Autour des chartes inédites de l’abbaye de Saint-Rigaud : logiques scripturaires et dynamiques sociales (XIe-XIIIe siècle)

Philippe Lambert
Candidat à la maîtrise en histoire à l’Université Laval

Biographie: Philippe Lambert est détenteur d’un baccalauréat en histoire à l’Université Laval. Il complète actuellement sa maîtrise en histoire médiévale sous la direction de Didier Méhu au sein du même établissement. Ses recherches portent sur l’écriture et sa signification sociale au Moyen Âge, et plus particulièrement dans un contexte monastique. Il cherche plus précisément à comprendre les fonctions et les caractéristiques des pancartes médiévales, soit de grandes feuilles de parchemin sur lesquelles on copiait des actes dont les premières versions manuscrites sont aujourd’hui disparues. En 2020, il a été récipiendaire d’une bourse de maîtrise en recherche décernée par le CRSH. À l’automne 2022, il est lauréat de deux bourses décernées par La Capitale, groupe financier et la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Laval. En plus de s’impliquer au sein de son association universitaire, il travaille également sur un projet collectif de recherches entre l’Université Laval et l’Université Lyon-Lumière II portant sur le monastère de l’Île-Barbe et son territoire.

Mots-clés : Pancartes, chartes, moines, aristocratie laïque, production scripturaire, transactions, dynamique, oralité/écriture, rapport humain-écrit, Moyen Âge, XIe-XIIIe siècles, féodalisme, Bourgogne.

 

Table des matières
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    Introduction

    Vers le milieu du XIe siècle, le moine Eustorge quitta l’abbaye bénédictine de Saint-Austremoine d’Issoire et vint s’installer au cœur de la forêt d’Avaize, au sud de l’actuelle Bourgogne, où il fut sans doute rapidement rejoint par d’autres ermites, convoitant comme lui un mode de vie ascétique et soustrait aux tourments du siècle[1]. Dès 1065, le chevalier Artaud de Néronde leur céda, pour le salut de son âme, les terres nécessaires à la fondation de l’abbaye de Saint-Rigaud. Cette fondation s’inscrit en continuité du mouvement de renouveau érémitique qui anima l’ensemble de l’Occident chrétien aux XIe et XIIe siècles[2]. Elle soulève, en outre, le problème du paradoxe des richesses accumulées et administrées par les moines[3]. Pourtant voués à la prière ainsi que l’exige leur rôle de médiateur entre l’ici-bas et l’au-delà, les moines de Saint-Rigaud – comme plusieurs autres, d’ailleurs[4] – se sont rapidement associés à de puissants réseaux d’aristocrates laïcs désireux d’assurer le salut de leur âme et celui de leurs proches parents. Ils tissèrent avec eux des liens d’amitié durables et surtout, ils jouèrent ensemble de leurs relations dans le but de consolider leur domination dans le paysage brionnais[5].

    Ces réseaux ont fait l’objet de nombreuses études en Bourgogne depuis le milieu du XXe siècle, mais ce sont surtout les fonds d’archives touffus des grandes institutions monastiques qui ont retenu l’attention des chercheurs, Cluny au premier chef[6]. Bien que l’abbaye de Saint-Rigaud ait conservé moins d’archives, on ne peut a priori négliger le dynamisme de ses moines et de leurs activités sociales et administratives. Entre les XIe et XIIIe siècles, ils eurent régulièrement recours à l’écriture afin de documenter et de conserver la mémoire des donations qu’ils reçurent de leurs voisins laïcs et des échanges auxquels ils participaient avec eux. Ces documents ont permis de lier durablement les moines à leurs partenaires et sont ainsi révélateurs des réseaux de sociabilité attachés au monastère[7].

     

    Étudier les dynamiques sociales entre moines et laïcs et les chartes médiévales

    C’est principalement à travers la pratique du don aux monastères que les médiévistes se sont intéressés aux interactions entre moines et laïcs. Bien que le recours au concept de don remonte aux usages juridiques qu’en firent les historiens allemands durant la seconde moitié du XIXe siècle[8], son intégration formelle dans la médiévistique au cours des années 1980 et 1990 a surtout été le fait des chercheurs nord-américains[9]. En s’appuyant sur la théorie du don réciproque développée par l’anthropologue Marcel Mauss[10], les médiévistes ont envisagé le don à l’Église comme un phénomène social structurant aussi bien les échanges autour du monastère que les rapports sociaux entre les moines et leurs bienfaiteurs laïcs. Ils ont entre autres soulevé la nécessaire collaboration entre ces deux groupes – l’aristocratie laïque étant largement motivée par la perspective du salut –, et le rôle fondamental du don et des transactions foncières dans la création et la consolidation de leurs liens d’amitié[11]. Ces études reposent toutes sur des corpus de chartes, c’est-à-dire des actes contenant une concession de biens, de droits, ou une décision juridique[12]. Les chercheurs se sont toutefois limités au texte véhiculé par l’acte écrit. À notre connaissance, peu de médiévistes ont jusqu’ici osé mettre le versant social des échanges en parallèle à l’aspect matériel des documents qui en témoignent.

    C’est au début des années 1990 que la médiévistique française a rompu avec les pratiques d’analyses documentaires restreintes au texte de la source[13]. L’aspect décisif de ce renouvellement épistémologique réside dans la formation d’un champ d’interrogation entièrement dédié aux pratiques sociales de l’écrit et fondé sur la reconfiguration des perceptions du document écrit médiéval. Les chercheurs prirent de la distance par rapport aux fonctions probatoire et juridique qui lui étaient auparavant accolées et ont entrepris de l’envisager comme un vecteur de pouvoir, comme un objet écrit dont les fonctions et les significations étaient multiples. Le support confère ainsi une part fondamentale de son sens à la charte, car elle faisait davantage partie du déroulement de la transaction qu’elle en fournissait la preuve[14].

