Immigration des Basques au Québec au XXe siècle

Invention, création et bricolage d’une identité en contexte diasporique

ADELAÏDE DERASPE

 

 

Table des matières
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    Certains des objets qui nous entourent nous aident en effet à nous déplacer, d’autres à nous protéger et d’autres encore à communiquer. Mais il y en a aussi qui nous aident à nous endormir, à rêver, à aimer et à nous sentir aimés. Il y a ceux qui nous apaisent et nous sécurisent, et également ceux que nous haïssons, ceux qui nous font peur et ceux qui nous angoissent. Et parmi eux, il y a ceux que nous montrons avec ostentation parce qu’ils nous paraissent propres à donner de nous une bonne image et aussi ceux que nous cachons parce que nous estimons qu’ils participent à notre intimité[1] .

    Des millions de Basques ou de personnes se réclamant d’origine basque vivent aujourd’hui hors du Pays Basque. Ils sont les héritiers d’une très ancienne tradition migratoire[2]. L’histoire basque est riche de grandes figures du voyage qui, à l’instar des pêcheurs inconnus, ont contribué symboliquement à fonder cette tradition migratoire basque[3]. Ce mouvement ne prend pas fin avec le XIXe siècle, mais se poursuit dans un nouveau contexte, celui de la mondialisation, aux siècles suivants [4]. Les pays de destination changent également. La ruée vers l’or acclamée, une minorité de Basques se tournent vers le Canada et plus particulièrement vers le Québec. Lors du recensement effectué au Canada en 2001[5], à la question de l’origine ethnique, 2715 personnes ont répondu être basques. Avec 1330 réponses de ce type, le Québec était la province qui comptait le plus grand nombre de personnes affirmant leur lien avec le Pays Basque au Canada. Même si la ville de Trois Pistole[6]s abrite un musée destiné à l’histoire de la pêche basque en Amérique[7], c’est dans la ville de Montréal que se trouvent les 840 personnes qui se sont déclarées basque. Au Québec, les immigrants basques sont peu nombreux[8] si on les compare avec les Basques vivant actuellement en Amérique du Sud, ou dans les états de l’Idaho, du Nevada ou de la Californie.

    La littérature portant sur la diaspora basque est déjà en soi très riche. On peut mentionner Jose-Carlos Clemente[9] et plus récemment les actes du 1er colloque international sur l’immigration basco-béarnaise[10] ou encore une étude commandée par le Gouvernement Autonome Basque d’Espagne : Euskaldunak munduan[11] (Les Basques dans le monde). Cette énumération est loin d’être complète, mais est emblématique de l’état de la littérature sur la question. Ces travaux ont en commun une ambition, celle de dresser un état de la présence des Basques sur le globe. Une lacune appert cependant quand on considère plus attentivement le corpus de ces recherches. La plupart des recherches sur les Basques en diaspora concernent les pas où l’immigration basque s’est concentrée, soit les États-Unis et l’Amérique du Sud. On peut mentionner, par exemple, l’ouvrage de Gabi Etchebarne[12] en 2005, qui évoque, à travers une biographie, le départ de bergers basques vers l’Ouest américain XXe siècle ou encore celui d’Alberto Sarramone qui décrit l’immigration et l’intégration sociale des Basques en Amérique en s’appuyant exclusivement sur le cas de l’Argentine[13]. Cela reste vrai de l’ouvrage de William Douglass, The Basque Diaspora[14], paru en 1999, autant que de celui de Gloria Pilar Totoricaguena, en 2004, qui porte sur l’identité, la culture et la diaspora basque[15]. Le lien entre une communauté immigrante importante et la vigueur des recherches sur celle-ci est évident. Pourtant, le cas de ces petites communautés de migrants dans des régions autres que les États-Unis ou l’Amérique latine est autant sinon plus importants à étudier, dans la mesure où cette étude peut révéler des modes performatifs différents de l’identité, étant donné même cette précarité de la communauté.

    Le Québec représente un de ces contextes où la communauté basque ne dispose pas d’une présente forte et organisée. Or, les recherches à ce jour sur les Basques au Québec ont surtout porté sur leurs activités halieutiques[16] par le passé : pêche à la morue, chasse à la baleine. La première étude sur l’émigration basque au XXe siècle[17], qui paraît en 1910, consacre une part importante aux « pêcheurs de baleines », sans qu’il ne soit question cependant des Basques vivant au Québec aux périodes ultérieures. Cela permet de mettre en évidence une lacune, bien réelle, concernant l’histoire de l’immigration des Basques au Québec dans la période contemporaine. Ceci s’explique sans doute par la faible représentativité quantitative de cette communauté en terres québécoises, surtout si on la compare à d’autres pays du même continent.

