CO2 sera négligeable d’ici quelques années [10]. Il importe de définir une politique étrangère susceptible à la fois de rassembler les nations qui sont engagées dans la lutte contre la crise environnementale et d’amener les nations qui n’en voient pas l’importance à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement. Des stratégies de barrières tarifaires contre l’écodumping [11] et d’embargo économique contre des pays qui n’adoptent pas des règles strictes en matière de protection de l’environnement naturel sont à considérer.

    Enfin, dans un cinquième temps, la poursuite du développement d’innovations technologiques peut améliorer notre capacité à effectuer la transition vers une économie durable. Toutefois, il faut souligner que, sans cadre légal et réglementaire adéquat, même les meilleures innovations sont systématiquement désavantagées, car les technologies traditionnelles peuvent maintenir un coût inférieur. Elles maintiennent ce coût d’usage inférieur, car elles produisent des externalités, c’est-à-dire des coûts qui sont relayés à d’autres acteurs et qui, par conséquent, ne sont pas internalisés dans le prix de marché. Les mécanismes de plafonnement, d’émission de droits et d’échange de droits permettent de procéder à l’internalisation de ces coûts en créant une rareté artificielle, nécessaire pour respecter de manière efficiente les limites biophysiques de la croissance telles qu’elles nous sont rapportées par les sciences de la nature. L’efficience de ce type de mécanisme provient de son aptitude à préserver la dynamique de marché en dépit de la réglementation accrue : les droits d’extraction ou d’émission iront au plus offrant, c’est-à-dire à la firme d’un secteur donné dont les produits ou services sont les plus en demande [12].

    La paralysie politique

    L’inaction gouvernementale en matière d’environnement est due à plusieurs facteurs liés tant à la psychologie des agents qu’à la dynamique des réseaux de relations d’intérêt. D’abord, force est de constater que les consommateurs tiennent à leur pouvoir d’achat qui leur permet de s’offrir une panoplie de biens et de services, même si ce pouvoir d’achat est rendu possible par la destruction des écosystèmes qui sont à la source de la sécurité et de la prospérité collective et individuelle. Plusieurs éléments de réponse convergent pour expliquer cet état de fait. Dans un premier temps, les citoyens sont animés, en tant qu’êtres sociaux, par un besoin de reconnaissance. Ce besoin de reconnaissance est fondé sur les dynamiques de l’identification et de la différenciation, lesquelles constituent des groupes dont on recherche la reconnaissance et des groupes dont on considère la reconnaissance superflue. Les relations entre individu et groupe se tissent par un jeu d’échange dans lequel les référents et les codes culturels, les objets et les modes de vie acquièrent une grande valeur symbolique. Dans une société matérialiste, être matérialiste n’est pas seulement une norme au sens statistique, mais également une norme au sens prescriptif. Les phénomènes de la consommation ostentatoire et de la compétition pour les biens positionnels montrent en quoi le besoin de reconnaissance social est devenu le moteur d’une préoccupation sans limites pour l’acquisition et la consommation matérielles [13]. Un second élément de réponse consiste à reconnaître qu’en plus de leur penchant matérialiste, les citoyens ont une inclination nette pour leurs affaires privées au détriment des affaires publiques. Ils sont peu engagés, peu informés et peu compétents en matière de politique. Dans les mots de Hacker et Pierson : « This is the dirty little secret of our profession. Among political scientists, that most voter are woefully ignorant about politics is completely uncontroversial, and has been for decades [14] ». Cette incompétence est reconduite, voire magnifiée en matière d’environnement. Bien que les citoyens se conçoivent généralement comme des parangons de la vertu environnementale, force est de constater que cette représentation est erronée [15]. Par ailleurs, la plupart des citoyens nord-américains ne connaissent pas les principaux faits scientifiques au sujet des changements climatiques [16]. Cette désaffection des citoyens pour les grands enjeux politiques et environnementaux explique pourquoi la ratification canadienne du protocole de Kyoto n’a pas été suivie par l’adoption de politiques publiques conséquentes [17]. Dans leur rôle citoyen, les consommateurs sont donc peu enclins à demander une restriction de leur pouvoir d’achat, car le coût personnel qu’ils doivent assumer pour garantir la provision du bien collectif qu’est un environnement naturel de qualité leur paraît trop élevé.