    Depuis le début des années 2000, Joseph Morsel considère pour sa part que la réflexion doit être prolongée. Ce sont la matérialité et la visualité des documents qui garantiraient, selon lui, leur pouvoir social et leur efficacité performative[15]. Cette visualité reposerait notamment sur le soin porté à la confection de la mise en page du support et le recours aux sens dans son assimilation (processus de rédaction, matérialité du sceau et du support[16], gestes rituels accompagnant la remise d’une charte, etc.)[17]. Cette approche nous invite à envisager le document écrit comme un objet graphique (et non pas seulement comme un objet écrit). Nous soutenons, suivant J. Morsel, que l’analyse de la matérialité du support est nécessaire à la contextualisation adéquate de l’archive, car elle seule permet de dévoiler les pratiques documentaires des médiévaux et le sens social du recours à l’écriture dans une société largement dominée par la culture orale[18]. Il nous apparaît alors nécessaire de prendre en compte la visualité des chartes de Saint-Rigaud afin de comprendre les raisons qui permirent de légitimer le recours à l’écrit (et sa conservation) pour enregistrer les échanges qui animaient le quotidien des moines.

    Notre mémoire poursuit trois objectifs visant à articuler au mieux le contenu des chartes de Saint-Rigaud à leur support. Nous envisageons de le décliner en deux grandes sections. Il s’agit d’abord de comprendre les logiques scripturaires propres aux moines, c’est-à-dire les techniques de production et de conservation documentaires ainsi que les processus mentaux qui y étaient associés. La seconde partie de notre enquête sera consacrée au contenu des chartes. Nous nous intéresserons d’une part aux implications sociales du don à l’Église et des transactions auxquelles les moines participaient avec l’aristocratie laïque afin de comprendre comment ces échanges contribuaient au renforcement des liens sociaux et spirituels entre les vivants et entre ceux-ci et les défunts. D’autre part, les préambules particulièrement riches de certains actes offrent une fenêtre d’observation tout à fait originale des représentations ecclésiastiques de la société médiévale[19]. Nous tenterons d’en dégager l’idéologie monastique à l’égard du monde séculier, à un moment où les moines tentaient de le spiritualiser[20]. Ces approches ont pour finalité de brosser un portrait aussi étoffé que possible des activités sociales des moines et de leurs pratiques documentaires.

     

     

    Un corpus de sources inédit : ses avantages, ses limites et son utilisation par les historiens

    Parmi les quelque 2 500 documents relatifs à l’abbaye de Saint-Rigaud conservés aux Archives départementales de Saône-et-Loire (ADSL), notre recherche se fonde sur un ensemble documentaire composé de 51 pièces conservées par les moines entre 1065 et 1274 et actuellement classées à Mâcon sous les cotes H142 et H143. Plusieurs de ces archives sont des chartes, mais le corpus contient également un rouleau de parchemins cousus entre eux, une bulle émanant de la chancellerie pontificale et quatre pancartes, soit de grandes feuilles de parchemin sur lesquelles étaient retranscrits des actes « originaux » dont les traces ont aujourd’hui été perdues[21].

    La production des chartes de Saint-Rigaud relève à la fois de ses moines et d’autres institutions – surtout ecclésiastiques, mais parfois séculaires – ayant rédigé un acte au bénéfice de l’abbaye[22]. Le contenu de tels documents procède le plus souvent des cadres mentaux des ecclésiastiques qui structurent la société médiévale et concerne presque exclusivement les groupes dominants. On ne peut donc y chercher le point de vue des petits exploitants ou des paysans, ni – du moins sans précaution – celui des aristocrates laïcs, car ils se sont seulement familiarisés à l’écriture au cours du XIIIe siècle[23]. En revanche – et c’est là l’une des finalités de notre mémoire –, ces chartes permettent de pénétrer à même les cadres mentaux de la frange ecclésiastique de l’aristocratie dominante. Contrairement aux sources de type hagiographique, la charte médiévale a, de surcroît, l’avantage d’être un outil du « quotidien » des médiévaux[24]. Elle offre une prise de vue généralement assez peu stéréotypée des activités liées aux échanges et à l’administration des patrimoines fonciers, ce qui en fait une source de qualité pour l’étude des réseaux aristocratiques, de la circulation des biens et des techniques d’organisation du territoire par les moines[25].

    Hormis les difficultés habituelles que posent les archives médiévales (usure, illisibilité des mots, absence de datation, particularismes locaux, etc.), la principale limite de notre corpus est la quasi-absence de documentation qui caractérise le XIIe siècle et qui complique toute tentative d’interprétation de l’évolution des pratiques documentaires pour la période étudiée. On conserve seulement deux chartes pour tout le XIIe siècle, alors qu’une autre, sans date, a possiblement été écrite au cours de la même période. Il faudra nécessairement faire preuve de prudence dans l’interprétation de cette lacune, mais elle pourra éventuellement faire l’objet d’une étude attentive. Ainsi la destruction (volontaire ou non) des archives, l’absence de leur conservation ou l’absence de donations constituent-elles autant d’indices des pratiques médiévales de l’écrit et du dynamisme des pratiques sociales des moines[26]. Pour combler ce vide et assembler un corpus documentaire aussi exhaustif que possible, d’autres corpus documentaires seront également mis à contribution. Nous aurons entre autres recours à quelques actes inscrits dans les cartulaires de l’évêché d’Autun[27] et de Saint-Vincent-de-Mâcon[28], ainsi qu’au recueil de chartes clunisiennes dressé par A. Bernard et A. Bruel[29]. Ces sources complémentaires sont susceptibles de fournir des pistes de réflexion capables de résoudre la lacune documentaire du XIIe siècle.