    L’intérêt en sciences humaines et sociales pour les objets survient relativement tard, peut-être à cause d’un certain mépris philosophique dans lequel ils ont longtemps été tenus. Dans les années 1960, Jean Baudrillard se questionnait sur l’aliénation de l’individu par la consommation et le « système des objets[18] ». En 1979, Pierre Bourdieu expliquait les différenciations sociales révélées par les objets et leur consommation[19]. Il faut attendre Michel de Certeau[20] pour que l’objet soit appréhendé dans une dimension moins négative « et que ses usages soient montrés comme relevant de la “créativité”, mais aussi de la “ruse”, c’est à dire de la réaction active à la domination sociale[21] ». L’intérêt pour ce que Laurier Turgeon appelle « l’objet social[22] » est né en opposition au courant structuraliste et aux analyses sémiotiques. Roland Barthes a, le premier, abordé l’idée d’une « transitivité de l’objet[23] ». Il s’agit là d’une avancée considérable puisque l’objet n’est plus perçu comme figé, mais au contraire, il peut se transformer, et ce, même si son rôle reste celui de simple médiateur. Mais il faut attendre les travaux de Pierre Bourdieu[24], en France, et de Christopher Tilley, aux États-Unis, pour que les objets soient pris en compte comme des acteurs majeurs pouvant structurer l’ensemble de la vie sociale. L’impact de cette évolution est fondamental, puisque l’objet est, dès lors, perçu comme un acteur essentiel dans la construction des personnes et de leur identité.

    Une fois définie cette interrelation étroite entre hommes et objets, d’autres avenues se sont révélées praticables. Les recherches d’Igor Kopytoff[25] sur la biographie des objets ont amené plusieurs chercheurs à travailler sur ces questions. Selon Arjun Appadurai[27] biographie des objets permet de mettre en lumière leurs différentes fonctions sociales. Comme les objets subissent sans arrêt des changements dans la valeur qui leur est accordée, la pratique qui les entoure, la connaissance de leurs trajectoires de vies permet de comprendre les changements de sens. Plus que cela, la compréhension de la vie d’un objet permet de comprendre le passage entre les cycles de vie de son propriétaire. Thierry Bonnot s’appuie sur ce même concept dans son ouvrage, La vie des objets[28], dans lequel il suit les objets dans leur trajectoire individuelle. Ces recherches ont pour hypothèse centrale qu’il ne faut pas considérer l’objet comme étant figé. L’objet, au contraire, est exposé à de nombreux changements tout au long son existence.

    [L]es objets, transmis de génération en génération, ou d’une culture à une autre, transportent avec eux les intentions de leurs créateurs-transmetteurs et agissent sur leurs détenteurs. Les objets transmis subissent des recontextualisations sociales et culturelles : ils prennent d’autres formes, ils acquièrent de nouveaux usages et changent de sens. Les transformer est une manière de marquer une appropriation et, en même temps, les objets transforment ceux qui les manipulent. La prise de possession d’objets nouveaux entraîne non seulement des reconfigurations culturelles, mais aussi des reclassements et des redéfinitions des individus et des groupes dans la société. Les personnes peuvent investir les objets de leurs biographies à tel point que ceux-ci sont considérés inaliénables, c’est-à-dire qu’ils incarnent les personnes et ne peuvent plus être séparés d’elle[29].

    La perception que nous avons de nos objets évolue. Conséquemment, ces derniers subissent de perpétuels reclassements, réévaluations, représentations. Nous intéressons aux objets de la culture basque dans une dynamique interculturelle. L’intérêt pour l’étude des pratiques entourant les objets culturels basques dans un contexte diasporique prend donc tout son sens. Transposés dans une nouvelle aire culturelle, les objets participent grandement à la construction identitaire et mémorielle d’individus en situation migratoire[30].