    Une seconde cause structurelle de la paralysie des communautés politiques en matière d’environnement se trouve dans la corruption institutionnelle de la représentation politique. Le phénomène de corruption gagne en clarté lorsqu’il n’est pas immédiatement réduit à sa dimension politique : le concept général renvoie à la déviation par rapport à une norme. Plus spécifiquement, la corruption désigne un rapport instrumental vicié : est corrompue une chose qui ne sert pas la ou les fins qui sont les siennes. Le parlementarisme classique a pour vocation première de permettre la délibération entre les représentants du corps citoyen. Ces représentants doivent conserver une indépendance critique par rapport à leurs commettants, et ils ont non seulement pour rôle d’assurer la défense de l’intérêt général, mais ils ont également la responsabilité d’éclairer les électeurs de leur circonscription sur les grandes questions politiques [18]. Or, la nature antagoniste de l’exercice est pervertie dans le parlementarisme contemporain. Au lieu de favoriser l’échange des arguments et l’influence mutuelle qui sont requis pour prendre les meilleures décisions collectives tant du point de vue épistémique que du point de vue moral, la dynamique adversariale est aujourd’hui dévoyée au service des intérêts partisans [19].

    Les partis politiques ont émergé au XVIIe siècle en Angleterre et aux États-Unis en réponse à deux besoins importants : d’abord pour assurer le financement des campagnes électorales, puis pour pallier le manque d’information en conférant une image de marque, celle du parti aux candidats inconnus [20]. Ces améliorations circonstancielles à la pratique de la représentation politique ont toutefois eu un prix important. Premièrement, les représentants politiques n’étaient plus choisis par l’électorat pour leur excellence personnelle, ni leur compétence, ni leur attachement à l’intérêt général, mais par les partis politiques pour leur capacité à représenter le programme du parti et à séduire l’électorat. Deuxièmement, les partis sont devenus des organisations permanentes et ont développé à ce titre des intérêts particuliers, distincts de l’intérêt général. Pour assurer la pérennité de l’organisation, occuper le pouvoir est devenu une fin en soi plutôt que d’être un moyen au service de valeurs politiques partagées. Le pouvoir comme fin en soi a stimulé le recours à des pratiques déloyales comme le financement illégal et le trafic d’influence, alimentant corruption et collusion. Troisièmement, afin de pallier le manque de compétence des représentants élus, les partis se sont adjoint les services de conseillers dont la fidélité première va à l’organisation partisane plutôt qu’à la société dans son ensemble. Ces conseillers non élus ont un pouvoir beaucoup plus important que celui des représentants élus dans la formulation des politiques publiques, des règlements et de la législation [21], ce qui conduit à se demander quelle peut bien être la fonction première de la représentation politique contemporaine : a-t-elle pour but de conférer un simulacre de légitimité démocratique à l’autorité politique? La dynamique de l’antagonisme partisan incite les partis à se disputer l’électorat centriste, qui constitue la majeure partie de l’électorat en raison de la distribution normale des électeurs sur l’axe idéologique opposant la droite et la gauche. Cette configuration idéologique de l’électorat est la conséquence logique de la faillite éthique des citoyens, lesquels se désengagent des affaires publiques et n’ont que pour seul horizon de sens l’amélioration de leur confort ou de leur pouvoir d’achat, notamment par la réduction de la ponction fiscale. L’ensemble de ces circonstances et de ces facteurs se conjugue pour priver les législateurs des incitatifs nécessaires à la résolution de la crise environnementale et à l’amélioration de la résilience de leurs communautés politiques.