    Bien qu’elles regorgent de données précieuses pour l’historien du social, les chartes de Saint-Rigaud n’ont, semble-t-il, jamais été soumises à une problématisation historique. Elles n’ont été interrogées que par une poignée de chercheurs. Dans un article paru en 1853, l’abbé François Cucherat a décrit l’histoire du monastère de manière événementielle et apologétique, sans l’inscrire dans une problématique historique; il a aussi dressé une liste chronologique des abbés du monastère (incomplète et en partie erronée) et il a édité partiellement treize chartes rédigées par les moines[30]. Après lui, Raymond Oursel et François Jal ont poursuivi les recherches. Ils se sont principalement intéressés au contexte sociohistorique entourant l’abbaye, mais leurs approches demeurent essentiellement descriptives[31]. Enfin, dans sa thèse sur l’élaboration d’une architecture monumentale de style roman dans le Brionnais, Anelise Nicolier a récemment consacré quelques brefs passages à l’église abbatiale de Saint-Rigaud[32].

    Ces études constituent un socle important que nous souhaitons approfondir en soumettant les chartes de Saint-Rigaud à une problématisation sérieuse. Nous postulons d’emblée que (1) l’acte écrit assumait des fonctions diverses qui s’agençaient au dynamisme de leurs échanges avec les puissantes familles laïques de la région brionnaise[33], et que (2) les implications sociales et spirituelles de ces interactions ne peuvent se réduire à la seule consolidation des liens d’amitié entre ces deux groupes[34]; elles contribuaient également au renforcement de la domination exercée par l’Église et les moines sur la terre et les hommes et ne sont pas forcément positives, car elles impliquent des luttes et des stratégies pour l’accaparement du pouvoir[35].

     

     

    Les approches méthodologiques retenues

    Les questionnements qui guident notre recherche nous imposent d’interroger notre corpus de différents angles. Les approches méthodologiques retenues pour étudier les chartes et tester nos hypothèses visent avant toute chose à les saisir dans leur globalité, c’est-à-dire d’en considérer conjointement le texte et le support au sein duquel il s’incarne.

     

    L’analyse diplomatique et l’aspect matériel du document écrit

    La diplomatique offre des pistes intéressantes pour saisir toute la complexité de la production et des fonctions de l’acte écrit au Moyen Âge. Il s’agit d’une science étudiant « la tradition, la forme et l’élaboration des actes écrits. Son objet est d’en faire la critique, de juger de leur sincérité, d’apprécier la qualité de leur texte, de dégager des formules tous les éléments du contenu susceptibles d’être utilisés par l’historien, de les dater, enfin de les éditer[36] ». Elle a pour finalité d’offrir une compréhension aussi globale que possible de l’acte médiéval et des processus techniques et mentaux qui président à son élaboration et sa conservation. L’examen de l’aspect matériel de notre corpus est mené autant que possible dans l’esprit des recommandations du manuel Diplomatique médiévale[37].

    La première étape consiste à étudier les caractéristiques externes de l’acte écrit et d’en relever toutes les composantes, à savoir le matériau utilisé (parchemin, papier, papyrus, etc.), son format, ses dimensions et sa mise en page (justification du texte, lignes d’écriture ou de marge, etc.). Ces informations, bien qu’elles puissent sembler anodines, sont révélatrices des techniques médiévales de production documentaire. La mise en page constitue en effet un système graphique guidant le travail du scribe, elle n’est donc pas entièrement neutre : elle confère à l’acte son identité et agit comme le reflet de l’autorité de son auteur ou de son bénéficiaire[38]. Elle repose sur des objectifs précis allant de la lisibilité et la compréhension de l’acte à sa mise en valeur ostentatoire[39]. L’écriture doit aussi faire l’objet d’une étude attentive. Il s’agit d’en identifier le type[40] et la présence ou non de traits de cursivité, ou d’éléments graphiques permettant de décorer le parchemin ou de distinguer les différentes parties du discours diplomatique. Un support soigneusement mis en page et élégamment décoré est généralement représentatif de l’importance et de la solennité d’un acte[41].

    L’analyse diplomatique comporte d’autre part un volet consacré à l’étude des caractères internes de l’acte, soit les différents éléments qui composent le discours diplomatique. Ce volet a pour finalité de relever les caractéristiques « techniques » du texte telles que la longueur de chacune des parties du discours, les références à d’autres œuvres et les éventuelles influences d’une chancellerie ou d’un scriptorium monastique. Comme le contenu des actes fera ultérieurement l’objet d’une étude approfondie, nous avons volontairement accordé moins d’importance à ces éléments dans la partie proprement diplomatique. Nous avons jugé préférable de nous attarder aux moyens de validation et de scellement employés pour assurer l’authenticité de la charte. Sont distinguées dans notre corpus les modes de validation par la souscription des témoins et par l’apposition d’un sceau; ainsi les listes de témoins nous renseignent-elles au sujet du réseau social des moines, alors que le sceau apparaît progressivement comme un instrument garantissant la validité et l’autorité de la charte au cours des XIIe et XIIIe siècles[42].