    Dans le cadre de cette recherche, nous avons choisi de nous appuyer sur la méthode de l’enquête orale. Celle-ci permet d’obtenir des données qualitativement appréciables du fait de la proximité qu’elle permet avec les informateurs. En fait, au regard des rares travaux dont nous disposions pour comprendre l’identité basque dans le contexte québécois à l’époque contemporaine, il nous a semblé évident que ce travail devait se faire en se fondant sur des enquêtes orales[31]. En effet, les informateurs sont des personnes ayant chacune un parcours qui lui est propre. Or, c’est précisément cette singularité des parcours qui est au centre même des notions de biographie de l’objet. La communauté sur laquelle portent nos recherches est, en effet, difficilement dénombrable. Cela tient essentiellement au fait que les populations immigrantes du Pays Basque sont intégrées dans la masse de celles provenant de France ou d’Espagne. Une association de Basques du Québec, qui n’a pas la prétention de réunir l’ensemble de la communauté, regroupe deux cents familles. Or, nous avons eu l’occasion de rencontrer des Basques qui n’en étaient pas membres pour diverses raisons. Notre choix de prendre l’association comme source d’informateurs ne saurait donc prétendre à un échantillon parfaitement représentatif, encore moins à l’exhaustivité. Or, c’est un problème auquel il faut se résigner, car il ne peut être pallié. Contrairement à ce qu’affirme Stéphane Rivail[32], la consultation d’un annuaire téléphonique ne peut être considérée comme un moyen approprié de retrouver des personnes basques vivant à Montréal. Si cette liste révèle leur origine, elle ne représente en rien un indicateur de leur culture. Les Québécois ayant un nom de famille basque sont très nombreux, sans qu’ils se sentent basques pour autant. De plus, il n’est pas possible de dresser un portrait type des membres de l’Association des Basques du Québec. La présence des Basques du Nord, émigrants récents ou anciens, est notable. Les Basques du Sud sont aussi présents, même s’ils y sont moins nombreux. Nous avons aussi rencontré des Québécois, certains d’origine basque et d’autres non, qui étaient intéressés par la culture basque. D’autres encore sont des étudiants du Nord ou du Sud venus au Québec pour une à trois années. Les conjoints non basques participent aussi au maintien de la culture à l’étranger. En fait, ce qui peut paraître comme une difficulté d’échantillonnage correspond peut-être à la subtilité même de l’identité basque : est basque (euskaldun) celui qui parle la langue basque[33]. Une définition qui ne recourt pas aux notions d’histoire, d’ethnie, encore moins de sang. Pourtant, à cause d’une longue histoire, faite tant de répression linguistique que d’immigration, beaucoup de personnes se disant basques ne parlent pas cette langue. D’où, sans doute, l’importance plus grande encore qu’il y a, pour eux, de vivre et de dire leur identité sur toutes sortes de modes, dont les cultures matérielle et culinaire.

    Avant d’aller plus loin, il convient de préciser les critères de sélection des personnes sur lesquels s’est basée notre recherche. Nous souhaitions interroger des Basques qui vivent actuellement au Québec, c’est-à-dire on pas des euskaldunak (ceux qui parlent la langue basque) au sens propre, mais des hommes et des femmes qui se reconnaissent dans cette aire culturelle transnationale (Française au Nord et Espagnole au Sud). A nos yeux, ce critère de la maîtrise de la culture est aussi important que celui de la maîtrise de la langue. C’est pourquoi, dans le cadre de cette recherche, nous nous sommes intéressés non seulement à ceux qui maîtrisent la langue, mais aussi à ceux qui se reconnaissent dans cette culture sans nécessairement avoir la maîtrise de l’idiome.

    Les informateurs que nous avons choisi d’interroger peuvent être regroupés en trois catégories. La première concerne les immigrants directement arrivés du Pays Basque, et ce, à des époques différentes. L’intérêt pour ces informateurs réside dans le fait qu’ils ont tous vécu au Pays Basque et demeurent actuellement au Québec. On peut ensuite les distinguer par le groupe d’âge auquel ils appartiennent et la période de leur migration.

    Un second type d’informateurs regroupe les enfants des expatriés, nés au Québec. Ces jeunes adultes nous ont permis d’approcher la transmission verticale de la culture, c’est-à-dire des parents aux enfants. Il s’agit d’une catégorie d’informateurs dont l’importance est indéniable dans un travail sur l’identité dans un contexte diasporique, et ce, pour au moins deux raisons : il est possible de comprendre quels aspects de leur culture leurs parents leurs ont transmis, mais surtout comment et pourquoi eux, qui n’ont jamais vécu au Pays Basque, continuent de s’identifier à cette culture.

    La troisième catégorie est celle qui regroupe les conjoints ou conjointes de Basques vivant au Québec. Grâce à eux, nous sommes en mesure de comprendre un autre aspect de la diffusion de la culture : la transmission horizontale[34]. Cette volonté de comprendre cette autre direction de transmission aurait pu nous amener à élaborer une approche des amis, des collègues de travail ou tout simplement l’entourage de la population étudiée. Mais, à tout bien considérer la chose, le rapport entre l’investissement de temps nécessaire et le rendu escompté nous est apparu déséquilibré. Pour autant, si cette catégorie n’a pas été approchée dans le cadre de l’enquête orale, elle l’a été de manière plus informelle dans la pratique de l’observation participante. Petit détail qui a son importance : cette observation participante et l’approche des informateurs, en général, ont été facilitées par le fait que nous sommes une migrante basque.

    Nous avons élaboré un questionnaire semi-directif qui comporte plusieurs volets[35]. Le premier ensemble de questions a pour thème la personne et son origine. Il comporte deux sous-catégories (origine et raison du départ) qui ont orienté la collecte d’informations relatives au lieu de naissance, à la famille d’origine, à la vie de l’informateur au Pays Basque, ainsi qu’au moment du départ et ses motivations. Ce dernier point ouvre sur la deuxième partie du questionnaire, fondamentale dans une recherche impliquant des personnes issues de l’immigration. Cet ensemble de questions (le voyage et l’installation) est axé sur l’expérience migratoire vécue par l’informateur. C’est dans cette partie de l’entrevue qu’il est possible d’aborder des points tels que le choix de la destination, ainsi que l’intégration sociale et professionnelle dans le nouveau milieu. Les réponses des informateurs ont apporté ici des indications importantes. Elles concernent la famille, le réseau social et l’activité professionnelle du participant, ainsi que sur le rapport de ses enfants à la culture basque.

