Introduction
Les armes chimiques trouvent leur place sur le champ de bataille bien avant 1914-1918[1], mais c’est lors de la Première Guerre mondiale qu’elles sont employées pour la première fois à aussi vaste échelle – elles composent près d’un quart des obus tirés en 1918. Elles attirent de cette manière l’attention des chercheurs et deviennent un objet d’étude à part entière pour l’historiographie à partir des années 1980.
Pourtant, à ses débuts, au lendemain de la guerre, l’historiographie de la Grande Guerre n’a pas toujours relevé la particularité de l’arme chimique, ses propriétés tactiques et ses aspects techniques[2]. Ses premières tentatives de récit sont restées très descriptives – elles reconstituent les instances où les armes chimiques ont été utilisées durant la Première Guerre mondiale, et s’emploient à dédouaner par la même occasion leur pays de la responsabilité du premier usage de gaz asphyxiants. Ces exemples d’emploi d’armes chimiques visent précisément à prouver ou à confirmer la cruauté et la barbarie de l’ennemi qui s’est abaissé à y recourir. Les éléments entourant la confection des gaz asphyxiants, tels que l’organisation de l’industrie chimique ou la recherche et le développement n’y sont pas abordés, manquant de reconnaître la place de l’arme chimique dans la guerre totale, et sa qualité d’attribut de la guerre moderne. Les gains réels obtenus sur le front avec ce type d’armes n’y figurent pas non plus. Généralement, ces lacunes s’expliquent du fait que ces études ne s’appuient que sur un seul type de sources – généralement militaires – ou des sources en provenance d’un seul pays[3]. Quel est le visage de cette historiographie de l’arme chimique aujourd’hui?
À partir des années 1980, les différents conflits au Moyen-Orient et en Asie où sont employées les armes chimiques relancent l’intérêt sur le sujet. Parallèlement, l’ouverture des archives a permis le développement de l’historiographie de l’arme chimique, et sa percée dans de nouveaux paradigmes de recherche – l’histoire militaire a progressivement laissé place à l’histoire des sciences, l’histoire industrielle, de la médecine, culturelle ou encore environnementale.
Ainsi, les premières monographies significatives consacrées à la Grande Guerre chimique[4] cherchent à nuancer les propos tenus précédemment sur leurs effets : les bilans fournis par les belligérants à la sortie de la guerre surestimaient volontairement le nombre de victimes par gaz asphyxiants[5], et les historiens entre 1918 et 1945 y voyaient « une remarquable réussite »[6] sur le front pour l’arme chimique.
1. Les ouvrages généraux
En 1986, Ludwig Fritz Haber, fils du scientifique Fritz Haber surnommé « le père de l’arme chimique », publie The Poisonous Cloud, qui apporte une lecture nouvelle sur l’emploi d’armes chimiques durant la Première Guerre mondiale. L’auteur s’appuie sur des sources militaires – principalement allemandes – inaccessibles aux générations précédentes d’historiens, des documents appartenant à son propre père et des notes personnelles d’une connaissance de la famille, Harold Hartley, ancien officier ayant servi comme conseiller en chimie dans l’armée britannique pendant la Grande Guerre. L’organisation et la collaboration entre les sciences et l’industrie, ainsi que la difficile communication entre deux réalités distinctes du terrain, celle des militaires et celle des scientifiques, y sont présentées. Ludwig Fritz Haber distingue les séquelles psychologiques des séquelles physiologiques résultant de l’exposition aux gaz asphyxiants, ce qui lui permet d’en déduire que l’anxiété qu’ils génèrent surpasse les blessures qu’ils engendrent véritablement. Sa démarche reste scientifique et objective, même s’il est possible de la percevoir comme une volonté de blanchir la mémoire de son père – Ludwig Fritz Haber soutient catégoriquement que les armes chimiques constituent un échec, contrairement à ce qu’avançaient les historiens des générations antérieures.
Poursuivant les recherches entamées par Ludwig Fritz Haber, Olivier Lepick défend sa thèse en 1997, intitulée La Grande Guerre chimique, 1914-1918, qui comble les lacunes laissées par Haber. L’auteur emploie des sources françaises qui n’étaient pas encore accessibles lorsque Ludwig Fritz Haber a publié son ouvrage, et s’attache à faire ressortir l’impact industriel, tactique, humain et stratégique de l’arme chimique. Olivier Lepick se veut moins catégorique et nuance davantage son propos lorsqu’il s’agit de statuer sur l’efficacité de l’arme chimique : il retient cependant que l’efficacité apparente de l’arme chimique réside dans la terreur qu’elle inspire, mais qu’elle ne permet pas d’avancée spectaculaire puisqu’elle n’occasionne en réalité que peu de décès. Cette thèse demeure aujourd’hui encore notoire dans l’historiographie de l’arme chimique, et il y est souvent fait référence même dans les ouvrages anglosaxons.
Ces deux monographies relèvent davantage de la nouvelle histoire militaire que de l’histoire bataille, et ont ouvert les perspectives de recherche à d’autres courants historiographiques sur l’arme chimique. Des réflexions anthropologiques, juridiques, médicales ou encore culturelles sur les gaz asphyxiants ont vu le jour, attirant par la même occasion l’intérêt du grand public. La tenue de l’exposition temporaire Gaz! Gaz! Gaz! La guerre chimique 1914-1918, présentée à l’Historial de la Grande Guerre à Péronne en 2010, et le catalogue publié par la suite témoignent de cet intérêt.