    La méthode d’analyse proposée par le manuel Diplomatique médiévale accorde cependant une attention superficielle aux pratiques de conservation des archives et ne prévoit aucun guide dédié à leur analyse. Les archivistes médiévaux ont pourtant développé des techniques de classement et de codification afin de préserver (voire détruire) leurs archives. Les actes portent ainsi en eux les traces de leur utilisation par les moines : les classements, les cotes, les inventaires et les mentions dorsales permettaient toutes d’identifier rapidement le sujet d’une charte et de la retrouver facilement une fois pliée et rangée dans le chartrier[43]. Ces pratiques archivistiques nous informent à propos des habitudes de gestion de la mémoire des moines, de leur identité collective et de leurs représentations[44]. Nous approfondirons l’examen matériel des chartes en nous appuyant sur la démarche empirique développée par Paul Bertrand, laquelle consiste à identifier les quartiers (ou zones) formés par les traces des pliures auxquelles a été soumise une charte (voir fig. 1)[45]. Lorsqu’une mention dorsale est inscrite à l’intérieur des limites d’une zone, cela peut signifier que le document a été plié de telle sorte que la note soit visible. Une note dont le texte n’est pas abîmé et chevauche les pliures signifie a contrario que la charte a été pliée après sa rédaction[46]. L’observation de ces correspondances permet de dévoiler des campagnes médiévales d’archivage, alors que les annotations dorsales révèlent ce qui, pour son possesseur, constituait le cœur de l’acte (le prénom d’un partenaire, un indice topographique, la nature de l’acte, etc.)[47].

     

    Figure 1 : Proposition méthodologique pour l’étude des modes de pliage des chartes tirée de Paul Bertrand,
    « De l’art de plier les chartes… », p. 30.

     

    Étudier le contenu des chartes à travers une perspective anthropologique

    La seconde méthode retenue sera mise à profit pour les chapitres deux et trois de notre mémoire. Elle vise à compléter la section consacrée au support et de soulever les correspondances ou les singularités entre l’évolution des pratiques documentaires et des activités sociales des moines. Elle repose sur une double analyse qualitative du contenu des chartes.

    À la suite des travaux des médiévistes nord-américains sur le sens social du don à l’Église, notre grille d’analyse est construite autour des différentes composantes des transactions enregistrées par les moines, à savoir leur nature (don, vente, échange, etc.), les biens concernés, les personnages impliqués et leur statut social – qu’ils soient clercs ou laïcs –, de même que leurs motivations, du moins lorsqu’elles se laissent percevoir à travers le discours diplomatique. Si la perspective anthropologique permet de saisir les implications sociales de ces transactions, il incombe toutefois au médiéviste d’éviter le piège posé par une application aveugle de la théorie maussienne du don construite à partir des échanges chez les sociétés « archaïques »[48]. Les médiévistes Anita Guerreau-Jalabert et Eliana Magnani ont d’ailleurs invité les médiévistes à dépasser le cadre théorique de M. Mauss afin de mieux prendre en compte le contexte socioculturel spécifiquement chrétien de l’Occident médiéval, où le sens du don à l’Église se représente en rapport au divin, selon la circulation inégale de l’amour spirituel (caritas) entre les fidèles et entre ceux-ci et Dieu[49].

    Notre méthode comportera enfin un volet consacré aux préambules particulièrement étoffés de certains actes qui manifestent le haut degré de formation des moines de Saint-Rigaud et qui contiennent quantité d’information sur la doctrine de l’Église, la valeur rédemptrice du don et le rôle des fidèles dans la communauté chrétienne[50]. Cette approche, qui relève en quelque sorte de l’analyse du discours, emprunte autant à l’étude des différentes composantes du discours diplomatique qu’à celle des représentations monastiques qui relèvent des cadres mentaux de la société chrétienne et contribuent dans le même temps à leur élaboration[51].

     

     

    Une brève tentative d’interprétation : les chartes comme « reflet » du tissu social de l’abbaye

    Notre étude des chartes progresse à bon train depuis près d’un an. Les résultats auxquels elle nous a permis d’aboutir jusqu’à maintenant illustrent aussi bien l’évolution des pratiques documentaires des moines que celle de leur réseau social. Par souci de concision, nous présenterons ci-bas ce que nos analyses révèlent jusqu’à maintenant à propos des logiques scripturaires et des fonctions sociales de l’écrit chez les moines de Saint-Rigaud.

    Dès leur installation dans le Brionnais à la fin du XIe siècle, les moines de Saint-Rigaud reçurent plusieurs donations qui parvinrent surtout jusqu’à nous sous la forme de grandes pancartes concernant des espaces topographiques restreints et étroitement attachés à la genèse de la communauté monastique. Elles constituent un ensemble scriptural uni, cohérent et perpétuel, car l’attente des bénéfices spirituels tirés d’une donation par le bienfaiteur renforce l’emprise de la charte sur l’avenir[52]. Le texte des actes n’a pas fait l’objet d’une décoration particulièrement élaborée, mais les pancartes ont toutes été soigneusement préparées pour la phase de textualisation. Des marges ont même été tracées pour l’écriture de grandes initiales qui distinguent les actes les uns des autres. Bien que les pancartes ne contiennent presque aucune annotation dorsale, leur élaboration relève elle-même d’un processus de classement logique et organisé, au même titre que les cartulaires, ces manuscrits dans lesquels on copiait également des actes « originaux »[53]. Ces observations renforcent l’idée d’un premier temps d’écriture fondé sur la volonté de légitimer la fondation de l’abbaye et l’appropriation par ses moines d’une part du territoire de la région brionnaise mise au service de l’Église[54]. Les logiques scripturaires de ce temps d’écriture répondent ainsi à une triple fonction mémorielle, sociale et spirituelle : l’acte écrit posait les bases du réseau d’amitié des moines, en plus d’inscrire les vivants en relation au divin[55]. Les pancartes agissaient comme vecteur de la mémoire des partenaires – défunts ou vivants – de l’abbaye; elles assuraient même leur présence symbolique parmi les moines[56]. Elles ont aussi permis à ces derniers d’affirmer leur pouvoir seigneurial[57] et leur écriture s’agence plus largement à une dynamique de structuration sociospatiale reposant sur la polarisation de l’espace par l’église abbatiale et son cimetière[58].