    La structure des relations internationales constitue la troisième grande cause structurelle de la paralysie des communautés politiques en matière d’environnement. En dépit de plusieurs décennies de sommets, conventions et protocoles sur la protection de l’environnement naturel, force est de remarquer que très peu a été accompli : seul le protocole de Montréal, qui crée un régime international de régulation des émissions de particules qui interagissent avec l’ozone atmosphérique, peut être considéré comme un succès [22]. En matière de changements climatiques, le même constat s’impose [23]. La grande difficulté consiste à trouver des compromis qui rallient tous les grands émetteurs de gaz à effet de serre (GES), de manière à ce que chacun y trouve son intérêt stratégique, politique, économique et électoral. Les négociations achoppent sur la question de la distribution équitable des responsabilités et des obligations : une pluralité de principes d’équité irréconciliables est invoquée pour défendre les intérêts nationaux, de telle sorte que l’action collective internationale est paralysée [24]. Or, il est entendu que pour mettre fin à la crise environnementale, le concours de toutes les grandes nations émettrices est rigoureusement nécessaire. L’action nationale, même sérieuse et déterminée, ne suffira pas à la tâche. Ce qui est d’autant plus vrai pour les initiatives locales, que ce soit celles de villes, d’organisations non gouvernementales, de régions intraétatiques ou de coalitions citoyennes [25]. Une manière de dépasser la paralysie internationale consiste à développer une coalition de nations volontaires qui s’engagent à protéger l’environnement naturel, en dépit de l’échec des négociations traditionnelles, et qui modifient par la suite la structure d’incitatifs des relations internationales afin d’inciter les autres parties à rejoindre la coalition [26]. Il faut toutefois garder à l’esprit que les conditions de possibilité de la coopération internationale en matière d’environnement sont déterminées par la configuration politique nationale, qui favorise ou fait obstacle à la ratification ainsi qu’au respect des accords, traités et conventions internationales, si bien qu’il importe de résoudre d’abord les problèmes nationaux d’action collective que sont la faillite éthique citoyenne et la corruption institutionnelle de la représentation politique.

    Environnement et légitimité de l’autorité politique

    Les réformes nécessaires à la protection de l’environnement naturel ne font donc pas l’objet d’une action concertée et décisive en raison de la paralysie politique qui afflige nos sociétés politiques. Or, cet échec signe également la faillite de la légitimité morale de l’autorité politique dans les sociétés libérales. En effet, si la légitimité légale de l’autorité politique repose sur le contenu du texte constitutionnel, la légitimité morale de celui-ci repose en contrepartie sur une conception du bien de la communauté politique et de ses membres. Cette conception du bien proprement politique se rapporte à des valeurs fondamentales communes qui font l’objet d’un consensus rationnel et raisonnable même en contexte de diversité culturelle [27]. Il s’agit des valeurs d’autonomie [28], de sécurité [29], de prospérité et d’efficience [30], tant dans leur dimension individuelle que dans leur dimension collective. L’autonomie est à la fois un concept descriptif, qui désigne la capacité de choisir ses propres fins et ses propres normes, et une valeur à proprement parler – c’est-à-dire que cette capacité confère une valeur intrinsèque aux agents qui sont capables de choisir leurs propres fins et leurs propres normes. La sécurité, tant physique que matérielle, est nécessaire à la préservation de l’autonomie, et la prospérité permet tant la sécurité que l’autonomie. L’efficience, enfin, désigne notamment l’optimisation de l’utilisation des ressources sociales, par le truchement des mécanismes de coopération sociale. En somme, on peut dire que l’efficience, la prospérité et la sécurité servent la valeur primordiale d’autonomie, puisqu’elles sont les moyens nécessaires à son exercice.

    Si le lien entre l’environnement naturel et ces valeurs peut sembler à première vue être ténu, il n’en est rien. En effet, la stabilité [31], la qualité [32] et la productivité [33] de l’environnement naturel sont absolument nécessaires à l’exercice de l’autonomie, tant pour les personnes que pour les nations. Les changements climatiques, la perte de biodiversité ainsi que l’acidification des océans menacent très directement la santé des personnes ainsi que la productivité des écosystèmes, sources de toute richesse : la stabilité du climat est un paramètre constant de l’histoire des civilisations depuis l’invention de l’agriculture, il y a 10 000 ans. Les changements annoncés montrent que la stabilité dont dépendent la vie complexe, les écosystèmes, et a fortiori l’organisation sociale n’existera bientôt plus pour servir de pierre d’assise à la civilisation. Ces considérations font d’un environnement de qualité – c’est-à-dire stable, sain et productif – un bien politique de première importance, nécessaire à l’autonomie, à la sécurité et à la prospérité. Si l’on peut reconnaître aux personnes et aux nations un droit moral à un environnement naturel de qualité, on peut attribuer à l’autorité politique l’obligation morale correspondante de protéger l’environnement naturel.