    Ces deux parties nous ont permis de mieux connaître l’informateur, mais aussi de centrer l’entrevue sur une des grandes interrogations de cette recherche : les objets. Étant donné que nous souhaitions comprendre l’expression de l’identité basque à travers les objets présents dans leurs intérieurs, lors de la première prise de contact, nous avons dressé machinalement un premier aperçu des objets basques présents dans le champ de vision[36]. Il s’est agi ensuite de demander de quel type d’objets il est question ou encore comment et pourquoi ils les ont apportés au Québec. . Cela a permis de faire une première esquisse des stratégies mobilisées par celui qui nous ouvre ses portes.

    Le troisième et dernier volet du questionnaire concerne la cuisine des Basques au Québec[37]. Il s’agit, dans un premier temps, de comprendre l’espace de la cuisine et son agencement. Puis, une série de questions concerne les objets et aliments présents dans la cuisine. Les dernières questions concernent les pratiques liées à la cuisine. Il convient de préciser, ici, que le choix de poser des questions sur ces deux thèmes précis nous est venu après une pré-enquête effectuée aux domiciles de nos informateurs. Notre crainte était d’imposer certains objets et pratiques simplement en les nommant[38]. D’où l’importance de cette pré-enquête, qui nous a permis de repérer ceux qui étaient déjà présents chez nos informateurs. Dans le cas présent, nous avons, dans un premier temps, rencontré les informateurs et échangé sur leur expérience de migration. Lors de ces discussions, nous avons pu apprécier l’importance que le makila, de même que la cuisine occupaient dans les discours des Basques expatriés. Le questionnaire a donc été réalisé à partir des données relevées sur le terrain.

    L’hypothèse qui a servi de point de départ à cet article est que, en contexte diasporique, la dimension affective des objets resurgit, dans la mesure où ces objets permettent aux immigrants de recréer l’image idéale de la maison familiale qu’ils ont quittée. La pratique de ces objets est à ranger au rang des « arts de faire[39] » qui permettent la performance d’une identité.

    L’intérieur domestique: «territoire de l’intimité[40]»

    L’installation dans un nouvel environnement culturel, cette expérience de vie particulière, nécessite de constants réajustements et adaptations. Comme nous l’explique une de nos interlocutrices, parlant de ces objets : « c’est ridicule, mais c’est des choses qui font que tu te dis : ben on est encore chez nous ». Les objets contribuent grandement à la création d’un environnement familier indispensable pour les personnes en contexte migratoire. Ils leur permettent d’affirmer leurs goûts, leur culture, leur appartenance à diverses communautés. Ces objets sont, par leur exposition dans les intérieurs domestiques, porteurs des messages et des codes que les hôtes souhaitent mettre en avant. Inévitablement, l’intérieur domestique constitue un paradoxe.

    Selon Michel de Certeau[41], il suffit de quelques heures pour qu’une chambre d’hôtel, à priori impersonnelle, anonyme, révèle le portrait d’une personne grâce aux objets (présents ou absents) et les usages qu’ils supposent. Si quelques heures sont suffisantes pour dévoiler certains aspects de notre personnalité, que dire du « chez-soi »? Notre domicile est le lieu témoin de notre quotidienneté, ce « territoire où se déploient et se répètent de jour en jour les gestes élémentaires des “arts de faire ” ». Plus que cela, l’intérieur domestique est le lieu aux fonctions multiples : « à la fois décor meublant et théâtre d’opérations[42] ». C’est le lieu, témoin quotidien des habitudes de la famille. Les objets font plus que cela, « en nous rappelant sans cesse le passé, ces objets imposent une mémoire[43] ». En contexte diasporique, ces objets entretiennent chez les immigrants le souvenir du pays quitté, contribuent à la construction de mémoires et d’identités tant individuelles que collectives.

    Objets et identités des Basques du Québec

    La maison est au cœur des enjeux de la formulation identitaire en diaspora. Nous nous intéressons aux objets que les Basques possèdent dans leurs intérieurs domestiques québécois.

    Les objets permettent de maintenir vivant le sentiment d’appartenance à la communauté basque parce qu’ils permettent la transition intergénérationnelle de la culture, ne serait-ce que par le fait que ces objets sont présents dans l’espace domestique.