Certains auteurs ont néanmoins pris le contrepied de l’affirmation d’Haber et Lepick, et se sont attelés à mettre en lumière sa valeur tactique, montrant que les effets psychologiques liés à l’arme chimique sont précisément ce qui en fait une arme prisée sur le champ de bataille. Selon ces historiens, l’efficacité d’une arme ne repose peut-être pas exclusivement sur son degré de léthalité et le nombre de victimes qu’elle provoque – ses propriétés terrifiantes interviennent également sur le plan humain, notamment sur le moral des troupes[7]. La simple impression des fantassins que l’armée française est perpétuellement en retard sur les militaires allemands entraine déjà un sentiment de découragement et une baisse de confiance dans les capacités de l’infanterie[8]. Les évènements de 1917 sont ceux qui permettent d’étayer ces propos et qui expliquent en quoi l’emploi de gaz moutarde y marque un tournant : le fait qu’il soit aussi persistant semble le rendre impossible à combattre[9]. 1917 aura été une année charnière pour la propagation des gaz asphyxiants : le nombre de leurs victimes a augmenté, et ces armes sont employées jusqu’à la fin du conflit[10].
In fine, les recherches sur la Grande Guerre chimique se sont diversifiées depuis les années 1980, mettant en relief sa place dans la guerre totale et les différentes facettes de son emploi : ses effets sur la santé, ses attributs stratégiques, son empreinte dans la mémoire collective, et sa portée politique. L’une des questions récurrentes dans l’historiographie a aussi été de déterminer sa portée tactique : l’arme chimique est-elle une arme décisive? La réponse par l’affirmative dépend du degré d’importance qui est accordé à ses propriétés anxiogènes – son barbarisme devient proportionnel à l’efficacité qui lui est reconnue.
En parallèle de ces études, d’autres chercheurs se sont penchés sur la manière dont un pays en particulier a perçu, instrumentalisé ou employé les gaz asphyxiants. La plupart de ces travaux s’intéressent aux expériences des belligérants dotés du savoir-faire technique pour la développer. Les États-Unis, dont la capacité de production industrielle s’est hâtivement mise en place la dernière année du conflit, ont aussi suscité l’intérêt des chercheurs.
2. Les ouvrages consacrés à un pays en particulier
L’emploi et la confection d’armes chimiques n’impliquent que quelques pays, à savoir ceux détenant un savoir-faire technique et capables de mener un conflit industriel, soit la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne[11], puis ultérieurement les États-Unis[12]. Ainsi, les études consacrées à l’expérience des gaz asphyxiants du point de vue d’un pays durant la Première Guerre mondiale concernent principalement ces quatre pays.
Les principaux belligérants de la guerre
Royaume-Uni et Canada[13]
À l’image des questions traitées par les ouvrages généraux sur les épisodes de guerre chimique durant la Première Guerre mondiale, le rôle tactique de l’arme chimique dans la stratégie militaire britannique est également soulevé par l’historiographie militaire du Royaume-Uni.
À la différence d’Olivier Lepick et de Ludwig Fritz Haber, Albert Palazzo est de ces auteurs qui estiment que l’emploi des gaz asphyxiants a été déterminant sur le front, du moins pour l’armée britannique. Dans sa thèse devenue centrale dans l’historiographie militaire britannique, Seeking Victory on the Western Front: the British Army and Chemical Warfare in World War I publiée en 2000, l’auteur attribue la victoire de la British Expeditionary Force (BEF) à son aptitude à incorporer l’arme chimique à sa stratégie, ce qui a été rendu possible grâce à l’ethos de cette armée[14]. Albert Palazzo note qu’à l’époque, dans la mentalité de l’armée britannique, « le moral » est synonyme de « la morale »[15] − ce qui pourrait expliquer que l’emploi d’armes chimiques ait déclenché moins de scrupules au Royaume-Uni que dans d’autres armées. Cette thèse met en relief la capacité d’adaptation de l’armée britannique et son aptitude à « dompter » les gaz asphyxiants sur le front pour assurer la victoire. L’armée britannique semble être au cœur de cette étude, et l’arme chimique ne sert que de support à cette démonstration cherchant à mettre en valeur les qualités de cette armée.
Dans la même veine, Tim Cook, spécialiste de l’histoire militaire du Canada, se veut pour sa part moins catégorique sur le rôle décisif de l’arme chimique sur le front, mais se refuse à la considérer comme un échec pour autant. À l’instar de Palazzo, Tim Cook place les combattants au premier plan en mettant en lumière la résilience du Corps expéditionnaire canadienlorsque confronté aux gaz aux côtés des Britanniques. La pensée de l’auteur rejoint celle de Ludwig Fritz Haber et d’Olivier Lepick en admettant que la puissance des armes chimiques réside dans la terreur qu’elles inspirent, mais en arrive à des conclusions différentes : les séquelles psychologiques sont présentées comme bien plus significatives sur le champ de bataille que le taux de décès, ou celui encore plus élevé des blessés de longue durée qu’ils entrainent[16].
De la sorte, l’historiographie militaire britannique (et canadienne) semble se concentrer essentiellement sur la place des gaz dans l’imaginaire et le moral de l’armée – une tendance qui semble se profiler également au travers de son historiographie de la médecine militaire reliée à l’arme chimique.