    Pour dépasser l’inaction

    Dans le but de dépasser l’inaction gouvernementale et le problème d’action collective qui réduit les partis politiques à de simples incarnations du matérialisme à courte vue de l’électorat, deux solutions paraissent fécondes. La première consiste à constitutionnaliser le droit moral à un environnement de qualité et l’obligation correspondante qu’a l’autorité politique d’en garantir la protection. L’intégration de ce nouveau droit au corpus constitutionnel peut procéder par amendement constitutionnel ou encore par interprétation judiciaire des dispositions exécutives de la loi suprême, dont l’interprétation reconnaîtrait le droit à un environnement de qualité comme implicite, étant nécessairement contenu dans les autres droits fondamentaux [34]. Un tel droit et une telle obligation permettent de dépasser la joute partisane et ainsi de résoudre le problème de la paralysie politique. Un comité scientifique indépendant devrait être institué, notamment pour présider à la détermination des taux effectifs de régénération de la biomasse et de dégradation des polluants, lesquels sont requis pour l’élaboration de lois, de réglementations et de politiques publiques efficaces [35].

    La seconde solution consiste à déclarer un état d’urgence provisoire accompagné d’une suspension des droits politiques. Il s’agit en somme d’instaurer une dictature éclairée temporaire qui respecte les droits de la personne, mais qui suspend l’exercice de la démocratie représentative en raison de son inaptitude à dépasser un problème fondamental d’action collective qui met en danger la sécurité de tous. Un tel régime suspendrait provisoirement la joute partisane afin de modifier la constitution de l’État. Bien qu’elle semble relever d’un radicalisme éhonté, cette solution à l’inaction politique ne demeure pas moins en pleine continuité avec la tradition de la pensée politique libérale.

    Thomas Hobbes, connu comme le défenseur de l’absolutisme, défend dans son œuvre la priorité de la sécurité physique vis-à-vis l’exercice collectif de l’autodétermination interne [36]. John Stuart Mill, un des pères du libéralisme classique, affirme que la dictature temporaire est parfois un remède nécessaire pour guérir la démocratie des maux sévères qui l’affligent, mais dont elle est incapable de se guérir elle-même [37]. Alexis de Tocqueville met en garde contre les effets pervers du régime démocratique, lequel est susceptible de produire des citoyens repliés sur les hauts et les bas de leur vie privée, dotés d’une culture civique timorée et inaptes à la résolution des grands problèmes collectifs [38]. Le régime démocratique, nous dit-il, risque d’être incapable de produire les démocrates dont il a besoin pour assurer sa pérennité. Immanuel Kant indique qu’il vaut mieux préférer l’état de nature limité que constitue l’état d’exception et l’état de nature total et permanent qui peut résulter d’un grand péril [39]. Locke théorise pour sa part la prérogative du prince dans le cadre d’une démocratie constitutionnelle. La prérogative est un pouvoir discrétionnaire absolu, lequel coexiste en tout temps avec l’ordre constitutionnel, et ce, même contre la lettre de la loi suprême. Ce pouvoir d’exception est soumis à des restrictions d’ordre moral, son usage n’étant légitime que pour répondre de manière décisive à une menace qui met en danger la pérennité de l’ordre social, soit parce que les lois en vigueur sont muettes, soit parce qu’elles sont inappropriées. L’usage légitime de la prérogative a ainsi une durée limitée et un champ d’application restreint, lequel est délimité par les actions qui sont nécessaires à la préservation du bien politique. Au final, le prince est jugé par son peuple, auquel il est entièrement redevable en raison de la nature fiduciaire de la fonction princière [40].