     

    Figure 2 : Distribution des archives classées par décennies (XIe-XIIIe siècle)

     

     

    Au XIIIe siècle, on assiste à une diversification des actes et à un net accroissement de la production et de la conservation des actes écrits (voir fig. 2). À cette période, les moines étaient solidement établis dans la région brionnaise et les échanges auxquels ils participaient leur permirent de consolider leur domination. Ils ne faisaient plus qu’accumuler des donations : ils conservaient désormais par écrit la plupart des actions qui structuraient le domaine monastique, en témoignent les nombreux actes de reconnaissances de fiefs enregistrés au cours de cette période à la demande de l’abbé (voir fig. 3)[59]. En contraste avec les documents du XIe siècle, la mise en page des chartes du XIIIe siècle est plus sobre. Le système de réglure est pragmatique; il servait davantage à préparer le parchemin pour la phase de textualisation qu’à en signifier l’autorité[60]. C’est aussi à partir du XIIIe siècle – et peut-être même du XIIe siècle – que l’acte est systématiquement validé par l’apposition d’un sceau (on ne retrouve plus de souscription comme c’était le cas auparavant). La charte a alors acquis un statut autoréférentiel garantissant son efficacité juridique et sociale[61]. Les logiques scripturaires du XIIIe siècle reflètent en ce sens l’évolution de la communauté monastique. Les moines de Saint-Rigaud géraient des terres et les humains qui y étaient attachés et conservaient soigneusement leurs archives, non plus uniquement par souci de mémoire, mais à des fins administratives, de défense ou de revendication[62]. L’apparition régulière des mentions dorsales renforce cette observation : les chartes devaient être facilement identifiables et consultables en cas de litige[63]. L’écrit assumait alors pleinement son rôle d’outil de domination : il fixait le statut des partenaires de l’abbaye et réitérait clairement le rapport de sujétion qui les liait à ses moines[64].

     

    Figure 3 : Distribution des actes de Saint-Rigaud classés selon la nature
    de l’action juridique enregistrée (XIe-XIIIe siècle)

     

     

    Nos recherches n’ont toujours pas permis d’aboutir à une conclusion satisfaisante en regard des lacunes documentaires du XIIe siècle. On sait que l’abbé Étienne et son prieur, Erménaud, quittèrent l’abbaye de Saint-Rigaud – qui était alors indépendante – vers 1088/89 et fondèrent une chapelle placée sous l’autorité de Cluny à l’embouchure de l’estuaire de la Gironde[65]. Ils bénéficièrent d’ailleurs du soutien d’Amat d’Oloron, alors archevêque de Bordeaux, qui entretenait alors des liens d’amitié étroits avec Hugues, abbé de Cluny. Peu de temps avant le départ d’Étienne et Erménaud, on sait, en outre, qu’Amat vint à Marcigny, accompagné d’une dame, sous la recommandation d’Hugues de Cluny. Ces informations ne peuvent expliquées à elles seules les raisons qui poussèrent l’abbé et le prieur de Saint-Rigaud à quitter le Brionnais, mais elles montrent au moins qu’ils furent probablement près – et peut-être même ont-ils été en contact – de l’abbé de Cluny et d’Amat d’Oloron lorsque ce dernier fut de passage au prieuré de Marcigny, tout près de Saint-Rigaud[66]. On ne peut que réitérer le fait que l’on se trouve à cette période devant une absence de donation ou de conservation documentaire[67]. L’accroissement de la production écrite au XIIIe siècle pourrait dès lors être le symptôme d’un moment de restructuration du patrimoine foncier des moines. Le recours à l’archivage se montrerait d’ailleurs plus fréquent au lendemain des moments d’agitations[68] – et ce serait notamment le cas des aveux de fiefs exigés par les seigneurs féodaux afin de renforcer leur pouvoir[69].

     

     

    Conclusion

    Les résultats de l’analyse diplomatique se montrent prometteurs et la prise en compte des modes de pliage des chartes et de leurs notes dorsales nous a permis d’approfondir notre compréhension des fonctions de l’écriture et de mieux saisir l’évolution des pratiques documentaires et archivistiques des moines. La mise en parallèle des résultats présentés ci-haut à l’examen attentif du contenu des chartes apparaît comme la prochaine étape de notre enquête. Les travaux effectués jusqu’à présent nous ont permis de nous familiariser avec la matérialité des chartes, mais il reste à mettre en branle notre seconde démarche analytique afin de brosser un portrait aussi complet que possible des activités administratives, documentaires et sociales des moines de l’abbaye de Saint-Rigaud. Il sera enfin nécessaire de comparer notre corpus aux chartes des autres institutions monastiques du Brionnais pour mieux situer l’évolution des pratiques scripturaires et sociales des moines de Saint-Rigaud dans leur contexte sociohistorique régional.