À cet égard, Martin Goodman contribue à un ouvrage collectif sur le thème des déplacements en temps de guerre, et à cet effet convoque l’image des soldats canadiens gazés pour illustrer ce concept. Ces patients canadiens sont déplacés physiquement d’un hôpital à l’autre pour être traités à la suite de l’exposition aux gaz après la première bataille d’Ypres – lors de ces épisodes ils connaissent également une errance psychologique. L’éloignement de leur patrie, de leurs familles, et proches d’abord lorsqu’ils arrivent en Europe, puis lorsqu’ils sont acheminés à ces unités de soins, conduit à un sentiment d’altérité qu’ils tentent de substituer par celui de « solidarité »[17]. Cette notion de mobilité devient même métaphysique: “Death might be seen to be the ultimate displacement, but when a young man envisages death as a journey to hell, death is simply not the end. Bodies would swell with gas, scatter with explosions sink into the mud”[18].
Pour sa part, Edgar Jones présente la manière dont les médecins s’inspirent de la théorie du « shell shock » pour identifier au plus tôt les signes d’intoxication afin d’assurer une guérison rapide, et prévenir leur aggravation en symptômes psychosomatiques. L’auteur en arrive à interroger le caractère terrorisant des gaz, et propose comme hypothèse que l’aspect novateur et la constante sophistication des gaz et de leur mode de dispersion expliquent ses effets psychologiques[19]. Michel Goya décortique l’effet de ces micro-transformations :
Pour faire face à une situation tactique, une unité dispose d’un « répertoire de réponses » issu de l’instruction ou de l’expérience. Tant que la situation est conforme à ce qui était anticipé, ce répertoire suffit, mais, en présence de surprises, il est nécessaire de le changer dans l’urgence. L’efficacité meurtrière des armements modernes, la résistance des tranchées sont autant de phénomènes inattendus qui bouleversent largement les schémas appris et imposent un effort d’innovation immédiat aux unités présentes sur le front[20].
D’ailleurs, les individus auraient un seuil de changements qu’ils puissent tolérer, et au-delà d’une certaine limite, l’accumulation de ces changements finit par engendrer des troubles psychologiques[21]. Il n’a jamais été déterminé si d’autres types d’armes généraient une anxiété similaire – le fait que les gaz aient été une arme nouvelle introduite sur le front a par la même occasion nourri les rumeurs et donné lieu à des exagérations.
Edgar Jones et Martin Goodman permettent de rendre compte de la prégnance des images associées à l’arme chimique qui s’invitent même dans la sphère médicale. Au-delà des blessures physiques, ce sont avant tout ses effets psychiques qui retiennent l’attention.
La place de l’arme chimique dans l’imaginaire collectif – chez les soldats mais aussi chez les civils – est un sujet qui a été creusé par l’historiographie britannique, et ne manque pas d’être abordé par l’histoire culturelle.
Un ouvrage notoire de ce courant historiographique est la thèse de Marion Girard intitulée A Strange and Formidable Weapon,en référence à l’expression adoptée par Churchillpour désigner l’arme chimique.Ce livre emprunte des notions de droit, de politique publique et de santé publique, et se penche sur les perceptions de différents groupes de citoyens, à savoirles civils[22], les militaires, et le gouvernement. Marion Girard en arrive à la conclusion que les perceptions de chaque groupe diffèrent en fonction de leur interactions et degrés d’exposition aux gaz[23]. Cette thèse est une étude globale qui transcrit la place de l’arme chimique dans la mémoire collective et les différentes prises de positions vis-à-vis de son emploi. À ce jour, aucune recherche n’a été aussi fournie dans l’historiographie britannique de l’arme chimique que celle présentée par Marion Girard.
Une autre œuvre majeure de l’histoire culturelle est celle Susan Grayzel, laquelle s’intéresse à la manière dont les armes chimiques ont agi sur la performativité du genre durant la Première Guerre mondiale et l’après-guerre. Les armes chimiques, tout comme l’aviation, sont assimilées à une forme de lâcheté, et altèrent l’image traditionnelle du soldat qui se bat courageusement contre un ennemi physique. Les sentiments de panique qu’elles inspirent sont désignés par les psychiatres et les neurologistes de l’époque comme « névrose » ou « hystérie du gaz » [24] − des pathologies habituellement attribuées aux femmes. Avec l’avènement de l’aviation, les gaz s’invitent dans les foyers et s’immiscent dans la vie des femmes[25] : d’abord celles qui sont mobilisées comme infirmières et se trouvent en première ligne pour constater les blessures provoquées par les gaz – mais aussi celles qui tiennent le foyer familial[26]. Comme Martin Goodman, l’autrice évoque une forme de déplacement, où le gaz parvient à transcender le temps (puisque la crainte des gaz persiste après la guerre) – mais aussi l’espace (parce qu’ils traversent des frontières géographiques et psychiques). Susan Grayzel ouvre la porte aux études sur les émotions concernant les armes chimiques, qui permettraient d’approfondir les connaissances sur la nature de la guerre moderne[27].
La littérature sur l’histoire culturelle liée à la perception de l’arme est suffisamment fournie pour que certains historiens puissent mettre en lumière des parcours « atypiques » en observant les événements à plus petite échelle, comme le fait par exemple Gerard Oram. L’historien fait état de l’apathie et de l’indifférence de la presse au Pays de Galles à l’endroit des épisodes d’attaques à l’arme chimique – contrairement à la couverture médiatique britannique. Dans une région majoritairement industrielle où les décès par explosions et intoxications sont fréquents, les décès par gaz asphyxiants n’ont pas semblé sortir de l’ordinaire aux yeux de la population galloise[28].
Dans l’ensemble, les études réalisées sur le cas britannique reconnaissent sans conteste l’efficacité de l’arme chimique sur le front – ses vertus ne se manifestent pas dans les sévices qu’elle entraine, mais plutôt à travers son usage par l’armée britannique qui a su s’en servir à bon escient. Le rapport décomplexé aux gaz asphyxiants permet à ces militaires d’écarter les considérations morales de leur emploi, et de ne considérer que leurs atouts lors de la Première Guerre mondiale. La spécificité des agents chimiques apparait davantage dans le quotidien des civils – en particulier celui des femmes – que sur le champ de bataille.