    Il va de soi qu’il y a une différence importante entre établir la légitimité d’un tel régime autoritaire en théorie et suggérer qu’il soit nécessaire de l’instituer en pratique. Le deuxième argument requiert l’analyse de nombreuses considérations de nature empirique, qui sont hors de portée du présent texte, ainsi que la spécification des modalités d’une transition provisoire entre un régime démocratique et un régime autoritaire. Les réflexions contemporaines sur l’état d’urgence contribuent de manière importante à la clarification de ces enjeux pratiques. Toutefois, l’espace manque pour offrir même un court compte rendu des positions et débats dans le cadre de ce court texte [41].

    L’investigation multidisciplinaire présentée dans cet article propose un cadre d’analyse général pour réfléchir au problème de la crise environnementale dans ses dimensions morale et politique. Tout jugement normatif de nature politique doit faire appel à deux types de considérations. Premièrement, il convient d’établir quelles sont les valeurs fondamentales. Dans le cadre du libéralisme politique, il s’agit de l’autonomie, de la sécurité, de la prospérité et de l’efficience. Deuxièmement, il convient d’établir ce que l’on peut appeler, suivant Rawls [42], les circonstances de la justice. Il s’agit de postulats ontologiques et de propositions épistémiques sur la nature des hommes, des sociétés et de la nature. Les sciences de la nature et les sciences sociales sont indispensables pour décrire et expliquer notamment l’activité économique, le système écologique global, les paramètres de la stabilité environnementale ainsi que les problèmes d’action collective qui paralysent les sociétés politiques.

    Ce cadre d’analyse permet de mesurer l’importance morale de la crise environnementale ainsi que l’importance de nos problèmes d’action collective. Il permet également d’évaluer les actions concrètes en matière d’environnement, telles que les politiques publiques, les réglementations, les conventions et les protocoles, ainsi que les actions volontaires, tant individuelles que collectives, en regard de leurs effets : en comparant leurs effets probables et les objectifs de l’action publique en matière d’environnement tels que définis par le consensus scientifique, il est possible de départager les actions efficaces des actions inefficaces. Par conséquent, le cadre d’analyse proposé supra permet également de justifier des politiques publiques et des réformes institutionnelles. C’est là, sa grande force : la vue macroscopique permet une évaluation complète, tant sur le plan des valeurs que sur le plan des faits.

    La principale conclusion de ce travail consiste à montrer le caractère fondamental de l’enjeu moral qu’est la crise environnementale. Les gouvernements qui sont élus démocratiquement sont illégitimes s’ils manquent à leur obligation morale – et, peut-on espérer, éventuellement légale – de protéger l’environnement naturel pour le bien de tous. De la même manière, que les citoyens y consentent ou non en raison des contraintes matérielles à court et moyen termes qu’elle implique, la sortie de la crise environnementale est légitime.

    Références

    [1] Roefie Hueting, New Scarcity and Economic Growth. More Welfare Through Less Production?, Amsterdam, North Holland Publishers, 1980, 269 p.; Douglas A. Kysar, « Sustainability, Distribution, and the Macroeconomic Analysis of Law », Yale Faculty Scholarship Series, 2001, p. 458; Douglas A. Kysar, « Law, Environment, and Vision », Yale Faculty Scholarship Series, 2003, p. 386; Matthias Ruth, « A quest for the economics of sustainability and the sustainability of economics », Ecological Economics, vol. 56, 2006, p. 332-342; Herman E. Daly, Ecological Economics and Sustainable Development. Selected Essays of Herman Daly, Cheltenham, Edward Elgar, 2007, coll. « Advances in Ecological Economics », 270 p.; Stefan Baumgärtner et Martin Quaas, « What is sustainability economics? », Ecological Economics, vol. 69, 2010, p. 445-450; William E. Rees, « Toward a Sustainable World Economy », Crisis and Renewal: International Political Economy at the Crossroads. Institute for New Economic Thinking Annual Conference, 2011, http://whatcom.wsu.edu/carbonmasters/documents/TowardSustainableWorld Economy.pdf, page consultée le 13 janvier 2013.