     

     

    Références

    [1] Marie Camille Ragut, Cartulaire de Saint-Vincent de Mâcon, connu sous le nom de Livre enchaîné, Mâcon, Imprimerie d’Émile Prolat, 1864, p. 4-5, et Archives départementales de Saône-et-Loire, H142/1, 2 et 4.

    [2] Constance B. Bouchard, Sword, Miter, and Cloister. Nobility and the Church in Burgundy, 980-1198, Ithaca, Cornell University Press, 2009 (1987), p. 116-117.

    [3] Ibid., p. 110-111.

    [4] Ainsi Bernard Bligny, L’Église et les ordres religieux dans le royaume de Bourgogne aux XIe et XIIe siècles, Paris, Presses Universitaires de France, 1960, p. 170, le remarquait-il déjà en 1960, affirmant que la présence des moines « au monde séculier était même d’autant plus paradoxalement active que, loin d’être recherchée pour elle-même, elle n’était que l’indirecte conséquence de leur engagement spirituel, de leur présence à Dieu ».

    [5] Constance B. Bouchard, op. cit., p. 131.

    [6] Ainsi en témoignent les travaux importants de Georges Duby, La société aux XIe et XIIe siècles dans la région mâconnaise, Paris, Armand Colin, 1953, 688 p., Barbara Rosenwein, To be the Neighbor of Saint Peter. The Social Meaning of Cluny’s Property, 909-1049, Ithaca, Cornell University Press, 1989, 280 p., et Didier Méhu, Paix et communautés autour de l’abbaye de Cluny (Xe-XVe siècle), Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2010 (2001), 636 p.

    [7] Benoît-Michel Tock, « Chartes et pouvoir au Moyen Âge », Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre, vol. 9, 2005, https://journals-openedition-org.acces.bibl.ulaval.ca/cem/747.

    [8] Beate Wagner-Hasel, « Egoistic Exchange and Altruistic Gift: On the Roots of Marcel Mauss’ Theory of the Gift », dans Gadi Algazi, Valentin Groebner et Bernhard Jussen (dir.), Negotiating the Gift. Pre-Modern Figurations of Exchange, Göttingen, Vandenhoeck & Ruprecht, 2003, p. 152.

    [9] Eliana Magnani, « Les médiévistes et le don. Avant et après la théorie maussienne », Revue du MAUSS, vol. 1, n° 31, 2008, p. 537.

    [10] Voir : Marcel Mauss, « Essai sur le don. Forme et raison de l’échange dans les sociétés archaïques », L’Année sociologique, seconde série, t. I, 1925, p. 30-186.

    [11] Constance B. Bouchard, op. cit., p. 217-220, et Barbara Rosenwein, op. cit., p. 132.

    [12] Selon la définition qu’en proposent Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke et Benoît-Michel Tock, Diplomatique médiévale, Turnhout, Brepols, 1993, p. 25.

    [13] Pierre Chastang, « Cartulaires, cartularisation et scripturalité médiévale », Cahiers de civilisation médiévale, vol. 49, n° 193, 2006, p. 23-25.

    [14] Pierre Chastang, « L’archéologie du texte médiéval : Autour de travaux récents sur l’écrit au Moyen Âge », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 63, n° 2, 2008, p. 256, et Brigitte M. Bedos-Rezak, When Ego Was Imago. Signs of Identity in the Middle Ages, Leiden/Boston, Brill, 2011, p. 22.

    [15] Joseph Morsel, « Ce qu’écrire veut dire au Moyen Âge… Observations préliminaires à une étude de la scripturalité médiévale », Memini. Travaux et documents, Société des études médiévales du Québec, n° 4, 2000, p. 32-34.

    [16] Voir à ce sujet l’ouvrage déjà cité de Brigitte M. Bedos-Rezak, op. cit.

    [17] Comme l’explique Joseph Morsel, « Du texte aux archives : le problème de la source », Bulletin du centre d’études médiévales d’Auxerre, Hors-série n° 2, 2008, https://journals-openedition-org.acces.bibl.ulaval.ca/cem/4132.

    [18] Joseph Morsel, « Ce qu’écrire veut dire… », p. 9-10.

    [19] Michel Lauwers, La mémoire des ancêtres, le souci des morts : morts, rites et société au Moyen Âge (diocèse de Liège, XIe-XIIIe siècles), Paris, Beauchesne, 1997, p. 173.

    [20] Dominique Iogna-Prat, Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’islam (1000-1150), Paris, Flammarion, 2000 (1998), p. 98-99.

    [21] Michel Parisse, « Les pancartes. Étude d’un type d’acte diplomatique », dans Michel Parisse, Pierre Pégeot et Benoît-Michel Tock (dir.), Pancartes monastiques des XIe et XIIe siècles, Turnhout, Brepols, 1998, p. 26.

    [22] Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke et Benoît-Michel Tock, op. cit., p. 25.

    [23] Paul Bertrand, Les écritures ordinaires. Sociologie d’un temps de révolution documentaire (1250-1350), Paris, Publications de la Sorbonne, 2015, p. 13, et Sébastien Fray, « L’exploitation de sources hagiographiques en histoire sociale du haut Moyen Âge », Cahiers d’histoire, vol. 34, 2018, p. 67.