Allemagne
La question de la place de l’arme chimique a amplement été explorée par l’historiographie allemande à partir des années 1920[29]. Ludwig Fritz Haber en vient à voir dans cette littérature abondante les effets avantageux de la défaite : « as you have been beaten you might as well make a clean breast out of it, since the victor knows what you have been up to »[30]. La barrière de la langue, et le manque de traduction pour ces travaux publiés en langue originale, ne permet malheureusement que de consulter des études publiées en anglais.
Du fait de l’origine allemande du « père de l’arme chimique », Fritz Haber, il était naturel que l’historiographie de l’arme chimique en Allemagne soit examinée sous le prisme de l’histoire des sciences. Souvent décrié pour avoir élaboré le gaz moutarde[31], le chimiste a fait l’objet de travaux s’intéressant à sa vision des sciences, son parcours, et éventuellement à l’apport de ses recherches pour l’industrie chimique en Allemagne. Sa philosophie reposait autour de la formule « In peace for mankind, in war for the fatherland », qu’il a appliquée à ses travaux personnels mais aussi à la manière dont il gérait son institut. Son objectif était de centraliser la recherche pour la guerre des gaz autour de son institut Kaiser Wilhelm Society, qui durant la guerre a d’ailleurs intensifié ses efforts dans ce sens[32]. À l’époque déjà, Fritz Haber a conscience du caractère novateur de son arme qui selon lui constitue « an important milestone in the “art of war”—and [he] saw [their] psychological effect as key », parce que contrairement à l’artillerie, ses effets sont difficilement prédictibles, et il est presque impossible de s’y accoutumer[33]. Les obus à ypérite constituent d’ailleurs une amélioration pour l’artillerie existante[34]. L’œuvre de Fritz Haber offre une vision d’ensemble sur la malléabilité morale de la recherche scientifique[35].
L’animosité du grand public envers Fritz Haber dans les années suivant la guerre[36] laisse présager que les armes chimiques ont aussi capté l’attention de la population en Allemagne – pourtant, le travail de Wolfgang Wietzker en histoire culturelle fait ressortir la méconnaissance des citoyens allemands de l’utilisation de gaz asphyxiants par leur armée nationale en 1915. Cette méprise découle de la censure imposée à la presse allemande lorsqu’elle diffuse des informations de nature militaire[37].
Là où l’histoire culturelle ne parvient pas à faire ressortir clairement la source de désapprobation des Allemands envers l’utilisation d’obus chimiques, l’histoire environnementale offre quelques indications. La thèse A Suffocating Nature: Environment, Culture, and German Chemical Warfare on the Western Front de Ryan Mark Johnson, publiée en 2013, enseigne que la protection et la mise en valeur de la nature sont des piliers de la culture allemande. En ce sens, l’emploi d’armes chimiques devient paradoxal en ce qu’il va à l’encontre de cette tradition – la Première Guerre mondiale, et les gaz asphyxiants en particulier dégradent la beauté de paysages, ce qui créé un conflit intérieur chez les militaires et les politiciens qui décident de leur usage. En réaction à cette dégradation environnementale – à laquelle certains civils assistent lorsqu’ils vivent à proximité des usines – l’après-guerre a connu un regain d’intérêt des mouvements militants environnementaux, et ont attiré l’attention des pouvoirs publics[38].
Ces quelques textes mettent en avant les spécificités allemandes de la perception de la Guerre des Gaz. Ils permettent de mieux appréhender le rapport d’un pays face à un agent délétère dont il est l’artisan, et la manière dont l’histoire nationale aborde cette question alors que le fardeau de la responsabilité du conflit pèse sur les épaules des Allemands.
France
La contribution la plus significative dans l’historiographie française reste à ce jour celle d’Olivier Lepick – aucun autre chercheur n’a exploité les sources de manière aussi approfondie et fait ressortir la complexité des enjeux entourant l’arme chimique. Il a publié quelques livres de vulgarisation à l’attention du grand public : Le terrorisme non-conventionnel paru en 2003, deux Que Sais-je, l’un sur les armes chimiques et l’autre sur les armes biologiques. L’un de ses plus récents articles date de 2016, et maintient que l’emploi d’armes chimiques sur le front n’est pas décisif, mais que son usage en 1915 comme méthode d’harcèlement en fait un symbole fort de la totalisation de la guerre[39].
Jonathan Krause compte parmi les rares auteurs ayant entrepris de compléter les recherches d’Olivier Lepick dans le domaine militaire – il décide pour sa part de revenir sur le programme chimique français pendant la Première Guerre mondiale. En s’appuyant sur des sources inédites, il montre que contrairement à ce que l’historiographie établit, la France a effectué des essais pour développer des gaz asphyxiants bien avant l’offensive allemande d’avril 1915. Entre 1870 et 1914, la France cherche à moderniser son armée, ce qui a principalement été visible dans son armement[40]. Elle s’est engagée très tôt dans la production d’armes chimiques, ce qui lui a permis de lancer ses premiers obus chimiques dès mai 1915 à Vincennes[41] − ces travaux ont pu être amorcés rapidement notamment grâce à l’expérience du pastorien Gabriel Bertrand dans des laboratoires de l’industrie chimique allemande. Le programme mis sur pied par Gabriel Bertrand et son collaborateur Maurice Javillier (lui aussi pastorien) laisse place à une organisation plus méthodique où la science relève directement du domaine militaire[42].