    [2] Andrew Balmford et al., « Economic Reasons for Conserving Wild Nature », Science, vol. 297, no 950, 2002, p. 3; Ken J. Wallace, « Classification of ecosystem services: Problems and solutions », Biological Conservation, vol. 139, 2007, p. 235-246; Robert Costanza, « Ecosystem services: Multiple classification systems are needed », Biological Conservation, vol. 141, 2008, p. 350-352; Kurt Jax et al., « Ecosystem services and ethics », Ecological Economics, vol. 93, 2013, p. 260-268. Ceux et celles intéressés par la mise en application des concepts de services écosystémiques auraient avantage à consulter cette étude : Mary Ruckelshaus et al., « Notes from the field: Lessons learned from using ecosystem service approaches to inform real-world decisions », Ecological Economics, 2013, sous presse, disponible en ligne : http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800913002498.

    [3] Les guerres produisent également des dommages environnementaux considérables, qu’ils soient indirects ou délibérés. Et les accidents pétroliers ou nucléaires sont également dommageables pour l’environnement. À ce sujet, voir notamment : Elizabeth L. Chalecki, Environmental Security – A Guide to The Issues, Santa Barbara, Praeger, 2013, coll. « Contemporary Military, Strategic and Security Issues », chap. 5 « Collateral Damage », p. 144-164; Rob Nixon, Slow Violence and Environmentalism of the Poor, Cambridge, Harvard University Press, 2011, chap. 7 « Ecologies of the Aftermath: Precision Warfare and Slow Violence », p. 175-198.

    [4] Carl Folke et al., « Regime Shifts, Resilience, and Biodiversity in Ecosystem Management », Annual Review of Ecology, Evolution and Systematics, vol. 35, no 557, 2004, p. 81.

    [5] Qui sont les deux faces d’un même phénomène : alors que le réchauffement désigne l’effet agrégé du changement du climat, l’expression « changements climatiques » désigne les effets locaux du changement du climat.

    [6] Johan Rockstrôm et al., « Planetary boundaries: exploring the safe operating space for humanity », Ecology and Society, vol. 14, no 2, 2009, p. 32.

    [7] Herman E. Daly, Ecological Economics and Sustainable Development, 270 p.

    [8] Ibid.

    [9] Roefie Hueting et Lucas Reijnders, « Sustainability is an Objective Concept », Ecological Economics, vol. 27, no 2, 1998, p. 139-147; Blake Haggart, The Gross Domestic Product and Alternative Economic and Social Indicators, Economics Division of the Government of Canada, 2000, http://publications.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/BP/prb0022-e.htm, page consultée le 13 juin 2013;  Roefie Hueting et Lucas Reijnders, « Broad sustainability contra sustainability: the proper construction of sustainability indicators », Ecological Economics, vol. 50, 2004, p. 249-260; Joseph Stiglitz, Carl E. Walsh et Jean-Dominique Lafay, Principes d’économie moderne, Bruxelles, De Boeck, 2007, p. 471-472; Herman E. Daly, Ecological Economics and Sustainable Development, 270 p.; Joseph Stiglitz, « GDP Fetichism », The Economists’ Voice, vol. 6, no 8, 2009, p. 1-3; Eric Zencey, « G.D.P. R.I.P », The New York Times, 10 août 2009, p. A17; Jeroen Van Den Bergh, The virtues of ignoring GDP, http://www.thebrokeronline.eu/Articles/The-virtues-of-ignoring-GDP, page consultée le 6 janvier 2013; Jon Gertner, « Rise and Fall of the G.D.P. », The New York Times, le 13 mai 2010, p. MM60; Ida Kubiszewski et al., « Beyond GDP: Measuring and achieving global genuine progress », Ecological Economics, vol. 93, 2013, p. 57-68.

    [10]  Richard A. Muller, Energy For Future Presidents: The Science behind the headlines, New York, W.W. Norton & Company, 2012, 350 p.