    [24] Sébastien Fray, loc. cit., p. 87-88. L’auteur recommande à juste titre de croiser les sources hagiographiques aux chartes témoignant des mêmes événements; cela n’est pas dire que les chartes sont toujours fiables, mais plutôt que leur contenu révèle une version des faits moins voilée que ce que l’on pourrait trouver dans des récits hagiographiques. Il est vrai, toutefois, que les chartes doivent être envisagées avec prudence, car leur discours est construit et relève des conceptions ecclésiastiques de la société médiévale.

    [25] Paul Bertrand, op. cit., p. 368-370.

    [26] Joseph Morsel, « Les sources sont-elles le « pain de l’historien »? », Hypothèses. Travaux de l’École doctorale d’histoire de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2003, p. 281-283.

    [27] Anatole De Charmasse, Cartulaire de l’Évêché d’Autun connu sous le nom de cartulaire rouge publié d’après un manuscrit du XIIIe siècle, suivi d’une carte et d’un pouillé de l’ancien diocèse d’Autun d’après un manuscrit du XIVe siècle, Paris, Durand et Pédone-Lauriel, 1880, p. 156-157 et p. 273-274.

    [28] Marie Camille Ragut, op. cit., p. 3-5 et 315-316.

    [29] Auguste Bernard et Alexandre Bruel, Recueil des chartes de l’abbaye de Cluny, Paris, Imprimerie nationale, 1876-1903, 6 vols.

    [30] François Cucherat, « Abbaye de Saint-Rigaud, dans l’ancien diocèse de Mâcon; ses premiers temps, son esprit, sa fin, ses abbés », Annales de l’Académie de Mâcon, tome II, 1853, p. 9-76.

    [31] Raymond Oursel, « Un grand dessein meurtri : l’Abbaye St-Rigaud d’Avaize », Mémoires de la Société Éduenne, vol. 51, n° 2, 1967, p. 111-131, Id., « Titres de l’Abbaye Saint-Rigaud d’Avaize », Annales de l’Académie de Mâcon, série 3, tome 51, 1972, p. 21-31, François Jal, « L’abbaye de Saint-Rigaud : une expérience de cénobitisme érémitique face à l’extension clunisienne dans le brionnais », Histoire médiévale et archéologie, n° 8, 1997, p. 61-97, et Id., « L’abbaye de Saint-Rigaud et le Brionnais de 1050 à 1180 », dans Nicolas Reveyron, Michel Rocher et Marie-Thérèse Engel (dir.), Paray-le-Monial, Brionnais-Charolais. Le renouveau des études romanes en Bourgogne du Sud, IIe colloque international de Paray-le-Monial, Paris, Desclée de Brouwer, 2000, p. 153-162.

    [32] Anelise Nicolier, « La construction d’un paysage monumental religieux en Brionnais à l’époque romane », Thèse de doctorat, Lyon, Université Lumière 2, 2015, 3 t.

    [33] Paul Bertrand, « À propos de la révolution de l’écrit (Xe-XIIIe siècle). Considérations inactuelles », Médiévales, n° 56, 2009, p. 91, et Michael T. Clanchy, From Memory to Written Record: England 1066-1307, Oxford, Wiley-Blackwell, 2013 (1979), p. 329.

    [34] C’est la thèse défendue par Barbara Rosenwein, op. cit., p. 132-143, selon laquelle les transactions entre moines et laïcs consolidaient et renouvelaient périodiquement les liens d’amitié qui unissaient ces deux groupes.

    [35] Didier Méhu, op. cit., p. 9, reproche d’ailleurs à juste titre à Barbara Rosenwein d’avoir omis ces remarques.

    [36] Maria Milagros Cárcel Ortí (dir.), Vocabulaire international de la diplomatique, Valencia, Conselleria de Cultura, 1994, p. 21.

    [37] Olivier Guyotjeannin, Jacques Pycke et Benoît-Michel Tock, op. cit., p. 63-102.

    [38] Comme l’expriment les différentes contributions réunies dans Benoît-Michel Tock et Marie-Josée Gasse-Grandjean (dir.), Les actes comme expression du pouvoir au haut Moyen Âge, Turnhout, Brepols, 2003, 240 p.

    [39] Paul Bertrand, op. cit., p. 151-152.

    [40] Au sujet des types d’écritures médiévales et de leur évolution, voir Jacques Stiennon et Geneviève Hasenohr, Paléographie du Moyen Âge, Paris, Armand Colin, 1973, p. 110-130.

    [41] Voir : Benoît-Michel Tock et Marie-Josée Gasse-Grandjean (dir.), op. cit.

    [42] Brigitte M. Bedos-Rezak, op. cit., p. 26-31.

    [43] Paul Bertrand, « De l’art de plier les chartes en quatre. Pour une étude des pliages de chartes médiévales à des fins de conservation et de classement », Gazette du livre médiéval, n° 40, 2002, p. 33.

    [44] Jacques Stiennon, « Considérations générales sur la bibliothéconomie et l’archivistique médiévales », Scriptorium, t. 50, n° 2, 1996, p. 229, et Sébastien Barret, La mémoire et l’écrit : l’abbaye de Cluny et ses archives (10e-18e siècle), Münster, LIT, 2004, p. 15.

    [45] Paul Bertrand, « De l’art de plier les chartes… », p. 25-26.

    [46] À propos des difficultés liées à l’interprétation des correspondances entre pliages et annotations dorsales, voir Sébastien Barret, op. cit., p. 124-126.

    [47] Jacques Stiennon, loc. cit., p. 234.

    [48] Eliana Magnani, loc cit., p. 538.

    [49] Anita Guerreau-Jalabert, « Caritas y don en la sociedad medieval occidental », Hispania, vol. 60, n° 204, 2000, p. 34-38, et Eliana Magnani, loc. cit., p. 540.