En effet, les sciences et l’industrie sont des domaines qui ont dû orienter leurs activités vers l’effort de guerre, et pour lesquelles la totalisation de la guerre a permis l’évolution et le rayonnement. En effet, « c’est la Première Guerre mondiale qui transforme l’usine et l’industrie chimique. La production atteint des niveaux jamais connus et aborde des domaines jusqu’alors rares comme la production de chlore liquide »[43]. Une bonne partie de l’historiographie française s’est attardée sur les différentes étapes qui ont conduit à l’essor de ces deux secteurs. Elle révèle que la France s’est efforcée de concurrencer les industries chimiques allemandes en établissant une « nouvelle géographie de l’industrie chimique française »[44]. Les usines en sont venues à participer à l’économie en temps de paix avec la production de colorants et d’engrais, et par la suite à contribuer à la puissance militaire avec la fabrication d’explosifs[45].
Similairement, les tâches dévolues aux médecins et aux pharmaciens ont acquis une importance grandissante[46], ce qui a retenu l’attention des historiens. La Guerre des gaz, 1915-1918 rédigé par les médecins Paul Voivenel et Paul Martin, rend compte du quotidien d’une ambulance Z et donne à voir l’organisation et les infrastructures improvisées pour soigner les gazés – leur récit est teinté de leur émoi à la vue des premières victimes[47]. Le témoignage de ces deux médecins permet de se représenter « l’ampleur du phénomène sur un plan médical et sanitaire »[48]. L’histoire médicale enseigne que c’est l’apparition de nouvelles lésions causées par les vésicants en 1918 qui interpelle véritablement les médecins[49]. En simultané, la grippe – dont certains des symptômes se confondent avec ceux provoqués par des émanations toxiques – se propage dans les tranchées, ce qui entrave le diagnostic ou précipite les complications respiratoires lorsque les victimes cumulent les deux affections. La peur peut d’ailleurs aussi ajouter à l’essoufflement[50]. Néanmoins, en 1918 c’est davantage le traitement de la grippe que celui des gaz qui fait l’actualité médicale[51].
Ce combat, autant contre le virus que contre l’empoisonnement chimique, se veut une métaphore de l’ennemi. Les soupçons d’être des vecteurs de la maladie et auteurs d’empoisonnements pèsent sur les Allemands, ce que la censure sur l’information amplifie en laissant libre cours à la rumeur[52].
La rumeur entourant les gaz asphyxiants fait partie de la mémoire collective de la Première Guerre mondiale, et a donné matière à l’histoire culturelle d’étudier le phénomène. Pendant le conflit, les rumeurs sur les armes chimiques ont prospéré au point d’être relayées par la presse : des articles ont statué que les soldats français se moquaient des gaz asphyxiants lorsqu’ils y étaient confrontés, ce qui, quelques années plus tard, s’est avéré contraire à la réalité du terrain[53]. Les historiens de l’Historial de la Grande Guerre sont les principaux auteurs de réflexions axées sur l’usage de la violence pendant les conflits[54] – certains d’entre eux se sont attachés à isoler des éléments du conflit de 1914-1918 (comme les gaz asphyxiants) pour en évaluer l’impact à l’avant et à l’arrière. Il en ressort que l’arme chimique est l’un des instruments de la violence extrême qui caractérise les combats lors de la Première Guerre mondiale[55] et participe au renversement des normes ayant cours durant les affrontements comme le relève Stéphane Audoin-Rouzeau :
(…) l’emploi des gaz laissa un souvenir de terreur durable, sans doute lié à la transgression anthropologique que représentait une mort au combat par étouffement, sans la moindre atteinte à la barrière anatomique. Les morts par le gaz signalent à cet égard l’un des grands basculements du conflit en termes de brutalisation des pratiques de champ de bataille : les contemporains, témoins compris, ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, et leur perception d’une rupture fondamentale – et fondamentalement scandaleuse – fut si forte que la guerre des gaz a conservé, jusqu’à nos jours, un statut spécifique dans le souvenir historique de la Grande Guerre[56].
Dans le même effort, l’auteur tente à titre expérimental de faire de la micro-histoire à partir d’une maquette représentant une attaque par les gaz qui a eu lieu en 1915, en la croisant avec d’autres sources écrites. La maquette qu’il observe serait celle d’une unité qui n’aurait pas (ou peu) fait l’expérience des gaz et qui aurait été prise par surprise lors de sa première exposition aux gaz. Cette histoire « au ras du sol » offre un témoignage de l’expérience des gaz par un soldat, et traduit la terreur et le traumatisme de son auteur. L’historien développe des réflexions sur le tabou entourant les armes chimiques, leur « disproportion mémorielle »[57] et en vient à conclure que cette maquette constitue un objet de deuil, mais a aussi une visée cathartique. Cet ouvrage permet d’appréhender l’épreuve des gaz dans sa globalité avec une focale rapportée à une expérience individuelle.
L’historiographie française a déjà exploré différentes facettes des armes chimiques pendant la Première Guerre mondiale : leur valeur tactique, leur portée dans la recherche scientifique et médicale, l’élan qu’elles ont donné à l’industrie et leur impression dans la société. Contrairement à l’historiographie britannique, aucune étude globale ne fait le lien entre tous ces éléments, et la question du genre reste négligée.
La guerre des chimistes a concerné principalement la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni[58], et n’a pas épargné les États-Unis, un pays dépourvu d’une capacité de production d’agents chimiques pendant la majeure partie du conflit, mais qui a amorcé sa production lorsque la Grande Guerre touchait à sa fin.