    [11] L’écodumping est une pratique commerciale inéquitable et inefficiente qui consiste à mettre en concurrence des produits dont les coûts environnementaux sont réduits par une conception et une production responsable avec des produits dont les coûts environnementaux sont complètement externalisés. Ceteris paribus, les biens produits dans le respect de l’environnement sont désavantagés sur le marché en raison de leur prix supérieur. 

    [12] Ceteris paribus, la plus grande demande entraîne le prix de marché le plus élevé.

    [13] Thorstein Veblen, The Theory of The Leisure Class, http://www.gutenberg.org/files/833/833-h/833-h.htm, page consultée le 13 juin 2013; Joseph Heath, « Should Productivity Growth be a Social Priority? », dans Andrew Sharpe, Keith Banting et France St-Hilaire, dir., Review of Economic Performance and Social Progress, Ottawa, 2002, http://ideas.repec.org/h/sls/repsls/v2y2002jh.html, page consultée le 16 mars 2013; Blake Alcott, « John Rae and Thorstein Veblen », Journal of Economic Issues, vol. 38, no 3, 2004, p. 765-786.

    [14] Jacob S. Hacker et Paul Pierson, Winner-Take-All Politics: How Washington Made the Rich Richer — and Turned Its Back on the Middle Class, New York, Simon and Schuster, 2010, p. 108-110, 151, 304.

    [15] Christian Nadeau, « La grande déprime écologique du Québec », Spirale, vol. 221, 2008, p. 16-17.

    [16] Erick Lachapelle, « National Survey of American and Canadian Public Opinion on Climate Change », Projet de recherche en cours, 2014.

    [17] Kathryn Harrison, « The Road not Taken: Climate Change Policy in Canada and the United States », Global Environmental Politics, vol. 7, no 4, 2007, p. 92-117. 

    [18] Dominique Leydet, « Le parlement comme espace de délibération : une mauvaise utopie ? », conférence prononcée le 15 février 2013 au CRÉ de l’Université de Montréal. 

    [19] Ibid.

    [20] Gary W. Cox, The Efficient Secret: The Cabinet and the Development of Political Parties in Victorian England, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, 204 p.

    [21] Jonathan Mahlon Craft, Institutionalized Partisan Advisors in Canada: Movers and Shapers, Buffers and Bridges, Thèse de doctorat, Simon-Frazer University, 2012, 324 p.

    [22]  Scott Barrett, Environnement & Statecraft. The Strategy of Environmental Treaty-Making, Oxford, Oxford University Press, 2005, 437 p.

    [23] Jonathan Pickering et Steve Vanderheiden, « Introductory Note », Ethics & International Affairs, vol. 26, no 4, 2012, p. 421-422.

    [24] Jonathan Pickering, Steve Vanderheiden et Seumas Miller, « “If Equity’s In, We’re Out”: Scope for Fairness in the Next Global Climate Agreement », Special Section: Safeguarding Fairness in Global Climate Governance, Ethics & International Affairs, vol. 26, no 4, 2012, p. 423-443.

    [25] Will Steffen et al., « The Anthropocene: From Global Change to Planetary Stewardship », Ambio, vol. 40, 2011, p. 739-761; Steve Vanderheiden, « Coaxing Climate Policy Leadership », Special Section: Safeguarding Fairness in Global Climate Governance, Ethics & International Affairs, vol. 26, no 4, 2012, p. 463-479.

    [26] Steve Vanderheiden, « Coaxing Climate Policy Leadership », p. 463-479.

    [27]  John Rawls, Political Liberalism, New York, Columbia University Press, 2005, 576 p.; Daniel M. Weinstock, « A Neutral Conception of Reasonableness », Episteme, vol. 3, no 3, 2006, p. 234-247.

    [28] Immanuel Kant, Métaphysique des mœurs. Tome 1. Fondation et introduction, GF-Flammarion, 1994 [1785], 203 p. 