    La quantité et la qualité des objets amenés lors du tout premier voyage d’installation sont intrinsèquement liées aux parcours de chaque individu avant qu’il ne quitte son pays. Ces objets qui ont été sélectionnés par l’immigrant pour l’accompagner lors de ce premier voyage ont une histoire particulière. Il est important de noter que cette sélection par l’immigrant s’est faite alors qu’il n’était pas encore parti. Déjà, lors de la préparation des bagages, certains objets ont acquis une valeur suffisamment importante pour y gagner leur place parmi les objets de première nécessité. Ainsi, ces objets nous conduisent à réfléchir sur ce que représentait le fait d’immigrer pour nos interlocuteurs. Nous avons cherché à comprendre, à travers les objets qu’ils ont choisi de faire voyager, si ces immigrants pressentaient la nécessité de s’entourer d’objets de leur culture et s’ils anticipaient avoir à éprouver un manque, causé par l’éloignement de leur pays d’origine.

    Après avoir vécu quelques mois, voire quelques années loin du Pays Basque, tous nos interlocuteurs ont exprimé avoir ressenti le besoin de se rapprocher de leur culture et d’en acquérir des objets caractéristiques. Les objets acquis au fil des années peuvent être classés dans différentes catégories.

    La première catégorie concerne les objets de famille que ces expatriés ont cherché à se procurer pour les garder avec eux. Transmis de génération en génération, ils prennent une valeur d’autant plus importante pour des personnes qui vivent loin de leur pays d’origine, car ces objets leur permettent de s’assurer du fait qu’eux aussi — malgré leur situation de migrants — perpétuent la tradition et que, ainsi, ils sont toujours basques malgré la distance entre les deux pays.

    Les cadeaux constituent également une large part de la décoration des intérieurs de ces immigrés. En effet, au Pays Basque, l’affection pour les membres de la diaspora est presque naturelle, tant elle fait partie de l’histoire des Basques et il apparaît donc naturel, pour les habitants du Pays Basque, d’offrir des cadeaux à ceux de la diaspora qui font un voyage dans leur pays d’origine. Un cadeau à ceci de particulier qu’il fait resurgir plusieurs images dans l’esprit du migrant. Tout d’abord, le cadeau exposé permet de se souvenir de l’émotion, du plaisir ressenti lors de sa réception. Mais plus que cela, il permet au Basque vivant au Québec de visualiser la personne qui lui a offert un présent lorsqu’elle l’a choisi au Pays Basque. Il marque, par la même occasion, la subsistance d’un lien fort entre l’expatrié et le Basque resté au pays.

    Enfin, une grande part des objets accumulés ont été achetés par nos informateurs durant les séjours qu’ils ont effectués au Pays Basque. À l’inverse de l’Arménie[44], il n’existe pas, au Pays Basque, de fabrication d’objets spécifiquement destinés à la diaspora. De plus, la quantité d’objets touristiques que l’on trouve dans les commerces du Pays Basque retrouvés chez nos informateurs est infime. Ils en achètent peu, parce qu’ils ne se considèrent pas comme des touristes, mais comme des expatriés de retour chez eux. Les boutiques de souvenirs touristiques ont mauvaise presse. Nos interlocuteurs ne les considèrent pas comme des magasins dans lesquels on trouve des objets basques.

    Conserver un lien avec ses racines

    Nous avons énuméré les différents moyens qui permettent aux Basques de vivre dans un environnement basque, en insistant sur le mode d’acquisition des différents objets. Objets familiaux, cadeaux ou objets qu’ils ont achetés eux-mêmes lors de fréquents séjours au Pays Basque, tous semblent avoir une importance pour les Basques immigrés. Nous avons pu constater des différences dans l’acquisition des objets en fonction des affinités de chacun. Dans un contexte diasporique, c’est souvent sur ces objets précis que se fondent l’affirmation de leur identité et la présentation de leur culture. Ces personnes qui vivent leur culture loin de leur terre d’origine ont chacune leur manière de garder un lien avec leurs racines. Les objets exposés dans les intérieurs domestiques reflètent les aspects de la culture basque que nos informateurs affectionnent le plus et, surtout, qu’ils souhaitent mettre en avant. Les objets « mis en scène » dans l’espace domestique sont le reflet de l’image que les Basques veulent donner d’eux-mêmes. Pendant notre discussion, Georges est, à de nombreuses reprises, revenu sur le sujet de la pelote. Même s’il a placé chez lui des objets basques de toutes sortes, celui-ci détournait sans cesse la conversation dans le but de nous montrer un maillot de pelote basque reçu en cadeau ou des chisteras (instrument en osier pour jouer à la pelote) de champions qu’il conserve méticuleusement. Au cours de la visite de son intérieur, cet informateur insistait pour que nous prenions une photographie de chaque objet qui avait trait à ce sujet-là. Il vérifiait méticuleusement l’angle de la prise de vue, la luminosité de la pièce, pour que ses objets soient correctement mis en valeur. Une fois la photographie prise, il a souhaité vérifier si la prise de vue était bonne. On remarque un fort désir de présenter ses objets, qu’il considère être le reflet de son intérieur, sous leur meilleur jour. De plus, après l’enregistrement, Georges a soigneusement disposé des objets en rapport avec la pelote de façon à ce que nous photographiions sa composition. Il s’agissait d’une véritable mise en scène de ses objets favoris que notre interlocuteur a composé lors de l’entretien. Il s’agissait là de mettre ses objets favoris sur un piédestal.