États-Unis
Comme l’historiographie britannique, l’essentiel des écrits sur l’implication des Étatsuniens dans la Grande Guerre chimique fait ressortir les succès, mais aussi le versant sacrificiel de l’engagement de l’armée américaine pendant la Première Guerre mondiale. L’héroïsme, la combativité, et l’aptitude à limiter les pertes humaines et à en engendrer davantage dans le camp adverse sont autant de preuves de l’ingéniosité des soldats étatsuniens face à une arme dont ils ne disposaient pas encore, et pour laquelle ils n’avaient que très peu de moyens de protection[59].
Le parcours du général Amos Fries est aussi fréquemment retracé par l’historiographie – ses efforts de négociations ont convaincu Washington de maintenir l’activité du site de production de Maryland’s Edgewood, plaidant pour l’efficacité de l’arme chimique et ses qualités morales, puisque des moyens de protection existent (ce qui est paradoxal au vu du premier argument invoqué). Ces démarches ont abouti à un succès en demi-teinte pour le général Amos Fries : bien qu’un arsenal de gaz asphyxiants ait pu être formé en toute légalité à partir de la fin de la guerre (les États-Unis n’ont pas souscrit au Protocole de Genève), le tabou de l’arme chimique a perduré au point que ces armes prêtes à être employées n’ont jamais été utilisées[60].
L’histoire des sciences s’est d’ailleurs attachée à rapporter la rapidité avec laquelle ce site de production de Maryland’s Edgewood a été mis sur pied. En effet, le scientifique Michael Freemantle a rédigé plusieurs ouvrages sur le fonctionnement de l’industrie chimique des États-Unis pendant la Première Guerre mondiale et les années qui suivent, dont un livre entièrement consacré à la préparation du gaz moutarde[61]. Dans la même veine, Gerard Fitzgerald revient sur la genèse même du US Chemical Warfare Service dont l’organisation reprend celle du programme civil de chimie, et auquel des chercheurs du Massachusetts Institute of Technology, l’université John Hopkins, Harvard ou encore Yale ont participé[62]. L’auteur a également abordé les impacts écologiques sur les moyen et long termes des activités de l’usine chimique d’Edgewood[63].
L’historiographie étatsunienne de l’arme chimique reconnait des propriétés hors du commun aux gaz asphyxiants, et à l’image de l’historiographie britannique, les effets de l’arme chimique mettent en lumière les qualités de l’armée des États-Unis qui a su composer avec cette contrainte. Les ressources colossales déployées vers l’instauration d’une industrie chimique capable de rivaliser avec celles d’Europe n’ont pas manqué d’être documentées par l’histoire des sciences et l’histoire industrielle des États-Unis. L’histoire de l’industrie chimique des États-Unis peut d’ailleurs être mise en parallèle avec celle de la Russie : le pays ne détenait pas non plus de capacité de production d’agents toxiques pendant la Grande Guerre, et c’est ce retard dans l’industrie chimique qui l’a poussée à la fin de la guerre à développer un arsenal chimique conséquent[64].
Conclusion
L’historiographie de l’emploi de l’arme chimique pendant la Première Guerre mondiale s’accorde pour statuer que l’arme chimique inflige des lésions mais ne provoque en réalité que peu de décès, contrairement à ce qui était communément admis dans le passé. L’idée que les armes chimiques ont profondément marqué la conscience collective fait également consensus, même si ceux qui défendent l’idée que ce sont des armes inefficaces sur le front y voient là un paradoxe. Ceux qui à l’inverse estiment que ses effets sur le psychisme en font sa force la considèrent comme une arme suffisamment puissante sur le front pour qu’elles marquent les esprits. Les historiographies nationales sur l’usage de gaz asphyxiants pendant la Grande Guerre sont habitées par les mêmes questions sur la valeur tactique des toxiques, mais présentent cependant chacune leurs spécificités. L’historiographie britannique met en relief la place de l’arme chimique dans l’imaginaire collectif, et la manière dont l’armée a fait preuve d’adaptation pour l’intégrer à sa philosophie. Plutôt que d’en faire un tabou, les militaires l’incorporent à leur stratégie, et les femmes sont invitées à participer à la guerre chimique avec la confection de protections. En Allemagne, le peu de références consultées ne permet pas de dégager les tendances de l’historiographie, mais elle semble avancer l’argument de l’innocuité de l’arme chimique, mais aussi le côté novateur mis en œuvre grâce à une industrie et des chimistes en avance sur les autres nations. C’est l’impact des gaz sur l’environnement qui invite à remettre en question le bien-fondé de cette arme. En France et aux États-Unis, l’essor extraordinaire de l’industrie chimique pour concurrencer l’Allemagne est étudié par les chercheurs. Aux États-Unis comme au Royaume-Uni, l’image du soldat paraît sublimée face aux gaz – en France (et c’est aussi la géographie des combats qui l’explique) l’image des brouillards toxiques fascine et appartient à la mémoire collective de la Première Guerre mondiale. Les sévices causés par les armes chimiques forment eux aussi la matière première de ces souvenirs, faisant de ces armes un objet de commémoration : elles engagent un discours presque victimaire qui insiste sur l’agonie résultant d’une exposition aux gaz.
Quel que soit le pays dont il s’agit, il est incontestable que les armes chimiques effraient autant qu’elles sont convoitées. L’historiographie s’est questionnée sur la raison d’être de cette arme, la légitimité et la légalité de son emploi. La période de l’entre-deux-guerres est celle qui a été la plus féconde pour les réflexions allant dans ce sens, notamment sur la capacité du droit à encadrer cette pratique particulière de la guerre.