    [50] Michel Lauwers, op. cit., p. 173.

    [51] Les conceptions clunisiennes de la communauté chrétienne ont été minutieusement examinées par Dominique Iogna-Prat, op. cit., voir surtout les p. 44-91 où l’auteur traite du « système ecclésial clunisien ».

    [52] Joseph Morsel, « Du texte aux archives… », Brigitte M. Bedos-Rezak, op. cit., p. 54, et Id., « S’inscrire dans le temps. Les chartes et l’éternité (IXe-XIIIe siècle) », Memini. Travaux et documents, Société des études médiévales du Québec, n° 19-20, 2016, https://journals-openedition-org.acces.bibl.ulaval.ca/memini/840.

    [53] Michel Parisse, « Écriture et réécriture des chartes : les pancartes aux XIe et XIIe siècles », Bibliothèque de l’École des chartes, vol. 155, n° 1, p. 260, et Emmanuel Poulle, « Classement et cotation des chartriers au Moyen Âge », Scriptorium, t. 50, n° 2, 1996, p. 349.

    [54] Nicolas Perreaux, « L’écriture du monde (I). Les chartes et les édifices comme vecteurs de la dynamique sociale dans l’Europe médiévale (VIIe-milieu du XIVe siècle) », Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre, vol. 19, n° 2, 2015, https://journals.openedition.org/cem/14264, et Laurent Feller, Richesse, terre et valeur dans l’Occident médiéval. Économie politique et économie chrétienne. Turnhout, Brepols, 2021, p. 122.

    [55] Michel Lauwers, op. cit., p. 191 et suiv., et Laurent Feller, op. cit., p. 129.

    [56] Ibid., p. 186-187.

    [57] L’abbaye de Saint-Rigaud se situait même très près de la zone d’influence de la puissante abbaye de Cluny. Voir à ce sujet la thèse de Didier Méhu, op. cit.

    [58] Nicolas Perreaux, loc. cit., et Id., « L’écriture du monde (II). L’écriture comme facteur de régionalisation et de spiritualisation du mundus : études lexicales et sémantiques », Bulletin du Centre d’études médiévales d’Auxerre, vol. 20, n° 1, 2016, https://journals.openedition.org/cem/14452. C’est donc dire, suivant Nicolas Perreaux, que les fondations d’églises et de communautés monastiques s’articulaient à la production des chartes. Autrement dit, on écrivait lorsqu’on construisait, et réciproquement.

    [59] Laurent Morelle, « Instrumentation et travail de l’acte : quelques réflexions sur l’écrit diplomatique en milieu monastique au XIe siècle », Médiévales, vol. 56, 2009, p. 52, et Thierry Pécout, « Les actes provençaux des XIIIe -XIVe siècles : une source pour l’histoire du pouvoir seigneurial », dans Claude Carozzi et Huguette Taviani-Carozzi (dir.), Le médiéviste devant ses sources. Questions et méthodes, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2004, https://books-openedition-org.acces.bibl.ulaval.ca/pup/6545.

    [60] Paul Bertrand, op. cit., p. 156.

    [61] « In becoming a necessity for the operation of trust and credibility, the authentic charter replaced a structure of society in which the reliability of the written word and that of its contextual social organization more actively reinforced one another. In being axiomatically credible, the authentic charter became normative. The circumstances for its efficacy no longer required an integrated community remembering the forms of actions of particular groups. Rather, the charter narrated specific circumstances in the formulaic terms of general truth » (Brigitte M. Bedos-Rezak, op. cit., p. 32).

    [62] Laurent Morelle, loc. cit., p. 43.

    [63] Comme l’a remarqué Jacques Stiennon, loc. cit., p. 233 pour l’abbaye bénédictine de Saint-Jacques, il est fort probable qu’en raison de la faible quantité de leurs archives, les moines n’aient tout simplement pas ressenti le besoin d’adopter un mode de classement archivistique extrêmement élaboré.

    [64] Thierry Pécout, loc. cit., https://books-openedition-org.acces.bibl.ulaval.ca/pup/6545, et Harmony Dewez, « Introduction », dans Harmony Dewez et Lucie Tryoen (dir.), Administrer par l’écrit au Moyen Âge (XIIe-XVe siècle), Paris, Éditions de la Sorbonne, 2019, https://books-openedition-org.acces.bibl.ulaval.ca/psorbonne/54467.

    [65] Auguste Bernard et Alexandre Bruel, op. cit., vol. 4, 1888, p. 801-803.

    [66] On tire ces informations de l’ouvrage magistral de Dominique Iogna-Prat, op. cit., p. 47-48.

    [67] La thèse intéressante, mais pas entièrement convaincante, d’un « schisme » entre les moines de Saint-Rigaud à propos du rattachement de leur ordre à celui de Cluny est défendue par Raymond Oursel, « Titres de l’abbaye… », p. 72, et en partie reprise par François Jal, « L’abbaye de Saint-Rigaud : une expérience de cénobitisme érémitique… », p. 83.

    [68] Laurent Morelle, loc. cit., p. 52.

    [69] Jean-François Nieus, « Et hoc per mes litteras significo. Les débuts de la diplomatique féodale dans le nord de la France (fin XIIe-milieu XIIIe siècle », dans Jean-François Nieus (dir.), Le vassal, le fief et l’écrit. Pratiques d’écriture et enjeux documentaires dans le champ de la féodalité (XIe-XVe s.), Louvain-la-Neuve, Publications de l’Institut d’études médiévales, 2007, p. 86.