    [29] Thomas Hobbes,  Léviathan, Gallimard, 2000 [1651], 1027 p.; John Locke, Traité du gouvernement civil, http://classiques.uqac.ca/classiques/locke_john/traite_du_gouvernement/traite_du_gouv_civil.pdf, page consultée le 14 mars 2013.

    [30] Joseph Heath, The Efficient Society: Why Canada Is As Close to Utopia As It Gets, Toronto, Penguin Canada, 2002, 368 p.; Joseph Heath, « The Benefits of Cooperation », Philosophy and Public Affairs, vol. 34, no 4, 2006, p. 313-351.

    [31] Robert Goodin, On Settling, Princeton, Princeton University Press, 2012, 114 p.; Eric K. Stern, « Bringing the Environment In: The Case for Comprehensive Security », Cooperation and Conflict, vol. 30, 1995, p. 211-237.

    [32] Annette Prûss-Üstün et C. Corvalán, Preventing disease through healthy environments. Towards an estimate of the environmental burden of disease, Genève, Organisation mondiale de la santé, 2006, p. 8-16.

    [33] Millenium Exosystem Assessment Board, Ecosystems and Human Well-being: Synthesis, Washington D.C., Island Press, 2005, 137 p.

    [34] David R. Boyd, The Environmental Rights Revolution, Vancouver, University of British Columbia Press, 2012, 430 p.; Tim Hayward, Environmental Constitutional Rights, Oxford, Oxford University Press, 2004, 248 p.

    [35] David R. Boyd, The Environmental Rights Revolution, 430 p.; Sheila Jasanoff, The Fifth Branch: Science Advisers As Policymakers, Cambridge, Harvard University Press, 1990, 302 p.

    [36] Thomas Hobbes, Leviathan, 1027 p.

    [37] John Stuart Mill, On Representative Government, Kitchener, Batoche Books, 2001 [1861], 219 p.

    [38] Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique. Tome 1, Gallimard, 1986 [1848], 276 p.

    [39] Immanuel Kant, Métaphysique des mœurs, p. 156.

    [40] John Locke, Traité du gouvernement civil, http://classiques.uqac.ca/classiques/locke_john/traite_du_gouvernement /traite_du_gouv_civil.pdf, page consultée le 12 avril 2013. Consulter notamment les sections 158 et 160.

    [41]  Les lecteurs intéressés par ces enjeux consulteront les textes et ouvrages suivants : Leonard C. Feldman, « Judging Necessity: Democracy and Extra-legalism », Political Theory, vol. 3, no 6, 2008, p. 550-577;  Leonard C. Feldman, « The Banality of Emergency : On the Time and Space of   ̎Political Necessity », dans Austin Sarat, dir., Sovereignty, Emergency, Legality, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 136-164; Nomi Claire Lazar, « Must Exceptionalism Prove the Rule? An Angle on Emergency Government in the History of Political Thought », Politics Society, vol. 34, no 2, 2006, p. 245-275; Nomi Claire Lazar, « A topography of emergency power », dans Victor Ramraj, dir., Emergencies and the Limits of Legality, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 156-171; Nomi Claire Lazar, States of Emergency in Liberal Democracies, Cambridge, Cambridge University Press, 2009, 179 p.; Michael Stokes Paulsen, « The Constitution of Necessity », Notre Dame Law Review, vol. 79, no 4, 2004, p. 1257-1297; Richard A. Posner, Not A Suicide Pact. The Constitution in a Time of National Emergency, Oxford, Oxford University Press, 2006, 171 p.; Kent Roach, « Must We Trade Rights For Security? The Choice Between Smart, Harsh, or Proportionate Security Strategies in Canada and Britain », Cardozo Law Review, vol. 27, no 5, 2006, p. 2151-2152; Kent Roach, « Ordinary laws for emergencies and democratic derogations from rights », dans Victor Ramraj, dir., Emergencies and the Limits of Legality, Cambridge, Cambridge University Press, 2008, p. 229-257; Kim Lane Scheppele, « North American emergencies: The use of emergency powers in Canada and the United States », International Journal of Constitutional Law, vol. 4, no 2, 2006, p. 213-243.

    [42] John Rawls, Politcal Liberalism, 576 p.