Références
[1] Au XIXe siècle, les armes chimiques ont été sporadiquement employées lors de l’invasion française en Algérie contre Abdelkader el Djezairi (1808-1883) en 1830, la Guerre de Crimée en 1853-1856, la Guerre de Sécession en 1861-1865 et la Guerre des Boers en 1899-1902.
[2] Jeffrey Allan Johnson, « Chemical Warfare in the Great War », Minerva, vol. 40, n°1 (2002), p.94.
[3] Ludwig Fritz Haber, The Poisonous Cloud, Oxford, Clarendon Press Oxford University Press, 2002, p.5.
[4] L’expression de « Grande Guerre chimique » est reprise de l’ouvrage d’Olivier Lepick La Grande Guerre chimique : 1914-1918, et désigne ici l’ensemble des épisodes d’emplois d’armes chimiques ayant eu lieu entre 1914-1918.
[5] Ibid.
[6] Olivier Lepick, La Grande Guerre chimique, Paris, Presses universitaires de France, 1998, p.321.
[7] Tim Cook, « ‘Against God-Inspired Conscience’: The Perception of Gas Warfare as a Weapon of Mass Destruction, 1915–1939 », War & Society, vol.18, n°1, (mai 2000), p.47‑69.
[8] Michel Goya, La chair et l’acier: l’invention de la guerre moderne (1914-1918), Paris, Tallandier, 2004, p.229.
[9] Goya, Op.cit.
[10] Edward M. Spiers, « The Gas War, 1915–1918: If Not a War Winner, Hardly a Failure » dans Bretislav Friedrich et al., éd., One Hundred Years of Chemical Warfare: Research, Deployment, Consequences, New York, Springer International Publishing, 2017, p.153‑168.
[11] Lepick, La Grande Guerre chimique, op. cit.
[12] Jeffrey Allan Johnson fait l’étude de “the development of chemical warfare on the Western Front in the context of the large-scale technological systems developed by each of the major powers—Germany, France, Britain, and later the United States — in order to coordinate their industrial, academic, and military resources”, et remarque que les pays alliés travaillent en étroite collaboration, mais ne parviennent jamais à fonctionner comme une seule et même entité au niveau industriel. La guerre a ainsi permis de transformer “modern chemistry as an international industrial system and as an industrialized scientific discipline. Both became increasingly multi-centered, following the wartime recognition that dual-use chemicals were vital to national security (…)”. Dans Jeffrey Allan Johnson, “Military-Industrial Interactions in the Development of Chemical Warfare, 1914–1918: Comparing National Cases Within the Technological System of the Great War”, dans Bretislav Friedrich et al., dir., One Hundred Years of Chemical Warfare: Research, Deployment, Consequences, New York, Springer International Publishing, 2017, p.135-149.
[13] L’historiographie canadienne est ici présentée avec l’historiographie britannique en premier lieu parce que le Canada faisait partie de l’Empire britannique, et en second lieu parce que les ouvrages consultés présentaient des similitudes d’un point de vue historiographique.
[14] L’auteur explique que moins rigide qu’une doctrine, l’ethos permet aux soldats de s’adapter aux circonstances changeantes, et par la même occasion de mobiliser la technologie adaptée lorsque cela semble nécessaire, dans Albert Palazzo, Seeking Victory on the Western Front: the British Army and Chemical Warfare in World War I, Lincoln, University of Nebraska, 2000.
[15] Palazzo, op. cit.
[16] Cook, op.cit.
[17] L’auteur parle dans son chapitre de “otherness” et “togetherness “, dans Martin Goodman, “The Other Side of the Poison Cloud: Canadian Soldiers as English Patients after the First Gas Attacks” dans Sandra Barkhof et Angela K. Smith, dir., War and Displacement in the Twentieth Century, Milton Park, Taylor and Francis, 2014.
[18] Goodman, p.60.
[19] Edgar Jones, « Terror Weapons: The British Experience of Gas and Its Treatment in the First World War », War in History, vol.21, n°3 (juillet 2014), p.355‑375.
[20] Goya, op. cit.
[21] Ibid.
[22] L’autrice compte parmi les civils, les industriels, les scientifiques, les médecins et enfin les gens ordinaires, dans Marion Girard, A Strange and Formidable Weapon, Lincoln, University of Nebraska, 2008. Les perceptions de la population générale sont présentées à travers les campagnes de propagande et de prévention qui circulent à l’époque, mais l’autrice n’analyse pas la manière dont la population réagit à ces documents. Dans son ouvrage A Strange and Formidable Weapon, Girard assimile le message qu’elles transmettent à l’opinion de la population.
[23] Girard, op. cit.
[24] Grayzel, Susan R. et Tammy M. Proctor, dir., Gender and the Great War, Oxford, Oxford University Press, 2017, p.169-187.
[25] Grayzel, « The Baby in the Gas Mask: Motherhood, Wartime Technology, and the Gendered Division Between the Fronts During and After the First World War » dans Christa Hämmerle et al., dir., Gender and the First World War, Londres, Palgrave Macmillan UK, 2014, p. 127‑143.
[26] Après 1915, le gouvernement britannique demande aux femmes de participer à l’effort de guerre en confectionnant des masques de protection faits de coton et tenus par un élastique : ce que Susan Grayzel désigne comme la « militarisation des tâches domestiques », dans « The Baby in the Gas Mask: Motherhood, Wartime Technology, and the Gendered Division Between the Fronts During and After the First World War », op. cit.