    Composition de Georges, photographiée 18/11/2006 à son domicile, à Montréal.

    Il apparaît évident, par cette composition improvisée à l’instant même de l’entretien, que Georges souhaite mettre en valeur ses objets, ceux qui lui procurent un grand sentiment de fierté. Thierry Bonnot a constaté la même attitude chez certains de ses interlocuteurs lorsque des objets étaient mis en scène spécialement pour le chercheur[45].  Pourtant, la langue marque symboliquement l’origine et l’affiliation au pays dont elle définit traditionnellement les limites. Euskal Herria, qui veut dire Pays Basque, se traduit littéralement par « pays de la langue basque ».

    Alors que la langue est le plus grand marqueur de l’identité basque, Georges semble révéler son appartenance à cette communauté par sa passion pour la pelote basque et le port quotidien du béret . Il ne le quitte jamais, à tel point qu’il est devenu son signe distinctif dans son quartier montréalais. Cet homme a également insisté sur le fait que le port de son béret leur avait permis de nombreuses rencontres avec les Basques de la diaspora des États-Unis, d’Amérique du Sud et du Québec. Comme l’ont fait remarquer plusieurs de nos interlocuteurs, ces signes extérieurs de basquitude sont aussi des moyens de favoriser les rencontres entre Basques à travers le globe. À ce propos, plusieurs d’entre eux ont affirmé entretenir des contacts réguliers avec des Basques vivant dans d’autres pays étrangers, principalement aux États-Unis et en Amérique Latine.

    Tous les informateurs rencontrés avaient chez eux, des livres sur la diaspora basque. Ces personnes ont conscience d’appartenir à un groupe. Ils semblent fascinés par l’organisation des grands pôles de concentration de Basques dans le reste du continent américain. Ces Basques en diaspora sont fiers de continuer à vivre leur culture à l’étranger et ne manquent jamais une occasion de nous montrer leurs livres, affiches, autocollants de centres de la diaspora basque à travers le globe. Chaque individu se définit en fonction de son histoire, de ses affinités personnelles. C’est pour cette raison que les intérieurs de tous les Basques de la diaspora du Québec sont habités par des objets basques différents.

    Car c’est véritablement dans l’intimité des intérieurs domestiques, par de petits gestes quotidiens, par des arts de faire, des tactiques, des performances, des usages, des réemplois et la pratique d’objets-spectacle que ces immigrants s’inventent une culture et une identité. Qui plus est, ces ruses du quotidien s’enracinent dans un contexte particulier, qui est celui de l’immigration. Or, négocier son identité en contexte d’immigration, c’est  avant tout composer avec la culture du pays hôte, ce qui implique des échanges, des métissages, des transferts culturels.

    Références

    [1] Serge Tisseron, Comment l’esprit vient aux objets, Paris, Aubier, 1989, p. 10.

    [2] Elle s’explique tout d’abord par la position géographique du Pays basque. Une autre raison relève de la coutume et de l’organisation même de la « famille souche » au sein de la maison rurale basque. En effet, le régime successoral basque faisait de l’aîné, homme ou femme, le seul héritier du domaine familial. Les autres enfants pouvaient entrer dans les ordres, dans l’armée, ou immigrer. Cette attitude s’est généralisée à partir du XVIIe siècle, quand toutes les terres cultivables furent occupées. Ainsi, l’immigration est-elle devenue chez les Basques un phénomène social. Voir à ce propos, Frédéric Le Play, L’organisation de la famille, selon le vrai modèle signalé par l’histoire de toutes les races et de tous les temps, Téqui, Paris, 1995, (1871).

    [3] El Cano fut le premier homme à faire le tour du monde en 1521; l’évangélisateur François Xavier parcourut l’Asie de Goa au Japon; Urdaneta et Legazpi furent, quant à eux, les pionniers de la route du Pacifique, de Mexico à Manille. Voir Wiliam Douglass, « D’autres Basques » dans André Gabastou (sous la direction de), Nations basques-peuple mythique, aventure universelle, Paris, Autrement, 1994, p. 171.

    [4] Voir Laurier Turgeon, Jocelyn Létourneau et Khadiyatoulah Fall, Les espaces de l’identité, Québec, Presses de l’Université Laval, 1997.

    [5] Recensement de 2001, Statistique Canada, Question no 17 sur l’origine ethnique.