[27] Grayzel, Susan R. et Tammy M. Proctor, dir., Gender and the Great War, op. cit
[28] Gerard Oram, “A War on Terror: Gas, British Morale and Reporting the War in the Wales” dans Jean-Pascal Zanders, éd., Innocence Slaughtered, Londres, Uniform Press, 2016, p.148-170.
[29] Lepick, La Grande Guerre chimique, p.5.
[30] Haber, op. cit.
[31] Ibid.
[32] Bretislav Friedrich et Jeremiah James, “From Berlin-Dahlem to the Fronts of World War I: The The Role of Fritz Haber and His Kaiser Wilhelm Institute in German Chemical Warfare” dans Bretislav Friedrich et al., dir., One Hundred Years of Chemical Warfare: Research, Deployment, Consequences, New York, Springer International Publishing, 2017, p.30.
[33] Friedrich et James, op. cit.
[34] Goya, op. cit.
[35] Ibid.
[36] Haber, op. cit.
[37] Wolfgang Wietzker, “Gas Warfare in 1915 and the German Press” dans Jean-Pascal Zanders, éd., Innocence Slaughtered, Londres, Uniform Press, 2016, p.148-170.
[38] Ryan Mark Johnson, A Suffocating Nature: Environment, Culture, and German Chemical Warfare on the Western Front, Philadelphie, Temple University, 2013.
[39] Olivier Lepick, “Towards Total War: Langemarck, 22 April 1915” dans Jean-Pascal Zanders, éd., Innocence Slaughtered, Londres, Uniform Press, 2016, p.46-57.
[40] Goya, op.cit.
[41] Jonathan Krause, “The Origins of Chemical Warfare in the French Army”, War in History, vol.20, n°4, (juillet 2013), p.355‑375.
[42] Anne-Claire Déré, « Maurice Javillier et Gabriel Bertrand : deux chimistes pastoriens dans l’institut de guerre » dans Centre de recherche de l’Historial de la Grande Guerre, éd., Le sabre et l’éprouvette : l’invention d’une science de guerre 1914-1939, Clamecy, Noesis Éditions, 2003, p.75-87.
[43] Erik Langlinay, « L’usine chimique de la deuxième révolution industrielle » dans Nicolas Stoskopf et al, L’industrie chimique en question, Paris, Éditions Picard, 2010, p.183-194.
[44] Erik Langlinay entend par là la remise en cause du monopole de certaines usines au profit d’autres qui seraient plus à même de répondre aux attentes de l’État.
[45] Langlinay, op.cit.
[46] Arnaud Lejaille, « La contribution des pharmaciens dans la protection individuelle contre les gaz de combats durant la Première Guerre mondiale. Extension à la période de 1920-1940 », Nancy, Université Henri Poincaré Nancy 1, 1999.
[47] Paul Martin et Paul Voivenel, La Guerre des gaz, 1915-1918, Paris, Éditeur Giovanangeli Bernard, 2004.
[48] Cécile Lestrade, « La guerre des gaz : les observations et le témoignage du docteur Voivenel pendant le conflit 1914-1918 », Histoire des sciences médicales, vol.34, n°1, 2000, p.24.
[49] Sophie Delaporte, Le discours médical sur les blessures et les maladies pendant la Première Guerre mondiale, Amiens, Université de Picardie Jules Verne, 1999, p.5.
[50] Goya, op. cit.
[51] Delaporte, op. cit.
[52] Anne Rasmussen, « Du vrai et du faux sur la Grande Guerre bactériologique. Savoirs, mythes et représentation des épidémies » dans Christophe Prochasson et al., dirs. Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004, p.211.
[53] Renaud Dulong, « Rumeurs et témoignages » dans Christophe Prochasson et al., dirs. Vrai et faux dans la Grande Guerre, Paris, La Découverte, 2004, p.334.
[54] Stéphane Audoin-Rouzeau, « La violence » dans Jean-François Sirinelli, Les historiens français à l’œuvre, 1995-2010, Paris, Presses universitaires de France, 2010, p.138.
[55] Stéphane Audoin-Rouzeau, « La violence des champs de bataille 1914-1918 », Revue d’histoire de la Shoah, vol.189, n°2 (2008), p.253.
[56] Audoin-Rouzeau, « La violence des champs de bataille 1914-1918 », op. cit.
[57] Stéphane Audoin-Rouzeau, Les armes et la chair : trois objets de mort en 14-18, Paris, Armand Colin, 2009, p.139.
[58] Lepick, La Grande Guerre chimique, op. cit.
[59] Edgar R. Raines Jr., “The American 5th Division and Gas Warfare, 1918”, Army History, vol.22, (printemps 1992), p.6-10.
[60] Thomas I. Faith, Behind the Gas Mask: the US Chemical Warfare in War and Peace, Champaign, University of Illinois Press, 2014.
[61] Michael Freemantle, The Chemist’s War : 1914-1918, Cambridge, Royal Society of Chemistry, 2015.
[62] Gerard Fitzgerald, “Chemical Warfare and Medical Response during World War I”, American Journal of Public Health, vol.98, n°4 (avril 2008), p.614.
[63] Gerard Fitzgerald, « The Chemist’s War : Edgewood Arsenal, the First World War, and the Birth of a Militarized Environment » dans Richard P. Tucker et al, éd., Environmental Histories of the First World War, Cambridge, Cambridge University Press, 2018, p.187-267.
[64] Steven J. Main, “Gas on the Eastern Front during the First World War (1915-1917)”, Journal of Slavic Military Studies vol.28, n°1 (Janvier 2015), p.99-132.