    [6] Dans Patrimoines métissés, Contexte coloniaux et postcoloniaux, Paris/Québec, Éditions de la Maison des Sciences de l’Homme/Les presses de l’Université Laval, 2003, Laurier Turgeon explique comment, dans la région du Bas-Saint-Laurent, une communauté a promu le passé historique des Basques, créant ainsi une « basquitude virtuelle, une basquitude sans Basques ». Par la multiplication de signes visuels, tels des noms de boutiques, et la répétition d’un discours relié à un passé construit de cette région, les habitants de la municipalité régionale de comté des Basques sont parvenus à se construire une identité locale. Cependant, les Québécois de la ville de Trois-Pistoles ne sont pas originaires du Pays basque. De ce fait, la salle de généalogie installée au premier étage du Parc de l’aventure basque en Amérique n’a, à ce jour, abouti à aucune découverte d’ancêtres basques dans la région. En effet, les Basques qui venaient pêcher dans cette région ne s’y installèrent que de manière saisonnière. Laurier Turgeon et Denis Laborde, « Passé simple, passé composé : construire un paysage ethnoscopique basque au Québec », dans Laurier Turgeon (sous la direction de), Les entre-lieux de la culture, Québec, Presses de l’Université Laval, 1998, p.  290.

    [7] Il s’agit du Parc de l’aventure basque en Amérique, inauguré en 1996.

    [8] La communauté sur laquelle porte nos recherches est, en effet, difficilement dénombrable. Cela tient essentiellement au fait que les populations immigrantes du Pays basque sont intégrées dans la masse de celles provenant de France ou d’Espagne. Une association de Basques du Québec, qui n’a pas la prétention de réunir l’ensemble de la communauté, regroupe deux cents familles. Or nous avons eu l’occasion de rencontrer des Basques qui n’en étaient pas membres pour diverses raisons. Notre choix de prendre l’association comme source d’informateurs ne saurait donc prétendre à un échantillon parfaitement représentatif, encore moins à l’exhaustivité.

    [9] Jose Carlos Clemente, Los otros Vascos: las migraciones vascas en el siglo XX, Madrid, Fundamentos, 1997.

    [10] Adrian Blasquez Garbajosa (sous la direction de), L’émigration basco-béarnaise aux Amériques : regards interdisciplinaires, Actes du colloque international sur l’émigration basco-béarnaise aux Amériques, Gascogne, Orthez Ed., 2005.

    [11] Service central des publications du gouvernement basque, Euskaldunak Munduan, Vitoria-Gasteiz, Eusko Jaurlaritzaren Argitalpen Zerbitzu Nagusia, 2000-2001.

    [12] Gaby Etchebarne, Paroles de bergers, du Pays Basque au Far West, Bayonne, San Sébastien (Espagne), Elkarlanean, 2005.

    [13] Alberto Sarramone, Les cousins basques d’Amérique, Biarritz, J&D, 1997.

    [14] Wiliam Douglass, The Basque Diaspora, Reno, University of Nevada Press, 1999.

    [15] Gloria Pilar Totoricaguena, Identity, Culture and Politics in the Basque Diaspora, Reno, University of Nevada Press, 2004. Douglass et Totoricaguena appartiennent tous deux au Center for Basque Studies de Reno, destiné à l’étude de la vie des Basques dans le désert du Nevada, en particulier, et à celle de la diaspora et du peuple basque, en général. Ce centre possède une bibliothèque spécialisée regroupant quelque 50 000 volumes. Le centre publie aussi les Book Basque Series qui comptent à ce jour quarante-cinq publications. La production de Reno est si importante que Jean-Pierre Mathy se questionne sur la naissance d’une nouvelle culture diasporique. Jean-Pierre Mathy, « Le mouvement culturel basque-américain (1960-1980) : renaissance ethnique ou folklore nostalgique? », dans Processus sociaux, idéologies et pratiques culturelles dans la société basque, Pau, Publications de l’Université de Pau et du CNRS, 1985 pp. 227-232.

    [16] Laurier Turgeon, Pêches basques en Atlantique Nord, (XVIIe-XVIIIe siècles) : étude d’économie maritime, thèse dirigée par Pierre Guillaume, Université de Bordeaux III, 1982; Mario Mimeault, Destins de pêcheurs, les Basques en Nouvelle-France : une étude de la présence des basques en Nouvelle-France et son implication dans les pêches en Amérique sous le régime français, Thèse de maîtrise dirigée par Jacques Mathieu, Université Laval 1987; Mario Mimeault, Urza Carmilo, White Linda et Zulaika Joseba « Les Basco-Canadiens, 1500-1999 : Du grand large jusqu’au cœur du Canada », dans William Douglass, The Basque Diaspora/ La Diaspora Vasca, Reno, University of Nevada, 1999, p. 217-238.

    [17] Pierre Lhande, L’émigration basque, histoire, économie, psychologie, Paris, Nouvelle librairie nationale, 1910.

    [18] Jean Baudrillard, op. cit., p. 25.

    [19] Pierre Bourdieu, La distinction : critique sociale du jugement, Paris, Éditions de minuit, 1979.

    [20] Michel de Certeau, Luce Giard et Pierre Mayol, L’invention du quotidien, tome 2 : Habiter, cuisiner, Paris, Gallimard, 2003 (1994).

    [21] Isabelle Garabu-Moussaoui et Dominique Desjeux (sous la direction de), Objet banal, objet social : les objets quotidiens comme révélateurs des relations sociales, Paris, L’Harmattan, 2000, p. 13.

    [22] Laurier Turgeon, op. cit. (2007), p. 21.

    [23] Roland Barthes, op. cit.

    [24] Pierre Bourdieu, op. cit.

    [25] Kopytoff, « The Cultural Biography of Things: Commoditization as Process », dans Arjun Appadurai (sous la direction de), The Social Life of Things: Commodities in Cultural Perspective, Cambridge, Cambridge University Press, 1986, p. 3-63.

    [26] Voir, entre autres, Janet Hoskins, Biographical Objects: How Things tell Stories of people’s lives, Oxford, Berg, 2000; Thierry Bonnot, La vie des objets : d’ustensiles banals à objets de collection, Paris, Éditions  de la Maison des Sciences de l’Homme, 2002; Laurier Turgeon et Octave Debary (sous la direction de), Objets et Mémoires, Édition de la Maison des Sciences de l’Homme/Presses de l’Université Laval, Paris/Québec, 2007.

    [27] Arjun Appadurai, The Social Life of Things, Cambridge, Cambridge University Press, 1986.

    [28] Thierry Bonnot, op. cit.

    [29] Laurier Turgeon, op. cit. (2007), p. 25. 

    [30] Cf. Jean Bazin et Alban Bensa, « De l’objet à la chose », Genèses, no 17 (1994) : Les objets et les choses, p. 4-7 et Daniel Miller, Home Possessions: Material Culture behind Closed Doors, Oxford, Oxford University Press, 2001.

    [31] Les informateurs que nous avons choisi d’interroger peuvent être regroupés en trois catégories. La première concerne les immigrants directement arrivés du Pays basque, et ce, à des époques différentes. L’intérêt pour ces informateurs réside dans le fait qu’ils ont tous vécu au Pays basque et demeurent actuellement au Québec. Un deuxième type d’informateurs regroupe les enfants des expatriés, nés au Québec. Ces jeunes adultes nous ont permis d’approcher la transmission verticale de la culture, c’est-à-dire des parents aux enfants. Il s’agit d’une catégorie d’informateurs dont l’importance est indéniable dans un travail sur l’identité dans un contexte diasporique, et ce, pour au moins deux raisons : il est possible de comprendre quels aspects de leur culture leurs parents leur ont transmis, mais surtout comment et pourquoi eux, qui n’ont jamais vécu au Pays basque, continuent de s’identifier à cette culture. La troisième catégorie est celle qui regroupe les conjoints ou conjointes de Basques vivant au Québec. Grâce à eux, nous sommes en mesure de comprendre un autre aspect de la diffusion de la culture : la transmission horizontale.

    [32] Stéphane Rivail, Le maintien de l’identité basque à Montréal. Le cas de l’association Euskaldunak Montréal, Mémoire de maîtrise en sociologie réalisé sous la direction de Ahmed Ben Naoum, Université de Perpignan, 2004.

    [33] Le basque est une langue non indo-européenne dont les origines restent mystérieuses, malgré les innombrables hypothèses qui ont été mises à l’épreuve à ce jour. La faible romanisation du Pays basque a permis le maintien de sa culture et de sa langue. Rome parvint à établir sa domination politique, mais non à imposer sa culture. Les invasions « barbares » qui détruisirent l’Empire romain contribuèrent à leur façon à maintenir la spécificité basque en éliminant une emprise politicoculturelle qui, à la longue, aurait été un facteur d’assimilation. Pierre Letamendia parle d’un « miracle basque », du fait du maintien d’une langue ancestrale et d’une conscience basque, malgré la position géographique du Pays basque, lieu de passage de multiples invasions et aussi de migrations plus pacifiques, comme le pèlerinage médiéval qui draine des foules de toute l’Europe vers Saint-Jacques-de-Compostelle.

    [34] Celle-ci concerne les amis, les conjoints, l’entourage de la personne en général.

    [35] Annexe no 1

    [36] L’observation des objets dans leur environnement étant primordiale, nous avons pris soin de garder une trace manuscrite et photographique du positionnement physique de la plupart des objets dans les intérieurs domestiques des personnes interrogées.

    [37] Annexe no 2.

    [38] « Le danger est grand que la science impose le lieu de mémoire de par le seul fait de le nommer et, ainsi, suggère au locuteur de répéter les scripts officiels. » Tristan Landry, article cité, p. 100-101.

    [39] Michel de Certeau, L’invention du quotidien, 1. Arts de faire et 2. Habiter, cuisiner, éd. établie et présentée par Luce Giard, Paris, Gallimard, 1990.

    [40] Perla Serfaty Garzon, 

    [41] Ibid., tome 2, p. 205-206. 

    [42] Ibid., p. 207.

    [43] Ibid.

    [44] Marie-Blanche Fourcade

    [45] Thierry Bonnot, op. cit. p. 203.